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La femme et le sacerdoce

Tribune libre

Yves Congar, Marie-Claire Bourriaud, s.s.s.

N°1972-5 Septembre 1972

| P. 299-314 |

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I. Le sacerdoce ministériel doit-il être réservé aux hommes ?

Le problème du sacerdoce des femmes s’inscrit dans un contexte historique : celui de la situation faite à la femme dans le monde méditerranéen aux temps apostoliques, et plus tard dans l’Occident. Le cadre restreint de cet article ne permet pas de donner le résultat de cette enquête qui révèle, sauf à de rares périodes et en de rares lieux, une domination constante de l’homme sur la femme. L’entrée de celle-ci dans la vie publique, discernée comme un signe des temps par Jean XXIII, a provoqué la remise en question d’une tradition difficile à justifier dans un contexte sociologique qui tend à la parité de droits.

Origine et évolution de la question du sacerdoce des femmes

Dès 1958, les Églises protestantes avaient accepté le principe du pastorat féminin. L’Église luthérienne de Suède, la première, ordonna trois femmes pasteurs le 10 avril 1960, en dépit de vives réactions. En 1965, elle en comptait onze. Canada, France, États-Unis, la suivirent de plus ou moins près.

Du côté catholique, en décembre 1962, Joan Morriès adresse au Concile une pétition tendant à une résurrection des diaconesses de la primitive Église, et une Allemande, Josepha Muench, qui a fait de fortes études théologiques, demande que soit modifié le canon 968, barrant aux femmes la route du sacerdoce. Une autre Allemande, qui, avant sa conversion avait terminé ses études en vue du pastorat, se plaint de ne pouvoir remplir ce rôle en tant que catholique. Avant elles, une avocate de Zurich envoie aux commissions préparatoires du Concile, une lettre demandant qu’on examine avec attention les raisons pour lesquelles les femmes n’auraient pas le droit d’être ordonnées à la prêtrise [1].

À partir de là, on peut trouver de nombreux articles sur le sujet, aussi faudra-t-il se limiter à n’en citer que quelques-uns et à ne donner que les lignes générales.

Le 15 novembre 1963, les Informations Catholiques Internationales [2] publient une étude. L’auteur anonyme, citant longuement le P. Idigoras, montre que le refus de conférer aux femmes les ordres sacrés même mineurs repose sur les textes de saint Paul et de saint Thomas d’Aquin. Mais, dit-il, il faut distinguer ce qui, dans les écrits pauliniens, est vérité révélée et ce qui est préceptes circonstanciels ; on a tiré des conclusions abusives de ces textes de saint Paul, qui par ailleurs parle comme de la chose la plus naturelle de l’intervention publique des femmes qui prophétisent. Quant à saint Thomas d’Aquin, il part d’un présupposé qui enlève toute force à ses arguments quand il dit : « L’état de la femme étant un état de sujétion, elle ne peut recevoir le sacrement de l’Ordre ». En ce qui concerne le diaconat, selon saint Thomas lui-même et bon nombre de théologiens après lui, il n’y a qu’un seul sacrement de l’ordre gradué des formes inférieures à la plénitude de l’épiscopat. Or les femmes ont fait fonction de diacres dans les temps apostoliques. Comment imaginer que l’Église primitive ait pu faire une distinction entre la diaconesse et le diacre en ce qui concerne le caractère sacramentel de l’ordre qu’ils recevaient dans la même forme, le même rite ?

C’est aussi la réponse du P. Daniélou en octobre 1965 aux membres de l’Alliance Jeanne d’Arc, et l’opinion du P. Häring en mars 1966 à la conférence internationale de l’Université Notre-Dame à South-Bend.

En juin 1965, le P. Charles Boyer écrit : « Quand le parlement de Suède s’est prononcé pour le sacerdoce féminin, on a pu croire qu’il s’agissait d’une tentative sans lendemain. Or le Conseil mondial des Églises protestantes fait comprendre qu’il s’agit là d’un mouvement plus large et capable de s’étendre ». Après avoir rapporté les raisons invoquées pour le pastorat féminin par le Conseil mondial des Églises, raisons que deux orthodoxes refusent absolument, il conclut : « Que le sacerdoce soit réservé aux hommes, c’est, comme nul ne l’ignore, la doctrine de l’Église catholique romaine. Les raisons sont celles qui ont été exposées dans cette publication par les théologiens orthodoxes. La sainte Écriture est contraire à l’ordination des femmes. Bien que le Christ notre Seigneur fût accompagné par les saintes femmes, il n’en admit aucune parmi ses apôtres, pas même sa mère. Saint Paul est explicite : Que les femmes se taisent dans les assemblées, dit-il aux Corinthiens (1 Co 14,34), et il le répète dans sa première épître à Timothée (2,12). Ensuite l’enseignement et la pratique de l’Église réservent l’ordination au sexe masculin. Si les femmes pouvaient recevoir ce sacrement, l’Église n’aurait pu les priver de cette grâce pendant tant de siècles. Cela n’empêche point les femmes d’être en grand honneur dans l’Église, puisque parmi elles se trouve la plus haute des pures créatures, Marie, Mère de Dieu... Les obstacles à l’unité de la foi sont déjà considérables. Le sacerdoce des femmes en serait un autre insurmontable, car il s’agit de la validité d’un sacrement [3]. »

Au contraire, dans les Études de ce même mois de juin 1965, le P. Xavier Tilliette termine ainsi un article sur la femme et les problèmes du féminisme : « Au regard de l’impressionnante évolution du monde féminin, les interventions épiscopales, l’invitation d’auditrices au Concile, la tiède mue des congrégations religieuses féminines, et les légères modifications du rituel du mariage constituent un début timide, presque dérisoire. Mais ce sont les imperceptibles premiers souffles d’un printemps... À ces quelques indices on peut espérer que la femme prendra dans les institutions une part et une place plus importantes, une plus réelle autonomie. L’Église tire le cours du monde et en extrait le meilleur. La fameuse « promotion du laïcat » d’abord, qui se réalise de manière évidente, devrait atténuer la relégation ecclésiale de la femme. Mais il est davantage symptomatique que la question délicate de l’ordination sacerdotale ou diaconale soit posée, c’eût été impensable naguère..., les prudences demeurent encore déterminantes. Mais tant que l’Église n’a pas canonisé une symbolique des sexes et fait d’une raison de convenance une proposition de foi, le débat est permis. Au surplus, il choque de moins en moins nos habitudes de pensée. Peut-être est-ce une semence jetée au vent de l’esprit [4] ? »

Deux mois plus tard, paraît, dans les Informations Catholiques Internationales, un article du P. Idigoras détruisant à nouveau les anciennes théories et réaffirmant qu’on ne peut apporter aucun argument de valeur contre l’ordination des femmes et qu’au contraire nous voyons dans l’Ancien Testament « la femme agir dans le triple ordre de la royauté, de la prophétie et du service sacré des autels [5] ».

Trois mois après, c’est Gino Concetti qui publie dans L’Osservatore Romano une série d’articles. Il revient sur la question avec une argumentation si développée qu’il est impossible de la résumer ici. Il ne trouve pas d’argument favorable et bien plus, selon lui, il y a un fossé infranchissable : la détermination du Christ. S’il l’avait voulu, le Christ aurait pu choisir des femmes parmi les nombreuses femmes qui le suivaient pour les élever à la dignité sacerdotale. Il ne l’a pas fait, non par respect d’une tradition humaine, de milieu, mais pour respecter l’ordre de la création et du plan du salut qui exigeait le rôle capital de l’homme : tout d’abord chez Adam, puis chez le Christ [6].

Le 19 février 1967, La Documentation catholique publiait à son tour une étude importante sur le problème du sacerdoce des femmes dans l’Église anglicane : c’était le résultat de trois années de recherches d’une commission créée par les archevêques de Cantorbéry et d’York et présidée par l’évêque anglican de Chester. Étant donné les points de vue irréductiblement opposés des participants, aucune solution n’était proposée, mais seulement les arguments pour ou contre [7].

En octobre 1971, la question est de nouveau soulevée au Synode. Le Cardinal Flahiff intervient au nom de l’épiscopat canadien. Après avoir dit qu’aucun obstacle dogmatique ne s’oppose au réexamen de la question, il énonce la proposition suivante : « Les représentants de la Conférence catholique canadienne prient leurs délégués de recommander au Saint-Père la formation immédiate d’une commission mixte (c’est-à-dire formée d’évêques, de prêtres, de laïcs des deux sexes, de religieuses et de religieux) afin d’étudier en profondeur la question des ministères féminins dans l’Église. Nous ne voulons pas préjuger de la question. Nous ne savons pas si des décisions devront suivre cette étude. Nous ne savons surtout pas quel rythme et quel mode cette action devrait prendre. Mais malgré une tradition vieille de plusieurs siècles contre les ministères féminins, nous croyons que les signes des temps (dont le moindre n’est pas le fait que déjà des femmes exercent avec succès des tâches apostoliques et pastorales), que ces signes donc nous pressent d’entreprendre l’étude de la situation présente et des possibilités pour l’avenir. Si nous ne commençons pas dès maintenant cette étude, nous risquons d’être dépassés par les événements... [8] ».

Trois jours plus tard, au sein de la même assemblée, le Cardinal Slipyi, archevêque des Ukrainiens intervient à son tour. Après avoir fait l’éloge des prêtres mariés de rite oriental, il déclare contraire à l’Écriture et à la Tradition la proposition de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes [9].

Le sacerdoce ministériel doit-il être réservé aux hommes ?

Ce mouvement, qui suscite des réactions souvent opposées, nous invite à une réflexion approfondie.

Il semble l’aboutissement normal de l’épanouissement intellectuel de la femme et de sa promotion dans la société humaine, société qui « est appelée à s’achever dans l’œuvre du Christ [10] ». Ce mouvement va, il est vrai, à l’encontre de préjugés séculaires. Pourquoi la domination de l’homme sur la femme a-t-elle persisté si longtemps dans la société et par suite dans l’Église ? Il est difficile de le dire. Mais aujourd’hui où l’autoritarisme fait place à la collaboration, il semblerait normal que ce mouvement se reflète dans toutes les Églises. Il serait même souhaitable que celles-ci deviennent pionnières dans ce domaine de la collaboration entre hommes et femmes, puisque c’est « la route qui doit conduire la communauté humaine à un ordre ayant pour base la vérité, se réalisant dans la justice, demandant à être vivifié par l’amour, et trouvant dans la liberté un équilibre sans cesse rétabli et toujours plus humain [11] ».

Il paraît légitime et justifiable que la femme puisse aspirer à l’égalité avec l’homme dans l’Église elle-même : en effet à la base de toutes les objections que l’on fait à l’ordination des femmes, il y a le présupposé sous une forme ou sous une autre que la femme est inférieure à l’homme, soit comme personne humaine, soit comme disciple du Christ.

Pour répondre aux diverses objections, je voudrais mettre en lumière quelques points :

  • ce qu’est fondamentalement le sacerdoce,
  • que la femme est représentative de l’humanité au même titre que l’homme, dans l’ordre de la nature comme dans celui de la grâce,
  • que, s’il n’y avait pas de femmes parmi les Douze, il y en avait parmi les disciples, et que Jésus n’a jamais prononcé une exclusion du ministère sacerdotal à leur égard.

1. Le sacerdoce est fondamentalement une médiation entre Dieu et l’humanité. « Tout grand-prêtre, dit saint Paul, pris d’entre les hommes (et il emploie le mot anthrôpos, désignant hommes et femmes), est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu... Nul ne s’arroge à soi-même cet honneur, on y est appelé par Dieu...De même ce n’est pas le Christ qui s’est attribué à soi-même la gloire de devenir grand-prêtre, mais il l’a reçue de celui qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi aujourd’hui je t’ai engendré ;... C’est lui qui,... après avoir été rendu parfait, est devenu pour tous ceux qui lui obéissent, principe de salut éternel » (He 5,1-10). Cette filiation divine, ce sacerdoce reçu du Père par le Christ, est participé par « tous ceux qui lui obéissent », par tous les baptisés, dont il a fait, pour son Dieu et Père, un royaume de prêtres, pour l’offrande de sacrifices spirituels et la proclamation des hauts-faits de Dieu (1 P 2,5-9).

Le sacerdoce ministériel, conféré au moyen d’un nouveau sacrement qui configure au Christ prêtre, en tant que Tête du Corps, Chef de l’Église, rend apte et engage celui qui le reçoit à construire, gouverner et sanctifier l’Église. Il diffère du sacerdoce baptismal par son caractère représentatif.

Homme ou femme, tout baptisé participe de façon égale cet unique sacerdoce du Christ. Il semble donc, de ce fait, radicalement apte à le représenter aussi sacramentellement et officiellement.

2. En effet, la femme est représentative de l’humanité au même titre que l’homme, en tant que personne humaine. L’homme seul n’est pas plus représentatif de l’humanité totale que la femme seule : ils sont deux personnes égales en humanité. Pour l’exercice du ministère sacerdotal, – mise à part la députation de l’Église à cet office, députation qui a une importance décisive, mais que je n’ai pas à traiter – il semble bien qu’il suffise d’être une personne humaine, baptisée, douée des aptitudes nécessaires à ce service de la communauté chrétienne. Aujourd’hui, on admet que certaines femmes puissent être aussi aptes que des hommes à exercer ce ministère, mais ce qu’on refuse d’admettre, c’est que le Christ exerçant son sacerdoce au nom de l’humanité puisse être représenté par une femme, et au nom d’une anthropologie soi-disant chrétienne, on croit devoir refuser le sacerdoce ministériel à la femme. Est-ce justifiable ?

L’humanité est une unité complexe, et il n’est peut-être pas exagéré de dire que la dualité des sexes en humanité est de fort près comparable à la dualité corps-esprit en chaque personne. C’est un fait d’expérience que la santé physique dépend de la bonne harmonie entre corps et esprit et que la croissance affective ne se réalise pleinement que dans une saine relation avec le sexe opposé. Tout autant que l’homme, la femme est représentative de l’humanité. Bien sûr, il y a deux sexes, et ils sont différents, mais ils ne constituent pas à eux seuls toute la personnalité, même s’ils la différencient, puisqu’ils appartiennent tous deux à la même nature humaine. Toute personne authentiquement saine est un équilibre d’éléments masculins et féminins. L’homme n’atteint sa pleine dimension qu’en intégrant des éléments féminins, et de même la femme n’atteint sa personnalité qu’en intégrant certains éléments masculins. Homme ou femme, chacun a des possibilités d’unir en soi ce qui est le plus caractéristique de l’autre sexe. Admettre que homme et femme partagent les éléments communs à toute humanité n’est pas nier leur différence : c’est seulement reconnaître que ces deux états ne doivent jamais être considérés comme opposés l’un à l’autre, mais bien au contraire comme un partage de ce qu’il y a de meilleur dans les deux. C’est finalement la complexité des attitudes humaines d’activité et de passivité, autrement dit la capacité de relations, d’échanges qui constitue une pleine personnalité soit masculine, soit féminine.

Les rôles réciproques du Christ, en sa nature humaine, et de la Vierge Marie vérifient cette conception. La Vierge Marie est véritablement l’Associée du Christ dans notre rédemption. En donnant à la personne du Verbe déjà existante une nature humaine, elle représente tout le genre humain. Le Verbe assumant cette humanité, la rachète, la divinise et devient en elle principe d’une humanité régénérée. Ce n’est pas sans motifs que la Tradition relie toujours aux deux noms du Christ et de la Vierge des qualificatifs identiques : Serviteur de Yahvé, Servante du Seigneur ; nouvel Adam, nouvelle Ève ; médiateur, médiatrice... C’est pourquoi l’objection très fréquente que la Vierge elle-même ne fut pas ordonnée paraît sans fondement : associée à l’œuvre du Messie, la Vierge est mère des disciples dans l’ordre de la grâce et non leur égale. Si l’on veut un terme de comparaison entre hommes et femmes dans l’Église, on peut prendre le Christ et la Vierge Marie comme archétypes, mais peut-on prétendre à leur mission reçue directement de Dieu, antérieurement à la fondation de l’Église et à l’institution d’un ordre sacramentel ?

3. Parmi les disciples de Jésus, il y avait des femmes. Aucune exclusion du ministère sacerdotal n’a été prononcée à leur égard par le Christ.

Les évangiles nous rapportent, il est vrai, l’institution des « Douze », pour « le jugement des douze tribus d’Israël » et parmi ces « Douze », il n’y a pas de femmes. Mais le Christ – que l’évangile nous décrit en maintes circonstances soumis aux institutions juridiques – pouvait-il constituer chefs de son nouveau peuple, des femmes, dans une société juive sous domination romaine, qui ne reconnaissait à la femme que fort peu de droits dans la vie sociale ? Ne pourrait-on pas se demander également pourquoi parmi ces « Douze », il n’y a que des Juifs, cependant que Paul, citoyen romain, sera agrégé de plein droit au collège apostolique après le départ du Christ, et déclarera avec assurance que parmi les baptisés il n’y a ni juif, ni grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme, parce que tous sont fils de Dieu par la foi au Christ Jésus (Ga 3,26-27) ?

Plus encore, le Christ lui-même ne dédaigne pas de confier personnellement à Marie-Madeleine le soin d’annoncer aux Apôtres sa résurrection, et à la Samaritaine, la première ébauche d’une évangélisation en Samarie. Il est en outre bien difficile de déterminer qu’il n’y avait pas de femmes dans l’auditoire de Jésus, lorsqu’il confère les pouvoirs et la mission d’enseigner, baptiser, remettre les péchés. Tout semble faire croire, au contraire, qu’il y en avait de même qu’à la Cène : ce n’était pas la coutume juive que les femmes soient exclues du repas pascal, ni même du repas ordinaire. Et comment se seraient-elles retrouvées au pied de la croix le lendemain, si elles n’avaient suivi l’affaire de près ? Cependant le Seigneur n’a prononcé aucune exclusion à leur égard. On doit même remarquer que l’Église primitive trouve tout naturel que soient confiées aux femmes des fonctions dans l’enseignement de la foi, dans les assemblées liturgiques, dans l’administration du baptême.

Il n’y a donc rien dans la Révélation, ni dans la Tradition, qui puisse, me semble-t-il, être allégué contre le ministère des femmes, même si, dans l’organisation des Églises, saint Paul, tout en reconnaissant que les femmes puissent être douées du charisme de prophète (1 Co 11,5), refuse de les consacrer ministres officiels de la Parole (1 Co 14,34) ; tout le contexte nous dit que c’était pour le bon ordre des assemblées. Heureuse Église de Corinthe, qui possédait un trop grand nombre de prophètes ! En tout cas, il ne s’agissait là que de « traditions » et non de la Tradition (cf. 1 Co 11,2).

Le mystère de croissance du genre humain en une communauté dépend d’une saine interaction dans l’Église de ses éléments masculins et féminins. Le Peuple de Dieu ne peut atteindre sa plénitude que dans l’harmonie d’hommes et de femmes croissant ensemble dans la vie de l’Esprit. C’est l’évidente conclusion si nous admettons que l’homme et la femme ont un partage égal en humanité : la féminité destinée à s’épanouir en maternité physique et spirituelle n’est pas moins apte que la masculinité destinée à s’épanouir en paternité à construire le Corps du Christ en engendrant des fils de Dieu. On peut au contraire y trouver des avantages : l’humanité en sa totalité serait mieux représentée par un sacerdoce des hommes et des femmes et l’amour de Dieu qui, à travers toute l’Écriture, s’est révélé à la fois paternel et maternel serait mieux signifié à l’humanité. Si l’on considère en outre que la psychologie féminine est particulièrement apte à créer des relations avec autrui, à manifester de la compréhension et du dévouement au bien des personnes, on peut en déduire que ce serait au plus grand profit de l’Église. Quelle religieuse ne s’est vue un jour ou l’autre confier par quelque âme en désarroi une situation de péché et n’a ressenti qu’il y avait à ce moment une réelle confrontation avec le Christ à travers elle ? Elle s’est vue obligée de dire : Je ne peux rien, allez trouver le prêtre. Pourtant, à ce moment, ne représentait-elle pas l’Église, porteuse de salut ?

Opinions diverses

L’opinion que je viens d’émettre est, je le sais, opposée à celle de théologiens éminents. Dans son livre, intitulé Ministère de la Nouvelle Alliance, le P. Grelot traite en annexe de l’ordination des femmes [12]. Il reconnaît que le contexte sociologique des temps apostoliques ne pouvait le permettre et que, de même que Paul a toléré l’esclavage, il a toléré la subordination de la femme, tout en posant les principes destinés à leur abolition. Il reconnaît aussi que certaines femmes avaient des fonctions comme celles de diaconesses, tout en ne leur accordant pas la même valeur qu’aux fonctions masculines du diacre.

Pour résoudre le problème, il entreprend d’étudier d’une part l’anthropologie chrétienne, autrement dit, la situation respective des deux sexes dans l’ordre du salut en continuité avec l’ordre de la création, et d’autre part, le ministère lui-même.

« La situation des sexes dans l’ordre du salut, dit-il, ne saurait donc être dissociée de leur sens dans l’ordre de la création..., or (l’homme) est « à l’image de Dieu » jusque dans sa masculinité et sa féminité... la situation respective du monde masculin et du monde féminin dans la société humaine (...) est déterminée non par leur qualité d’images de Dieu qu’ils possèdent en commun, mais par leurs façons propres d’être images de Dieu qui les différencie... Hommes et femmes appartiennent sur pied d’égalité à la « nouvelle création » (Ga 6,15), mais ils y appartiennent en tant qu’homme et en tant que femme, si bien que leurs façons propres d’être image de Dieu doit être comprise dans la lumière que le mystère du Christ projette sur elles [13] ». Voyant dans le Christ le type de l’image de Dieu vécu de façon masculine et dans la Vierge Marie le type de l’image de Dieu vécu de façon féminine, il conclut que « la révélation du sens de la féminité... trouve une application concrète dans un personnage de chair et de sang, qui n’est pas en situation de sauveur et de chef, mais de créature rachetée et de servante du Seigneur [14] ». Il trouve une justification de sa thèse dans l’épître aux Corinthiens où saint Paul dit que l’homme ne doit pas se couvrir la tête parce qu’il est le reflet et l’image de Dieu, tandis que la femme est le reflet de l’homme. Il conclut ainsi : « En face du Christ, son sauveur, l’humanité rachetée se trouve en position de féminité, tandis que le Christ se trouve, à son égard, en position de masculinité. La bipolarité du genre humain voit se préciser ainsi le sens de son contenu [15] ».

Ensuite, il aborde la théologie des ministères, qu’il définit : représentation sacramentelle du Christ dans son Église : les ministres ont un pouvoir représentatif – in persona Christi – et par succession apostolique. Puis, il confronte cette théologie avec l’anthropologie exposée plus haut. Du fait que le Christ a choisi pour envoyés uniquement des hommes, il déduit qu’il y a une relation intrinsèque entre la virilité et le rôle de Chef que remplit le Christ à l’égard du genre humain tout entier et que c’est pourquoi il a choisi de se faire représenter par des hommes et non par des femmes, parce qu’il était lui-même un homme et non une femme. Il reconnaît toutefois qu’il y a des aspects de la vocation chrétienne et des charismes correspondants qui sont communs aux hommes et aux femmes. « Mais, dit-il, il subsiste certaines données irréductibles, qui s’enracinent dans l’ordre de la création et s’affirment dans l’ordre de la grâce. La réserve du sacrement de l’Ordre aux seuls hommes est de celles-là ». Et selon lui, si des femmes en éprouvaient un sentiment de frustration c’est qu’elles n’auraient pas réussi à assumer pleinement leur féminité [16].

Il me semble avoir déjà répondu partiellement à ces objections. J’ajouterai que je ne conçois pas l’homme à l’image de Dieu de la même manière que le P. Grelot. Quand la Bible nous dit que Dieu créa l’homme à son image, elle mentionne tout de suite après la bisexualité : « homme et femme, il les créa », puis la fécondité : « Dieu les bénit et dit : Soyez féconds... ». En ce sens, l’homme est bien image de Dieu jusque dans sa masculinité et sa féminité, mais en tant que personnes égales en relation mutuelle. Chez l’un comme chez l’autre, la sexualité demeure le signe d’une incomplétude.

De même dans l’ordre du salut, tel que Dieu l’a réalisé, le Christ homme – et c’est dans son humanité qu’il exerce son sacerdoce (cf. He) – ne se conçoit pas sans la Vierge Marie dont il est né. L’humanité rachetée prend son origine à la fois dans le nouvel Adam et dans la nouvelle Ève. C’est parce qu’il est personne divine et non en raison de sa virilité que le Christ transcende la Vierge Marie.

Je ne vois pas non plus de relation intrinsèque entre la virilité et la qualité de chef. C’est à la femme comme à l’homme que Dieu dit, après les avoir créés : « Soumettez-vous la terre, dominez... » (Gn 1,28). Homme ou femme, tout membre du Christ, symbolise l’Église et se trouve vis-à-vis de Lui en état de féminité (mot impropre pour signifier infériorité, réceptivité). Pourquoi la femme seule devrait-elle porter le poids d’un symbolisme qui vaut pour les deux sexes ? En ce qui concerne l’épître aux Corinthiens, invoquée ici, il paraît assez vraisemblable que saint Paul vise à interdire chez les chrétiens un usage courant dans les religions païennes de cette époque, à savoir que l’homme devait se voiler la tête pour sacrifier aux dieux, tandis qu’il veut maintenir pour la femme le port du voile, que les chrétiennes mariées n’auraient pu abandonner sans se distinguer de leurs contemporaines [17].

Dans un article anonyme de Missi, paru en janvier 1970, l’auteur pense que « la seule manière d’y voir un peu clair, est de mettre en corrélation les deux présences du Christ : celle de l’Incarnation et celle de l’Eucharistie... Pour l’incarnation, Dieu a demandé un oui à la femme. Il n’a rien demandé à l’homme... De même... Dieu demande le oui consécrateur de l’homme, il ne demande rien à la femme [18] ». Heureusement, on ajoute aussitôt que Dieu ne s’est pas expliqué sur ce point et qu’il est permis de réfléchir sur ce fait.

Si la femme seule a dit oui à Dieu dans l’incarnation, il est permis de douter du salut de l’homme ! Cependant que les hommes se rassurent, parce que ce n’est pas en tant que femme, mais en tant que représentante d’Israël, membre du Peuple de Dieu, que la Vierge a prononcé ce oui. Ne serait-ce pas là précisément le sens de sa virginité et de la non-intervention de l’homme que l’auteur dit ne pouvoir être expliqué ? Secondement, à supposer qu’on puisse mettre en corrélation une deuxième présence du Christ : quel est le prêtre qui a conscience de ne représenter que les personnes de son sexe dans le « oui consécrateur » ? Le Christ n’a-t-il représenté que les hommes dans son sacerdoce ?

Pour conclure, j’aime à citer Rosemary Goldie, auditrice au Concile : « Il reste bien à faire pour « Vatican III »... au sujet d’une meilleure intégration des apports respectifs des hommes et des femmes dans la vie de la société et de l’Église catholique elle-même ».

Elle énumère ensuite les convictions qui doivent servir de base à ce travail :

  1. Les relations entre les sexes et les règles d’éthique qui les gouvernent sont un élément fondamental de l’enseignement chrétien sur l’homme et la société...
  2. La nature et les qualités particulières de l’homme et de la femme échappent à toute définition spécifique. La différenciation entre les sexes est une donnée inéluctable de la nature. Vouloir la minimiser est voué à l’échec. Mais toute définition qui limiterait l’éventail des possibilités masculines et féminines est aussi pleine de dangers pour la société...
  3. La richesse de la complémentarité des sexes et leur incomplétude quand l’un ou l’autre est isolé s’étendent à tous les domaines de la vie...
  4. Un long passé d’ignorance et de soumission inconditionnée de la femme, les tentations d’exploitation d’un sexe par l’autre, la vulnérabilité particulière au péché de toute relation entre homme et femme : tout cela rend difficile de comprendre ce que peut être une authentique coopération. L’enseignement traditionnel des Églises et les interprétations divergentes données par les théologiens sur ce que nous dit la Bible de l’homme et de la femme ajoutent encore à la difficulté de sortir des chemins connus du paternalisme et du féminisme.

Les conditions nécessaires à une vraie rencontre dans tous les domaines et les formes que cette rencontre doit prendre sont des questions lourdes de conséquences pour la vie des Églises et de la société en général [19].

Sœur Marie-Claire Bourriaud
Étudiante à Regina Mundi

Via Flaminia 58
I-00067 MORLUPO (Roma), Italie

II. Simples réflexions

Pour permettre à nos lecteurs et lectrices de se faire une idée des positions diverses, exprimées sur la question de l’accession des femmes au sacerdoce, la Direction de la Revue a estimé utile, avec l’accord de la Sœur Marie-Claire Bourriaud, de prier le Père Congar d’exposer son point de vue sur le sujet. Celui-ci a bien voulu résumer à notre intention les positions qu’il a exposées à diverses occasions, et tout récemment encore dans la préface qu’il a donnée au livre d’Elsie Gibson, Femmes et ministères dans l’Église. Qu’il veuille accepter notre plus cordial merci.

On me demande mes réactions après la lecture de l’article précédent, dont j’ai pris connaissance avec beaucoup d’intérêt. Je n’ai ni le loisir ni le goût de reprendre la question en apportant toute la documentation et toutes les justifications possibles. Je m’exprimerai en un série de thèses brèves.

1. Dans l’Écriture, Ancien et Nouveau Testaments, l’autorité consacrée est masculine.

2. Ce fait est lié à des conditions historiques, culturelles et sociales, aux idées dominantes alors et en ces régions. Cependant :

  1. Jésus est accompagné de femmes et il n’a montré à leur égard aucune distance.
  2. On ne peut pas prouver que l’exclusion des femmes des ministères publiquement institués s’expliqueadéquatement par les conditions historiques, culturelles et sociales.
  3. Il existait alors des prêtresses dans le paganisme.
  4. Il faut reconnaître que, si Jésus avait voulu des femmes présidentes de l’Eucharistie comme les Apôtres, il eût pu l’indiquer positivement. Or il n’y a aucun signe positif en ce sens.

3. La femme est exactement dans la même situation que l’homme pour ce qui concerne la qualité de chrétien et de membre du Corps du Christ, et aussi pour le sacerdoce royal du baptême. Elle est prêtre, exactement comme l’homme, à ce titre du baptême, pour s’offrir elle-même en sacrifice spirituel. Aucune discrimination n’intervient dans la vie de la grâce. Les femmes apparaissent douées de charismes et de dons spirituels excellents de fidélité, d’accueil, etc., parfois de prophétie. Elles ont exercé des ministères d’apostolat. Leur place est grande dans l’activité apostolique de Paul.

4. La Tradition connaît des femmes diacres ; il y a aussi eu des abbesses ayant et conférant la juridiction. La Tradition ne connaît pas d’ordination presbytérale ou épiscopale de femmes. On ne peut citer que quelques rarissimes cas considérés comme aberrants. Cependant les énoncés des conciles et des papes sur la question ne semblent pas boucher définitivement toutes les issues [20]. En effet :

  1. Ils sont relativement rares et ne représentent pas des jugements dogmatiques.
  2. La femme est considérée sous d’autres aspects, beaucoup moins positifs, que ceux qui sont communément reconnus aujourd’hui. On lui attribue une passivité dénoncée à juste titre par la biologie.
  3. On a laissé tomber, dans les textes pauliniens, certains interdits, par exemple relativement au voile. Pourquoi pas d’autres ?
  4. En toute hypothèse, ce n’est pas parce que « l’Église » n’a pas fait jusqu’ici quelque chose qu’elle ne pourrait pas le faire dans l’avenir. Elle est certes liée par le « droit divin ». Mais, outre qu’il n’est pas facile de préciser exactement ce qu’est le « droit divin », il ne paraît pas plus prouvé que l’exclusion des femmes soit de droit divin qu’il n’est prouvé qu’elle viendrait seulement de la conjoncture historico-socio-culturelle.

5. Les femmes ont souvent, de fait, exercé des rôles publics dans la société et dans l’Église, même à des époques où les docteurs, suivant plus ou moins exactement des « autorités » discutables et manquant de connaissances adéquates au plan médical et psychologique, ont parlé de la condition de la femme d’une manière dépréciative (voir cependant infra 16 d).

6. Il existe un « signe des temps » relevé par Jean XXIII : les femmes conquièrent leur égalité avec les mâles : en culture, en métier, en initiatives, en qualité légale ou juridique, en politique, etc. L’Église, qui a tant élevé la femme au plan spirituel, ne peut pas ne pas accueillir ce mouvement selon son propre génie et dans l’obéissance à l’intention de Dieu, auteur de la création et de l’alliance de grâce.

7. C’est un fait encore : des femmes aspirent à l’exercice d’un ministère dans l’Église. On doit même dire : Dieu appelle des femmes à un ministère dans l’Église.

8. Les Communions protestantes (et, avec réserve, la Communion anglicane) ont ouvert le pastorat aux femmes. Cela rentre dans le cadre de mes nos 6 et 7. Cependant le pastorat, dogmatiquement parlant, est autre chose que l’ordination presbytérale catholique (ou Orthodoxe). Ce fait est donc important, il fournit aussi des expériences très intéressantes et dont nous pouvons faire notre profit. Il n’est pas décisif pour orienter notre jugement, s’agissant de l’ordination catholique.

9. Dans l’Église catholique, Vatican II a rouvert le chapitre des charismes et celui des ministères [21]. Une pleine ecclésiologie des communautés et des ministères, qui parfois ne fait d’ailleurs que mieux exprimer ce qui existe déjà et lui reconnaître son statut, peut satisfaire très largement à ce qu’on a reconnu ci-dessus, en 7.

10. Personnellement, j’accepte la perspective de l’ordination diaconale pour les femmes. Il est vrai que le diacre ne fait rien que ne puisse faire un simple baptisé. Mais il a la grâce de sa fonction. Il rend à l’Église un visage plus conforme à celui des origines. Il décongestionne la condition du « prêtre ». On admet assez communément que le diaconat est le premier degré du sacrement de l’Ordre.

11. Alors pourquoi pas le presbytérat, l’épiscopat ? Je le répète : je professe ne pas être certain que cette exclusion soit de « droit divin ». Elle est traditionnelle dans l’Église catholique d’Occident comme dans celle d’Orient, et l’on ne doit pas sous-estimer ce point au regard de notre réunion tant désirée avec l’Église Orthodoxe. Le diaconat, même s’il est le premier degré de l’Ordre, ne constitue pas, comme le presbytérat, en la pleine représentation sacramentelle du Christ pour la présidence de l’Eucharistie et l’exercice des Clefs. Il est vrai que le diacre préside la prière, mais un simple fidèle peut le faire. Ce n’est pas la même chose.

12. Je pense que, s’il y a une disposition traditionnelle (peut-être fondée en droit divin) pour réserver l’ordination presbytérale aux hommes, des raisons anthropologiques ont également joué. L’homme est aussi marqué, mais il est moins conditionné par son sexe que la femme. On répond certes à cela que je suis « conditionné » (!) – nous sommes conditionnés par des modèles masculins qui, de fait, occupent tout le domaine des expériences faites jusqu’ici. Une direction féminine de paroisse mettrait en œuvre et révélerait d’autres valeurs, aujourd’hui inconnues et qui enrichiraient l’Église. Je pense a priori que c’est vrai. L’Église doit devenir plus complètement et plus évidemment masculine et féminine. Il faudrait étudier de plus près, sous cet angle, le cas des communautés religieuses féminines (mais très dominées par les hommes et par des modèles masculins) ou celui des paroisses protestantes dirigées par des femmes pasteurs.

13. Je veux cependant faire une remarque importante : ce serait une erreur de penser que l’égalité (pour laquelle je me déclare expressément) suppose l’identité des tâches. Les hommes ne porteront jamais d’enfant ! Ce serait une erreur de conclure sans plus de l’égalité de la femme et de l’homme dans l’Église que les femmes doivent être « prêtres » comme le sont les hommes, même si elles le seraient fémininement, non masculinement.

14. Il existe d’autres domaines où l’égalité peut et doit s’établir : gouvernement des Ordres et congrégations (on est loin de compte pour les moniales !), études théologiques, catéchèse (c’est fait !) et enseignement des sciences sacrées, représentation dans les conseils, les synodes, les colloques œcuméniques et théologiques, dans une certaine mesure même dans les Congrégations romaines, surtout celle des religieux et religieuses. Il faudra nous surveiller beaucoup, nous mâles, pour éviter de parler des femmes avec une nuance de condescendance, d’ironie gentille et amusée, qui est un relent de l’ancienne discrimination et de la situation que Marx exprimait ainsi : « La femme est le prolétaire de l’homme ». Il y a beaucoup à faire. Je ne me cache pas que, si l’on réserve l’ordination presbytérale et épiscopale aux hommes, il restera dans l’Église un danger de domination de ceux-ci sur les femmes. Le remède réside dans une juste théologie de la communauté et des ministères [22].

15. Les femmes les plus engagées dans la conquête de leur pleine égalité feraient œuvre utile et même très nécessaire en luttant, au nom de la dignité de la femme, contre l’image que répandent d’elle tant de films, de romans, d’annonces publicitaires où la femme, avec un corps faussement idéalisé et sans rien de son âme, est présentée comme le jouet des satisfactions du mâle.

16. Pour en venir plus particulièrement au texte intéressant sur lequel on m’a demandé mes réactions, je noterai seulement quelques points :

  1. Ce qui est dit au sujet de Marie à la fin du n° 2 du paragraphe « Le sacerdoce ministériel doit-il être réservé aux hommes ? », va plutôt dans mon sens.
  2. De même, dans ma perspective, j’assume tout ce qui est dit au début du n° 3 du même paragraphe, sous réserve de ce que j’ai notésupra 2 d.
  3. L’auteur me paraît ne pas avoir assez tenu compte de l’actuelle valorisation soit de la condition du fidèle baptisé, soit des ministères.

Yves Congar, o.p.
Couvent d’Études des Frères Prêcheurs
Le Saulchoir - Etiolles
F - 91 SOISY-SUR-SEINE, France

[1Anne Leflaive, La femme et l’Église, Paris, 1968, p. 164.

[2Arguments : Les femmes dans l’Ordre sacré ?, dans Informations catholiques internationales, n° 204, 15 novembre 1963, p. 32-34. – En fait, cette note est du P. Idigoras, s.j., comme le révèle la présentation de l’article que nous citons à la note 5.

[3« L’ordination des femmes », dans La Documentation catholique, n° 1450, 20 juin 1965, col. 1104.

[4« La femme et les problèmes du féminisme », dans Études, t. 322, juin 1965, p. 823.

[5« Tribune libre : Une discrimination sexuelle dans le christianisme ? », dans Informations catholiques internationales, n° 244/245, août 1965, p. 29-32.

[6L’Osservatore Romano des 8, 9, 11 et 12 novembre 1965.

[7« Le problème du sacerdoce des femmes chez les Anglicans », dans La Documentation catholique, n° 1488, 19 février 1967, col. 363-368.

[8« Les ministères féminins dans l’Église », dans La Documentation catholique, n° 1596, 7 novembre 1971, p. 988.

[9Ibid., p. 980.

[10Gaudium et spes, n° 32.

[11Pacem in terris, n° 37.

[12Pierre Grelot, Le ministère de la Nouvelle Alliance (Foi vivante, 37), Paris, 1967 : Annexe I. Les femmes et le sacrement de l’Ordre.

[13Op. cit., p. 149-151.

[14Ibid., p. 154.

[15Ibid., p. 152.

[16Cf. ibid., p. 166.

[17Cf. Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, art. « Femme », t. V-1, 1922, col. 1300-1352, et « Voile », t. XV-2, 1953, col. 3186-3193 (les deux sont de H. Leclercq).

[18« Points chauds de la contestation chrétienne », dans Missi, n° 336, janvier 1970, p. 20-21.

[19Un point de vue « féminin » ? dans L’Église dans le monde de ce temps, t. III (Unam Sanctam, 65 c), Paris, 1967, p. 102.

[20Voir les études de H. van der Meer, Priestertum der Frau ?, Herder, 1969, et de R. Gryson, Le ministère des femmes dans l’Église ancienne, Duculot, 1971.

[21Je ne puis développer cela ici. Il existe, sur le sujet, plusieurs études, par exemple, de moi, Ministères et communion ecclésiale, Cerf, 1971.

[22Telle, par exemple, que l’explique mon confrère et ami Hervé Legrand, Pour une théologie des ministères, Paris, 1972 ; « Caractère indélébile et théologie des ministères », dans Concilium, n° 74 (1972), p. 63-70.

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