Pour une formation doctrinale des moniales
Madeleine Delmer, o.s.b.
N°1977-4 • Juillet 1977
| P. 205-219 |
Dans une première partie, l’auteur retrace l’évolution qui s’est opérée dans les monastères de contemplatives au cours des quarante dernières années. Elle nous offre un coup d’œil rétrospectif, tout spécialement sur les lacunes de la formation doctrinale et les répercussions de celles-ci sur leur vie. Vient ensuite une seconde partie, très schématique, qui traite de cette formation aujourd’hui. Sœur Delmer nous en fait pressentir l’urgente nécessité pour que la vie contemplative puisse répondre à sa vocation dans le monde d’aujourd’hui. Elle nous en esquisse aussi les grandes lignes.
Conférence donnée à l’Assemblée de l’Union des religieuses contemplatives francophones de Belgique qui s’est tenue à Namur du 26 au 30 juillet 1976.
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Introduction
Dans une première partie descriptive, je me propose de tracer l’évolution qui s’est opérée dans nos monastères au cours des quarante dernières années. Je tâcherai de relever certains facteurs objectifs qui ont pesé sur cette évolution.
Dans une seconde partie, plus systématique, je me permettrai de présenter un programme de formation doctrinale. Cette seconde partie sera très brève. J’espère qu’un jour l’Union des Religieuses contemplatives consacrera une session entière de réflexion à la formation. Une session, c’est fort peu quand on pense qu’il y va de l’avenir de la vie contemplative. Chaque Ordre a dans son passé des traces de l’attention que les responsables ont toujours portée à la formation doctrinale. Si je puise dans la tradition bénédictine, je vois que, dans la dernière décade du XVIIe siècle, une douzaine de supérieurs de la Congrégation bénédictine de Saint-Maur se sont isolés pendant une année entière pour discuter de la formation des moines de leur Congrégation.
La situation
Il y a quarante ans
Quarante ans ! Cela nous reporte à la période qui précède immédiatement la guerre. L’Église catholique se présentait alors comme un monolithe au point de vue doctrinal et disciplinaire. Le P. Congar rapporte ce mot prêté à Pie XII : « Je serai le dernier pape à tout maintenir. » Il existait alors dans l’Église ce qu’il appelle « l’inconditionnalité du système » : tout un ensemble très cohérent d’idées communiquées par l’enseignement des Universités romaines, codifiées par le droit canon, protégées par une surveillance étroite et assez efficace sous Pie XII, avec comptes rendus, rappels à l’ordre, soumission des écrits à des censeurs romains, etc. [1] ».
Prenons un exemple très simple pour illustrer la fermeté d’une tradition dans l’espace et le temps. Un chrétien du Ve siècle, revenant sur terre au début du XXe, n’aurait pas été dépaysé en assistant à la messe : il aurait entendu la même langue, les mêmes textes, vu les mêmes rites que quinze siècles plus tôt, et s’il avait pris l’avion pour parcourir la terre, à toutes ses escales, il aurait constaté que partout dans les pays restés ou devenus catholiques, il en était ainsi.
Ce monolithisme existait-il dans nos ordres religieux ? Oui en grande partie, car l’esprit de l’Ordre était surtout insufflé par les observances codifiées dans les constitutions, le coutumier, le cérémonial qui tous remontent au rétablissement des Ordres religieux dans notre pays au XIXe siècle.
Moins une postulante avait posé de questions sur la communauté et sur la vie qu’elle allait mener, plus sa vocation était jugée solide : des questions paraissaient superflues. On entrait dans tel Ordre pour vivre selon le charisme du fondateur approuvé par l’Église. Il allait de soi que tous les monastères avaient reçu, gardé, transmis à dose égale l’esprit de l’Ordre.
En réalité, les monastères féminins ont été totalement dépendants des influences sacerdotales qui leur venaient de l’extérieur. Si un monastère de bénédictines, par exemple, se trouvait être par le fait des circonstances sous la mouvance des rédemptoristes, les dévotions y avaient une très grande place au détriment de la liturgie. Il m’est tombé entre les mains la correspondance d’une postulante bénédictine et d’un moine de Maredsous. Avant son entrée, cette personne avait suivi les offices au Mont-César, et elle est tout étonnée de ne pas trouver au monastère ce qu’elle cherche. Le moine lui répond qu’elle doit se soumettre, qu’il ne manque pas de femmes remarquables et plus intelligentes qu’elle dans ce monastère et que rien ne lui fait défaut pour atteindre à la sainteté. Il ne vient pas à l’esprit de ce moine d’user de son influence – pourtant grande – pour changer la situation.
Il est très rare qu’une postulante ou une novice prenne sur elle la décision de quitter le monastère par suite d’une réflexion sur ce qu’elle juge être sa vocation et ce que lui offre le monastère. D’où vient cette passivité ? En grande partie de la condition de la femme à cette époque.
La classe bourgeoise dans notre pays était en majorité catholique et conservatrice. Elle vivait très repliée sur elle-même. Tout y était confessionnalisé : écoles, universités, partis politiques, syndicats, presse, cliniques. Les femmes mariées de la classe bourgeoise ne travaillaient pas. Elles pouvaient passer toute leur vie sans rencontrer le phénomène de l’incroyance. L’Université de Louvain avait ouvert ses portes aux femmes en 1920, ce qui avait incité quelques pensionnats à créer des sections d’humanités. L’évolution se faisait très lentement. Il restait entendu que l’éducation était plus utile aux femmes que l’instruction. Au moment de la guerre, il y avait une étudiante pour dix étudiants à Louvain, et la plupart étaient inscrites en Philo et Lettres.
Ce milieu bourgeois catholique de familles nombreuses a donné beaucoup de vocations sacerdotales et religieuses, d’excellentes vocations. Il soutenait de son argent et de son appui moral les monastères. Les bienfaiteurs étaient nombreux et poussaient à faire de nouvelles fondations. On s’installait ici ou là au petit bonheur. Les contemplatives, par définition, n’avaient pas besoin d’être insérées dans un milieu, d’où l’importance très relative de l’endroit de leur implantation. Le tout était d’avoir un terrain suffisamment vaste pour y vivre en clôture.
La morale familiale, très stricte pour les femmes dans la classe bourgeoise, et la vertu d’économie préparaient d’une certaine manière à la vie religieuse, telle qu’on la comprenait alors. Une sœur m’a fait un jour cette réflexion curieuse : « C’est la manière dont j’ai vu ma mère obéir à mon père qui m’a formée à l’obéissance religieuse. » Et elle ajoutait : « Je ne l’ai jamais vu prendre une initiative. »
L’obéissance minutieuse, comprise comme soumission et oubli de soi, était garante des autres vertus religieuses. La chasteté ne posait pas de problèmes à la jeune fille de cette époque, pensait-on. Il n’en était jamais question dans la formation religieuse. La clôture, le contrôle des visites, du courrier, des lectures, le silence entre soi, tout cet ensemble suffisait à « former » à la chasteté. La pauvreté résidait dans la dépendance de chacun des membres de la communauté vis-à-vis de la supérieure. Le monastère comme tel pouvait être riche, exception faite pour les clarisses. De cette richesse, les membres des communautés n’étaient pas responsables.
Même quand quelqu’un avait une charge dans le monastère, le jeu des initiatives était fort étroit. Les services étaient tous si bien réglés qu’il y avait peu de place pour la gratuité. On pouvait se juger quitte quand on avait rempli sa part prescrite. On connaissait d’ailleurs très peu les besoins de ses sœurs. On vivait juxtaposées les unes aux autres, même dans les monastères bénédictins où l’esprit de famille est reconnu comme une caractéristique de l’Ordre : la manière dont étaient disposées les places au chœur et au réfectoire était la marque de cet individualisme.
L’enseignement prodigué par la supérieure et la maîtresse des novices était magistral, au sens où il ne prêtait à aucun dialogue. Le plus souvent il consistait en une lecture. On ne peut pas dire qu’il était la transmission d’une expérience spirituelle. Certains monastères avaient la chance d’avoir d’excellents conférenciers et une bonne bibliothèque. N’a-t-on pas vu un monastère se priver tout un hiver de chauffage pour pouvoir acheter la Patrologie de Migne ? Mais bien sûr c’est une exception qui confirme la règle. Le climat général qui régnait dans nos communautés ne portait pas aux choses de l’esprit : une sœur devait toujours être occupée de ses mains, même en récréation, même parfois pendant les visites qu’elle recevait de l’extérieur. Le goût de la lecture était peu encouragé, mais plutôt taxé de recherche de soi. Et cependant quand on consulte les spirituels, ils ont un avis très catégorique sur ce point : « Si les moines, disait Dom Sortais. Abbé général des cisterciens, ne peuvent consacrer des moments assez prolongés à la lectio divina et à la prière privée, ils acquerront peut-être une certaine vie intérieure, mais risqueront de ne jamais devenir de véritables contemplatifs [2] ». Et encore : « Il peut arriver qu’un Père Abbé craigne un peu trop d’engager ses fils dans la voie du développement intellectuel. Dans une bonne intention, il réduit les moments réservés à la lectio divina, restreint le nombre de livres mis à la disposition des religieux, et, par son attitude, inspire à la communauté une certaine méfiance vis-à-vis de la lecture et de l’étude. Et le même Supérieur s’étonnera sans doute, au bout de quelques années, d’avoir des sujets aux vues courtes, aux horizons bornés. Il ne récoltera pourtant que ce qu’il aura semé [3] ».
Les branches masculines de nos Ordres ont toutes fait un effort dans la première moitié du siècle pour éditer les richesses de leur tradition. Dans quelle mesure y avons-nous eu accès en première ou en seconde main ? Normalement ces auteurs spirituels, s’ils sont lus dans l’esprit où ils ont écrit, nous renvoient à la Bible. Qu’en est-il de la lecture de la Bible avant la guerre dans nos monastères ? L’édition de Crampon était la seule en circulation à cette époque, et la première théologie biblique catholique paraît en Allemagne en 1940.
Apprenait-on à prier ? La réponse est différente d’un monastère à l’autre. Pour ma part, comme bénédictine, je suis reconnaissante à l’Ordre de m’avoir appris à nourrir ma prière personnelle de la prière de l’Église, des lectures bibliques et patristiques de l’Office. Partout à cette époque, on lisait les vies de saints et on nous exhortait à les imiter. Il était indéniable d’ailleurs que, sans la prière, on ne tiendrait pas. La vie était dure, la solitude si totale que la prière devenait une nécessité vitale : elle se présentait comme le point d’équilibre qui permettait de survivre. Sans l’Eucharistie, sans le sacrement de pénitence, sans la prière de l’Église, que serions-nous devenues ? Cette expérience du mystère pascal nous formait et nous fortifiait plus que tout. Elle nous aidait à entrer dans le mystère du Christ et sa prière. Dom Sortais le dit encore très nettement aux supérieurs de son Ordre : « Jésus est le grand formateur. C’est en le regardant et en cherchant à l’imiter, en prenant ses sentiments qu’un moine se forme [4] ».
La prière nous aidait aussi à comprendre l’enseignement de nos fondateurs. Quand saint Benoît, par exemple, parle, au quatrième degré d’humilité, de l’obéissance dans les choses pénibles, contrariantes et les injures imméritées, il demande de garder la patience en silence, mais il appelle les choses par leur nom. Jamais il n’impose au moine de penser que le supérieur ne se trompe jamais. Il permet d’ailleurs de dialoguer avec lui. Saint Benoît suppose une obéissance adulte et mûre. Il faut bien le reconnaître, la lucidité, la liberté intérieure étaient rarement encouragées. L’esprit sainement et surnaturellement critique paraissait impossible à acquérir dans un monastère de femmes à cette époque.
Quand on fait le bilan de cette période, on peut penser que ce que nos anciennes ont connu n’est pas tellement différent de ce que Thérèse de Lisieux a vécu dans son Carmel à la fin du XIXe siècle. A son procès de canonisation, sa liberté d’esprit et de parole dans la manière de former les novices a été taxée d’« erreur de jugement » tellement elle était inhabituelle [5]. Retardée pour sa profession, Thérèse s’est tue, mais quand le même petit jeu arbitraire a recommencé pour sa sœur Céline, elle s’y est opposée avec violence : « Ce sont des épreuves, dit-elle, que l’on n’a pas le droit d’imposer [6] ». « Quoi qu’il puisse arriver, disait-elle à ses novices, je vous dirai la vérité ; j’aime mieux être obligée de quitter la communauté que de laisser une âme dans l’ignorance [7] ». Et pour elle-même, elle n’a pas hésité à se débarrasser, malgré l’opposition du milieu du Carmel, de l’écriture penchée alors imposée aux femmes [8].
Ces quelques exemples pris dans la vie de Thérèse montrent combien on s’empresse à toutes les époques de mettre sous la rubrique « Tradition » ce qui n’a rien à voir avec l’Évangile et l’esprit de l’Ordre.
Après la guerre
Dans l’après-guerre jusqu’au Concile, la baisse des vocations ne se fait pas encore trop sentir. Mais la mentalité bouge énormément dans le monde et dans l’Église sans que les monastères de contemplatives s’en aperçoivent. En 1943, paraît en France le livre de Godin, France, pays de mission ? et en 1945 celui de Perrin, Journal d’un prêtre-ouvrier en Allemagne. La conscience chrétienne commence à ouvrir les yeux sur la déchristianisation des pays de l’Europe occidentale. L’Université de Louvain avait accueilli les étudiants de l’Université libre de Bruxelles quand les Allemands avaient interrompu les cours à Bruxelles. Les étudiants de Bruxelles interrogent leurs camarades de Louvain sur leur foi. Et ceux-ci, de familles catholiques cependant, ne savent guère leur répondre. C’est à ce moment que Mgr Cerfaux demande au Recteur de Louvain de rendre obligatoire un cours de religion dans chaque faculté ou institut. L’autorité de l’Église en matière de morale est beaucoup moins suivie. Je me souviens avoir vu, vers 1945, une recommandation sur la tenue des femmes affichée dans une église. J’ai eu la certitude à ce moment déjà que c’était peine perdue.
C’est vers cette époque que les premières universitaires ont demandé à entrer dans les monastères de contemplatives. Par endroits, elles ont rencontré la peur et le refus. Elles étaient acceptées ailleurs à condition de comprendre qu’on leur faisait grand honneur en leur ouvrant les portes. Une assistante à Louvain m’a raconté qu’après la prise d’habit de son amie universitaire, elle était allé dire à la prieure : « Vous avez bien de la chance de recevoir une telle. » « Oh, pardon, a rétorqué la prieure, c’est votre amie qui a de la chance d’être reçue. Vous avez d’ailleurs entendu au début de la cérémonie qu’elle a demandé la miséricorde de l’Ordre. » C’était juste, mais on sent tout de même le triomphalisme que Mgr De Smedt va dénoncer au Concile.
La guerre avait entraîné une vaste démocratisation dans la société. Le style de construction de celles qui rebâtissent leur monastère détruit par la guerre, le style de vie, la manière d’exercer l’autorité restent inchangés. Beaucoup de nos communautés continuent de quêter et de vivre d’aumônes. En 1950, Pie XII promulgue la Constitution Sponsa Christi pour rendre aux moniales les vœux solennels liés à la clôture papale, demander la création de Fédérations et souligner le devoir de travailler pour gagner sa vie. Les vœux solennels ont été accueillis par certaines comme la réalisation du rêve de leur vie. On ne voyait pas à ce moment-là que les mutations de plus en plus accélérées des mentalités demandaient un approfondissement de la vocation contemplative plutôt qu’un renforcement des structures extérieures.
En février 1946, La Vie Spirituelle ouvre une enquête : « Vers quel type de sainteté allons-nous ? ». Je vous lis une réponse caractéristique des tendances qui se font jour dans la chrétienté : « Je n’approuve pas saint Jean de la Croix... parce qu’il a une sainteté inhumaine. Pour lui, on devient saint malgré la nature, en faisant table rase de ce qu’on a d’humain. Alors que je conçois la sainteté grâce à la nature, en réalisant au maximum les dons que l’on a reçus. » On voit le fossé de malentendus qui se creuse entre les maîtres de la vie spirituelle et ceux qui continuent à se dire chrétiens. Jean de la Croix a été proclamé saint et Docteur de l’Église, mais le chrétien qui parle se sent autorisé à dire ce qu’il pense de la sainteté à partir de son épiderme.
Vers ces années, paraissent énormément de publications sur l’humanisme. Ce qu’on appellera plus tard « les réalités terrestres » : le travail, la société, la politique, l’histoire, la culture, l’amour humain, commencent à être pris en considération par les théologiens. Si un effort s’ébauche pour construire un modèle du chrétien ou de la chrétienne au niveau de l’action, de la mission, il n’en va pas de même au niveau de la prière, de la contemplation. L’immédiateté du contact de l’homme avec Dieu, la vie d’ascèse, la vie proprement spirituelle reste comme en friche du point de vue de la réflexion théologique, au sens où ces problèmes ne sont plus l’objet de réflexion systématique.
Si aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces et son prochain comme soi-même est le commandement important pour le chrétien, c’est qu’il répond à la réalité de ce qu’est l’homme. Qu’est-ce que l’homme pour avoir comme tâche première d’aimer Dieu et son prochain comme lui-même ? Voilà un genre de réflexion qui n’a pas été entrepris.
Je me souviens d’avoir lu les lettres qu’une jeune novice écrivait à son frère à propos de ces questions : l’humanisme était vraiment sa question. Sa supérieure et ses sœurs s’en doutaient fort peu. On n’a jamais été bien persuadé dans nos communautés que les idées mènent le monde. Les problèmes individuels devaient se résoudre par la vie même : mais justement le travail, l’horaire, l’ascèse, la vie de communauté, tout le quotidien de la vie contemplative faisait reposer à cette sœur le même pourquoi.
Prenons la question du travail : bien des mères de famille, n’ayant plus de domestiques, avaient réduit les travaux du ménage, s’équipaient d’appareils électriques, achetaient des vêtements tout faits, n’hésitaient pas à transformer leur habitation s’il le fallait. Le fonctionnel avant tout pour réserver des heures de loisir aux choses de l’esprit. Pour les postulantes qui arrivaient au monastère après leurs études ou après avoir exercé des responsabilités professionnelles, ce fut une dure épreuve de constater que la vie contemplative était liée à des tas de préjugés anciens sur la condition de la femme.
Un gros effort a été fait à certains endroits pour donner une formation doctrinale. La plupart du temps, on invitait au monastère l’un ou l’autre spécialiste pour donner une série de cours. Le moment était mal choisi. La théologie était à un tournant. L’Écriture Sainte n’était pas encore redevenue « l’âme de la théologie », mais sous la poussée de la question sociale et de la question politique, la théologie de controverse enseignée dans les séminaires depuis le concile de Trente perdait de son crédit auprès des prêtres. Je pense à ce moine, professeur de dogme, qui jetait le discrédit sur la théologie qu’il avait eue dans un séminaire et souhaitait de tous ses vœux le temps où les moines ne seraient plus prêtres et plus astreints à étudier cette théologie. Je pense à cet exégète qui disait : « Toute ma religion, je la dois à ma mère. Mon travail d’exégète n’a rien à voir avec ma religion ».
Heureuses celles d’entre nous qui ont pu s’intéresser au renouveau biblique et patristique, se faire une méthode de travail et alimenter leur prière de ce qu’elles lisaient. Ce charisme n’a pas été donné à toutes. Bien des universitaires même (et surtout peut-être) ne sont pas parvenues à changer leurs habitudes mentales et à appliquer leur intelligence et leur cœur au mystère de Dieu, formées qu’elles étaient soit par la philologie et l’histoire, soit par les sciences exactes, soit par les sciences humaines, soit par la philosophie. Chaque type de mentalité demande une évangélisation propre de l’intelligence. Mais pour s’en rendre compte, la formation aurait dû répondre au cheminement de chaque novice.
L’Université de Louvain a ouvert l’Institut des sciences religieuses pour les laïcs et les religieuses. Beaucoup de noviciats de religieuses actives se sont installés à Louvain. Mais ce fut un échec pour la formation proprement religieuse. Le milieu universitaire n’était pas favorable à la formation des novices et les cours étaient trop spécialisés ou trop axés sur la catéchèse. C’est un avertissement grave pour nous. Tant que la formation religieuse de base n’a pas été assurée, il n’est pas indiqué d’envoyer aux études.
Le Concile et l’après-Concile
Le Concile a été l’aboutissement d’une longue évolution et le point de départ de profonds changements. Comment l’avons-nous perçu ? Avant de prendre connaissance des textes, nous l’avons vécu à travers les journaux. Or les journaux ont reflété les vibrations de l’affectivité chrétienne touchée par trois points : la liberté religieuse, l’ouverture au monde et le peuple de Dieu. Des théologiens qui avaient été obligés de se taire longtemps étaient maintenant reconnus solennellement. Des choses intouchées et intouchables, pensait-on, bougeaient. Une fièvre de nouveauté, de créativité et d’indépendance s’est emparée des chrétiens. Quand les textes du Concile ont paru, on aurait dû s’apercevoir qu’ils avaient bien soin de marquer la continuité avec le passé. Mais seul l’avenir, l’ aggiornamento comptait. Quelque chose avait craqué. Un édifice s’était écroulé. Le chrétien avait l’impression de sortir des décombres du Moyen Âge pour enfin accéder à la Renaissance. Le laïc prenait conscience de sa dignité face au clergé. Les religieux et les religieuses se découvraient des hommes et des femmes qui avaient beaucoup à apprendre des valeurs dont vivaient les gens mariés.
Nos ordres contemplatifs quasi tous fondés au Moyen Âge avaient développé leur spiritualité sur des données objectives et assez peu pris en compte la liberté des personnes : ils se trouvaient presque sans défense devant le déferlement du subjectivisme. Les mouvements biblique, patristique et liturgique qui auraient pu nous venir en aide à ce moment paraissaient être dépassés par les événements. L’information prend désormais le pas sur la formation. Il faut à tout prix combler le retard, pensait-on. Un phénomène très curieux s’est déclenché : celles qui étaient allées tête baissée dans l’ancien système rigoriste et légaliste ont été les premières à tout rejeter de leur passé, et d’autant plus quand elles ont eu une part de l’autorité. Sauront-elles un jour se réconcilier avec ce passé ?
À cette époque, une contemplative de 35 ans me faisait cette réflexion : « Mais enfin, si j’étais dans le monde, j’aurais une profession, j’aurais une voiture, je serais quelqu’un. » Elle avait un diplôme, elle avait exercé un travail professionnel avant de décider de sa vocation. En entrant au monastère, elle avait quitté librement tout cela, mais elle en prenait conscience seulement dix ans après. Sa formation avait-elle été suffisante ?
Deux autres débattaient devant moi de leurs problèmes : « Il y a ma supérieure et telle sœur, et ceci et encore cela qui est insupportable dans le monastère », disait l’une. L’aînée eut cette réponse : « Tu sais, quand je revois ma vie passée, ce sont de telles choses qui, dépassées par amour, m’ont le plus formée ». « Eh bien, répond la religieuse en difficulté, ce temps est passé, nous n’acceptons plus cela ».
Qu’on le veuille ou non, progressivement les slogans à la mode entrent même dans nos monastères les plus fermés et trouvent en nous une complicité. Il faut de fortes convictions personnelles nourries d’une expérience spirituelle profonde pour y faire face. Devant des difficultés, le choix nous est offert : ou bien nous distraire par un dérivatif humain, ou bien regarder la difficulté en face et creuser plus profond les motifs de nos choix initiaux. On entend dire : « Personne n’est reconnu dans son milieu, donc il me faut un second milieu pour être moi-même ». Bon. Offrez un second milieu. À la première difficulté, on passera à un troisième et ainsi de suite jusqu’au moment où on aura perdu de vue que notre cœur est fait pour Dieu seul.
Si à chaque difficulté, nous éprouvons le besoin de parler, de nous justifier, de nous faire consoler, nous perdons le sens du célibat. Thérèse de Lisieux se cramponnait à la rampe de l’escalier pour ne pas entrer chez sa prieure.
« J’ai besoin de responsabilités pour m’épanouir », dira une sœur. Mais ne porte-t-elle pas la responsabilité de quatre milliards d’êtres humains dans sa prière ? Reconnaître et porter même pauvrement cette responsabilité est bien la pierre de touche d’une vocation contemplative. Est-on bien au clair sur ce qu’est une vocation contemplative ? La jeune fille qui se présente chez nous a peut-être besoin avant son entrée d’exercer son dévouement auprès de malades ou d’enseigner à des enfants pour apprendre ce qu’est porter la responsabilité d’autrui ? Il y a une affinité entre le cœur et la vie contemplative. Le prophète Osée, le Cantique des Cantiques le disent, tous les spirituels l’ont fait remarquer.
Trop souvent nos renoncements sont vécus sur le mode négatif : nous sommes celles qui ne nous marions pas, qui ne travaillons pas, qui n’exerçons aucun apostolat direct, qui ne sortons pas, qui ne parlons pas, qui ne sommes pas au courant de ce qui paraît, etc. Le renoncement, s’il est vécu librement, ré-annonce la valeur de ce dont nous nous privons volontiers. Nous renonçons à venir en aide directement à nos meilleurs amis, à nos familles même parfois, parce que nous avons foi que notre sacrifice et nos prières leur accorderont un meilleur secours. En dehors de cette foi, de cette espérance et de cette charité, notre vie ne peut apparaître à nous-mêmes et aux autres qu’inhumaine et totalement insignifiante. Ce qui se projette sur les écrans de télévision, ce qui s’écrit, ce qui se dit va à l’encontre des options de notre vie contemplative. Mais en sommes-nous bien persuadées ?
Plus profond que cela. Il n’est pas indifférent pour notre vie de prière que nous pensions juste sur Jésus-Christ, sur la Vierge Marie, sur l’Eucharistie, sur le sacrifice ministériel, sur la morale chrétienne, sur l’au-delà. Nous savons que tout cela est remis en question non seulement par d’autres confessions chrétiennes, mais par beaucoup de théologiens à l’intérieur de l’Église catholique. Y prenons-nous garde ? Le prêtre est responsable de la doctrine et du langage de l’Église, abstraction faite de sa propre réaction spirituelle. Avons-nous la formation, je ne dis pas intellectuelle mais spirituelle, pour discerner ce qui est sûr de ce qui ne l’est pas ? « Mes brebis, disait le Christ, ne suivront pas un étranger, elles le fuiront au contraire, parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers » (Jn 10,5).
Nous nous jugeons si formées que nous nous permettons de tout lire. Être formé, c’est pouvoir « situer » ce qu’on lit et remarquer que tel langage n’est pas inoffensif parce qu’il vient de tel horizon de pensée. Si nous n’avons pas ce discernement, comment nous étonner que la voix de l’Église nous devienne moins familière, pour ne pas dire étrangère ? Quand la presse, la radio et la télévision, le premier janvier 1976, ont annoncé le document romain sur la sexualité (et en quels termes !), avons-nous honnêtement attendu de prendre connaissance du texte pour nous faire une opinion ? Quelques semaines auparavant, paraissait l’exhortation de Paul VI sur l’évangélisation et le monde moderne. Centré sur le témoignage de la vie, ce document nous concerne de très près. Mais l’avons-nous lu ? Le Pape est-il le dernier à pouvoir se faire entendre dans nos communautés ? Si nous avons manqué d’esprit critique autrefois au point de prendre toutes les paroles du pape et des évêques pour également infaillibles (ce que l’Église n’a jamais imposé), allons-nous maintenant dénigrer tout ce qui vient de l’Église ? Maintenant comme autrefois, notre attitude manque de liberté intérieure et d’enracinement.
Aujourd’hui
Et cependant la vie contemplative féminine me paraît être appelée aujourd’hui à prendre des options qui décideront de son avenir. La promotion de la femme a été saluée par Jean XXIII comme un signe des temps. Que voyons-nous autour de nous ? Des femmes qui font le moins de bruit possible mais aux services desquelles la société recourt volontiers en raison de leur réelle compétence, de leur sagesse et de leur intuition. Elles se contentent d’être là où elles peuvent servir efficacement l’Église et la société. A côté de cela des féministes, à force de revendications agressives, se poussent à des places où elles montrent le maximum d’incompétence. Il faut lire certaines publications de ces dernières années pour avoir une idée de l’enfer où se meuvent ces femmes. Je parle d’enfer, car c’est la haine et la violence étalées au grand jour et dans des termes d’une obscénité qui bat tous les records masculins.
La promotion de la femme est signe des temps dans la mesure où elle manifeste le message du Christ comme la Bonne Nouvelle qui fait tomber la domination d’un sexe sur l’autre. Reconnaissons-le, par peur du risque et par pusillanimité, nous n’avons pas pris en main la destinée de nos Ordres. Nous réclamons de prendre part aux décisions prises pour nous par la branche masculine de l’Ordre ? Mais la réponse est toujours la même : « Nous ne demanderions pas mieux. Donnez-nous des interlocutrices valables. » Que faisons-nous pour sortir de cette situation ?
Il serait éminemment souhaitable et urgent qu’il y ait parmi nous des religieuses au fait du droit canon et de la théologie, comme il y en a d’ailleurs en d’autres pays. Je pense à l’Allemagne, par exemple. Mais attention au mirage des titres académiques ! Sans viser à l’inutile, il y aurait à choisir en connaissance de cause les écoles de théologie ou séminaires où il serait souhaitable peut-être d’envoyer les professes après leur formation de base. Des sollicitations nous viennent d’un peu partout, même de l’étranger. Quels seront nos critères de discernement ? L’objectif poursuivi par ces écoles ? La qualité des professeurs ? L’appartenance du corps professoral à tel Ordre religieux ? Le diplôme conféré ? Ou bien, sans aller au fond du problème, nous laisserons-nous guider par des motifs sentimentaux ou pragmatiques ?
La situation de la femme au Moyen Âge a fait que les fondateurs d’Ordres mendiants ont prescrit la vie mixte aux hommes (c’était le premier Ordre) et la vie cloîtrée purement contemplative aux femmes (c’était le second Ordre). Les laïcs rattachés à l’Ordre formaient le tiers ordre. La promotion de la femme doit-elle faire changer cet état de choses ? Je n’ai pas compétence pour répondre à cette délicate question. Mais toujours est-il que chaque monastère doit prendre librement la responsabilité de ses options. Sinon, à l’intérieur des communautés et des fédérations, on se lancera perpétuellement des anathèmes au sujet de telle ouverture ou de telle restriction. Le pluralisme est peut-être un bien à l’intérieur de l’Ordre. En tout cas, ce n’est pas parce que la branche masculine a telle option que nous devons nécessairement la rejeter ou la suivre.
Les changements culturels, sociaux et économiques vont nous amener à brève échéance à revoir nos conceptions sur le travail : déjà la mendicité et le système des rentes est bien révolu. Pourrons-nous continuer à entretenir de grands monastères avec des ateliers ? Le progrès de la socialisation va à l’amenuisement de la propriété privée. Certaines villes imposent déjà autant de mètres carrés par habitant. Et il est normal que nous soyons traitées comme le commun des mortels. L’exiguïté des locaux exige de repenser la clôture, le travail et l’horaire du même coup. Est-ce catastrophique ? Oui, si les sœurs ne sont pas formées. Non, si leur formation leur permet d’incarner la vie contemplative dans une situation nouvelle imposée par le monde moderne. Le décret Ad gentes le dit en termes clairs : « La vie contemplative relevant du développement complet de la présence de l’Église, il faut qu’elle soit instaurée partout ».
Ces options à venir, vous le sentez bien, exigent des sœurs formées capables de prendre la responsabilité de leur vie contemplative. Qu’elles sachent de quoi il retourne afin de vivre intelligemment, librement leur vie humaine et chrétienne dans une tradition spirituelle approuvée par l’Église.
La formation doctrinale
Les candidates à la vie contemplative, même si elles viennent de familles dites catholiques, peuvent nous arriver sans aucune formation religieuse. Qu’on se rende compte de la difficulté qu’il y a pour elles d’entrer dans une tradition, une culture, un esprit qui leur est la plupart du temps totalement étranger. Un exemple. Il y a une vingtaine d’années, une étudiante normale n’avait aucune peine à entrer dans l’étude du cours que le Professeur Génicot donne à Louvain sur l’histoire du Moyen Âge. Maintenant ce monde, présenté comme un univers où l’Église est l’âme de la civilisation, ne dit rien, strictement rien. Avec les Ordres religieux qui ont eu tant de place en Europe à cette époque, les étudiantes actuelles n’ont aucune connaturalité. Et cependant une étudiante des toutes dernières années, appelée à la vie contemplative, me disait, après avoir lu, médité pendant des mois un spirituel du XIIIe siècle : « Nous sommes, nous, gens du XXe, des sous-développés spirituels ».
Faisons fond sur cet appel du Seigneur et demandons-nous quelle formation donner. Si tout est remis en question, la première chose à faire est de reprendre les fondements. L’Église ne nous laisse pas à nous-mêmes dans cette reprise. Ce qui est à faire est en partie indiqué déjà dans Perfectae caritatis et dans Evangelica testificatio, l’exhortation de Paul VI sur le renouveau adapté de la vie religieuse selon l’enseignement du Concile.
L’exigence de base de la formation est d’aider à la contemplation de Dieu aujourd’hui. Précisons. Aider n’est pas encore contempler. La contemplation est différente de la prédication. La contemplation chrétienne est celle du Dieu vivant et non la contemplation d’une divinité pré-chrétienne. Et il s’agit d’aider non pas des femmes du VIe, du XIIIe, du XVIe siècle à contempler, mais des femmes d’aujourd’hui.
Le programme de cette formation doit avoir pour objet la doctrine chrétienne, la vie religieuse et la vie de l’Ordre auquel nous appartenons.
L’apprentissage de la doctrine chrétienne se fonde sur la pratique de la lectio divina. Comme le dit Dei Verbum, n° 21, « La force et la puissance que recèle la Parole de Dieu sont si grandes qu’elle est pour l’Église la force de leur foi, la nourriture de leur âme, la source pure et permanente de leur vie spirituelle. » La lecture de la Parole de Dieu n’est pas une lecture comme une autre. Chacun de nos Ordres la pratique à sa manière. Je vous renvoie à l’article « Lectio divina et lecture spirituelle » dans le Dictionnaire de Spiritualité.
L’interprétation ecclésiale, catholique de la Parole de Dieu tout au long de l’histoire a un nom : la dogmatique. Il est indispensable que la formation comporte une vue d’ensemble sur la doctrine chrétienne et une vue d’ensemble sur l’histoire de l’Église.
La vérité du mystère chrétien attesté par l’Écriture est le fondement de l’agir chrétien. La vie morale, écrit le P. de Lubac, « ne précède pas l’édifice spirituel, mais elle s’y ajoute ou plutôt s’y déploie pour la compléter. Elle fait partie intégrante du mystère... Elle en est l’intériorisation [9] ». À partir de l’acte du Christ, il est possible de déployer les données de base de la morale : le bien et le mal, la miséricorde et le péché, la loi et la conscience, la grâce sanctifiant des libertés, l’ascèse chrétienne.
Une contemplative doit aussi apprendre ce qu’est la vie mystique : « Une vie qui n’est pas tournée du côté d’une expérience désirée comme une fin, mais épanouissement de la vie chrétienne, elle se définit d’abord par le triple et unique rapport au mystère qui se réalise dans la foi, l’espérance et la charité [10] ».
La formation concernant la vie religieuse soit monastique, soit contemplative doit en exposer le sens ecclésial : canonique et théologique. Le droit canon a mauvaise presse parmi nous en général, mais il est impensable de faire une société avec de la bonne volonté uniquement. Cette formation doit aussi manifester la pastorale de la vie contemplative : les problèmes concrets de vocation, de formation, de responsabilité, de travail, de solitude, de communion, de vie commune et des vœux, de la « vieillesse » et de la mort, etc.
La formation enfin exige que l’on connaisse l’Ordre auquel on appartient : d’abord et avant tout le charisme de l’Ordre, puis son histoire qui englobe à la fois les auteurs spirituels, les vies des saints, l’histoire des faits. Quand nous aurons mieux pris conscience de nos spiritualités propres, sans doute nous découvrirons-nous à l’Union des Religieuses Contemplatives plus différentes que nous le pensions. Mais ce sera une richesse de complémentarité.
Comment enfin assurer cette formation ? Par les moniales peu à peu plus que par des prêtres et dans le respect de chaque tradition religieuse. Ce qui entraîne la formation solide de celles qui sont le plus aptes à être formées.
Il va sans dire que la formation doctrinale commencée au noviciat se poursuit toute la vie. On peut appliquer à la vie contemplative ce que Paul VI dit de l’Église : « Elle a toujours besoin d’être évangélisée, si elle veut garder fraîcheur, élan et force ». Vu le sérieux de la formation de base, le noviciat ne devrait-il pas offrir une rupture totale avec le monde, prolongée autant qu’il le faudra selon le cheminement de chaque novice ? Les petites sœurs de Charles de Foucauld ont installé leur noviciat en plein désert. L’avenir de la vie contemplative est peut-être lié à des mesures radicales de ce genre.
Hans Urs von Balthasar termine son livre Points de repère par cette phrase : « Je reçois de l’Église bien plus que je ne mérite et plus que ne saurait me donner n’importe quelle autre personnalité ou communauté humaine. À moi, à nous, de veiller à ce que l’Église corresponde davantage à ce qu’elle est en réalité ». Je pense que chacune de nous peut transposer en confesser : « Je reçois de mon Ordre bien plus que je ne mérite et plus que ne saurait me donner n’importe quelle autre personnalité ou communauté humaine. À moi, à nous, de veiller à ce qu’il corresponde davantage à ce qu’il est en réalité. »
Abbaye Sainte-Gertrude
Half Maartstraat 4
3000 LEUVEN, Belgique
Pistes de réflexion
– Avons-nous suffisamment tiré profit des ressources qui nous sont déjà offertes pour la formation doctrinale ?
– Cette formation n’est-elle pas trop souvent occasionnelle ? Nous aide-t-elle réellement à structurer et unifier notre vie religieuse ?
– Quelle place donnons-nous au charisme du fondateur dans l’ensemble de notre formation doctrinale ?
[1] Jean Puyo interroge le Père Congar, Paris, 1975, p. 220.
[2] Les choses qui plaisent à Dieu, Bégrolles, Abbaye de Bellefontaine, 1967, p. 24.
[3] Op. cit., p. 34-35.
[4] Op. cit., p. 20.
[5] Summarium, fascicule 3, p. 30, cité par R. Laurentin dans Thérèse de Lisieux, mythes et réalité, Paris, 1972, p. 143.
[6] Summarium, fascicules 3 et 4, cité par R. Laurentin, op. cit., p. 94.
[7] Procès de béatification, déposition de sœur Marie-Madeleine du Saint-Sacrement citée dans Manuscrits autobiographiques de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, t. II, Notes et tables, Lisieux, 1956, p. 68.
[8] Cf. R. Laurentin, op. cit., p. 112, 140-141.
[9] Exégèse médiévale. Les quatre sens de l’Écriture, Première partie, t. II, Paris, 1959, p. 555.
[10] H. de Lubac, préface du livre collectif La mystique et les mystiques, Paris, 1964, p. 38.