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Que faire des biens d’Église ?

Michel Brion

N°1972-5 Septembre 1972

| P. 289-297 |

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Jean-François Six, directeur du Secrétariat national français pour les non-croyants, proposait récemment, dans une conférence de presse, d’alimenter une caisse pour la recherche intellectuelle dans l’Église, par prélèvement de 1 % du budget des constructions d’églises.

Jean-François Six avait tort quant à la méthode. On construit et on construira de moins en moins d’églises. On ne sait même plus s’il faut en construire. Par contre beaucoup prennent conscience qu’il vaut mieux substituer à l’expression : construction d’églises, une autre expression telle que « investissements en équipement religieux ». Le souhait du Secrétariat pour les non-croyants retrouve ici toute sa valeur quant au fond, car l’équipement religieux, s’il comprend les églises – et il faudra en construire d’un tout autre genre – comprend aussi tous les autres investissements que l’Église doit effectuer pour remplir sa mission.

Effectivement, le besoin de recherches se fait, entre autres, cruellement sentir en face d’une pastorale désemparée, recherches appliquées autant que recherches intellectuelles. Chacun sait que dans n’importe quelle entreprise c’est là l’investissement assurément le plus lourd mais aussi le plus efficace, le plus rentable. Le besoin de prendre des intérêts dans l’exploitation de telle ou telle découverte est aussi une nécessité vitale pour les entreprises dynamiques. Ainsi lorsque la firme Hachette s’assure, avec quelques autres entreprises de distribution mondiales, l’exclusivité des vidéo-cassettes qui vont arriver sur le marché et bientôt l’envahir pour révolutionner l’information et l’enseignement, elle fait une opération dynamique et intelligente qui lui apportera de fameuses recettes.

Il ne faut pas se poser la question de ce que fait l’Église en pareil domaine. Et Dieu sait si l’exemple cité des vidéo-cassettes est particulièrement révélateur, car la « Parole » pourrait prendre là un nouveau véhicule extraordinairement efficace ! Mais qui alimentera ces vidéo-cassettes ? Quel Michel-Ange, quel Fra Angelico, quel Matisse de la caméra vont travailler pour l’Église, vont créer ces nouvelles images qui véhiculeront la règle de vie qu’elle veut enseigner à tous les peuples ? Non, il ne faut pas se poser la question de ce que l’Église fait en pareil domaine !

Il faut, bien plus, se poser la question de ce que l’Église peut faire, cette Église extraordinairement dynamique qui a inventé l’école et l’hôpital, qui a couvert le pays d’établissements de toutes sortes, pour être le support de son intense apostolat, cette Église qui abandonne ses moyens d’hier – nés d’un dynamisme et d’un renoncement sans égal – sans pouvoir financer ceux d’aujourd’hui, alors qu’il lui suffirait de transférer rationnellement ses actifs comme n’importe quelle entreprise qui modifie ses activités. Le cadre juridique et les hommes compétents sont à pied d’œuvre pour réaliser cette opération qui nous évitera une liquidation sans grandeur.

I

Car l’Église liquide.

Confusément, elle a honte de posséder. Peut-être parce que beaucoup de ses ministres ont fustigé les possédants, peut-être parce qu’ils ont embrassé la cause du socialisme avec un temps de retard et un brin de sentimentalisme, ce qui ne fait que rendre leurs discours plus forts et plus contagieux, peut-être parce que les ténors ont déclaré vouloir se ranger du côté des plus pauvres et des exploités et que certains, qui sont des saints, ont effectivement réalisé un pareil vœu... Alors on voit beaucoup de « conseilleurs » qui, suivant l’expression bien connue, ne sont pas les « payeurs », suggérer, demander que l’on vende, que l’on abandonne à vil prix des biens de grande valeur, ce qui, au fait, n’est nullement du socialisme.

Un problème encore plus grave ronge l’Église. Non seulement les Évêques, rivés à la pyramide des âges de leur clergé, au graphique catastrophique des rentrées aux Séminaires, se demandent avec qui, demain, l’Église de leurs successeurs tiendra les postes traditionnels, mais encore ils apprennent chaque semaine, impuissants, la fermeture d’un établissement « religieux » de leur diocèse. Les noviciats sont vides, les congrégations s’effondrent. On se regroupe en abandonnant les hôpitaux, les cliniques, les écoles, les établissements d’enfants, voire les couvents eux-mêmes lorsque la Congrégation disparaît ou ferme ses maisons de formation. Dans beaucoup de cas, ce sont les collectivités publiques qui recueillent directement ou indirectement le bénéfice de telles cessions, souvent gratuites. Les exemples abondent.

Ainsi, le visage concret de l’Église est en train de se transformer radicalement sous nos yeux ! Que restera-t-il avant 10 ans de ces congrégations innombrables du XIXe siècle fondées pour évangéliser le peuple à travers les écoles et les dispensaires ? Un visage, vieux seulement de 150 ans, disparaît pour toujours. Mais les plus anciens aussi sont frappés, les grands ordres d’hommes et de femmes, à l’œuvre depuis des siècles.

Est-ce, au fait, d’un repli qu’il s’agit ? Est-on en train de remodeler, de concentrer ou de restructurer l’entreprise pour lui permettre de « conquérir de nouveaux marchés » ? Ou n’est-ce pas plutôt d’une déroute qu’il faut parler ?

II

Nos pères de 1904 et de 1905 ne doivent pas regarder autrement du haut du ciel cette sorte de débandade, comme l’appellent des laïcs effrayés d’une telle démission.

Il faut relire l’histoire vivante : les comptes rendus, les rapports, les lettres épiscopales de cette extraordinaire époque du début du siècle où l’État laïc, par une série de mesures, accomplit la séparation des Églises et de l’État, et la laïcisation de l’enseignement.

Quelle floraison avait jailli de telles épreuves ! Quelle impulsion des évêques de combat, qui étaient de grands caractères, des supérieurs religieux, extraordinairement efficaces, avaient su donner à la contre-offensive de l’Église !

Ces hommes étaient sans argent : ils avaient galvanisé le peuple. Ils n’avaient aucun moyen juridique : ils avaient fondé d’innombrables sociétés et associations qui possédaient leurs patronages, leurs écoles, leurs dispensaires, leurs œuvres de toutes sortes. Les religieuses, les religieux, les prêtres de ce temps ont fait une œuvre extraordinaire de redressement. Les séminaires et les noviciats se sont remplis à craquer. On a inventé l’Action Catholique. L’Église a reconquis toutes ses positions.

Qu’importe, en effet, qu’on puisse critiquer une certaine politique pastorale de ces temps héroïques ? C’est l’effort qu’il faut considérer et peut-être aussi le patrimoine qu’on nous a légué et qu’il ne faut pas, ne serait-ce qu’à cause de ceux qui l’ont sauvé, ou créé, au prix de leurs renoncements, dilapider sans réfléchir. Il y a mieux à faire que de le céder. Il faut le transformer pour financer de nouvelles « entreprises » avec un dynamisme égal à celui de nos pères.

III

L’Église, en effet, a d’autres pensées que celles de ces temps héroïques. Sans doute les hommes d’aujourd’hui valent-ils ceux d’hier. Les méthodes ne sont plus les mêmes. C’est tout ce qu’on peut actuellement affirmer. Laissons à l’Histoire le soin d’en juger et soyons de notre temps.

Mais certains administrateurs s’interrogent. Car l’Église – et la sollicitation de Six n’est qu’un exemple et l’idée des vidéo-cassettes un autre – leur demande de financer ce qu’elle voudrait entreprendre. Effrayés, ils voient trop le résultat psychologique de certaines prises de position sociales pour croire à la vertu de nouveaux appels aux chrétiens qui emplissent encore les églises. On leur conteste d’ailleurs tous les moyens traditionnels de recettes. On leur interdit tout ce qui ressemblerait à une « exploitation » du sentiment religieux. On les somme même de renoncer aux honoraires de messes. N’entendent-ils pas ici et là d’ailleurs que l’obligation de la messe dominicale – support traditionnel de la « quête » – n’est plus très assurée ? Ils supplient certes qu’on ne brise pas tout trop vite mais ils se voient déjà pressés de faire face à de nouveaux besoins sans aucun moyen.

Malgré eux très souvent, ils se demandent, lors même qu’on ne leur ordonne pas d’abandonner, mais de vendre tel bien pour financer telle réalisation, si tout cela est très bien pensé, bien analysé, si, à leur tour, ils ne devraient pas prêcher une certaine planification puisque aussi bien le mot et la méthode sont à la mode. Et ils regardent cet immense patrimoine de l’Église qui s’en va dans la confusion.

Deux séries d’idées leur viennent :

– Il y a d’abord le patrimoine qu’on vend pour le réemployer dans des réalisations sans valeur, ou pour combler le déficit du compte de fonctionnement.

Par exemple telle paroisse vend un champ de valeur certaine pour en employer le prix à la transformation du chœur de l’église, ce qui ne donne aucune valeur à cette église et ne produit aucun rapport de substitution. Ou encore, c’est le diocèse qui vend un Séminaire, une propriété de grande valeur, pour construire deux ou trois églises nouvelles bien incapables de faire face aux besoins réels de l’évangélisation d’aujourd’hui et sans aucune valeur marchande. Ou encore, c’est tel diocèse qui fixe, sans examen suffisant, tel chiffre de traitement et, ne pouvant honorer autrement ses engagements, réalise son capital, conscient parfois que cet expédient est fort limité dans le temps. Dans toutes les langues du monde, cela s’appelle « manger son capital » ou le « jeter par les fenêtres ». Et cela va très vite.

Ne suffirait-il pas ici d’une certaine rationalisation ? Le nombre incalculable et la diversité des personnes morales, donc des responsables des décisions, ne facilitent pas la tâche, mais une concertation des plus hauts responsables et une volonté affirmée ne pallieraient-elles pas les difficultés concrètes d’administration ? Au fait, le seul responsable des propriétés ecclésiastiques n’est-il pas, aux termes du Droit Canon, le Souverain Pontife ? Les règles très sages de tutelle ont été tournées, voire abandonnées, en France, par suite des modalités pratiques de propriété, mais n’est-il pas nécessaire de leur redonner vie et de charger un administrateur compétent, muni de consignes précises, de les faire appliquer pour qu’elles ne restent pas une pure formalité ou l’occasion d’une taxe de chancellerie ? La Commission de la vie matérielle du clergé et de l’Église a donné, quant à elle, des éléments de jugement précis et corrects pour l’administration et la vente des biens, mais se contentera-t-on de les écrire ? Pour être efficace, il faut prendre des mesures concrètes.

– Il y a, en second lieu, le patrimoine qu’on « donne ». Sans être les seules, car certaines paroisses peuvent se reprocher l’abandon de telle salle, de telle colonie de vacances, par exemple, les communautés religieuses sont ici particulièrement concernées. On comprend que, devant se retirer faute de sujets, les congrégations religieuses soient soucieuses d’assurer la continuation de leurs œuvres, la plupart de leurs établissements n’étant en fait que l’abri d’œuvres bienfaisantes de toutes sortes. Mais faut-il pour autant qu’elles cèdent gratuitement ce que des générosités innombrables ont constitué : celles des donateurs bien sûr, mais aussi celles de générations de congréganistes dont il est bon de se rappeler les privations et le renoncement personnel ? Là encore, la Tutelle Suprême ne peut-elle pas empêcher des abandons de mauvais aloi ?

Ne peut-on pas considérer que cette générosité multiforme a eu deux supports, a obéi à deux intentions qui étaient, étroitement mêlées, celles des fondateurs : une intention de bienfaisance, mais aussi une intention d’apostolat religieux ? Abandonner aujourd’hui le patrimoine dans la seule perspective de l’intention de bienfaisance, qui sera ainsi perpétuée, n’est-ce pas mutiler la volonté profonde de tous ceux qui ont consacré à l’œuvre leur argent et leur vie ? Si donc, pour de multiples raisons, la sécularisation doit envahir les œuvres, n’a-t-on pas le devoir d’en dégager au préalable l’élément religieux ? De même que les prêtres et les congréganistes se retirent de ces œuvres, ne doit-on pas retirer du capital qu’elles représentent la valeur financière correspondante ? Car si l’Église change de moyens d’apostolat, elle ne modifie pas son but.

Ainsi pourraient donc être rapportés à l’œuvre immortelle de l’Église, qui est une œuvre d’évangélisation, les moyens matériels accumulés par les siècles grâce aux renoncements de ses fidèles et de ses permanents. Comme n’importe quelle entreprise qui modifie son activité transfère ses actifs, ainsi l’Église transporterait le prix de ses immeubles pour financer ses nouvelles activités.

IV

Il n’est pour réaliser ce projet que de créer un organisme qui puisse recevoir les biens en cause. Déjà l’Entr’aide des Missions et des Instituts (France) peut recevoir sous forme de cotisations les prix des immeubles que certaines congrégations doivent et peuvent céder de façon à prévoir la vieillesse de leurs membres. Nous avons préconisé un tel système pour le clergé séculier à la suite d’une analyse des ressources de l’Église de France [1]. Mais il faut dépasser ce point de vue.

Nombre d’immeubles en effet ne peuvent être vendus dans l’immédiat. Tel est le cas par exemple d’établissements hospitaliers. Si la Congrégation n’est pas en mesure de supprimer l’œuvre qu’elle ne peut plus administrer, elle ne peut pas davantage lui faire acquérir son domaine. Même si, considérant, ainsi qu’on l’a dit plus haut, qu’elle ne doit reprendre que ce qui constitue la valeur équivalente à l’intention religieuse, elle n’entendait faire payer que la moitié du prix, les évaluations sont telles qu’il ne peut être question de les payer sans appel au crédit public. Or celui-ci ne peut être obtenu qu’après un long délai. Il faut donc trouver des solutions d’attente sous forme de location-vente par exemple.

De même, d’autres immeubles plus modestes ne doivent être cédés qu’en des occasions propices, suivant des circonstances qui ne sont nullement spéculatives, mais relèvent d’une sage prudence.

Une gestion de cette sorte, qui est une capitalisation, (qu’on veuille bien ne pas accorder à ce terme une quelconque résonance péjorative : capitalisation n’est pas capitalisme mais simple mode technique de gestion) doit être poursuivie dans le cadre d’une structure adaptée. Il s’agit de posséder des biens pour en verser le revenu à des œuvres (de « nouvelles » œuvres) avec la souplesse nécessaire, car gérer un portefeuille demande de vendre et d’acquérir quand la nécessité y oblige et que les circonstances s’y prêtent. Cette structure existe en divers pays [2].

La « fondation pour les œuvres sociales de l’Église » pourrait recevoir ainsi tous les immeubles dont paroisses, diocèses ou congrégations doivent se démunir sans pouvoir toujours les vendre, ainsi que les capitaux qui résultent de nombreuses cessions effectivement réalisées et qui ne peuvent être efficacement réemployés sur place. Non seulement elle en affecterait les revenus à la vieillesse des prêtres, religieux et religieuses, mais elle pourrait financer nombre de réalisations collectives par lesquelles va passer maintenant l’apostolat de l’Église naguère immergé dans les œuvres scolaires, hospitalières ou culturelles. Elle pourrait régulariser et harmoniser les moyens et les ressources de l’Église.

Ainsi ne verrait-on pas dilapidé l’immense patrimoine de l’Église alors que la mission de celle-ci, sa mission proprement religieuse, a besoin de moyens matériels considérables. Ainsi le budget de recherches que préconise Jean-François Six pourrait-il être financé et bien d’autres besoins collectifs de l’Église.

Autant la pastorale requiert une très grande liberté d’initiative, autant la gestion des affaires exige une certaine planification, un certain abandon de souveraineté. Il suffit, à ce propos, de bien limiter le domaine commun au sujet duquel les décisions sont prises au niveau d’un Conseil élu. Ainsi fonctionnent certaines institutions laïques collectives.

Il importe tout autant que le fonctionnement de telles institutions soit confié à des personnes compétentes. Dans l’Église de France, un seul organisme paraît avoir été confié à des gestionnaires professionnels salariés, d’un haut niveau de compétence, assistés de conseillers techniques de haut rang. Le résultat est probant, l’efficacité remarquable, la qualité reconnue. C’est la Mutuelle Saint-Martin du Clergé et des Religieuses, premier organisme d’Église à confondre les intérêts des uns et des autres. Il est nécessaire d’adopter un tel modèle si l’on veut réussir, en confiant la gestion des affaires collectives de l’Église à de modernes « diacres », techniciens reconnus qui feront carrière dans les services administratifs de l’Église.

On peut rêver, au bout du compte, d’un organisme unique de gestion des affaires ecclésiastiques communes. De telles organisations existent dans le domaine laïc où une direction unique, émanation d’un Conseil élu, « chapeaute » un ensemble cohérent d’organismes divers. Il faut, en tous les cas, à l’Église des administrateurs de cette classe. Elle n’éprouvera aucune difficulté à les recruter.

Et le jour où l’Esprit suscitera parmi nous un homme ou une femme doués d’une forte personnalité et particulièrement sensibilisés aux besoins actuels, celui-ci ou celle-ci pourront rassembler autour d’eux des hommes et des femmes animés du même zèle, et l’Église sera en mesure de leur apporter les biens qu’elle a reçus en dépôt en reconvertissant les œuvres que ses fils et ses filles ont su créer jadis. Loin d’avoir laissé aller à vau-l’eau l’entreprise de nos pères en nous crispant sur les méthodes de ces temps révolus, nous aurons mobilisé ce qui est, au fait, le « patrimoine des pauvres » : il sera prêt pour être investi dans les nouveaux circuits de la culture, là où se révéleront des chances neuves de parler au cœur des hommes, de leur faire entendre, aujourd’hui comme hier, le message de Jésus-Christ.

Secrétariat de l’Évêché
F- 44 NANTES, France

NOTE DE LA RÉDACTION

Si la solution proposée dans l’article ci-dessus est pensée dans le contexte français, le problème auquel elle s’efforce de répondre n’est pas propre à ce seul pays [3]. Nous n’en voulons pour preuve que le passage suivant que nous extrayons, avec l’aimable autorisation des intéressés, de la note Vie religieuse et Institutions chrétiennes, rédigée par le Bureau de coordination réunissant des membres du Bureau de l’Union des Supérieures Majeures, des Vicaires Généraux et des Visiteurs des diocèses belges.

Restructuration des institutions

Quelles que soient les options théoriques, il est certain que les obligations contractuelles (...) interdisent de supprimer les institutions sur-le-champ ; qu’un travail de discernement demande du temps et que, cependant, les institutions doivent continuer à vivre ; il est urgent que certaines dispositions soient prises (...).

Ce travail de discernement et de restructuration a déjà été entrepris dans certains établissements. A la suite de ces expériences, on peut proposer quatre étapes à parcourir :

1. Établir des comptabilités séparées pour la congrégation ou la communauté religieuse, et pour les institutions.

Ceci est déjà réalisé dans un grand nombre de cas, mais il existe de petites congrégations ou des œuvres de dimension modeste, où tout est encore mêlé : dépenses des religieuses et dépenses affectées à l’œuvre. Dans la plupart des cas, cette confusion a lieu au détriment des religieuses, ce qui empêche d’assainir la situation de l’œuvre soutenue par les religieuses, et rend impossible le passage éventuel de l’œuvre à un autre pouvoir organisateur, au moment où la congrégation devra reconnaître qu’elle ne peut plus tenir.

2. Mise en place d’un comité directeur.

Il est opportun de distinguer la direction d’une œuvre du pouvoir organisateur. Ce dernier définit le rôle et la compétence de la direction. Il y a un avantage réel à confier la direction de l’œuvre à un groupe de personnes choisies en raison de leur compétence et des parties concernées par l’œuvre. S’il est indiqué que des religieuses fassent partie de ce comité, il est important que ce comité ne soit pas confondu avec la congrégation.

3. Restructuration du pouvoir organisateur, par la constitution d’une A.S.B.L [4]. de l’Institution, différente de l’A.S.B.L. Congrégation.

Cela peut se faire suivant diverses modalités. De toutes façons, le Conseil d’administration devra comprendre, de manière équilibrée, des personnes représentant la congrégation et des laïcs chrétiens participant aux responsabilités de l’œuvre.

4. La dernière étape est plus délicate à réaliser, du fait des intérêts en cause. Il s’agit de la cession du patrimoine immobilier à l’A.S.B.L. de l’œuvre.

Il faudra recourir, dans la plupart des cas, et pour chaque cas individuellement, à un arbitrage, en tenant compte de deux faits :

  • ce patrimoine constitue souvent la garantie des dettes contractées par la congrégation ;
  • ce patrimoine est la seule garantie assurant la subsistance d’un nombre important de religieuses, qui ne reçoivent aucune pension.

[1Michel Brion. Les Ressources du Clergé et de l’Église en France. Paris, Cerf, 1971.

[2En France, c’est la Fondation, radicalement différente de l’Association, qui ne peut posséder que les biens nécessaires à la poursuite de son objet propre, et de la Société, qui est expressément constituée en vue de l’appropriation par ses membres des bénéfices qui résultent de l’activité collective. Il ne serait même pas nécessaire de créer de toutes pièces la Fondation que nous préconisons. Elle existe : c’est L’œuvre du Sanatorium du Clergé de France, qui est une Fondation au plein sens juridique du terme. Il suffirait d’élargir ses statuts et il est peu probable que le Conseil d’État s’y oppose.

[3Et lorsque les pouvoirs publics se chargent de le résoudre (équitablement, d’ailleurs) en rachetant aux religieux et religieuses leurs institutions, d’autres problèmes de pauvreté religieuse apparaissent : que faire des sommes, parfois énormes, mises ainsi à la disposition de la Congrégation ?

[4« Association sans but lucratif », forme juridique légale adoptée, en Belgique, par presque toutes les œuvres et institutions charitables.

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