Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Théologie de la vie religieuse

Bulletin bibliographique

Léon Renwart, s.j.

N°1979-1 Janvier 1979

| P. 49-60 |

Un classement a presque toujours une certaine part d’arbitraire, mais l’on ne peut sans fin hésiter à la recherche du plan le meilleur. Pour présenter cette année la vingtaine d’ouvrages que les éditeurs ont eu l’amabilité de nous envoyer, nous avons finalement opté pour l’ordre suivant : d’abord, une série d’ouvrages de doctrine, en français et en d’autres langues, sur le projet religieux dans son ensemble ou sous l’un de ses aspects ; ensuite les travaux d’érudition ou d’information ; enfin, des rééditions et traductions et des livres se rattachant à la vie religieuse par un aspect ou un autre.

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I

En janvier 1978, plus de mille responsables des Congrégations religieuses féminines françaises se réunirent à Versailles pour réfléchir ensemble sur la manière dont les communautés doivent se situer dans le monde actuel pour y remplir leur rôle providentiel. Le P. Tillard avait été invité à fournir la base théologique de cette réflexion. Appel du Christ... appels du monde [1] nous donne le texte de ses conférences. Elles sont précédées d’un chapitre (paru dans Vie consacrée, 1977, 259-279), où l’auteur décrit les nouvelles insertions des religieux et religieuses dans le monde du travail. Ces pages mettent bien en lumière le problème auquel le Congrès s’est efforcé de trouver une réponse sous la direction du Père Tillard : celui-ci orienta théologiquement la recherche en deux temps : religieux et religieuses sont dans le monde, avec tous les dangers qu’il recèle et les risques que cela implique pour la vocation, et cependant ils ne sont pas du monde, car c’est devant Dieu qu’ils s’engagent, tel est le premier temps. Le second les invite à prendre conscience que ce qu’ils apportent au monde, c’est l’Évangile, qui révèle en Jésus la préférence de Dieu pour les pauvres et montre en elle l’espérance d’un salut qui s’étend aussi aux riches, qui ont besoin, eux aussi, de se voir annoncer la béatitude des pauvres et d’en vivre. – On sera heureux de posséder, dans cette brochure, le texte de ces exposés riches et denses et d’avoir ainsi un moyen facile d’en approfondir et d’en assimiler la doctrine.

Reprise, légèrement retouchée, d’une série d’articles parus en 1977 dans la revue Temps et Paroles, Chrétiens à la recherche de leur identité [2] analyse les enjeux du moment actuel et s’efforce d’identifier les tâches à entreprendre à la lumière d’un cas-type : le monde des religieux. Est-il question pour eux de survivre ou de renaître et, dans ce cas, quelle est la vraie question qui leur est posée aujourd’hui ? Puisqu’il n’existe pas de « modèle déposé », on doit se demander si la vie religieuse importe à la vérité de l’homme ; l’on découvre alors que les religieux, eux aussi, n’en finissent pas de devenir chrétiens dans une Église toujours sur le chemin de l’exode. Dans ces pages au style vigoureux, nous avons particulièrement aimé le rejet de tout élitisme, la présentation des religieux et des laïcs comme répondant à deux appels complémentaires à l’intérieur de l’unique vocation chrétienne à la perfection et l’affirmation très claire que le témoignage est toujours donné par surcroît, comme le fruit spontané d’une vie authentique. Avec l’auteur enfin, nous croirions volontiers que la vie religieuse (et la vie chrétienne tout court) ne survivra que si nous réussissons notre passage au stade des « vertébrés », de ceux qui, cessant de se contenter d’être protégés par une carapace (les règles, etc.), accepteront de Dieu « l’épine dorsale » d’une foi adulte, capable de prendre ses responsabilités (fût-ce dans l’obéissance la plus entière).

L’origine de Consider Your Call [3] remonte à l’ordre donné par Vatican II aux instituts religieux de se renouveler en tenant compte de leurs origines, de leur charisme et des circonstances actuelles. La Congrégation bénédictine anglaise s’étant mise au travail, on s’aperçut rapidement que, pour assurer une meilleure révision des Constitutions, il fallait d’abord pousser pour elle-même la recherche théologique sur la nature de la vie monastique bénédictine et sa place dans le monde d’aujourd’hui. C’est le fruit de ce travail que nous donnent ces pages. Une première partie, relativement brève, situe le monachisme par rapport au monde actuel, à l’Église, à son mystère et au rôle qu’elle doit jouer dans notre monde.

La seconde partie, qui occupe les 9/10 de l’ouvrage, étudie les divers aspects de la vie monastique bénédictine : la Règle, la communauté et ses éléments constitutifs (on y trouve, entre autres, une présentation du rôle de l’Abbé et une étude des engagements du moine : stabilité, « conversion des mœurs » et vœux, que la tradition ultérieure a détaillés en chasteté, obéissance et pauvreté) ; la parole de Dieu (dans l’Eucharistie, l’« opus Dei », la « lectio divina », la prière personnelle ou partagée) ; viennent ensuite une série de brefs chapitres sur le travail, la place de la prêtrise dans une vocation monastique, l’hospitalité, l’autonomie enfin des monastères.

Ce qui caractérise ces études, fruits de nombreuses recherches, c’est leur solidité, leur ancrage dans une tradition intelligemment comprise et leur ouverture aux problèmes modernes, présentés avec beaucoup de clairvoyance. Par-dessus tout, on y trouve cette qualité typiquement anglaise (et bien bénédictine, aussi) : une certaine sérénité devant des problèmes dont on sait qu’ils sont réels, difficiles parfois, mais solubles avec la grâce de Dieu, dans la mesure de nos faibles forces et non sans défaillances prévisibles (qu’on admet tout en s’efforçant de les éviter). Une exacte appréciation de la valeur de plus d’une remarque supposerait l’expérience de la vie bénédictine, qui nous fait défaut Nous avouons cependant avoir particulièrement apprécié les pages sur le discernement, la présentation nuancée du rôle de l’Abbé comme tenant la place du Christ, et aussi ces réflexions jetées çà et là, comme en passant, mais qui ouvrent de larges horizons, par exemple : « Il y a plus de vérité à voir dans les vœux un don que l’on accepte plutôt que des obligations que l’on prend sur soi ». Par contre, malgré de fort bonnes notations sur le célibat consacré, nous serions moins d’accord avec les lignes suivantes : « Les amitiés avec des personnes de l’autre sexe ont une telle signification qu’il est difficile de croire qu’un célibat adulte soit souvent achevé sans leur secours. L’association, la collaboration, l’échange d’idées et l’amitié entre hommes et femmes font partie du plan du Créateur et devraient ne pas être exclues par le célibat » (p. 185). L’enrichissement, indéniable, que peut donner pareille amitié ne nous paraît pas pouvoir servir de norme première (sinon, pourquoi renoncer au mariage, lui aussi source d’enrichissement profond selon le plan du Créateur ?). Le critère décisif ne doit-il pas être cherché dans l’appel que Dieu nous a adressé ? Si notre engagement consacre au Seigneur notre cœur plus encore que notre corps, quels renoncements à des choses excellentes exige-t-il de nous pour qu’il n’y ait pas de « rapine dans l’holocauste » ?

Fin 1975, la VIIe Commission du Synode des Évêques allemands clôturait sa dernière réunion par le mot d’ordre : « Le synode se termine, le synode continue ». Nachfolge als Zeichen [4], paru trois ans après cette déclaration, en est la meilleure preuve. Le rapport synodal sur « Ordres, Congrégations et autres communautés de vie spirituelle » (qui reprenait en le complétant le projet publiée sous le même titre dans Vie consacrée, 1975, 257-275) y est étudié point par point de façon méthodique : la citation d’un ou de plusieurs paragraphes est suivie de remarques (généralement anonymes) qui en précisent le sens et en marquent la portée ; puis les thèmes contenus dans ces passages font l’objet d’une ou plusieurs études confiées à des spécialistes. Parmi eux, outre de nombreux religieux et religieuses, on trouve un laïc, un pasteur protestant, membre d’une communauté évangélique, une psychologue, des membres d’instituts séculiers ou d’autres groupements de vie spirituelle (une intéressante contribution de H. Heinz, Focolare, fournit bon nombre de renseignements sur ceux-ci). Relevons encore, sans que ceci ait la moindre prétention à être un palmarès, quelques idées qui nous ont frappé à la lecture de ces pages. De même que le texte synodal, plusieurs contributions marquent nettement que l’Évangile est adressé à tous les chrétiens : ce n’est qu’à l’intérieur de cet appel à la perfection, commun à tous, que les communautés se situent. A propos de la clôture des Ordres purement contemplatifs, on relève qu’une activité extérieure à laquelle on se consacre ne répond pas à l’appel à une vie rigoureusement contemplative, pas plus pour les hommes que pour les femmes, mais on se demande aussi si l’accent mis sur les problèmes de la clôture (encore fort strictement imposée en plusieurs endroits) n’aide pas à masquer celui que posent d’autres manières de faire qui empêchent la vie contemplative d’être le signe parlant souhaité par le Synode : il est fait allusion ici, entre autres, aux règles sur le silence, sur les moyens d’information mis à la disposition des sœurs, à la pratique de l’obéissance et de l’autorité. Le Pasteur J. Halkenhaüser, de la communauté de Casteller Ring, nous parle de la redécouverte de cette dimension évangélique par les Églises de la Réforme et de l’accueil, par ces mêmes groupes, du texte synodal et de ses orientations fondamentales. Un remarquable résumé de celles-ci nous est donné p. 108. – Il est impossible de tout citer ; on ne peut que reprendre la parole qu’entendit Augustin : « Toile, lege ; prenez ce livre, lisez-le, méditez-le ».

La traduction Vers un nouveau droit des Instituts de vie consacrée [5], du livre du P. Jean Beyer, s.j., met à la disposition des lecteurs de langue française un document important pour l’intelligence du projet de droit canon qui se prépare pour ces Instituts, car le P. Beyer, c’est bien connu, fut l’un des grands artisans de ce texte. Une introduction précise comment s’est fait le travail et quels sont les principes qui l’ont dirigé. Puis, suivant en cela l’ordre du Schéma, le P. Beyer étudie dans une première partie les dispositions communes à tous les instituts de vie consacrée : constitution, dépendance de l’autorité ecclésiastique, gouvernement, biens temporels, admission, obligations à l’intérieur de l’institut, séparation d’avec celui-ci. La seconde partie du livre est consacrée au droit spécial des divers genres d’instituts : instituts religieux (monastiques ou voués aux œuvres apostoliques), instituts de « vie apostolique consociée » (jadis « sociétés de vie commune ») et instituts séculiers. L’ouvrage se termine par quelques réflexions de l’auteur sur le projet, son plan, les améliorations possibles, les questions majeures touchées par le nouveau texte.

C’est ici surtout que l’on regrette que l’édition qu’on nous offre ne soit que la traduction du texte italien paru au début de 1976, avant que la plupart des réactions au Schéma aient pu se faire jour. Vu la place occupée par le P. Beyer dans la rédaction de celui-ci, on eût aimé connaître ses réponses, car plusieurs de ces interventions ont attiré l’attention sur des points d’une certaine importance. Le P. Lucas Gutierez, c.m.f., par exemple [6], s’est demandé s’il ne faudrait pas opter plus franchement pour un « Statut de l’état de consacré dans l’Église » : le Code de droit canonique de 1917 était un ensemble de normes par lesquelles la hiérarchie réglait la manière d’être et d’agir des religieux dans l’Église ; un « Statut » serait la reconnaissance par la hiérarchie (dont c’est le rôle irremplaçable) de cette réalité de vie que le Saint-Esprit suscite par le moyen des fondateurs et de la mission ecclésiale qui en découle. On a souligné de même que les méthodes mises en œuvre avaient sous-estimé la capacité de dire leur mot des religieuses d’une part (qui constituent les cinq sixièmes du monde des religieux), des Églises d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et d’Océanie d’autre part. Pour autant que nous ayons eu des échos, forcément réduits, sur les réponses envoyées à Rome à propos du Schéma, nous avons pu nous convaincre du bien-fondé de ce reproche. Les religieuses notamment, et très spécialement les moniales (trop souvent encore couvertes d’éloges, mais privées du droit à la parole [7]) ont fait preuve, dans ces textes, d’un sens profond de leur vocation et de ses austères exigences ; elles les ont traduites dans des énoncés aussi remarquables par leur densité que par les accents nouveaux dont elles enrichissaient la doctrine pensée par des hommes. Le dernier Synode des Évêques a beaucoup insisté sur l’importance de l’inculturation. Ne faut-il pas reconnaître que celle-ci est une nécessité qui s’impose bien au-delà de la catéchèse ? Et ne peut-on espérer que, dans la refonte du droit de l’Église, les instances responsables nous donneront en quelque sorte un modèle « du respect des expressions culturelles différentes de (la) foi comme faisant partie du dialogue continuel entre la Parole de Dieu et les hommes qu’il a créés dans une si riche diversité [8] » : hommes et femmes, Européens, Asiates, Africains, Américains du Nord et du Sud, etc. ? Ce serait magnifique, car les exemples entraînent bien mieux que les paroles.

Vie religieuse : demain [9] reproduit les actes de la troisième rencontre inter-américaine des religieux, qui réunit durant une semaine, à la fin de 1977, les dirigeants des conférences religieuses de l’Amérique latine (CLAR), des États-Unis (LCWR et CMSM) et du Canada (CRC). Le dossier débute par les documents préalables élaborés par chacune de ces conférences et transmis aux autres groupements invités en préparation à la réunion. Viennent ensuite les allocutions de bienvenue (celle du P. Arrupe a été reprise dans Vie consacrée, 1978, 69-80), puis la conférence du P. Tillard, « Dieu est du côté des pauvres » (reproduite ibid., 81-93). Chacune des Unions présenta ensuite les documents qu’elle avait préparés sur la situation actuelle de la vie religieuse dans son secteur ; ceux-ci furent examinés en ateliers ; on nous donne l’essentiel de leurs réactions et la synthèse du travail par le représentant de l’Union concernée. Le même procédé est ensuite appliqué aux projets pour demain et aux conclusions qui servent d’envoi au document. Le Cardinal Pironio participait à ces journées ; en deux interventions chaleureuses et fort remarquées, il rappela aux participants l’essentiel de leur vocation et l’espérance qui doit animer la vie religieuse. – Ce bel ensemble témoigne de la vitalité renouvelée de la vie consacrée dans les Amériques ; l’éclairage qu’il apporte sur les problèmes qui se posent, les essais de solution et les pistes de recherche qu’il indique présentent un grand intérêt pour d’autres pays aussi.

La part des moines [10], recueil rédigé à la suite de la rencontre monastique des abbés bénédictins et cisterciens de novembre 1976, nous renseigne sur les transformations fécondes réalisées chez eux depuis l’après-concile. Après une présentation (P. Miquel) et un bref historique de la situation des monastères (G.-M. Oury), R. Gazeau dresse la liste des contributions monastiques aux grandes entreprises intellectuelles du XXe siècle. Viennent ensuite des monographies centrées sur la formation et les études dans la Congrégation de Solesmes (J. de Préville et P. Lemaire), à Saint-Benoît-sur-Loire (M. Leblanc), à La Pierre-Qui-Vire (M. Collin) et dans les monastères cisterciens de France (H. Briand). Nous avons spécialement apprécié, pour son réalisme et sa simplicité, le texte de La Pierre-Qui-Vire. Dans une Postface, G. Martelet, s.j., se demande si le problème essentiel ici soulevé « ne serait pas tant de théologie que d’anthropologie monastique ». Oserions-nous modestement avancer que l’apport spécifique des moines en ce domaine est bien d’ordre théologique : leur mission est de nous rappeler « la théologie de Dieu » (pour reprendre, après H. Zarnt, ce pléonasme devenu nécessaire), d’un Dieu dont on scrute le mystère pour en vivre. Et ceci entraîne toute une anthropologie, comme le note justement le P. Martelet.

Dans Secolarità consacrata oggi [11], Pietro Schinetti a voulu célébrer à sa façon le trentième anniversaire de Provida mater (1947), le premier document qui donna la reconnaissance officielle de l’Église à cette forme de vie consacrée. S’il se place avant tout à un niveau pastoral, ce n’est pas aux dépens d’une sérieuse réflexion théologique. C’est évidemment en Jésus de Nazareth (pas en Jésus à Nazareth, note-t-il) qu’il voit à bon droit le modèle de la sécularité consacrée (expression qu’il préfère à celle de consécration séculière). Ceci l’amène à mettre en lumière la valeur rédemptrice de l’incarnation, puis à étudier, dans le chapitre sans doute le plus original de son travail, ce qu’il appelle la « spiritualité professionnelle » : celle-ci est fondée sur la dignité humaine du travail, qui ne prend toutefois son sens vrai qu’à la lumière du Christ et du salut qu’il nous apporte. Il y a là, croyons-nous, une intéressante ligne de recherche pour une « théologie des réalités humaines », qui est au fondement du sens chrétien de l’activité séculière. En prolongeant certaines réflexions de l’auteur, on sera sans doute amené à reconnaître que Jésus s’est fait homme pour réaliser, malgré le péché, l’unique plan de Dieu dès les débuts de la création : faire de nous ses fils dans son Fils unique incarné. A cette lumière, les réalités terrestres révèlent à la fois leur dignité (Jésus s’est fait homme et le reste pour toujours) et leur ambiguïté (nécessité donc de la rédemption) : c’est bien le monde voulu par lui dès l’origine que Dieu nous demande de mener à un terme qui transcende, en les purifiant sans les détruire, les richesses de notre univers.

Le Livre de vie monastique [12] connaît sa troisième édition. Nous avons dit, il y a quatre ans, dans cette même Chronique, tout l’intérêt de ces pages, remarquables par leur simplicité, leur équilibre et leur profondeur. Cette nouvelle édition, fruit de l’expérience qui continue, a été largement remaniée et accrue de plusieurs chapitres. La préface nous dit qu’elle se montre « plus attentive à l’insertion des moines et de la doctrine spirituelle du monachisme dans la vie intime du peuple de Dieu ». Raison de plus de recommander ce livre.

II

Dans un monde où les publications deviennent de plus en plus nombreuses et variées, les instruments d’information représentent une aide indispensable. C’est dire toute l’utilité de recueils tels que la Bibliographia Internationale Spiritualitatis [13], dont nous présentons aujourd’hui le neuvième volume. La vie consacrée y figure explicitement pour plus de 500 entrées (en deux groupes à peu près égaux : vie spirituelle, histoire de la spiritualité), mais il y a beaucoup à glaner pour elle dans les 8.000 notices de ce volume, dont les nombreuses subdivisions englobent toute la spiritualité chrétienne et s’ouvrent également, de façon encore modeste, sur les courants non chrétiens. Petite remarque : dans la liste des sigles, celui de notre revue, pourtant citée à plusieurs reprises dans le corps de l’ouvrage, a sauté, suite sans doute à une erreur typographique. – Souhaitons bonne continuation à cette entreprise si utile et menée avec une belle persévérance.

En refermant les deux gros volumes que Marie-Thérèse Lacroix, r.s.a., consacre à L’Hôpital Saint-Nicolas du Braille (Saint-André) à Tournai [14], on songe à les qualifier de « travail de bénédictin » accompli par une Sœur de Saint-André. Il est vrai que ce genre de travaux ne fait pas spontanément penser aux fouilles archéologiques, que l’auteur mena aussi de main de maître. Que l’on juge du problème : une Congrégation, la seule fondation tournaisienne du XIIIe siècle qui y subsiste encore aujourd’hui, essaie de se pencher sur son passé alors que les guerres ont presque totalement détruit les archives de l’Institut, celles de Tournai, paroisse et ville, et celles de l’État à Mons. C’était une gageure, elle fut tenue avec succès. Qu’il s’agisse de suivre à la trace un précieux manuscrit, les Estatus des seurs de Tournay, de l’étudier et de le situer dans l’ensemble des documents sur le mouvement hospitalier à cette époque, de dépouiller les documents nécrologiques et ce qui a échappé au feu dans les archives de l’Institut ou à Mons et Tournai, d’utiliser les travaux de ses devanciers (monographies, études, inventaires) ou de descendre sur le terrain pour participer aux fouilles archéologiques, Marie-Thérèse Lacroix fait preuve de qualités éminentes : celles-ci lui ont valu le Doctorat en histoire de la civilisation médiévale. Avec beaucoup de finesse, elle sait mettre en lumière les moindres indices, sans leur faire dire toutefois plus qu’ils ne peuvent. En parcourant ces pages, c’est toute l’évolution d’une institution que l’on voit revivre. Une première époque, surtout hospitalière, est déjà marquée par les adaptations successives aux besoins des temps : au XIIIe siècle, on accueille pour une nuitée les pauvres qui se présentent ; le XIVe voit la fonction hospitalière se préciser, avec l’hébergement de malades à demeure dans des bâtiments qui leur sont réservés. Au XVe siècle, on réfléchit sur ce qui se vit : la spiritualité s’approfondit, l’accueil s’oriente de plus en plus vers les infirmes âgées. Au XVIe siècle, la vie conventuelle reste au service de l’activité hospitalière, mais s’amorce déjà le mouvement qui, au début du siècle suivant, amènera à l’abandon du soin des malades au profit de la vie contemplative. Ici s’arrête cet ouvrage, mais l’auteur nous laisse espérer deux autres volumes : de 1611 à la révolution française, de celle-ci à nos jours. On ne peut que souhaiter que se réalise un projet, qui nous montrera, comme le font les pages actuelles, qu’à travers les mutations successives son Institut est toujours resté voué à une même fidélité : l’ouverture à l’aujourd’hui de Dieu.

Alors que les communautés féminines tiennent une large place dans l’histoire du Canada, la recherche historique ne leur a, jusqu’ici, accordé qu’une attention fragmentaire. C’est à combler en partie cette lacune que Sœur Marguerite Jean, s.c.i.m., a consacré son beau travail Évolution des communautés religieuses de femmes au Canada de 1639 à nos jours [15]. Basé sur la documentation recueillie dans soixante-six communautés, cet ouvrage étudie d’abord le développement historique des instituts sous le régime français (1639-1760), sous le régime anglais (1760-1867) et depuis l’organisation confédérative. Une seconde partie est consacrée au développement juridique durant ces trois mêmes périodes. Cette recherche fait ressortir les divers facteurs qui ont joué dans la fondation des instituts, leur multiplication à certaines périodes (soit pour répondre à des besoins nouveaux, soit en vertu de poussées nationalistes) et dans leur gouvernement (influence du roi de France, rôle des évêques avant la législation sur les instituts à vœux simples, conséquences de celle-ci à l’intérieur des instituts et dans leurs rapports avec l’extérieur, impact enfin de la rénovation demandée par Vatican II). Remercions Sœur Marguerite Jean pour son patient labeur (qui s’est étendu à plusieurs fonds d’archives en dehors de celles des congrégations étudiées) et pour la mine de renseignements qu’elle met ainsi à la disposition non seulement des chercheurs, mais encore de tous ceux et celles qui souhaitent mieux connaître leurs origines et s’en inspirer pour vivre aujourd’hui le charisme de leur fondation.

Ayant, comme les premiers apôtres, entendu le « Venez et voyez » du Seigneur Jésus, les moniales cisterciennes de La Fille-Dieu [16] sont demeurées avec lui et, sa grâce aidant, espèrent le faire jusqu’à leur mort. Pour partager ce qu’elles ont vu et le rendre visible à ceux et celles qui doivent ordinairement s’arrêter au seuil de leur clôture, les sœurs nous offrent cette plaquette où des textes brefs éclairent les nombreuses photos, choisies avec goût, qui entrouvrent pour nous la porte de cette « Maison-Dieu ». Puissent être nombreux ceux et celles que réconfortera le témoignage de leur joie au service du Seigneur.

III

Le Fr. Basilio Rueda, Supérieur général des Frères Maristes des Écoles, a vu récemment son exposé sur L’obéissance publié en français et en anglais [17]. Tous ceux qui ont apprécié ce texte, l’un des meilleurs que nous connaissions sur le sujet, seront heureux de le retrouver dans ces petits volumes fort maniables. Nous venons également de recevoir de lui la traduction italienne Progetto comunitario [18] d’un texte dont l’original est en français ; nous le signalons dès maintenant et espérons avoir l’occasion d’y revenir plus en détail.

Un prêtre, rompu aux sciences psychologiques et professeur de théologie à l’Université de Yale, a obtenu de faire un séjour de sept mois au monastère trappiste de Genesee (Rochester, U.S.A.). Un étranger au paradis [19] nous décrit au jour le jour sa vie parmi les moines, dont il partagea toutes les activités. L’auteur reconnaît, en conclusion, que ce « bain de monachisme » ne l’a pas transformé, n’a pas résolu ses difficultés, « parce qu’un monastère n’est pas édifié pour résoudre les problèmes, mais pour louer le Seigneur malgré eux ». Ce que H. Nouwen garde néanmoins de ce séjour, c’est « la lueur de la miséricorde de Dieu » qu’il a perçue dans sa solitude et qui reste présente en lui pour dissiper ses rêves et lui montrer la bonne direction. – Ces pages sans recherche aident à comprendre un peu mieux la vie et la spiritualité des Trappistes.

L’histoire, nous dit Léo Moulin, n’est familière à personne, sauf aux spécialistes, pourvu qu’ils demeurent dans les limites de leur spécialité. On lui saura d’autant plus gré de nous avoir introduit dans ce monde aux aspects multiples que représente La vie quotidienne des religieux au Moyen Âge [20] : horaires, nourriture, boisson, vêtement, soin du corps, bâtiments, gouvernement, propriétés, techniques, etc. L’auteur s’intéresse depuis longtemps au « monde vivant des religieux » (c’est le titre d’un bel ouvrage qu’il publia en 1964). Sans être croyant, il a une grande estime pour leur mode de vie. Ceci se remarque à la manière dont il décrit, non sans humour, les mille et un détails qui tissent la vie de chaque jour, mais aussi à son désir de voir ces pages lues avec sympathie et clairvoyance, « en essayant de comprendre quelle grande entreprise humaine recèlent ces questions en apparence futiles ».

St.-Jansbergsteenweg 95
B 3030 HEVERLEE, Belgique

P.S. – Au moment de mettre sous presse, nous recevons communication d’un dossier d’une grande richesse d’information sur la vie religieuse dans les différentes parties du monde. Ces textes sont publiés, à titre exceptionnel, par « Prospective », qui avait été chargée d’organiser, en mai 1978, la rencontre à Bruxelles de la CLAR (Confédération des Religieux d’Amérique latine) avec des religieux européens. On peut se procurer ce dossier (19 fiches doubles de 17 x 11, 120 FB) à Prospective, Église et Monde, rue E. Cattoir 16, B 1050 Bruxelles.

[1J. M. R. Tillard, o.p. Appel du Christ... Appels du monde. Les religieux relisent leur appel. Coll. Problèmes de vie religieuse, 39 ; Paris, Éd. du Cerf, 1978, 20 x 14, 115 p., 28 FF.

[2V. Ayel. Chrétiens à la recherche de leur identité. Coll. Transmettre l’espérance. Mulhouse, Salvator, 1978, 19 x 14, 127 p., 35 FF.

[3D. Rees et coll. Consider Your Call. A Theology of Monastic Life Today. London, S.P.C.K., 1978, 22 x 14, 448 p., £ 10.00.

[4Nachfolge als Zeichen. Kommentarbeiträge zum Beschluss der Gemeinsamen Synode der Bistümer in der Bundesrepublik Deutschland über die Orden und andere geistliche Gemeinschaften. Würzburg, Echter Verlag, 1978, 23 x 14, 346 p.

[5J. Beyer, s.j. Vers un nouveau droit des Instituts de vie consacrée. Paris-Fribourg, Éd. Saint-Paul, 1978, 19 x 13, 352 p.

[6« Occorre non una normativa della gierarchia sui consacrati, ma un statuto dei consacrati nella Chiesa », Testimoni, 1978, n° 8, p. 10-12.

[7Pour la petite histoire de l’antiféminisme inconscient des milieux cléricaux, relevons deux passages : « La pleine égalité, bien que juridique, peut avoir plusieurs inconvénients, car il y a chez les femmes des traits psychologiques qu’il faut garder en considération » (p. 37 - les hommes en sont évidemment exempts) ; et encore (c’est le rapporteur de la Commission qui parle) : « Les monastères de moniales useront d’une extrême prudence avant d’entreprendre des œuvres d’apostolat ou de charité chrétienne, qui troublent presque nécessairement la paix et la sérénité requises pour la vie contemplative » (p. 173 - faut-il croire que ce danger n’existe pas pour les moines, puisqu’on leur permet de rester moines et de « s’adonner à bien des œuvres d’apostolat » ?).

[8M. Linscott, s.n.d. « Les religieuses et le Synode sur la catéchèse », Vie consacrée, 1978, 243.

[9Vie religieuse : demain. Coll. Donum Dei, 24. Ottawa, Conférence religieuse canadienne, 1978, 23 x 15, 332 p., $ 8.00.

[10La part des moines. Théologie vivante dans le monachisme français. Coll. Le point théologique, 28. Paris, Beauchesne, 1978, 22 x 14, 208 p., 42 FF.

[11P. Schinetti. Secolarità consacrata oggi. Gli Istituti Secolari corne risposta vocazionale. Riflessioni teologico-pastorali. Leumann (Torino), Ed. Elle di Ci, 1978, 20 x 13, 168 p., 2.600 lires.

[12Livre de vie monastique. Chemin d’Évangile. 3e éd. Largentière, Monastère Demeure Notre Père, Sanilhac, 1978, 21 x 15, 190 p. – Pour l’édition précédente, voir Vie consacrée, 1975, 111.

[13Bibliographia Internationale Spiritualitatis. Vol. 9 (1974). Roma, Ed. del Teresianum, 1977, 24 x 16, 578 p.

[14M.-Th. Lacroix, r.s.a. L’Hôpital Saint-Nicolas du Bruille (SaintAndré) à Tournai, de sa fondation à sa mutation en cloître (± 1230-1611). Coll. Université catholique de Louvain. Publications de l’Institut d’études médiévales, 2e série, n° 1. 2 vol., Louvain, Institut d’études médiévales (Redingenstraat 16), 1977, 25 x 16, XXXVI-892 p.

[15M. Jean, s.c.i.m. Évolution des communautés religieuses de femmes au Canada de 1639 à nos jours. Coll. Histoire religieuse du Canada. Montréal, Éd. Fides, 1977, 24 x 16, X-324 p.

[16La Fille-Dieu. Un monastère cistercien en pays romand. CH-Fribourg, Éd. Saint-Paul, 1978, 21 x 21, 92 p., 39 phot., 2 cartes, 2 h.-t. en couleur, FS 27.

[17B. Rueda, f.m.s. L’obéissance. Coll. Vita evangelica, 10. Ottawa, Conférence religieuse canadienne, 1977, 18 x U, 138 p. – Id. Obedience. Ibid., 129 p.

[18B. Rueda, f.m.s. Progetto comunitario. Milano, Ed. Ancora, 1978, 19 x 12, 148 p., 2.600 lires.

[19H. J. M. Nouwen. Un étranger au Paradis. Paris, Desclée De Brouwer, 1978, 22 x 15, 224 p.

[20L. Moulin. La vie quotidienne des religieux au Moyen Âge. Xe-XVe siècle. Coll. La vie quotidienne. Paris, Hachette Littérature, 1978, 20 x 13, 378 p.

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