Courrier des lecteurs : Religieuses et autorité masculine, Pauvreté de Dieu
Vies Consacrées
N°1973-6 • Novembre 1973
| P. 373-374 |
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Religieuses et autorité masculine
Mon Révérend Père,
Comme vous avez bien voulu publier la lettre d’une jeune carmélite (Vie consacrée, 1973, p. 242-245), j’espère qu’il y aura aussi de la place pour moi. J’ai 68 ans, dont plus de 49 au Carmel. Moi non plus, je n’ai ni charge, ni autorité.
En lisant l’article du P. de Bonhome, paru dans Vie consacrée, 1972, p. 257-277, mon cœur a tressailli de joie. Enfin une voix qui parle clair, quelqu’un qui n’esquive pas les problèmes qui se présentent aux moniales. Je suis pleinement d’accord avec les Quelques suggestions (p. 272-277). Il est temps d’arriver à un gouvernement autonome, non pas obtenu comme une grâce, mais reçu de plein droit, tout en conservant des relations fraternelles de part et d’autre avec nos Pères, ainsi que l’aide mutuelle. Ensuite il faudrait non seulement permettre, mais encourager et stimuler la formation de fédérations.
La chère Sœur se trompe si elle croit que la grande majorité des carmélites (à moins qu’elle ne vise celles de la Province méridionale de Belgique) désirent que leurs Constitutions soient modifiées uniquement par le Père Général. Au contraire ! Cette fameuse Loi fondamentale en 336 points a été refusée non seulement par la plupart des Carmels ici en Europe, mais ailleurs encore, à l’Est comme à l’Ouest.
La chère Sœur prétend que l’assistance spirituelle reçue des Pères ne peut se donner en dehors de toute intervention dans le gouvernement des monastères, parce qu’alors on ne tiendrait pas compte des réalités de la vie quotidienne des communautés. Il me semble que la Prieure est la mieux au courant de ces réalités et que c’est à elle de trouver une solution, après délibération avec la communauté ou avec les intéressées. D’ailleurs, je crois que les confesseurs, et à plus forte raison les pères spirituels, n’ont pas le droit de s’immiscer dans le gouvernement de la communauté, et pour cause. (Je tiens à signaler que, de part et d’autre, les relations entre le P. Provincial, les Pères de notre Province et nos Carmels sont excellentes et libres de tout paternalisme).
Quant à la clôture, depuis 1968, je passe tous les ans quelques jours dans ma famille, non pour ma satisfaction, mais pour celle des miens. Je puis assurer que je rentre chaque fois fort heureuse de pouvoir reprendre ma vie de carmélite dans le silence et la solitude. C’est dans ce sens que je souscris au témoignage de cette moniale qui se passe de moyens accessoires et anachroniques (grilles, etc.) et qui vit pourtant aussi intensément que possible sa vie contemplative.
Enfin, je regrette que les Pères de Rome se soient donné tant de mal pour ce travail de dépouillement, de triage et de classement de milliers de fiches. Nous ne demandons pas mieux que de nous occuper nous-mêmes de nos affaires. J’apprécie leurs paroles élogieuses à notre adresse lors du dernier Chapitre Général, mais nous aimerions quand même mieux des actes qui répondent aux besoins de notre temps.
Veuillez agréer, mon Père, avec mon respect religieux, ma reconnaissance anticipée pour la publication de cette lettre.
Sœur Marielle, O.C.D.
Carmel de HULST (Z), Pays-Bas
« Pauvreté » de Dieu ?
Méditations sur la pauvreté religieuse article du numéro 3 de Vie consacrée (1973, p. 143-155), veut fonder, en partie du moins, la pauvreté sur la Trinité. La vie intime trinitaire serait pauvre, signe et exemple de pauvreté ; et la pratique de la pauvreté nous ferait participer à la pauvreté trinitaire divine.
Cette manière de s’exprimer me paraît difficilement acceptable, si l’on veut garder aux mots leur sens reçu. La pauvreté par excellence ne se trouve pas en Dieu, mais dans les bidonvilles, chez les victimes de la pègre et des fausses justices humaines officielles, chez les exploités de tout calibre tout autour de la terre.
Dieu est débordement de richesse et de vie inouï, une plénitude qui ne demande qu’à s’épancher, et non pauvreté. La pauvreté est un phénomène terrestre humain ; elle est la conséquence du péché, de l’injustice systématique des hommes pécheurs. Comment alors peut-on dire sérieusement que les personnes de la Trinité et la Trinité elle-même sont pauvres ? Tout au contraire, c’est leur richesse même qui fonde leur amour désintéressé : n’étant pas pauvre, n’ayant besoin de rien, Dieu peut se montrer généreux sans mesure et servir par là-même de modèle à notre générosité, à notre détachement, à notre pauvreté volontaire (toujours limitée par notre pauvreté réelle).
Il n’y a, me semble-t-il, aucun profit vrai à ne pas employer les mots pour ce qu’ils veulent dire ; loin de nous faire mieux pénétrer le message en agissant autrement, on risque bien plutôt de l’affadir.
Yves Gagnon, o.c.s.o
QUÉBEC, Canada