Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Moines dans la ville

Vies Consacrées

N°1978-3 Mai 1978

| P. 186-187 |

Ces pages évoquent une fondation urbaine récente, parmi d’autres : la fraternité monastique de Saint-Gervais, à Paris, y précise le sens de sa vocation.

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Une fraternité monastique en plein cœur de Paris ?

Dans ce « désert » de solitude, d’inquiétude, de quête, d’indifférence, d’anonymat, en solidarité avec l’homme d’aujourd’hui tel qu’il est et où il est, nous voulons essayer de creuser une oasis. De faire naître un espace de silence et de prière qui soit en même temps un lieu d’accueil et de partage. Un lieu de gratuité où la vie prime l’action et le discours. Un lieu de paix où chacun puisse être accueilli, quels que soient son milieu, son âge, sa mentalité, pour cette quête de Dieu dont nous sommes tous assoiffés.

Au centre d’un ensemble délimité par les quais, l’Ile Saint-Louis, le Marais, le Centre Beaubourg, l’Hôtel de ville, le B.H.V. et le futur forum des Halles, nous voulons faire de l’église Saint-Gervais, au nom de l’Église de Paris qui nous confie cette mission en la personne du Cardinal Marty, un lieu de contemplation où nous chanterons aux trois grands moments du jour les « heures monastiques » et célébrerons au soir de chacun d’eux l’Eucharistie.

L’essentiel de notre démarche tient en cette simple phrase de Jésus consignée en saint Jean : « Père, je ne te demande pas de les retirer du monde, mais de les garder du monde » (17,15).

Nous voulons être dans ce monde pour être avec lui sans pour autant être de lui. Y vivre pour comprendre et ainsi mieux pouvoir dire ; y vivre pour communier et ainsi pouvoir aimer ; y vivre pour contempler le Père et au nom de tous intercéder et louer. Comme Jésus, le premier de tous les moines, l’a fait. Comme Marie, la plus grande et la première de toutes les moniales, l’a vécu.

Nous sommes donc là « pour une recherche de Dieu seul », mais dans la solidarité vécue avec l’homme, un peu à la façon des Douze vivant la fraternité de la même écoute, de la même marche, du même enfouissement et du même mûrissement autour du Christ. Une quête de sa présence jusque dans les signes de ce temps, dans la marche et l’évolution de notre histoire que le Fils habite et que l’Esprit conduit. Pour lui en rappeler le sens profond et l’espérance dernière.

Contemplatifs et solidaires, témoins de sa venue et attentifs à la promesse de son retour, notre « consécration religieuse » nous engage dès lors dans le service, la dépendance et la louange.

En faisant nous-mêmes et sans la fuir pour la campagne, l’expérience des difficultés, des aliénations, des luttes, du travail, des contraintes, des fatigues, du bruit, de la pollution, des peines et des joies, du péché et de la sainteté de ce Paris où vivent dix millions d’hommes, nos frères, nous voudrions essayer d’y réaliser avec eux, à notre petite place, mais réellement, « les signes précurseurs anticipant le Royaume » à la fois dans la rupture et dans la communion, dans la solitude et le partage.

Un des faits majeurs de notre temps est sans nul doute le phénomène urbain. C’est pourquoi nous ne sommes ni bénédictins, ni trappistes, ni carmes, ni dominicains... nous sommes « citadins ».

À la suite des Pères des premiers siècles chrétiens qui allaient au désert « pour se battre contre le diable » et chercher à y voir Dieu, nous voulons à notre tour aller dans le « désert » de la ville moderne pour lutter contre ses mirages, sa petite soif insatiable, sa solitude, et pour en faire chanter les vraies beautés, les aspirations et les valeurs profondes « en louange de gloire ». Pour y être nous-mêmes à la fois purifiés de notre péché et sanctifiés par sa vie. Mettre notre prière dans la ville et la ville dans notre prière. Il n’est pas de tâche plus utile et plus belle qu’il soit donné à l’homme d’accomplir, que la contemplation.

Nous ne pouvons en effet louer loyalement le Maître de l’univers sans nous intéresser à son univers, partir à la suite du Fils de l’homme sans le quêter dans le cœur de l’homme, où il s’est incarné, et vivre son aujourd’hui sans tenir compte de cet aujourd’hui où souffle l’Esprit. Nous n’avons pas à contempler Dieu ou à agir pour l’homme, nous avons à unifier la contemplation et le partage. « Les deux amours ». Voir Dieu seul (monos), mais pour le voir avec tous et le dire à tous par le témoignage simple et nu de notre vie de prière, de silence, de travail solidaire, d’amour fraternel et de partage liturgique.

La recherche de Dieu, « seul nécessaire », passe par l’homme, car l’homme est « image du Père », « corps du Christ » et « temple de l’Esprit ». En ce monde où tout passe, « Dieu seul suffit », mais Dieu s’est mis lui-même dans le monde et nous y a placés. Si Paris est « Babel », il est aussi « cité sainte » : le Seigneur y demeure et nous voulons l’y contempler.

Veuille le Seigneur nous aider à être des frères essentiellement contemplatifs, vivant comme de nouveaux moines, dans la cité.

La fraternité monastique de Saint-Gervais

Place Saint-Gervais
F-75004 PARIS, France

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