Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Le chemin personnel de l’obéissance en communauté

Sœur Minke

N°1972-4 Juillet 1972

| P. 221-224 |

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Notre communauté est une petite cellule de l’Église qui cherche à répondre à l’invitation de l’amour de Dieu pour tous les hommes, créés pour être transparents à sa vie et accueillir, refléter cet amour.

Le mouvement de Dieu vers les hommes, le « oui » qu’il nous adresse, est plus fort que tous nos refus, tous nos retours sur nous-mêmes, redoutables conséquences du grand don de la liberté, de la possibilité de choix, condition essentielle d’un vrai amour.

Ce « oui » de Dieu est une personne, le Christ mort et ressuscité. C’est lui qui nous invite à revenir dans l’amour du Père. En se chargeant lui-même des conséquences de notre refus, il nous a ouvert le chemin vers le Père, le chemin de la paix.

Il nous a ouverts à son amour et à l’amour les uns pour les autres. Et nous sommes là maintenant pour laisser descendre en nous cette invitation du Dieu d’amour à entrer, à revenir dans son amitié, à devenir communion, transparents aux autres. L’autre, c’est ma sœur, ce sont mes sœurs, mais c’est aussi chaque homme qui entre dans notre horizon, notre cœur s’ouvrant dans la prière à une dimension universelle.

L’amour a touché notre cœur, comme pour les pèlerins d’Emmaüs, et nous voici pour faire la volonté du Seigneur, pour être ensemble au milieu des hommes des témoins du Christ mort et ressuscité, porteurs de paix et de joie par le don du Saint-Esprit (Jn 20,19-23), jusqu’à son retour, où tous le reconnaîtront.

L’obéissance, la transparence à la volonté du Père révélée dans le Christ, est à la base de notre vie. Mais nous allons d’étape en étape et il faut nous mettre en route toujours à nouveau et continuer vers le but, jusqu’au bout, dans la fidélité et la persévérance.

Toute une vie ne suffit pas pour apprendre à mettre notre volonté à la disposition du Christ et de l’Évangile, pour devenir un instrument souple et docile dans les mains de Dieu, afin qu’à travers nous sa miséricorde rayonne un peu plus dans le monde.

Obéir, c’est écouter, c’est regarder la Parole, le Christ vivant qui apporte la paix. C’est l’accueillir dans une attente contemplative. Laisser pénétrer sa lumière à tous les niveaux de notre être, pour que toute notre personne devienne transparente et simple, pacifiée.

La source de notre obéissance, de cette disponibilité grandissante à la réalité du Christ ressuscité est la Parole de Dieu, l’Écriture.

La méditation de l’Évangile chaque jour à nouveau porte du fruit par la mise en pratique de cette Parole à travers les événements et les rencontres.

Le « oui » surgit du plus profond de notre être dans la prière et le silence, nourri par la Parole de Dieu, dans le temps gratuit de l’adoration. Il s’extériorise en chant de louange, en eucharistie dans la prière commune, et dans la vie fraternelle, en paix et joie, amitié.

Cependant tout n’est pas toujours transparence. Nous nous heurtons souvent à nos limites et à celles des autres ; mais c’est en regardant le Christ que nous devenons conscients de tous ces blocages et commençons à en souffrir.

Nous découvrons, en essayant de répondre aux exigences de la vie en Lui, combien nous sommes marqués par notre passé, remplis de crainte, portés à nous défendre. Combien nous sommes attachés à nous-mêmes et à notre propre désir : d’un individualisme tenace, avides d’épanouissement personnel.

La Règle dit : « tu rétrécirais ta compréhension de l’Évangile si, par crainte de perdre ta vie, tu te réservais toi-même. Si le grain ne meurt, tu ne peux espérer voir ta personne s’épanouir en plénitude de vie chrétienne ».

Notre tendance naturelle, c’est bien de fuir, de nous réserver, de nous justifier, de ne pas lâcher ce que nous avons, et qui est souvent plutôt un idéal que nous nous sommes fait de nous-même ou des autres que la réalité ; ou bien, dans la désillusion, c’est de nous décourager.

Ici le regard sur le Christ est décisif. Son « oui » sur notre vie, assumé jusqu’au bout dans sa chair, nous invite à nous accepter nous-même et notre réalité.

C’est là où tout commence, ou tout recommence. C’est prendre notre croix : oser se voir comme on se découvre en réalité et l’accepter, s’accepter. Mais s’accepter dans la lumière de l’Amour, du Sauveur, qui est venu pour apporter la paix et la guérison.

C’est la repentance du cœur : voir sa réalité, l’accepter, mais dans la lumière de l’amour de Dieu, son pardon ; savoir se tourner vers lui et le suivre sur son chemin dans le « oui » aux autres.

« Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, aie pitié de moi pécheur. » Dans « ce recommencement continuel d’un homme jamais découragé, parce que toujours pardonné », à travers les épreuves et la souffrance, notre être se pacifie dans le consentement et devient paix pour les autres, plus disponible à l’œuvre du Saint-Esprit, ouvert sur le vrai épanouissement dans l’amour de Dieu et la transparence aux autres.

Ici, il faut souligner l’importance d’apprendre à s’ouvrir à un vis-à-vis, simple compagnon sur un même chemin de transparence, de simplification : quelqu’un qui sait écouter et accueillir, une sœur, un frère, qui n’impose pas ses propres points de vue, qui ne juge pas. Il n’a pas besoin d’être très parfait déjà, mais il doit comprendre son rôle comme témoin de l’Esprit. Auprès de lui, nous apprenons à nous exprimer, pas tellement pour raconter des histoires mais pour dire ce qui vit en nous profondément, ce que nous découvrons de joie et de peine, en vue d’avancer dans la lumière.

Nos idées personnelles se dégagent de leur poids d’absolu. Nous grandissons dans une vraie humilité qui, suspendue à la grâce, n’a plus besoin de s’imposer mais cherche à laisser la place aux autres, à faire grandir les autres.

Dans la transparence de la charité, dans la confiance et le respect, le « je », le « moi », peu à peu devient « nous ». C’est un grand secret, cette ouverture, cette communion qui tend à s’élargir à l’infini, comme nous le voyons sur l’icône de la Trinité, la Philoxenia.

Dégagés de la hantise de notre propre intérêt, nous pouvons mieux grandir chacune dans une vraie responsabilité de soi-même et de l’ensemble.

Il est vrai que l’une d’entre nous porte plus particulièrement le ministère de l’unité, l’autorité, cette attention à l’ensemble et à chacune qui est avant tout un service et qui ne peut s’exercer que dans un climat de prière.

Lui faire confiance, être attentive à ce qu’elle soit au cœur, non seulement de nos initiatives, mais de notre vie, être conscient qu’elle doit en rendre compte au Christ, fait partie de cette même simplification de notre existence.

Chacune est cependant appelée à prendre en charge la paix et la joie des autres, à être attentive à la marche commune et aux exigences de notre vie dans le monde d’aujourd’hui.

Dans la prière et la fidélité du travail quotidien, nous cherchons à rester dans la vigilance, dans l’attente ardente de la venue du Christ dans chaque situation et chaque rencontre, jusqu’à son retour en plénitude.

Communauté de Grandchamp
CH-2015 AREUSE, Suisse

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