Sens et critère de la maturité
J. Schurmans
N°1971-2 • Mars 1971
| P. 97-105 |
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Notion de maturité en général
1. Au premier abord, la notion de maturité ne se laisse aisément approcher que d’une manière négative, c’est-à-dire par le biais de l’immaturité. Nous pouvons connaître diverses formes d’immaturité, surtout depuis qu’une meilleure connaissance de la psychologie de l’enfant nous a familiarisés avec l’idée de l’évolution et de ses stades successifs, en soulignant ce qui différencie qualitativement les enfants de divers âges et les jeunes en général, du monde adulte.
Nous parlons de retards d’évolution, d’arrêts dans la progression ou de régression, d’infantilisme ou de puérilisme, chaque fois que nous observons, chez un adulte ou même chez un enfant d’un certain âge, des caractéristiques ou des ensembles de traits qui appartiennent normalement à des sujets plus jeunes. Lorsque ceux-ci se rencontrent chez des sujets qui ont atteint l’âge adulte, on parle souvent d’inachèvement ou de régression, selon que le sujet n’a jamais été plus avant dans son évolution ou qu’il a reperdu ce qu’il avait déjà acquis.
Ces traits peuvent concerner les apparences physiques, mais aussi divers aspects (moteurs, verbaux et comportementaux, intellectuels et affectifs) de la vie de relation. Un retard ou un inachèvement constaté pour l’un quelconque de ces aspects n’implique pas qu’il y ait un retard correspondant pour tous les autres. Il peut y avoir des dysharmonies, et même des contrastes frappants, chez un même individu. On en vient ainsi à concevoir un faisceau de processus évolutifs parallèles, et chacun de ceux-ci, indépendamment des autres, pourrait demeurer inachevé ou présenter une régression.
2. Partant de ces considérations – et parce qu’il est plus facile de dire ce que la maturité n’est pas que ce qu’elle est –, nous serions tentés de la définir comme l’état de celui qui, à l’âge adulte, ne présente plus aucune forme d’infantilisme. Positivement cette fois, elle se présente comme un état idéal d’achèvement global résultant de l’achèvement particulier de multiples processus évolutifs.
3. Tous les aspects de l’évolution n’ont pas la même importance, et ceux dont dépendra principalement la maturité conçue dans son sens plus restreint – celle de la personne et du caractère – nous concernent ici davantage que les apparences somatiques ou les fonctions relationnelles (fonctions motrices, intellectuelles). Les formes d’immaturité les plus significatives pour notre propos sont, pensons-nous, celles des structures mentales acquises, principalement les modes de penser et les dispositions affectives dont dépendent les comportements.
4. De crainte de nous enfermer, dès le départ, dans un système, nous avons renoncé à toute théorie métapsychologique. Nous nous sommes volontairement placé sur un plan exclusivement clinique, laissant ainsi à chacun la possibilité d’interpréter, suivant ses propres conceptions génétiques, ces formes d’immaturité. D’aucuns nous le reprocheront, mais nous avons préféré reconnaître des formes et des critères avant de nous aventurer plus loin, de nous poser la question de leur origine ou de leur curabilité.
5. Si l’immaturité peut présenter des formes diverses, il ne suffit pas sans doute de dénombrer et de décrire celles-ci. Encore faut-il que nous tentions de les ordonner et peut-être de les apparenter entre elles.
Nous avons donc cherché à discerner cliniquement quelques principaux mouvements évolutifs selon lesquels se manifestent les structures acquises. Selon chacun de ces mouvements que nous isolons, nous pourrons opposer, à des degrés variables d’immaturité, la forme d’achèvement vers lequel il tend. Ainsi, lorsque nous disons que l’enfant évolue de la totale dépendance du nourrisson vers l’autonomie de l’adulte. Cet aspect important de sa croissance nous permet d’opposer, à des degrés variables de dépendance, une manière achevée d’autonomie qui implique la responsabilité assumée envers soi-même et envers son propre avenir. En ce cas, ce sont les manifestations de cette autonomie responsable qui nous serviront de critères de maturité.
6. Mais le mouvement qui va de la dépendance à l’autonomie n’est sans doute pas le seul important. Pour qu’il devienne un adulte valable, il nous a semblé qu’il était d’une égale importance que l’enfant apprenne peu à peu à s’engager à l’égard des autres et finisse par se sentir responsable d’autrui, qu’il acquière aussi des contacts sociaux de plus en plus larges et prenne pied dans les communautés d’adultes, qu’il se différencie sexuellement et s’oriente vers la formation d’un lien personnel, qu’il acquière aussi plus de liberté à l’égard de ses propres pulsions et inhibitions, qu’il évolue de la pensée magique ou prélogique vers des modes de penser plus logiques, qu’il dépasse peu à peu l’égocentrisme, l’animisme, l’intentionnalisme des modes de penser primitifs et ainsi de suite.
Considérant ces divers mouvements dont nous avons admis l’importance, nous y distinguons des maturations fonctionnelles, des dispositions acquises, des modes de penser. Nous pouvons ainsi les ordonner quelque peu.
Point de vue fonctionnel
Deux mouvements ont surtout retenu notre attention : l’accession à une certaine liberté intérieure et l’évolution des fonctions de défense.
Le premier consiste dans le fait que l’enfant acquiert peu à peu un pouvoir accru d’inhibition mais aussi de désinhibition. Nous le voyons ainsi échapper progressivement à ses pulsions et réactions primitives pour agir davantage selon des normes culturelles. L’ensemble de ce mouvement qui va, pourrait-on dire, de la nature à la culture, aboutit chez l’adulte à une maîtrise de soi, suffisante pour s’adapter avec civilité aux exigences de la vie commune. Cette maîtrise qui ne résulte pas seulement de l’inhibition mais aussi – et nous y insistons – du dépassement des inhibitions fixées, doit permettre à l’adulte de se libérer dans une discipline consentie. Si une évolution se fait de la nature à la culture, certains peuvent demeurer infantiles par manque d’inhibition, d’autres par inhibition excessive, et les critères de maturité seraient donc la maîtrise de soi et la liberté intérieure acquise.
Le second mouvement concerne les fonctions de défense. A la réaction d’appel que manifeste le cri du nouveau-né, succèdent peu à peu des manifestations d’appel plus complexes. Les cris et les pleurs s’intègrent dans le langage mais l’appel à l’aide d’autrui s’intègre également dans un langage non verbal, dans le geste et le comportement.
Les comportements régressifs et « spectaculaires » qui, chez l’enfant et l’hystérique, provoquent le regard et l’assistance d’autrui, peuvent avoir ce sens de l’appel. Mais nous constatons qu’au cours de sa croissance, l’enfant va progressivement renoncer aux réactions et aux comportements d’appel pour assumer de plus en plus sa propre défense et les soins qu’il se donne à lui-même. L’utilisation préférentielle et persistante de l’appel, sous quelque forme que ce soit, nous paraît donc un signe d’infantilisme, tandis que la tendance dominante et habituelle à l’autodéfense et à se soigner soi-même sans recourir à d’autres seraient des critères de maturité.
Point de vue des dispositions acquises
Sans entrer ici dans plus de détails, évoquons maintenant cinq processus évolutifs qui concernent les dispositions affectives et dont l’importance apparaît nettement.
1. Le processus d’affranchissement ou de sevrage par lequel l’enfant passe progressivement de la dépendance totale à l’autonomie. Le critère de maturité serait ici le sens de la responsabilité envers soi-même et envers son propre devenir.
2. Le processus d’engagement par lequel l’enfant, en vivant le plaisir de l’offrande et du service rendu, en acceptant le partage, en dépassant la rivalité fraternelle, les frustrations et les injustices subies, en valorisant autrui, accède peu à peu au sens de la responsabilité envers les autres et envers la communauté.
Le sens de cette responsabilité et celui de la réciprocité dans les relations interpersonnelles constituent dès lors le critère de maturité de ce processus. Si nous donnons ici la réciprocité comme critère, il est bien entendu qu’il ne faut pas la comprendre au sens que lui donne la loi du talion « œil pour œil, dent pour dent », ni dans le sens d’une rigueur toute commerciale, mais bien dans celui de l’obligation que crée le don ou le service d’un autre, sans qu’il y soit question de payer ni même de se soucier d’égalité. C’est pourquoi, à défaut d’un meilleur terme, nous proposerions d’ajouter à celui de « réciprocité » le qualificatif « dépassée ». La locution « réciprocité dépassée » signifiant dès lors ce sens de l’obligation qui dépasse le souci de justice.
3. Par processus de sociabilisation, nous voulons désigner cet aspect particulier de la socialisation qui consiste en un élargissement progressif du territoire et du milieu humain où l’enfant se sent « chez lui ».
À partir de la dualité primitive mère-enfant, il s’achemine en effet vers une certaine universalité, en passant de la chambre à la maison et à son environnement immédiat, du quartier ou du village au sens d’une appartenance plus étendue, régionale, ethnique, etc., tandis que son milieu humain également s’élargit : famille restreinte, famille éloignée, voisinage, école, groupements, etc. Comme critère de la maturité à laquelle conduit ce processus, nous proposerions le sens de l’appartenance à un milieu étendu et ouvert (dépassement de l’esprit de clocher, de l’esprit régionaliste étriqué ou de l’esprit de secte, ouverture à l’étranger, ouverture à la pensée des autres).
4. Le processus de maturation sexuelle, qui conduit de l’attachement (incestueux) de l’enfant à la mère vers une possibilité d’élection personnelle, ne doit pas être précisé. Le critère de maturité consisterait ici dans la possibilité, latente au moins chez le sujet, d’élire une personne privilégiée et d’établir avec elle un lien durable, investi par la sensibilité érotique.
5. Du point de vue qui nous concerne ici, il nous semble important de considérer également l’évolution des dispositions religieuses, depuis l’éveil du sens du sacré, émotions primitives, jusqu’à l’engagement personnel envers l’Autre déifié.
La psychologie religieuse distingue en effet quelques étapes de ce cheminement qui peut aboutir soit à la négation, soit à l’amour de cet Autre. La maturité religieuse se reconnaîtrait au fait que Dieu peut être « vécu » selon le mode de l’altérité, personnifié comme Être-en-soi et comme Autrui, donc distinct de soi et cependant proche. Sa présence est alors reconnue comme incarnée par les autres, tout en étant distincte d’eux.
Cette forme évoluée de la relation à Dieu s’oppose aux diverses manières infantiles, que nous connaissons bien, de projeter la divinité.
Point de vue des modes de penser
Sans préjuger des relations qui pourraient se manifester entre la maturation affective et l’évolution des modes de penser, sans préjuger de leurs spécificités respectives ou de leur interaction, nous avons pensé qu’il est important, pour notre propos, de déceler les survivances, chez les jeunes adultes, de ce que Piaget décrit sous la notion générale de pensée magique ou prélogique. Nous pouvons ainsi opposer à des « infantilismes » de la pensée, des formes de maturité qui ne nous semblent pas non plus nécessairement liées aux aptitudes intellectuelles traduites par un quotient.
1. Le processus de désintentionnalisation – pour lequel il suffit de renvoyer à Piaget – mène l’enfant d’un intentionnalisme primaire (la table à laquelle il se cogne est méchante) vers un déterminisme relatif (les événements résultent de lois naturelles et du hasard). Il aboutit chez l’adulte à une réaction constante qui tend à excuser et à déculpabiliser les autres. Celle-ci, et la tolérance qui en résulte pour celui qui a des défauts et qui commet des fautes, nous paraît être un critère important de maturité.
2. Par le processus d’objectivation et de relativation qui mène les jeunes d’un mode de penser dualiste vers un mode de penser paramétrique, nous comprenons ceci : Les enfants, jusqu’à six ou sept ans sans doute, témoignent d’une tendance dominante à opposer deux contraires, deux extrêmes : le blanc et le noir, le bien et le mal, etc. Et ils ordonnent ainsi tout ce qu’ils connaissent, sans tenir compte, ou peu s’en faut, des réalités intermédiaires. Or, les êtres et les choses réelles sont rarement situés aux extrêmes. L’enfant a donc tendance à déformer les réalités pour les introduire, en les forçant, dans ses catégories antinomiques, pour les regrouper principalement en un monde faste et un monde néfaste.
Ce n’est que par la découverte de la notion et de la valeur intermédiaire que commence l’édification d’un monde réel où se situe l’autre. Celui-ci est aussi intermédiaire entre Moi et un Non-Moi aliéné. Entre les extrêmes qui s’opposent, il n’y a pas toutefois qu’une seule réalité intermédiaire. Celle-ci s’étale peu à peu selon une gradation qui va d’un extrême à l’autre. Entre le bien et le mal, aussi bien qu’entre le noir et le blanc, nous découvrons tous les degrés. Ce mode de penser paramétrique permet une ordination et une approche nuancée du réel. Autrui se disperse ainsi selon des degrés divers de proximité ou d’éloignement entre l’identification et l’aliénation, ou bien selon des degrés variables entre « la chose-utile-pour-moi » et « l’être-valorisé-pour-qui-je-suis ».
L’adulte évolué qui utilise de préférence le mode de penser paramétrique témoigne ainsi d’une aptitude qui semble capitale. Nous proposons donc de retenir comme critère essentiel de maturité cette aptitude à penser et à vivre aussi la valeur intermédiaire avec ce qui en résulte : le sens du réel, de l’humain et de la relativité du vrai et du bien. Cette sensibilité aux valeurs moyennes n’exclut pas celle qu’un adulte peut conserver poulies extrêmes. Mais entre ces extrêmes et les valeurs intermédiaires doit surgir, avec la maturité, une tension dialectique.
Esquisse d’une personnalité venue à maturité
Nous pourrions nous résumer en évoquant ce que serait une personne idéalement adulte, qui répondrait aux divers critères que nous avons retenus. Elle devrait être à la fois capable d’inhiber ses réactions primaires, mais aussi de dépasser ces inhibitions pour agir avec maîtrise et liberté, capable de se défendre et de se servir elle-même, consciente de ses responsabilités envers elle-même et son propre avenir, mais consciente aussi de celles qu’elle doit assumer envers ses proches et la communauté des autres ; capable d’établir avec eux une relation basée sur la réciprocité, mais de vivre celle-ci en dépassant l’immédiat et la stricte rigueur. Cet adulte vrai devrait aussi se sentir « comme chez lui » dans un milieu humain diversifié et ouvert, avoir dépassé les régionalismes, sectarismes, et autres particularismes, tendre vers une certaine universalité. Il devrait en outre avoir acquis au moins la « possibilité » de s’engager de façon durable, de créer un lien à la fois personnel et sexuel, avec une personne privilégiée. S’il a, par surcroît, développé sa vie religieuse, il faut que Dieu soit vécu et conçu comme l’Autre valorisé qui représente tous les autres et qui se trouve représenté par chaque autre. Nous attendrions aussi de lui une tendance dominante à excuser et à déculpabiliser le prochain, une distinction nette entre l’acte en lui-même et la personne qui l’accomplit. Il pourrait dès lors, et par voie de réciprocité, s’accepter lui-même, tolérer ses propres culpabilités sans les justifier avec mauvaise foi. Cet adulte enfin, capable de valoriser le monde et les humains tels qu’ils sont dans leur réalité, capable de tenir compte des valeurs moyennes ou intermédiaires, mais capable aussi d’imaginer « le meilleur des mondes », entretiendrait donc une tension dialectique entre les valeurs idéales et les valeurs réelles.
Cette personne adulte, composée comme un portrait robot en juxtaposant des traits significatifs, prend un visage idéalisé presque inhumain, auquel peu d’êtres réels pourraient être assimilés. Cela met en évidence le fait que nous ne pouvons pas exiger des candidats à la vie religieuse, pas plus que des candidats au mariage, d’avoir acquis déjà une totale maturité.
Dès lors d’autres questions se posent : Quel serait le minimum requis ? Quels seraient les plus importants parmi les critères proposés ? Ne faut-il pas distinguer surtout entre maturité acquise et potentiel de maturation ? Comment déceler celui-ci chez un jeune, ou inversement, pourrions-nous reconnaître chez certains un obstacle fondamental à la progression ? Comment peut-on distinguer parmi des sujets immatures ceux qui peuvent encore atteindre une maturité plus tardive, de ceux qui présenteraient une immaturité persistante ?
Un obstacle fondamental
L’obstacle fondamental qui barre souvent la route menant à cette « sagesse » propre à l’homme mûr serait, pensons-nous, cette structure latente qui empêche certains sujets de vivre et de penser autrement qu’en fonction d’antinomies, selon un mode dualiste. Cet obstacle, lié à la problématique œdipienne, proviendrait d’un défaut de la triangulation des relations introduites par le personnage paternel, lorsque celui-ci amorce l’édification d’un monde intermédiaire entre « Soi » et l’« Étranger » : celui de l’« Autre ».
Il s’agirait donc de reconnaître avant tout, par ses effets, l’incapacité de certains à sentir la valeur du terme moyen, à se vivre eux-mêmes comme tels, à se situer dans l’humain et dans la réalité.
Maturité tardive ou immaturité persistante ?
D’après un ouvrage récent du professeur Corbau (1966), traitant de cette question, le professeur Huber a distingué, des formes infantiles essentielles (non récupérables), celles qui sont secondaires et n’entraînent qu’une maturation tardive au cours de la troisième décennie.
Considérant que, vers l’âge de 20 ans, la plupart des candidats peuvent encore présenter normalement dans divers secteurs des formes d’inachèvement (le professeur Vergote estime, par exemple, que la maturité de la vie religieuse n’est souvent atteinte que vers 30 ans), il faudrait donc distinguer :
- l’immaturité relative qui est encore normale à cet âge ;
- les retards susceptibles d’évoluer et d’aboutir à une maturité tardive au cours de la troisième décennie ;
- les infantilismes essentiels.
Il faudrait d’autre part pouvoir apprécier la gravité relative de ceux-ci selon leur expression. Mais comment apprécier la « maturabilité » d’un sujet et sa « curabilité » ? Chaque fois que ces questions se posent, nous ne pourrions faire, comme souvent en médecine, qu’un pronostic, selon des critères de probabilité, et suivre l’évolution du cas, en le plaçant dans les meilleures conditions requises pour favoriser sa maturation, avant de se prononcer. Ces critères de probabilité nous semblent difficilement objectivables. On peut faire peut-être état des suivants :
- Le caractère de gravité des manifestations infantiles. Un jeune de 20 ans, qui se comporte comme un adolescent de 16 ans, semble, en effet, moins compromis que s’il se conduit encore comme un enfant sur-protégé, dépendant de sa mère et exigeant.
- Les manifestations d’immaturité qui s’inscrivent dans le contexte de troubles névrotiques, donc acquis, et psychogènes seraient, en principe, d’un meilleur pronostic, mais comment distinguer nettement la nature névrotique de la nature psychopathique ?
- Le caractère plus ou moins favorable ou défavorable du milieu familial pourrait aider à faire cette distinction. Car plus le milieu est défavorable, plus il y a des chances que les troubles constatés soient psychogènes et donc névrotiques. Il faudrait en conclure que, paradoxalement, un milieu défavorable plaide en faveur d’un meilleur pronostic.
- L’harmonie ou la dysharmonie des traits d’infantilisme. L’harmonie étant, dans ce cas, d’un pronostic plus sévère que s’il y a des contrastes marqués entre certains traits infantiles et des manifestations de maturité normale, voire précoce. De même, un contraste entre les aptitudes et les performances pourrait-il être d’un meilleur pronostic et augurer d’une maturation tardive, l’infantile acceptant plus facilement sa médiocrité.
- La rigidité des structures acquises serait évidemment d’un mauvais pronostic. Bien que cette notion de rigidité nous semble difficile à définir et délicate à manier, elle intervient cependant dans l’appréciation clinique pour distinguer, des troubles fonctionnels, une personnalité pathologique structurée et des structures encore labiles, celles qui sont solidement incrustées et qui résistent donc aux interventions.
À l’inverse des structures rigides, une certaine souplesse du comportement et des idées, une suffisante subordination au principe de réalité, un sens suffisant de l’humour, une tolérance relative aux frustrations, bref, l’existence d’une ouverture à l’autre serait de bon augure.
Pour conclure, disons que, plus importants que les critères de maturité mêmes, les critères de probabilité dont devrait dépendre le pronostic restent imprécis et souvent subjectifs.
Dès lors, la question qui se pose est de savoir si, en dehors de certains cas où des manifestations d’immaturité grave et d’un pronostic sombre paraissent évidentes, il ne faut pas tout simplement attendre, tout en les aidant, que les candidats à la vie religieuse, pour lesquels on n’est pas pleinement rassuré, aient pu fournir leurs preuves, et concevoir donc une manière d’accession progressive aux ordres religieux avec stages, assistance, psychothérapie éventuelle dans le cadre social de la vie de tous : milieux de travail et d’étude mixtes, formations professionnelles diverses mais non spécifiées, engagements à terme, toujours révisibles ?
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