Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Une rencontre franciscaine intercongrégationnelle

Huguette Lannoy

N°1972-3 Mai 1972

| P. 178-180 |

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Toute rencontre est une aventure et le premier juniorat franciscain vécu en Belgique du 18 au 31 juillet 1971 l’a été pour chacune des participantes. Soixante-dix jeunes Franciscaines de Congrégations diverses, venant de Belgique, du Luxembourg et du nord de la France, engagées dans la vie professionnelle – enseignantes, infirmières... – ou Clarisses, se sont progressivement apprivoisées pour découvrir le charisme de François et le pluralisme par lequel elles veulent essayer de le traduire. Exposés, carrefours, contacts personnels ont favorisé cette recherche commune et cette reconnaissance réciproque.

À première vue, nous aurions été tentées de craindre le manque d’unité dans une recherche à la fois historique, théologique, spirituelle. Mais celle-ci s’est très vite unifiée en une double polarité : la grâce franciscaine à vivre aujourd’hui.

Le premier, le frère Willibrord Van Dijck, O.F.M.Cap., campe François en son temps : il nous montre comment, demeuré solidaire de ses contemporains, il transforme son époque par sa conversion personnelle. Rompant avec la vie monastique antérieure, il crée un type nouveau de vie religieuse, évangélique dans son essence et dans ses formes. C’est de la même manière qu’entrant dans les mutations actuelles, nous devons nous situer avec notre grâce propre, quitte à abandonner certaines traditions ne relevant que d’un contexte historique.

C’est à partir des écrits de François que frère Jean-Marie Sevrin, O.F.M., nous a invitées à découvrir non pas une théologie élaborée, mais l’expression simple, concrète et vécue de la foi de François, dont le centre est la découverte émerveillée de toute la réalité de Dieu dans un homme concret qu’on peut toucher et imiter : Jésus-Christ pauvre et humble. Le noyau de la foi chrétienne est là : nous ne connaissons d’autre visage de Dieu que Jésus-Christ. L’essentiel pour François, bien au-delà de tout énoncé intellectuel, est son expérience d’un Dieu bon et puissant qu’il faut saisir en Jésus rencontré dans l’Eucharistie et dont il faut suivre les traces.

C’est avec grand intérêt qu’en équipe nous avons pu rechercher dans les « écrits » la manière dont François se situait face aux grandes réalités du mystère du salut.

Le frère Louis Coolen, O.F.M., nous a fait entrer en profondeur dans la spiritualité franciscaine. Dans le mystère de Dieu, dont il fait l’expérience, François découvre le mystère de l’amour que Dieu porte à l’homme. Et le Christ est devenu pour lui l’expression vivante, proche et fraternelle de cet amour. Pour François, être disciple de Jésus-Christ c’est consentir, à la suite du Christ, à être envoyé par Dieu vers les hommes pour les sauver.

Cette mission, François la vit avec les frères que Dieu lui donne ; ces frères, choisis par Dieu, il les reçoit dans le respect et l’émerveillement. Vivre la spécificité franciscaine, c’est donc vivre l’Évangile, c’est se perdre en Jésus-Christ pour Dieu et pour l’homme, c’est vivre pour l’homme à cause de Dieu, c’est aimer Dieu pour Dieu. Ce projet de vie est vécu en fraternité. Nous devons mener notre vie ensemble, en plein jour, chacune étant responsable des sœurs que Dieu lui a données. Uniquement préoccupées par l’Évangile, nos fraternités seront des ferments évangéliques puissants : ainsi, à travers elles, le Christ est présent au monde.

Dans la contemplation de Dieu, nous regarderons l’homme, et à l’exemple de François, dans cette contemplation, nous trouverons notre joie et notre apaisement.

Cette grâce est vécue dans l’Église d’aujourd’hui. Notre mission consiste à confesser notre foi, à vivre cette foi parmi nos frères, dans une société qui, souvent, la remet en question.

Franciscaines, nous sommes appelées par Dieu à une plus grande intimité avec Lui. Cette attitude intérieure est avant tout la pauvreté de celui qui est venu pour accomplir la volonté de son Père, le Fils Jésus dont nous voulons suivre les traces.

Avec les exposés du frère Roland Guignet, O.F.M.Cap., nous nous sommes retrouvées au « ras de l’existence », nous posant de multiples questions sur la manière de vivre la vie évangélique, aujourd’hui, dans un monde matérialisé, soucieux de consommation et de profit, dans un contexte religieux souvent contaminé par l’air ambiant. Lucidement et en vérité, nous avons pris conscience de certaines tensions, impossibilités et pesanteurs. Des problèmes cruciaux se sont soulevés :

  • comment concilier l’engagement religieux et professionnel ?
  • comment vivre en fraternité dans de trop grandes communautés ?
  • comment donner la priorité à la vie de fraternité, de prière, lorsque le travail se fait envahissant ?
  • comment respecter avant tout les besoins et les possibilités des personnes ?
  • comment ne pas trahir aujourd’hui la richesse du charisme franciscain ?
  • comment vivre ces difficultés dans la patience et le respect ?

La dernière matinée fut consacrée à un bilan critique et constructif de la session.

Le travail amorcé sera poursuivi tant au plan de la connaissance du charisme franciscain qu’au plan des relations. La mise en place d’un comité de jeunes sœurs en favorisera la progression.

Ensemble, nous avons essentiellement pris conscience d’une vie féminine franciscaine. C’est pourquoi un nombre impressionnant de sœurs désirent approfondir l’esprit de Claire en qui nous voyons certes la « contemplative », mais plus encore la femme qui, dans les possibilités et les limites de son temps, a saisi l’intuition évangélique de François et a voulu vivre comme lui cette suite de Jésus dans la pauvreté et l’humilité.

Cette session nous a acculées à une conversion. Il faut en sortir transformées, parce que notre grâce est essentiellement de vivre à la suite de Jésus présent à son Père et aux hommes, et c’est un projet jamais achevé.

Durant cette session, nous n’avons pas oublié nos sœurs aînées, conscientes que nous sommes des valeurs qu’elles nous transmettent. Nous voulons également remercier les responsables des fraternités, nos supérieures, de nous avoir permis de vivre cette recherche.

Nous souhaitons de tout cœur que notre enthousiasme pour l’Évangile devienne émerveillement, patience et paix, face aux réalités que le quotidien nous donne de vivre.

Franciscaine de la Propagation de la Foi
Rue Gaston Baratte 25
F-59 VILLENEUVE D’ASCQ, France
Monastère des Clarisses
B - 5730 MALONNE, Belgique

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