Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Chronique d’Ancien Testament

Maurice Gilbert, s.j.

N°1972-1 Janvier 1972

| P. 53-63 |

Les ouvrages en français que les éditeurs ont eu l’obligeance de nous envoyer peuvent se répartir en quatre rubriques : 1. les introductions, 2. les commentaires, 3. les thèmes bibliques, 4. l’herméneutique.

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I

La Nouvelle Introduction à la Bible [1] du P. W. Harrington est un ouvrage bien fait qui aidera tous ceux qui cherchent une mise en route sérieuse et à jour. Ils trouveront dans la première partie de ce fort volume, traduit de l’anglais, une Introduction générale aux problèmes théologiques posés par l’Écriture (inspiration, sens, canon, etc.) ainsi qu’une vue d’ensemble sur le texte biblique (langues, manuscrits, critique). La deuxième partie est consacrée à l’Ancien Testament. Après une esquisse de l’histoire d’Israël, l’auteur présente les grands recueils : le Pentateuque, l’histoire deutéronomique, les livres prophétiques, la littérature sapientielle, les Psaumes, l’œuvre du Chroniste, etc. Pour chacune de ces parties, une introduction précède la présentation et l’analyse rapide de chaque livre proprement dit ; le Pentateuque cependant est traité comme un tout dans lequel se distinguent les traditions plutôt que les livres ; les prophètes sont présentés selon leur ordre chronologique. La troisième partie, consacrée au Nouveau Testament, s’ouvre à son tour par une esquisse historique. Les pages sur chacun des évangiles synoptiques sont précédées par un chapitre commun sur leur formation ; parmi les chapitres suivants, signalons ceux que l’auteur consacre aux épîtres pauliniennes et aux écrits johanniques. En fin de volume, de bons index et une bibliographie de livres fondamentaux permettront au lecteur d’aller plus avant. Si cette Introduction ne se signale pas par l’originalité de ses vues (elle ne s’adresse pas aux spécialistes), il importe de souligner le sérieux des autorités sur lesquelles elle s’appuie et la clarté de l’exposé autant que le souci pédagogique manifesté par l’auteur – Ouvrage de consultation à posséder par nos maisons religieuses.

Beaucoup de personnes, sans doute, n’osent aborder le texte même de l’Ancien Testament ; quant aux introductions les plus connues, elles les déroutent par leur poids de connaissances. Il faut donc pouvoir « ouvrir » l’Écriture à ceux que rien encore n’y a préparé. Comment lire la Bible ? [2] : l’abbé J. Martucci leur offre un petit volume dialogué qui leur fera découvrir de façon savoureuse les principes généraux de la lecture biblique et les caractéristiques des diverses parties de l’Ancien Testament. Une belle réussite à conseiller même à ceux qui sont plus avancés !

Les pèlerinages aux Lieux Saints sont de plus en plus fréquentés aujourd’hui. Pour faciliter de tels voyages, Mme Honoré-Lainé, les PP. Magueur et Eugène, O.F.M., et quelques collaborateurs publient Vers toi, Terre promise [3]. Guide spirituel de Terre Sainte, qui se divise en trois parties. La première éclaire l’intelligence et prépare le pèlerin à rencontrer un univers généralement mal connu ; dans ces pages, il apprendra les grandes lignes de la géographie et de l’histoire de la Terre Sainte, les problèmes particuliers de l’œcuménisme et des rapports avec le Judaïsme et l’Islam ; il sera également averti de la valeur religieuse de son voyage. La seconde partie offre près d’une quarantaine de méditations fondées sur l’Écriture ; elles permettront au pèlerin de saisir l’essentiel : le contact plus intime avec le Seigneur sur la terre qu’il foula. Enfin les auteurs publient une douzaine de messes propres aux différents Lieux Saints. Une série de photographies et deux bons lexiques complètent cet excellent guide de poche du pèlerin. A se procurer dès la préparation du pèlerinage.

L’histoire du Peuple de la Bible [4] est un des meilleurs livres de Daniel-Rops. Sa réédition en format de poche dans la collection Foi vivante en permet désormais une diffusion plus large ; notons en outre que le texte a bénéficié des retouches et mises à jour laissées par l’auteur. Avec la sûreté de sa compétence en matière historique, Daniel-Rops y retraçait les étapes successives de la vie du Peuple élu, depuis les Patriarches jusqu’aux dernières années avant le Christ. Il excellait aussi à camper les héros de cette épopée et à mettre en lumière leurs qualités d’âme, la vision religieuse qui les animait. Un ouvrage à relire.

Pour entrer dans la connaissance de La vie familiale en Israël [5] durant les siècles couverts par l’Ancien Testament, H. Gaubert offre ici une bonne synthèse, d’un abord facile et clair, fondée sur les découvertes modernes et sur une lecture sérieuse du texte biblique. En quelques chapitres sont exposées les données fondamentales sur l’habitation, la structure familiale, la naissance d’un enfant, son éducation, le mariage ; un long chapitre est consacré à l’alimentation ; puis sont traités le vêtement, la toilette du corps, les relations d’amitié, d’hospitalité et d’alliance, et enfin la maladie et la mort. Une vingtaine de croquis suggestifs nourriront l’imagination du lecteur. Deux autres volumes, sur la vie sociale et sur la vie religieuse, suivront. La consultation de cet ouvrage est conseillée, par exemple, aux professeurs de religion qui ont à expliquer l’Ancien Testament à la jeunesse.

C’est La formation de la Bible chrétienne [6] qu’étudie H. von Campenhausen, bien connu par ses travaux de patrologie. Les analyses dont on présente ici une traduction française veulent dégager « le grand processus historique de la genèse du canon chrétien, les motifs qui ont poussé à sa formation et les forces contraires qui ont freiné celle-ci, le résultat des controverses qui eurent lieu et sa signification théologique » (p. 5). Les trois premiers chapitres décrivent la relation entre le christianisme primitif et l’Ancien Testament : Jésus et la Loi dans la tradition synoptique, la Loi et l’Écriture dans l’Église pagano-chrétienne du Ier siècle (Paul, Luc et Jean), la crise du canon de l’A.T. au IIe siècle (la gnose et Justin). Les trois chapitres suivants traitent de la genèse du Nouveau Testament comme ensemble canonique : sa préhistoire au Ier siècle, sa naissance au IIe siècle (bien qu’Irénée ignore encore le terme « Nouveau Testament »), sa délimitation (le canon de Muratori est analysé aux p. 214-221). Le dernier chapitre est consacré aux premières interprétations théologiques de la Bible, constituée cette fois en Ancien Testament et en Nouveau Testament au début du IIIe siècle, à l’époque de Tertullien, de Clément d’Alexandrie et d’Origène. Cet ouvrage marquera une étape importante dans notre connaissance d’un chapitre difficile de l’histoire de l’exégèse. Parmi les conclusions de l’auteur, retenons, par exemple, celle-ci : le principe qui détermina l’insertion d’un écrit dans le Nouveau Testament fut le contenu du témoignage rendu par cet écrit, et non pas l’identité de son rédacteur immédiat ou autorisé ; en outre « les témoignages normatifs doivent provenir de la période primitive, proche du Christ, qui est celle des apôtres et de leurs disciples » (p. 303). Ce volume constitue un excellent instrument de travail et de réflexion pour les spécialistes ; le lecteur initié à l’Écriture et à la patristique trouvera dans ces chapitres un exposé de grande classe.

II

Nous n’avons reçu que peu de commentaires de livres de l’Ancien Testament. Signalons le volume Pour commenter la Genèse [7]. publié sous le pseudonyme d’Emmanuel. Il s’agit d’une lecture juive de tout le livre de la Genèse, à partir de la tradition du judaïsme. Œuvre de croyant sincère et généreux, mais dont le regard sur le christianisme et sur la recherche biblique qui s’y mène depuis plus d’un siècle manque de sérénité et parfois même d’objectivité.

Dom Goldstain présente l’histoire patriarcale en Gn 12-50 sous le titre Promesses et alliances [8]. Il recourt lui aussi aux traditions juives pour illustrer le texte dont il montre également la portée à l’aide de tout ce que les découvertes modernes ont établi. Son analyse se divise en trois parties. Après une longue introduction à l’histoire patriarcale sous l’angle théologique autant qu’historique, il retrace l’itinéraire d’Abraham selon l’ordre de Gn et à la lumière des différentes traditions juive, chrétienne et islamique ; la dernière partie, très brève, s’attache surtout à Jacob et à Joseph. On gagnera à se référer en même temps à une étude comme celle de R. Martin-Achard (cf. Vie Consacrée, 1971, p. 55) pour distinguer nettement les diverses étapes des traditions bibliques, juives et chrétiennes : en effet, l’écueil auquel exposerait la lecture du seul ouvrage du P. Goldstain serait d’accorder à toutes les traditions qu’il évoque la même importance et de ne pas situer clairement chacune d’elles à un moment précis du développement de la réflexion sur Abraham.

M. Delcor a eu l’heureuse initiative d’écrire le premier commentaire scientifique en langue française sur Le livre de Daniel [9]. Parfaitement au courant de toute la recherche récente sur cet écrit apocalyptique, recherche à laquelle d’ailleurs il prend part lui-même, l’auteur commente chacun des chapitres de ce livre tel que le reçoit l’Église catholique, c’est-à-dire avec les suppléments grecs (les Cantiques, Suzanne, Bel et le Dragon) fournis par la version de Théodotion (qu’il suit, comme saint Jérôme) et par la LXX (la note 1 de la p. 20 est cependant inexacte – les fragments Chester Beatty appartiennent aussi au papyrus 967 – et incomplète : W. Hamm a édité, en 1969, le texte de Dn 1-2 du même papyrus). Après une introduction (p. 9-50), suivie d’une bibliographie fondamentale, M. Delcor traduit et commente tout le livre chapitre par chapitre. Si la traduction laisse trop souvent à désirer [10], il faut reconnaître la grande qualité du commentaire. Celui-ci se divise généralement en trois parties : les aspects littéraires, l’analyse exégétique – la plus fouillée – et quelques réflexions sur l’historicité, la datation et la portée du chapitre étudié (même pour Dn 6 : cf. p. 139 en bas, le titre perdu dans le texte). Les positions sont fondées autant qu’équilibrées et désormais ce travail devient nécessaire à tous ceux qui veulent étudier Daniel dans le texte original, hébreu, araméen ou grec.

Le dernier fascicule paru de la Traduction œcuménique de la Bible (TOB) contient Le livre de Job [11]. C’est le texte hébreu traditionnel, celui des Massorètes, qui a été rendu dans un français élégant et direct, où l’on croit percevoir l’influence de la traduction, devenue classique, d’Éd. Dhorme. Aucune modification du texte hébreu sur la base des versions anciennes, grecque, latine, etc., n’a été retenue pour la traduction ; le cas échéant (cf. 14,4-5 ; 19,25-26), on signale en notes les changements les plus notables. L’annotation est extrêmement brève et se contente le plus souvent d’éclairer la traduction proposée par le sens littéral de l’hébreu. Par contre, à la suite de la Bible de Jérusalem, mais de façon plus systématique, quantité de références à des lieux parallèles sont fournies dans les marges. Ce travail fait honneur à toute l’équipe œcuménique des exégètes, dont on attend avec le plus grand intérêt les volumes suivants.

III

La thèse de L. Derousseaux, présentée en 1968 à l’Institut Catholique de Paris, constitue une étude modèle d’un thème important de la théologie biblique : La crainte de Dieu dans l’Ancien Testament [12] C’est la méthode de ce travail qui nous paraît particulièrement heureuse et profitable. Deux enquêtes préliminaires permettent de cerner le sujet. L’une aborde les témoignages littéraires concernant la crainte dans l’antiquité orientale extrabiblique : on observe en Égypte une insistance sur la crainte du roi, tandis que la peur religieuse semble être un héritage de Sumer. L’autre enquête ouvre l’Ancien Testament et y analyse le vocabulaire hébreu de la crainte de Dieu. Cette dernière enquête invite alors l’auteur à réétudier le développement historique du thème ; en cela il s’oppose à J. Becker (1965). Dans une première étape, l’auteur aborde les textes issus du royaume de Juda pour y constater que la crainte sacrée ne joue aucun rôle dans la tradition jahviste pas plus que dans l’histoire de la succession de David (2 S 9-20). La seconde étape cherche la place et le sens du thème de la crainte de Dieu et de la crainte du roi dans les traditions du Nord : ici « craindre Yahvé » devient une expression neuve de l’Alliance. Cette théologie trouvera son épanouissement après la destruction de Samarie en 722, dans les écrits provenant du courant deutéronomique : la troisième étape le montre. La quatrième est consacrée aux prophètes en Juda, de 722 à l’exil, surtout Isaïe et Jérémie, et aux traditions sacerdotales du Sud ; cette contre-épreuve confirme que le vocabulaire de la crainte de Dieu ne s’est introduit que lentement dans le Sud avant l’exil et sous l’influence indirecte de la partie la plus ancienne (connue sous Ézéchias ?) du Dt. La dernière étape montre que la littérature sapientielle (Pr, Jb, Qo, Si) subit une transformation après l’exil ; c’est alors que la crainte de Dieu fut introduite de façon massive et, en Ben Sira, « la sagesse d’Israël a retrouvé l’essentiel de l’attitude spirituelle du Code deutéronomique : ’craindre Yahvé’ c’est adhérer en vérité au Dieu de l’Alliance » (p. 357). Les résultats que nous rassemblons ici s’appuient sur l’analyse des textes principaux. Cette étude ne se lit pas sans une certaine technique, mais nul doute que le lecteur n’y trouve son profit.

Sous le titre Alliance et création [13]. P. Schoonenberg a rassemblé quelques chapitres de son ouvrage Het geloof van ons doopsel, I et II (1955-1956), auxquels il ajoute un Épilogue (p. 201-226). Le nouvel ensemble a déjà paru en anglais en 1968. Originairement les chapitres de ce recueil appartenaient à un vaste essai d’explication du Symbole des Apôtres, destiné aux laïcs hollandais ; le premier volume, d’où sont tirés les trois quarts du livre qu’on présente ici, exposait le premier article du Credo. La méthode de l’auteur était neuve à l’époque ; en effet sa réflexion prenait appui sur l’Écriture lue et analysée directement ; fondé sur une théologie biblique sérieuse, son travail renouvellerait certaines perspectives dogmatiques. Ainsi le voit-on commencer par étudier l’Alliance et son rapport à l’histoire avant d’aborder le thème de la création. C’est en effet l’expérience de l’Alliance entre Israël et Yahvé qui conduisit les croyants de l’Ancien Testament à préciser leurs affirmations concernant Dieu Créateur. L’auteur traite ensuite de la nature et de la grâce à la lumière des thèmes vétérotestamentaires de création et d’Alliance. Le dernier article, tiré du second tome de Het geloof..., paru en 1956, concerne les miracles et s’intitule : « Les signes de Jésus ». Enfin un Épilogue met rapidement à jour les pages précédentes, écrites voici une quinzaine d’années. Ce livre éclairera beaucoup de chrétiens. Ajoutons cependant que, depuis les années où l’auteur rédigeait ces chapitres, la théologie de l’Alliance dans l’Ancien Testament a fait l’objet de plusieurs travaux importants, qui en ont renouvelé assez profondément l’intelligence.

Le mal et le péché originel sont des points difficiles à exposer aujourd’hui, pour quiconque veut être à la fois vrai, objectif et fidèle. Faudra-t-il en arriver, avec H. Haag, à une Liquidation du diable [14] ? Les pages qu’il écrit sont séduisantes, mais nous croyons devoir résister à cette séduction. En effet, à côté de rappels excellents comme celui-ci : « ...ce qu’est véritablement le péché. Le péché est le contraire de l’amour. L’amour, c’est la communion. Pécher, c’est s’éloigner du prochain pour rejoindre le Moi propre » (p. 77) – et l’auteur ne semble pas nier que la relation à Dieu soit elle aussi refusée dans le péché –, il y a d’autres thèses auxquelles nous ne pourrions souscrire tant du point de vue du dogme catholique qu’en vertu d’une exégèse plus exigeante. On lira ces quelques lignes qui reflètent de nombreux passages du livre et illustrent la thèse même énoncée dans le titre (lequel ne comporte pas de point d’interrogation, notons-le) : « Dieu a créé l’homme bon, mais faible, de sorte qu’il pèche sans cesse et qu’en péchant il sert la mort au lieu de servir la vie » (p. 83). Le Ps 51,7 (p. 37) autant que Gn 8,21 (p. 47) signifient simplement selon l’auteur qu’en naissant nous avons été dotés d’une forte propension au péché et qu’elle fait partie de la nature humaine. C’est là forcer l’exégèse de ces deux textes : ils ne disent pas que c’est Dieu (cf. p. 47) qui nous a ainsi dotés ni que la « nature humaine » en est affectée. Pour l’auteur, le fait que les textes bibliques mettent en scène Satan n’était qu’un ultime expédient pour expliquer le mal. Il écrit encore : « il devrait nous apparaître clairement que les déclarations du Nouveau Testament sur Satan ne peuvent appartenir au message contraignant, mais qu’elles relèvent seulement de la conception du monde propre à la Bible, conception qui n’a rien de contraignant pour la foi » (p. 65). Les explications de l’auteur ne nous ont pas convaincu de la solidité de sa thèse. Les questions soulevées pour une meilleure compréhension du dogme catholique sont importantes, mais nous ne croyons pas que ces pages apportent des éléments valables pour la recherche dans l’Église [15].

IV

En 1965, le P. L. Alonso-Schökel, de l’Institut Biblique de Rome, présentait dans La Parole inspirée [16] une nouvelle approche de ce problème. On nous offre aujourd’hui la traduction française de cet ouvrage. Bien connu pour ses travaux de stylistique vétérotestamentaire, l’auteur se propose d’expliciter le contenu de l’article du Credo : « il a parlé par les prophètes » à la lumière de la philosophie du langage et de l’analyse littéraire. Dieu parle en effet dans un langage humain en en respectant toutes les lois. En se référant sans cesse à la doctrine traditionnelle et aux diverses conceptions qui se sont fait jour, en recourant surtout au témoignage biblique lui-même, l’auteur analyse pour commencer l’Écriture en tant que Parole divine et humaine à la fois ; il développe alors une longue étude sur le langage, ses quatre sens, ses trois fonctions (information, expression, appel) et ses trois niveaux (langue commune, technique ou littéraire) et montre l’utilité de ces distinctions pour une approche correcte de l’Écriture. La partie suivante a pour titre « Les auteurs inspirés » : elle aborde, sous l’angle du langage, la psychologie et la sociologie de l’inspiration ; on retrouve exposées ici les thèses connues du P. Benoit et du P. K. Rahner, mais les observations du P. Alonso sont prises d’autres points de vue : ceux du phénomène de la création littéraire et de la relation sociale inhérente à la langue. Enfin il souligne que la façon dont la Bible a été composée rend plus difficiles à préciser les rapports entre parler et écrire. A la suite de P. Grelot, l’auteur préfère partir de la parole pour arriver à l’écrit. – Vient ensuite une partie consacrée à l’œuvre inspirée (la formule est chère aux Pères et elle est un écho de Vatican I) ; qu’est-ce qu’une œuvre littéraire ? C’est une structure achevée, mais qui demande à s’actualiser : elle doit être répétée ; l’Écriture doit être redite dans l’Église : on la traduira donc, c’est dans la nature de la Parole inspirée (l’auteur traite au passage du problème de l’inspiration de la LXX). Reste l’accueil que l’œuvre inspirée doit recevoir dans l’Église. La dernière partie traite des conséquences de l’inspiration, surtout la vérité (mais ici l’auteur ne pouvait connaître, en 1965, les positions importantes prises par Vatican II, Dei Verbum, 11). – Ce volume forme une excellente initiation au traité dogmatique sur l’Écriture ; son point de vue est original et son apport enrichit certainement la réflexion chrétienne sur la Parole inspirée.

Les trois ouvrages qu’il nous reste à présenter touchent explicitement aux problèmes soulevés actuellement par l’herméneutique biblique. Le P. Marlé est un excellent connaisseur de la théologie protestante allemande et on lui doit déjà plusieurs écrits sur les questions d’herméneutique. En publiant le dernier en date, Herméneutique et catéchèse [17]. il vise à introduire à ce vaste sujet de réflexion par une présentation claire, profonde et tout aussi lucide et critique, des prises de position les plus marquantes en la matière depuis un demi-siècle et surtout depuis une vingtaine d’années. Tour à tour, en suivant le déroulement historique des discussions, il nous présente M. Blondel face à A. Loisy, R. Bultmann, G. Ebeling, E. Käsemann, P. Ricœur, D. Bonhoeffer ; le structuralisme et les rapports entre dogme et herméneutique font l’objet des derniers chapitres. Le P. Marié ne se contente pas d’un simple exposé des théories en présence, il montre le lien qu’elles ont entre elles et les confronte par une réflexion rigoureuse aux données de la foi catholique, éclairée encore récemment par Vatican II.

H. Cazelles est une autorité en exégèse de l’Ancien Testament. La longue pratique de l’herméneutique biblique confère à son ouvrage Écriture, Parole et Esprit [18] une valeur particulière. Il résume dans une première partie (p. 11-65) la « position actuelle du problème herméneutique » : il situe ainsi H. Heidegger, les théologiens comme Bultmann, Barth ou Ebeling, les hommes tels que Gadamer et Pannenberg, J. Barr, P. Ricœur, J. Lapointe, M. van Esbroeck. La deuxième partie, intitulée « Herméneutique et vie dans l’Esprit » (p. 69-103), présente tout d’abord le témoignage des croyants, ceux de la Bible surtout, pour qui l’Esprit tient un rôle déterminant. Sur cette base, l’auteur peut situer les questions les plus importantes que la théologie se pose à propos de l’Écriture : l’intelligence de sa vérité, son rapport avec la vie spirituelle, avec la Tradition, son caractère inspiré. Le lecteur est alors conduit à aborder les problèmes philosophiques soulevés par l’herméneutique biblique : une cosmologie, une sociologie, une anthropologie et finalement une critique de la connaissance. On acceptera que les observations de l’auteur en ces matières soient forcément succinctes. La troisième partie (p. 107-174), la plus longue, analyse « les exigences et les possibilités de l’exégèse ». L’auteur y parcourt l’itinéraire que tout bon exégète du XXe siècle, sous peine d’être infidèle à sa tâche et de tomber dans le faux, est contraint de suivre : les critiques textuelle, littéraire, historique et finalement théologique. La présentation des trois premières s’inspire de l’exposé plus étoffé que l’auteur offrait, avec P. Grelot, dans l’Introduction à la Bible de Robert et Feuillet. Ce volume introduit excellemment à l’herméneutique biblique et à toutes les questions qu’elle soulève. Ce qui lui donne un intérêt particulier, c’est que son auteur est un praticien chevronné de l’exégèse : il parle de l’herméneutique biblique telle qu’il la pratique en fait avec autorité.

Exégèse et herméneutique [19] réunit les communications et les discussions tenues sur ce thème en 1969 par l’Association catholique française pour l’étude de la Bible. L’intérêt particulier de ce congrès est d’avoir fait appel à quelques personnalités de grand renom n’appartenant pas au milieu des exégètes mais dont la spécialité apporte une lumière sur les problèmes soulevés. En effet il faut aujourd’hui « découvrir la dimension philosophique de la méthode historique, situer le sujet qu’on interprète. Un nouveau problème de méthodologie s’impose à nous » (p. 12). C’est P. Ricœur, philosophe bien connu, qui proposa l’aspect philosophique de « la quête du sens » dans une conférence « sur l’exégèse de Gn 1,1 – 2,4 ». Le lendemain A. Vergote, de Louvain, s’attacha au « moi qui interprète » ; sa conférence avait pour titre « Apport des données psychanalytiques à l’exégèse. Vie, loi et clivage du Moi dans Rm 7 ». La troisième journée tourna autour de l’analyse structurale : R. Barthes en parla « à propos d’Ac 10-11 » ; le même texte fut repris par J. Courtès « comme système de représentations mythiques » et par L. Haren dans un « Essai d’analyse structurale » ; on ajoutera l’étude de E. Haulotte sur la rédaction, la « structure » et la « tradition » de Ac 10-11, « Fondation d’une communauté de type universel », éditée à la fin du recueil. La dernière journée, enfin, proposa deux conférences, l’une de H. Bouillard sur « Exégèse, herméneutique et théologie. Problèmes de méthode », l’autre par P. Ricœur : « Esquisse de conclusion ». Ricœur avait ouvert le congrès par une conférence intitulée « Du conflit à la convergence des méthodes en exégèse biblique ». Le cadre restreint de cette chronique nous empêche de détailler le contenu de ces échanges. Mais il faut insister sur deux points. Il est heureux de voir quelque 150 exégètes (parmi lesquels X. Léon-Dufour, P. Beauchamp, H. Cazelles, Ph. Reymond, A. Duprez, P. Grelot, S. Légasse, F. Bovon, J. Delorme) affronter des problèmes que leur spécialité ne peut absolument pas éviter aujourd’hui. Et deuxièmement ce congrès aura montré tout l’avantage que l’on peut retirer d’une rencontre interdisciplinaire poussée très loin : cela aussi devient une exigence de notre temps.

St. Jansbergsteenweg 95
B-3030 HEVERLEE, Belgique

[1W. Harrington. Nouvelle introduction à la Bible. Paris, Éd. du Seuil, 1971, 21 x 15, 1126 p.

[2J. Martucci. Comment lire la Bible. Vingt-cinq leçons dialoguées suivies d’un programme de lecture. Petite Initiation Biblique, 1. Montréal, Éd. du Jour, 1968, 18 x 11, 128 p., $ 1.00.

[3G. Honoré-Lainé, T. Magueur, C. Eugène. Vers toi, Terre promise. Guide spirituel de Terre Sainte. Paris, Éd. Franciscaines, 1971, 21 x 12, 192 p., 20 h.-t., 12 FF.

[4Daniel-Rops. Le Peuple de la Bible (Histoire sainte, Histoire de l’Église I). Coll. « Foi vivante », 150. Desclée De Brouwer, 1970, 18 x 11, 430 p.

[5H. Gaubert. La vie familiale en Israël. Coll. « Le quotidien dans la Bible ». Paris, Marne, 1971, 19 x 14, 232 p., 19,50 FF.

[6H. von Campenhausen. La formation de la Bible chrétienne. Coll. « Le monde de la Bible ». Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1971, 23 x 16, 312 p., 40 FS.

[7Emmanuel. Pour commenter la Genèse. Paris, Payot, 1971, 23 x 14, 400 p., 26,70 FF.

[8J. Goldstain, o.s.b. Promesses et alliances. Histoire patriarcale. Genèse 12-50. Paris, Éd. de la Source, 1971, 22 x 14, 224 p.

[9M. Delcor. Le Livre de Daniel. Coll. « Sources Bibliques ». Paris, Gabalda, 1971, 23 x 16, 296 p.

[10Dans le seul intérêt du lecteur, relevons ici des fautes de distraction que nous avons observées en quelques chapitres. En 2,24, la traduction conserve le premier ‘al, se rendit, que la note supprime ; ajouter en 3,15 : « et si vous ne l’adorez pas, au même moment vous serez jeté au milieu de la fournaise du feu ardent. Et qui donc vous délivrera de mes mains ? » et en 13,48 : « sans avoir enquêté, sans connaître la vérité, vous condamnez une fille d’Israël ? » ; à la note en 10,19, inverser les deux textes hébreux ; on lira en 2,34 « frappa les pieds de la statue » ou littéralement « frappa la statue sur ses pieds », 2,44 « le Dieu du ciel », 3,92 (25) « je vois quatre hommes », 3,94 (27) « virent que pour ces hommes », 6,13 « autre que toi, le roi, serait jeté », 8,9 « vers le sud, et vers l’est et vers la ’Splendeur’ », 8,13 « détruira un grand nombre par surprise », 10, 21 « pas un qui se tienne », 11,3 « Un roi vaillant », 11,35 « en sorte qu’il y en ait, parmi eux, qui soient éprouvés, épurés, blanchis », 12,2 « opprobres », 12, 11 « et où sera placée l’abomination », 14,6 « ne te semble pas un dieu vivant ? », 14,11 « scelle-la avec ton anneau », 14, 14 « scellèrent la porte avec l’anneau du roi », 14,33 « il avait fait cuire ».

[11Le livre de Job. Coll. Traduction œcuménique de la Bible. Paris, Éd. du Cerf et Les Bergers et les Mages, 1971, 20 x 13, 110 p.

[12L. Derousseaux. La crainte de Dieu dans l’Ancien Testament. Coll. « Lectio divina », 63. Paris, Éd. du Cerf, 1970, 22 x 14, 396 p.

[13P. Schoonenberg, s.j. Alliance et création. Paris, Marne, 1970, 22 x 14, 228 p., 25 FF.

[14H. Haag. Liquidation du diable. Coll. « Méditations théologiques », 7. Desclée De Brouwer, 1971, 20 x 13, 108 p.

[15Qui voudrait une bonne approche du même problème pourrait lire P. Gibert, Croire aujourd’hui au péché originel, Coll. Prière et vie. Croire aujourd’hui. Paris Éd. du Sénevé, 1971, 80 p.

[16L. Alonso-Schökel. La Parole inspirée. L’Écriture Sainte à la lumière du langage et de la littérature. Coll. « Lectio divina », 64. Paris, Éd. du Cerf, 1971, 22 x 14, 408 p.

[17R. Marlé. Herméneutique et catéchèse. Coll. ISPC Langages de la foi. Paris, Fayard-Mame, 1970, 22 x 14, 128 p., 12,50 FF.

[18H. Cazelles, p.s.s. Écriture, Parole et Esprit ou trois aspects de l’herméneutique biblique. Tournai-Paris, Desclée, 1971, 21 x 14, 176 p., 180 FB.

[19Exégèse et herméneutique. Coll. « Parole de Dieu ». Paris, Éd. du Seuil, 1971, 21 x 14, 366 p.

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