La pauvreté
Expérience orthodoxe
Antonie Plamadeala
N°1974-2 • Mars 1974
| P. 78-88 |
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I. À temps et à contretemps
Non seulement le monde moderne, mais l’humanité depuis toujours a considéré la pauvreté comme un malheur, une injustice, une calamité. Cette « maladie de la société » a été – l’histoire le montre – cause de guerres et de révolutions. Même lorsque la pauvreté ne réussit pas à susciter la générosité, elle provoque au moins la compassion. Hier comme aujourd’hui, dans les plans d’un saint Jean Chrysostome ou d’un saint Basile le Grand comme dans les programmes des organismes internationaux, le problème de la pauvreté occupe une place permanente.
Néanmoins, nous les moines, nous parlons de la pauvreté comme d’une vertu, d’une norme de vie, d’un idéal à réaliser, pas comme d’une situation à éviter. Bien sûr, en pareil cas, c’est de nous qu’il s’agit ; pour la pauvreté des autres, nous nous rallions à ceux qui luttent pour la faire disparaître.
Mais il ne manque pas de voix pour revendiquer, sur ce point aussi, un nouveau statut pour le moine. Certes – à notre connaissance du moins – on n’a pas encore manifesté le désir de voir les moines autorisés à se livrer à la spéculation boursière, mais on peut déjà lire assez souvent qu’il faudrait que le moine « moderne », pour être vraiment tel, puisse disposer de son argent : moines et moniales ne devraient plus dépendre de leur supérieur comme des enfants qui demandent chaque jour leur argent de poche à leur maman. On a même accusé cette manière de faire d’engendrer un complexe d’infériorité psychologique, qui aboutit à faire du moine un être inachevé, qui n’atteint pas son plein épanouissement [1].
C’est délibérément que nous avons commencé par marquer que l’orientation du monachisme est « à contretemps » du monde, car nous voulons préciser certains points dès le début. C’est vrai : les vœux monastiques sont l’évidente expression d’une démarche « à contretemps » du monde. Nous, moines et moniales, en avons conscience et y tenons fermement : être « à contretemps » est la condition spécifique du moine. La chose doit être clairement affirmée ; ainsi, et ainsi seulement nous pourrons vraiment expliquer les vœux, à nous-mêmes et au monde. Finalement même, nous découvrirons que le fond du problème réside ailleurs que dans une attitude automatiquement « à contretemps ».
Qui dit monachisme, dit retraite du monde, de la société : comme le nom l’indique, c’est une option en faveur du monos (seul), de la singularisation. Même quand il est vécu en communauté, il s’agit d’une communauté d’hommes ou de femmes « en retraite ». L’idée de retraite manifeste que le moine lui-même veut être « autrement ».
Les Pères qui nous ont laissé les Apophtegmes [2] et toute la tradition monastique comparent l’entrée dans la vie monastique à une mort. C’est de la sorte que s’explique la coutume de se prosterner, les bras en croix et de changer de nom pendant le rite de la tonsure [3]. L’homme de ce monde, l’homme de ce temps, l’homme de cette histoire, c’est-à-dire l’homme qui était soumis aux lois du monde, est mort. Un autre homme est né : l’homme de l’éternité, celui qui est entré, dès maintenant, dans la condition de l’au-delà. Telle est la raison pour laquelle les Pères appellent la vie monastique « vie angélique ».
Ceci explique aussi pourquoi, dans nos monastères, après la tonsure, les moines et les fidèles qui ont assisté à la cérémonie vont au-devant du nouveau moine et lui demandent : « Comment t’appelles-tu, Père ? », à la manière d’hommes qui ne se sont pas connus jusqu’alors. Et le nouveau moine se présente sous sa nouvelle identité : « Je m’appelle X., priez pour moi, pécheur ».
Les Apophtegmes racontent l’étonnement qui se produisit lorsqu’un riche parent du Père Arsène lui laissa, en mourant, un gros héritage. « Je suis mort avant lui », répondit le Père Arsène en refusant le legs [4].
Au cours de cet exposé, nous devrons toujours garder présente à l’esprit cette réalité : le moine est l’homme du « contretemps », un homme sorti du monde.
Pour le faire entrer dans une nouvelle condition, Dieu dit à Abraham : « Sors de ton pays ». Les Pères considèrent cette sortie comme une image symbolique et prophétique de la sortie monastique du pays du péché. Être dans le temps, cela veut dire être sous le péché, être soumis aux lois de ce monde et lutter pour le salut dans les conditions de ce monde. Être « à contretemps », cela veut dire faire pénitence, c’est-à-dire faire violence aux conditions essentielles de ce monde, car « les violents s’empareront du Royaume des Cieux » (Mt 11,12). Il faut dire aussi que cette violence est une témérité, une lutte de tous les jours. Être « à contretemps », c’est donc être en lutte. Le moine est engagé dans un combat perpétuel. Qu’on se pose des problèmes, quoi de plus normal lorsque l’on est « à contretemps ». Mais il y a des constantes qui guident le moine, lui garantissent des solutions. Examinons les plus importantes d’entre elles.
II. La retraite du monde comme expression de la liberté
Se retirer du monde est le secret de l’appel de chacun et, avant tout, un acte de sa liberté. Personne n’y est appelé par un autre, nul n’y est forcé, la retraite n’est ni imposée ni organisée par qui que ce soit. Celui qui frappera un jour à la porte du monastère est encore un inconnu pour ses habitants. C’est lui ou elle qui, par une décision de leur propre volonté, veulent être « autrement », aller « à contretemps » du monde c’est leur volonté de se faire faire violence.
Certes, personne ne se décide par hasard à être « autrement ». Chacun a été touché à sa façon : le cœur et l’esprit ont rencontré une parole de l’Écriture ou une phrase d’un autre livre ; on a parlé avec un moine ou visité un monastère. Un jour, on se découvre pressé intérieurement de prendre une décision. De fait, la décision est pratiquement prise à ce moment, car cette pression intérieure naît lorsque la volonté, l’intelligence et le sentiment s’accordent harmonieusement dans la poursuite du même but.
La tradition nomme cet événement « l’appel de Dieu » : chacun sort du monde et se présente au monastère parce qu’il perçoit un appel, une vocation, on pourrait dire une « convocation » spéciale.
Cet appel comporte deux éléments caractéristiques : le premier est l’impulsion à se séparer, à sortir du monde et de ses lois ; le deuxième, c’est la mystérieuse espérance que, par cette route, on s’approchera davantage de Dieu et l’on se sanctifiera : le vrai néophyte est toujours un candidat à la sainteté. Plus tard, le moine se rendra compte que longue est la route (et alors, peut-être, son pas se fera plus lent), mais au départ il est décidé à parvenir vite au but.
En général, le néophyte sait au moins qu’il devra embrasser les trois vœux monastiques. Il ignore le détail des règles, mais il sait qu’il sera « à contretemps » dans ces trois domaines : vivre non-marié, renoncer à toute propriété personnelle, vivre en permanente obéissance. Chacun sait qu’il vient lutter contre lui-même, qu’il s’engage dans un processus spécifique de lutte et qu’il entre ainsi dans une discipline bien déterminée.
Jusqu’ici nous avons donc établi deux prémisses : le monachisme suppose qu’on soit « à contretemps », il suppose la liberté d’un choix. Mais s’engager « à contretemps » suppose aussi une discipline : c’est notre troisième prémisse.
III. Liberté et discipline
Peut-être y a-t-il profit à préciser quelque peu en détail ce que nous entendons par « discipline ». La tradition monastique comprend par là l’ensemble des moyens par lesquels le moine tend à la perfection. Car l’entrée dans la vie monastique est une réponse à l’appel de Jésus : « Si tu veux être parfait... ». Et comme premier pas, il indique au jeune homme riche le choix de la pauvreté. C’est l’origine du vœu de pauvreté. Et le conseil (« si tu veux ») spécifie que, par ce chemin, la voie vers le Royaume des Cieux est plus sûre et plus courte. Notre-Seigneur veut-il dire par là que, dès le choix fait, on atteint la perfection ? Assurément non ! La route commence là, mais elle se prolonge la vie durant.
Car le service du Seigneur appelle toute une science de la purification des pensées et des actions. Aussi le moine exerce-t-il un contrôle constant sur sa pensée et son imagination jusqu’à ce qu’il devienne la demeure du Saint-Esprit : alors, il brille aussi pour les autres. Mais, jusque là, il est « disciple » et donc soumis à une « discipline » (les deux mots ont même radical).
Les Pères recommandent la discipline dans la nourriture, le sommeil, le langage, les pensées, le vêtement, etc. Tout cela a pour mission de rappeler au novice que son intérêt doit se porter sur le spirituel. Ces prescriptions ne seraient pas nécessaires si la nature humaine n’était pas faible, si le moine n’était pas en danger d’oublier son but et de céder à des compromis qui peuvent à nouveau le centrer sur les réalités matérielles. De plus, tous ces exercices ascétiques doivent être soutenus par la prière, par une prière incessante, au terme de laquelle certains arrivent à la contemplation et à la sainteté.
On peut se demander : où le moine peut-il trouver par écrit cette discipline ? L’Orient orthodoxe ne l’a pas codifiée. Il n’y a ni règle fixe ni code d’interdictions extérieures et formelles. On trouve assurément cette discipline dans les écrits des Saints : l’ Échelle de Jean Climaque, les œuvres de saint Isaac le Syrien, de saint Éphrem le Syrien, de saint Basile, de saint Théodore le Studite, de saint Nicodème l’Hagiorite et d’autres encore. La discipline de la prière et de la contemplation est décrite dans les traités de saint Syméon le Nouveau Théologien et de saint Grégoire Palamas, mais personne n’est obligé de les suivre. Chacun les lit et en garde ce qu’il veut et ce qu’il peut. La perfection est une question de conscience personnelle.
Assurément, à parler en général, il y a une discipline dans le monastère : des temps sont prévus pour les services à l’église, pour le travail, pour les repas. Mais combien de temps chacun passe à l’office dans l’église, quelle quantité l’Hagiorite et d’autres encore. La discipline de la prière et la manière dont il s’y adonne, les moments où il se confesse, le nombre de fois où il se présente à la communion, tout cela sont des affaires personnelles, des décisions libres. On donne certes des conseils, mais on n’impose ni ordres détaillés ni règles automatiquement valables pour tous.
Le point où la discipline est peut-être la plus poussée, c’est le travail en commun au bénéfice de tous. Mais la discipline spirituelle personnelle relève d’une autre tradition : elle est à base de liberté. Et – fait important à constater – précisément à cause de cette liberté, chacun sait qu’il ne se justifie pas devant Dieu par la seule observance extérieure des règles communes, mais par ses engagements personnels, libres, voire même secrets. Telle est la vraie perspective du monachisme orthodoxe ; on ne peut le comprendre qu’en l’approfondissant dans cette ligne.
Cette longue introduction sur l’esprit du monachisme orthodoxe m’a paru nécessaire avant d’aborder le thème de la pauvreté : sans elle, l’esprit dans lequel se pratiquent les vœux est difficile à saisir.
IV. La pauvreté comme discipline et liberté
Revenons donc à la pauvreté. Pourquoi les moines ont-ils choisi cette voie ? Parce qu’ils veulent se libérer de toutes les sollicitudes de ce monde. Parce qu’ils sont sensibles à l’unique nécessaire. Parce qu’ils croient la parole de Jésus leur disant que ce chemin conduit à la porte du Royaume. Parce que celui qui a de la fortune voit ses pensées se tourner vers elle, vers le souci de la préserver et de l’accroître. Parce que la richesse engendre l’égoïsme, favorise l’inégalité, attache aux biens matériels et subjugue ses victimes. On ne peut pas entrer dans la voie de la discipline spirituelle et rester en même temps possesseur de richesses personnelles.
Tels sont les principes. Mais comment les choses se passent-elles en réalité ? Je vais essayer de le montrer par quelques exemples.
Il me faut tout d’abord rappeler à nouveau que le vœu de pauvreté, lui non plus, ne fait pas l’objet de règles détaillées et rigides. Mais il y a une tradition vivante. Et celle-ci déclare : celui qui entre au monastère ne doit plus rien posséder. C’est en général ce qui se fait. Les candidats commencent par se défaire de leurs biens : propriétés, maisons, objets divers. Certains les vendent, d’autres les cèdent à des parents, d’autres en offrent la contre-valeur au monastère. Mais, généralement, celui-ci refuse de pareils dons, pour que le novice ne puisse pas se figurer qu’il est une sorte de copropriétaire du monastère, à la manière d’un actionnaire qui a versé sa quote-part. Mais d’autres situations se présentent aussi : certains candidats gardent la propriété d’une maison, d’une terre, mais en cèdent l’usufruit à un habitant du village. Ce qui intéresse le monastère, c’est que le candidat ait renoncé à utiliser les revenus à son profit. De pareilles situations se rencontrent surtout pendant le noviciat.
Il y a des monastères de moniales comptant 300 à 400 membres, qui vivent par 2, 3, 4 ou 5 en petites maisonnettes. Chaque maison forme une sorte de communauté. Les moniales qui vivent de cette manière gardent parfois leurs titres de propriété et en reçoivent quelques fruits pour leurs besoins. Mais jamais les fruits perçus ne dépassent les besoins : aussi personne ne considère-t-il qu’elles n’observent pas le vœu de pauvreté.
Le moine peut avoir quelques objets personnels (vêtements, livres, menus objets) dans sa cellule. Ces objets ne sont pas considérés comme une richesse. Ils assurent au moine sa pleine liberté et définissent sa personnalité. Dans le monastère, le niveau de la pauvreté personnelle est le même pour tous et les menus objets dont chacun dispose ne donnent à personne l’idée d’une différence de traitement. Les « bons » moines, les moines vertueux s’efforcent de se contenter du strict nécessaire.
Mais on ne peut passer sous silence un autre aspect de la pauvreté : les possessions des monastères. Nous rencontrons ici une critique, peut-être fondée, que l’on nous fait actuellement. On se demande : que représente la situation d’un moine théoriquement pauvre dans un monastère pratiquement riche ? La réponse classique est que la fortune du monastère est considérée de façon impersonnelle, comme n’étant le bien de personne en particulier, ce qui amène à estimer que le vœu de pauvreté de chacun est respecté.
Il est vrai qu’aucune discipline spéciale ne fixe de limite à la richesse financière d’un monastère : ce problème reste à élucider. Je ne connais pas la situation des autres pays orthodoxes, mais en Roumanie la richesse des monastères ne dépasse pas, en pratique, ce qui est nécessaire pour la vie de leurs membres : tous les moines travaillent et vivent de leur travail. Il n’y a pas un seul monastère vivant d’autres sources de revenus (investissements bancaires, locations de terres ou d’immeubles, etc.). De plus, tous les monastères orthodoxes sont ouverts en permanence à tous les visiteurs, qui y sont reçus gratuitement.
V. L’expérience orthodoxe d’aujourd’hui en matière de pauvreté
L’expérience orthodoxe actuelle ne connaît pas de problème du vœu de pauvreté. Le moine ou le frère, une fois entré, est pris en charge par le monastère. Il donne son travail, à la mesure de ses capacités ; le monastère lui assure la nourriture, le vêtement, l’argent pour ses voyages si c’est nécessaire.
Mais ce qui maintient vraiment le sentiment de liberté par rapport aux biens matériels, c’est la modicité de la nourriture, du vêtement et des cellules. L’histoire nous apprend que, dans les siècles passés et jusqu’au XIXe siècle chez nous, les monastères étaient de grands propriétaires, mais leur vie spirituelle était très basse. Les moines étaient obligés de devenir des administrateurs et cela les privait de la possibilité de travailler de leurs mains. Un vieil Apophtegme dit que lorsqu’un moine n’a pas de travail, le diable lui en fournit. Assurément, ce mot renferme un sens spirituel profond. Personne ne peut rester tout le temps en prière, sinon après un long apprentissage ; s’il ne travaille pas, ses pensées vagabondent, l’ennui et le désir d’évasion l’envahissent. C’est pour cela que les Pères disent que le travail est une prière et une sauvegarde contre les passions.
Le vœu de pauvreté absolue ne peut être vécu que dans une communauté, surtout dans notre monde moderne. La sortie de la communauté suppose l’entrée dans la condition laïque, au moins en ce qui concerne ce vœu. J’ai connu en Amérique un moine chargé d’une paroisse. Peu à peu, il avait réussi à devenir propriétaire d’un hôtel de vingt étages. Bien sûr, sa vie de moine était gravement affectée par cette richesse. Un jour, il a tout perdu à la suite d’une transaction financière malheureuse : ce jour-là, il s’est rappelé qu’il était moine.
Nous avons parlé d’une certaine discipline. La charpente sur laquelle elle s’appuie nécessairement, ce sont les vœux : si l’un tombe, les autres tombent à leur tour. Sans cette charpente, on ne peut parler de monachisme.
J’ai entendu des arguments tels que celui-ci : nous sommes des adultes responsables, nous devons cesser d’être des mineurs, avoir notre argent et pouvoir le dépenser, et ressentir ainsi la joie de nous sentir responsables de nos actes. On peut le penser, mais poser le problème de la sorte, c’est se mettre en dehors du monachisme. Rappelons-nous les prémisses que nous avons établies : le monachisme, c’est l’option, en toute liberté, pour le « contretemps », et donc pour une discipline spécifique. Tant que le dialogue s’appuie sur ces prémisses, il reste dans la logique du monachisme. S’il en sort, on discute d’autre chose, qui peut être logique aussi, mais à partir d’un autre point de référence. Chacun est libre de penser comme il veut, mais pourquoi vouloir donner des prescriptions médicales quand on est jardinier ?
Avec un argument comme celui-ci « nous sommes des hommes », auquel on ajoute le mot magique « des hommes modernes », on peut tout justifier. Mais les moines ont choisi de dire : « nous sommes des moines », ils ont opté pour autre chose. Pour rester dans les limites de cette option, nous sommes obligés de respecter sa logique. Sinon, nous sortons de cette option et nous entrons dans une autre, avec sa propre logique. Mais nous avons dit adieu au monachisme. Bref, c’est une erreur d’appliquer au monachisme les catégories propres aux laïcs : quand un moine le fait, il devient par là-même laïc au moment où il change de catégories. Nos respects, mais nous ne parlons plus la même langue.
Je ne vois pas comment on pourrait réviser les vœux. Le monachisme tient ou s’écroule avec eux. Les demi-mesures en matière de vœux aboutissent à une caricature du monachisme et à sa mort.
Il faut que le moine apparaisse au monde moderne comme un témoin. Le moine témoigne par sa pauvreté qu’il croit que Dieu est présent, aujourd’hui et demain. Le moine est témoin de l’Esprit. Il est appelé à peser dans la balance de tout le poids de son exemple : celui-ci doit parler au monde de Dieu, du salut, de la vie éternelle. Le moine est un apôtre et une garantie vivante de la foi.
Telle est la qualité qu’il faut révéler au monde d’aujourd’hui, non des doutes, des efforts pour trouver le moyen de faire comme tout le monde, dans la recherche d’un compromis que rejettent également le monde et le monachisme.
Nous avons commencé notre exposé en montrant le moine « à contretemps » du monde. Mais, si le moine est appelé à être témoin de l’Esprit de Dieu, son « contretemps » est d’équilibre, non d’opposition. Ajoutons que le moine est un libre témoin, parce qu’il écoute librement l’appel de Dieu : c’est pourquoi, par exemple, le vœu de pauvreté est toujours précisé : « vœu de pauvreté volontaire ».
On peut penser qu’un jour, peut-être, le monachisme disparaîtra : ce serait le jugement de Dieu, que nul ne pourrait empêcher. Mais nous pouvons (et nous devons) prévenir les subtiles démarches qui se produisent çà et là pour l’assassiner de l’intérieur.
La logique s’impose au moine comme à tout le monde. À la logique de ce temps, le moine oppose la logique spirituelle du « contretemps ». Comme moine, on ne peut pas juger d’une autre manière.
Département des Relations Extérieures du Patriarchat Roumain
Str. Antim, n° 29, BUCURESTI, Sector 5, Roumanie
[1] Cf. F. James Kavanaugh, A modem Priest looks at his outdated Church (Un prêtre moderne regarde son Église démodée), New York, 1967, 163.
[2] Anecdotes à propos de moines célèbres, rapportant des traits de leur spiritualité. Il en existe de nombreux recueils.
[3] Rite qui clôture le noviciat.
[4] Cf. Patrologia graeca, 65, col. 97, n. 29 (en grec et en latin).