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Le rôle de la communauté religieuse dans l’obéissance consacrée

Basilio Rueda, f.m.s.

N°1976-4 Juillet 1976

| P. 247-256 |

Après un bref rappel du sens chrétien et religieux de l’obéissance, le Supérieur Général des Frères Maristes précise les raisons qu’il a de croire à une médiation de la communauté dans l’obéissance, puis il montre que celle-ci doit exercer sa médiation en coordination avec le supérieur, enfin il émet quelques suggestions pour tendre à réaliser cette « utopie ».

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Ce thème est délicat. Avant de l’aborder, je voudrais le faire précéder d’une brève mise au point sur l’importance d’une vraie obéissance dans la vie du chrétien et sur ses conditions.

Fondement d’une obéissance systématique et charismatique

Une donnée biblique incontestable, c’est que le Christ a vécu son amour du Père et des hommes non selon un projet propre, mais selon un projet reçu du Père. La rédemption-libération est un acte d’amour infini vécu sous la forme de l’obéissance, et c’est à partir de cette expérience d’obéissance que le Christ établit son droit de contester l’ordre ancien et de proposer la fondation d’une alliance nouvelle.

Il n’est pas possible de concevoir un Christ qui ne serait pas obéissant aux desseins du Père [1] : s’il disait sa parole à lui, s’il faisait son œuvre à lui, il révélerait qu’il ne vient pas de Dieu et donc qu’il n’est pas le Christ.

Or le Christ a, dans l’histoire du salut, un rôle « fontal », qui doit se prolonger dans les générations successives de l’Église pour libérer continuellement une humanité en travail d’enfantement. Et cette christification (toujours imparfaite : « casta meretrix », selon le mot repris par Hans Urs von Balthasar) ne se fera que si le peuple des croyants, comprenant qu’il est corps du Christ et corps pour le Christ, s’engage sérieusement dans la forme de rédemption choisie par lui. Au niveau collectif comme au niveau individuel, ce corps doit donc chercher à réaliser le dessein du salut non à travers une activité chaotique, mais en se laissant diriger par le même Esprit qui a guidé l’obéissance de Jésus au Père [2].

Mais la soumission à la volonté du Père doit se vivre à partir d’une condition humaine réelle, dans une Église réelle, non grâce à un « deus ex machina » qui interviendrait sans cesse pour redresser nos erreurs de pilotage. Ceci suppose l’exercice d’une médiation, avec la marge d’erreur et de déviation présente en toute réalité humaine. L’obéissance « hic et nunc » consistera donc à savoir employer le « sacrement » d’une vraie médiation en évitant le plus possible ces erreurs et ces déviations [3].

Le rôle de la communauté dans la médiation

La circulaire à laquelle je viens de faire allusion avait une double intention. D’un côté montrer que l’obéissance dans la condition terrestre est essentielle à la charité ou, pour mieux dire, la forme même de la charité. D’un autre côté montrer aussi que ce n’est pas une raison pour tirer de là n’importe quelle déduction.

En effet, on peut être désolé d’une perte de prestige croissante de l’obéissance, et réagir en mythifiant le pouvoir du supérieur ou de la Règle qui deviennent alors deux points de référence infaillibles de la volonté du Père : et l’on a une obéissance aveugle étendue un peu à tous les domaines. Je me suis donc efforcé de montrer ce qu’avait de naïf et de dangereux une telle conception, et comment il fallait bien plutôt rééduquer à la fois le supérieur et le simple religieux : le supérieur, qui doit ne jamais adultérer la volonté du Seigneur [4], et le religieux, qui doit se convaincre de la nécessité de la médiation, sans la vouloir pour autant exempte de bavures.

Mais à présent l’obéissance doit éviter une autre mythification : celle d’une communauté médiatrice de l’obéissance. Ce n’est pas que je rejette la possibilité de cette médiation : je la veux seulement sérieuse et réaliste, car il faut éviter ces frustrations qui succèdent à des attentes irraisonnées.

Il existe de grands intuitifs qui, un jour, sont saisis par une idée brillante, qui leur paraît nouvelle et qui l’est peut-être. Préoccupés par les problèmes de la vie religieuse, ils construisent là-dessus une théorie qui a seulement l’avantage d’être une nouveauté. Après quelque temps la belle invention a fait long feu. Ce que je voudrais proposer, ce n’est pas une théorie, mais seulement une réflexion fondée sur l’expérience d’une bonne quinzaine d’années consacrées à la rénovation de la vie religieuse.

Une des idées de la dernière décade a été celle d’une communauté sans supérieur, qui trouverait en elle-même sa source de discernement et de médiation. Cette idée est apparue comme prophétique et a suscité maints expériments : ceux-ci, en très grand nombre, ont abouti ou bien à la disparition pure et simple ou bien à une caricature de la vie consacrée [5].

Le plus ennuyeux, c’est que les erreurs commises par un groupe rendent méfiants d’autres groupes qui s’apprêtaient à faire une expérience voisine dans de meilleures conditions ; on risque en tout cas de faire mourir dans sa fleur une intuition qui était saine : la communauté elle aussi (non elle exclusivement) a une médiation à exercer pour découvrir la volonté du Père et s’engager à l’accomplir.

Voici les raisons qui me font croire à cette médiation :

1° Il existe des groupes de chrétiens qualifiés qui se réunissent périodiquement pour réfléchir ensemble à la lumière de la foi sur des problèmes qui leur sont communs, et pour s’aider mutuellement à mieux discerner la manière concrète d’être fidèles aux appels du Seigneur dans une situation donnée. Il me serait facile de nommer plusieurs de ces groupes, qui n’ont pas d’autre consécration que celle du baptême. Alors, des religieux appelés par le Seigneur à vivre ensemble une même vocation au service du Royaume devraient-ils être incapables de se donner cette assistance spirituelle ?

2° Historiquement, il y a eu réduction de la médiation à la personne du supérieur. Le résultat en est l’appauvrissement des signes et des organes de transmission. Dans le meilleur des cas, la multiplicité des appels et des signes est canalisée dans un chrétien intelligent, ou saint, ou courageux, mais enfin qui a les limites d’une personne déterminée.

Je crois avoir un désir passionné d’aider mes frères à découvrir et à faire la volonté du Seigneur ; et pourtant je serais vraiment malheureux s’ils ne devaient entendre la voix du Seigneur qu’à travers moi.

3° Par ailleurs, nous nous plaignons aujourd’hui d’un individualisme spirituel. Mais soyons logiques. Si nous réagissons positivement pour instaurer une vie communautaire digne de chrétiens, une prière participée, une pastorale organique, nous devons réagir de même pour prolonger cette entraide fraternelle dans le domaine de la recherche et du discernement de la volonté de Dieu, c’est-à-dire en rejetant l’individualisme pour trouver dans la communauté un lieu où le Seigneur parle et un signe qu’il nous parle.

Concrètement, cela veut dire qu’il faut réagir contre l’abdication des responsables de communautés qui ne rendent plus le service fondamental qui est le leur, et contre l’abdication des communautés où chacun n’offre à son frère qu’une tolérance complaisante et un silence diplomatique qui n’ont rien à voir avec l’esprit prophétique ou l’entraide spirituelle.

Dans de telles communautés, la coulpe, qui, dans un contexte déterminé, avait présenté une des dernières caricatures de cette entraide, est elle-même disparue. On pourrait utilement comparer ce ritualisme avec l’image que Bonhoeffer nous donne de la relation d’un chrétien à un autre chrétien vivant en commun avec lui [6]. Ce sont là des pages qui font sentir que la communauté ne peut pas ne pas être liée au progrès ou à la régression dans la fidélité au Seigneur et dans le projet de chacun.

Celui qui entre en communauté doit reconnaître au départ qu’il choisit un groupe de chercheurs de la volonté de Dieu, qui auront peut-être un cheminement sinueux, voire douloureux, mais qui d’emblée ont voulu mettre leur vie au service de cette volonté salvifique.

4° Mais le fait est qu’on ne va pas retrouver par enchantement des supérieurs voulant exercer une vraie médiation et capables de le faire. Où donc existe encore un compte de conscience visant à un discernement et à une prospective ? Ce compte de conscience avait des maladies, mais le Droit Canon, en les lui enlevant, lui a aussi ôté la santé. A présent, nous pouvons tous repartir à zéro, responsables et simples religieux, et essayer de comprendre ce qui s’est passé et pourquoi notre situation actuelle est vraiment déficiente.

Les grands fondateurs avaient établi un esprit dont une partie a été codifiée. Ce code pouvait être une rampe de lancement à condition de ne pas se substituer à l’esprit. Et les fondateurs avaient bien soin de maintenir le contact et avec la loi qui est bonne et avec l’esprit qui est bien meilleur. Mais si au vrai mystagogue succède l’administrateur ou, pire encore, le gardien de la loi, la seule médiation qui finit par survivre c’est la loi.

Alors qu’arrive Vatican II, avec des expériences de renouveau, des tâtonnements, des reculs, une subsidiarité plus ou moins bien comprise, des réactions antilégalistes de la base, bref un tourbillon de positif et de négatif et voilà ces hommes habitués à la boussole de la loi et de la Règle qui n’ont plus rien pour s’orienter.

5° Mais je ne voudrais justement pas conclure trop vite : le supérieur a abandonné, place à la communauté ! Non, je voudrais faire le vœu que renaisse d’abord la médiation d’un supérieur-serviteur qui ait le courage d’accepter ce rôle et d’en payer les conséquences comme le Christ les a payées pour ne s’être pas soustrait à son rôle prophétique, et la communauté trouvera à son tour sa vraie place.

6° Enfin, la raison la plus claire en faveur de la médiation communautaire, c’est la Sainte Écriture. Les données universelles de vie ecclésiale que mettaient en lumière les communautés de la Pentecôte doivent certainement retrouver une correspondance dans les communautés de consacrés. Or saint Paul insiste non seulement sur la pluralité des dons, mais sur l’attribution de ces dons à chacun par l’Esprit (1 Co 7,7 ; 12,11). Et saint Pierre invite chacun à mettre au service de la communauté les dons qu’il a reçus, à être « de bons administrateurs de la grâce de Dieu » (1 P 4,10). Et cependant, en cette période apostolique, Pierre et Paul avaient directement reçu du Seigneur une charge qui aurait pu tellement les auréoler aux yeux de leurs disciples que ceux-ci auraient été prêts à une passivité de pure dépendance, sans exercice de charismes, surtout du charisme de prophétie.

On pourra dire que la prophétie dont parle saint Paul a un sens qui nous échappe, mais il semble bien qu’une de ses caractéristiques est de dire la parole et le message de Dieu non d’une façon universelle (ce qui est le propre de l’évangélisation), mais d’une façon adaptée à la circonstance, à la personne, à la communauté. Que l’on essaie de se représenter ce que signifiait cette ouverture pour des gens hier encore païens ignorants ou juifs légalistes.

Comment la communauté doit-elle exercer la médiation ?

Trois formes ont été proposées pour cette médiation :

  1. La communauté se substitue à la personne du responsable : celui-ci disparaît théoriquement et pratiquement.
  2. Le responsable ne disparaît pas, mais devient simplement membre de la communauté à une nuance près : simple membre pour la phase de recherche en vue d’une décision, il joue le rôle de mémoire et de conscience de la communauté pour la phase d’accomplissement.
  3. La communauté exerce un rôle de médiation coordonné avec celui du responsable. Chacun trouve sa place et aucun n’essaie d’aliéner l’autre.

Cette troisième forme semble non seulement la seule qui soit ecclésialement valable, mais aussi l’unique à offrir sociologiquement une garantie d’application générale. La première forme pourrait peut-être fonctionner dans des groupes tout à fait exceptionnels. Je renvoie ici le lecteur à l’excellent texte où Marcel Légaut établit la différence entre l’essentiel et l’indispensable face à l’autorité dans toute société [7].

Puisque j’ai déjà assez amplement montré l’importance d’une vraie action médiatrice de la part de la communauté, il faut aussi que je touche un mot de l’indispensable médiation du responsable.

S’il s’agit de prendre quelques décisions de nature extérieure, le problème n’est pas considérable, mais si l’on veut vraiment trouver pour chacun l’option qu’il doit faire et qui soit à sa mesure, quelle est la communauté qui voudra se pencher sur ce problème ? Ce peut déjà être difficile et angoissant pour le responsable agissant seul, avec qui, tout de même, le dialogue est plus facile à établir en profondeur qu’avec un groupe, et un groupe dont les membres changent.

Sans donc renoncer à la médiation communautaire, il faut la considérer comme une utopie « plus utopique » encore que la médiation du supérieur. L’Utopie de Thomas More s’est avérée assez largement réalisable et le mot est en train de prendre aujourd’hui une valeur positive. On a même pu présenter ce dilemme : « l’utopie ou la mort ». Mais la réalisation de l’utopie n’implique pas le renoncement à l’usage de la raison. Si je veux une chose très difficile, je dois être prêt à faire d’abord un effort vers une réalisation moins difficile et de même ordre.

Quelques suggestions

Comment donc s’y prendre pour tendre au moins un peu vers cette utopie, non par des discours, mais par la vie ? Voici quelques suggestions :

  1. Bien savoir que la médiation communautaire est une utopie « plus utopique ». Cela doit stimuler au dépassement comme une conquête d’Himalaya. Et tant mieux pour le dynamisme qui s’en dégagera. Mais une conquête d’Himalaya ne se prépare pas seulement avec de l’enthousiasme. Il y a tout une technique à acquérir. Et un entraînement préalable visant des sommets plus modestes. Sinon la déception viendra très vite.
  2. Éviter à tout prix dès le départ une double équivoque. La médiation dont il s’agit se met à la recherche et au service de la volonté du Seigneur. Et la volonté du Seigneur n’est pas garantie par une majorité, ni même par un consensus. Consensus et majorité doivent se laisser interroger et par la réalité et par l’Évangile, dans la prière et la foi. Si le consensus ne s’est pas formellement proposé comme but la volonté du Seigneur, et s’il ne s’est pas vraiment penché sur la réalité, il ne signifie rien du tout comme exercice de médiation.

De même il ne faut pas confondre volonté du Seigneur et bien commun. Sans doute Dieu veut le bien commun de la communauté, mais ce n’est pas un bien superficiel qui peut facilement être déclaré bien commun. Ce que Dieu veut pour la communauté c’est son unité, sa charité, son épanouissement, etc. Je ne verrais pas de difficulté à trouver là une volonté de Dieu : mais quant à dire que c’est la volonté de Dieu, toute la volonté de Dieu, c’est autre chose. Et la médiation doit surtout être à la recherche de la volonté de Dieu si elle veut être missionnaire et servante, et non se limiter à un bien commun proche du repli sur soi.

c) Car la découverte de la volonté de Dieu est possible, et Jésus, puis les Apôtres, Pierre et Paul surtout, ont parlé clairement à cet égard. Ils nous invitent à accomplir cette volonté et à croître dans sa connaissance. Seulement il faut bien se souvenir que l’obéissance à cette volonté s’exerce dans l’ordre de la foi et l’ordre de la foi, n’est pas celui de la logique mathématique, mais celui de la confiance – parfois apparemment absurde – à la parole du Seigneur et au souffle de son Esprit. Même si cette confiance doit être « scandale pour les Juifs et folie pour les païens, elle est sagesse de Dieu et puissance de Dieu ».

Il peut même arriver que des communautés éduquées par la prière, la recherche et la fidélité en viennent à chanter ensemble le merveilleux poème de la Nuit obscure de saint Jean de la Croix.

Par une nuit profonde
Étant pleine d’angoisse et enflammée d’amour,
Oh ! l’heureux sort !
Je suis sortie sans être vue
Tandis que ma demeure était déjà en paix...
Et je n’apercevais rien
Pour me guider que la lumière
Qui brûlait dans mon cœur.
Elle me guidait plus sûrement
Que la lumière du midi
Au but où m’attendait
Celui que j’aimais
Là où nul autre ne le voyait.

d) Il est normal qu’une institution cherche à découvrir les charismes de ses membres et leur donne l’occasion de s’exercer. Et par ailleurs, on peut très bien reconnaître au supérieur une mission spéciale de médiateur tout en voulant l’aider à accomplir cette mission. La communauté chrétienne en effet est lieu de foi et de discernement. D’une part en effet, le Christ est présent parmi ceux qui se réunissent en son nom et l’Esprit n’est jamais refusé à ceux qui le demandent ; d’autre part, la répartition des charismes donne à la communauté comme un faisceau de grâces de lumière destinées à la rendre fidèle.

Il est donc dans l’intérêt de la communauté de savoir susciter parmi ses membres le charisme de discernement, de l’accueillir et de le mettre à profit, sans oublier cependant que c’est le responsable de la communauté qui a une grâce d’état spéciale, bien que non infaillible, pour authentifier ce qui a été discerné.

e) L’art du discernement communautaire consiste donc à bien conjuguer le rôle de la communauté et celui du supérieur. Celui-ci ne doit pas se laisser bloquer ou aliéner, mais stimuler par la communauté, qui est prête ensuite à obéir. Il ne devrait pas y avoir d’opposition profonde si chacun reste dans son rôle. Ce sont les attitudes envahissantes qui provoquent les blocages. Au vrai niveau de l’Esprit l’entente est sûrement possible, car c’est le même Esprit qui agit dans le supérieur et dans la communauté, et c’est le même Seigneur qui est à l’origine de leurs deux missions.

f) Mais il faut créer des conditions collectives communautaires pour le discernement et la médiation, et là on peut ouvrir une route merveilleuse qui ne sera jamais achevée. Le premier acte de cette construction devrait être une prise de position collective de la communauté disant : « Seigneur, que ce ne soit pas notre volonté qui se fasse, mais la tienne ! » Et le travail de la route se poursuivrait par la croissance dans la foi, dans la pureté de cœur, dans la loyauté, dans une franchise courageuse, dans l’ouverture, dans le dialogue, dans la prière, etc., chacun par ailleurs développant ses propres qualités psychologiques, son dynamisme, son sens du contact, etc.

Si l’on prend au sérieux la volonté du Seigneur, on se met à vivre la médiation dans le sens passif pour être aidé à la découvrir et dans le sens actif pour aider à son tour les autres à la découvrir.

Conclusion

Je donnerais trois conseils très simples à une communauté qui voudrait « s’y mettre » :

  1. Il est entendu que la communauté ne doit ni aliéner ni annuler le rôle du supérieur ; mais celui-ci doit aussi comprendre qu’un apprentissage ne se fait pas en quelques jours et donc accepter avec patience les tâtonnements faits de bonne foi et avec bon esprit. Il devrait même, pendant un certain temps, laisser la recherche de l’équilibre ne pas aller toujours dans un sens favorable à son autorité, et ne pas trop craindre d’adopter et adapter la mentalité de Jean-Baptiste : « Que la communauté croisse et que je diminue ».
  2. Cependant que le responsable ne craigne pas de jouer son rôle d’unificateur. Il est vrai qu’il faut vivre de l’esprit, mais ceci n’empêche pas de s’appuyer sur un ordre, sobre sans doute mais ferme. L’ordre et la discipline sont un peu comme l’argent : mauvais maîtres, mais, si on les emploie bien, bons serviteurs.
  3. Enfin il faut comprendre que les communautés ont un grand moyen d’éducation à un discernement progressif et ce moyen c’est la prière communautaire et surtout la prière partagée. Si l’on s’y met et si l’on y progresse, tous les membres arriveront à exprimer communautairement leur foi personnelle et leur foi collective, à se connaître mutuellement en profondeur et à se prendre en charge les uns les autres.

Cette prise en charge sera d’abord à un niveau de prière et d’affection mutuelle, puis de discernement et enfin de correction et de conseil direct.

Un petit témoignage pour finir. Quand j’ai écrit ma circulaire sur l’obéissance, je voyais ces conseils par exemple de prière participée comme un idéal lointain. Aujourd’hui, à une année de distance, je dois reconnaître que, ça et là, l’Esprit a su brûler les étapes, que le partage de la foi et de la prière commence à devenir réalité et que l’on est sur la voie pour arriver à un exercice vrai de la médiation communautaire.

Piazza M. Champagnat, 2 - C.P. 10.250
I-00144 ROMA, Italie

[1S’il était besoin de s’en convaincre, il suffirait de relire l’Évangile selon saint Jean, par exemple 4,34 ; 5,19.30 ; 6,38-40 ; 7,16 ; 8,26.28 ; 9,31 ; 12,49 ; 14,24 ; 17,4 ; 19,30.

[2« L’Esprit poussa Jésus au désert » (Mc 1,12).

[3Cet article ne peut entrer dans les détails. On trouvera ceux-ci dans B. Rueda, f.m.s., L’obéissance, Coll. Circulaires des Supérieurs Généraux de l’Institut des Frères Maristes des Écoles, Vol. 26, n° 1, Rome, Maison Généralice, 1975, 1-152. Éditions en espagnol : Redescubrir la obediencia, Madrid, Vita Religiosa, 1975, et en italien : « Eccomi, Signore », Milano, Ancora, 1975 (cf. Vie consacrée, 1976, 52 et 127).

[4« Nous ne falsifions pas la parole de Dieu » (2 Co 4,2).

[5Je ne veux pas non plus généraliser, mais, dans les cas où l’expérience est positive, il faudrait étudier quelles conditions l’ont rendue possible et surtout s’il n’y a pas eu l’accompagnement d’un responsable qui, sans être le supérieur local, a joué le rôle de supérieur.

[6Dietrich Bonhoeffer, De la vie communautaire, coll. Foi vivante, 83, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1968, 13-14.

[7Marcel Légaut, Introduction à l’intelligence du passé et de l’avenir du christianisme, coll. Intelligence de la foi, Paris, Aubier-Montaigne, 1970, 228-231.

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