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Instruction sur la vie contemplative et la clôture des moniales : « Venite seorsum »

Ildebrando Antoniutti

N°1969-6 Novembre 1969

| P. 340-363 |

Traduction et commentaire de l’Instruction Venite seorsum d’après l’édition française du 5 septembre 1969.

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Rendue publique le 15 août de cette année, l’Instruction Venite seorsum [1] (comporte les deux parties que son titre suggère. La première, qui couvre les chapitres I à VI, est un exposé, tout imprégné de sève biblique, où les fondements de la vie contemplative, son importance pour l’Église et l’estime dans laquelle la Hiérarchie tient les Instituts qui s’y vouent de façon exclusive, sont exposés dans un texte d’une grande richesse doctrinale. On y regrettera seulement, çà et là, l’une ou l’autre expression désuète. La seconde partie (chapitre VII) donne les nouvelles règles de la clôture papale des moniales. Pour en faciliter la mise en application, nous avons fait suivre chaque point d’un bref commentaire comparant la nouvelle disposition au droit en vigueur avant Vatican II et aux documents conciliaires.

(A. de B. et L. R.)

Texte de l’Instruction

« Venez à l’écart dans un lieu désert » (Mc 6,31). Nombreux sont ceux qui ont entendu cet appel et qui, suivant le Christ, se sont retirés dans la solitude pour y adorer le Père.

Sous l’impulsion de l’Esprit qui les conduisait [2], ils ont donné naissance à des instituts ordonnés à la seule contemplation, parmi lesquels les monastères de moniales occupent une place privilégiée.

L’Église a toujours prodigué ses soins vigilants et maternels à celles que saint Cyprien appelle « la part la plus noble du troupeau du Christ » [3], en ceci notamment qu’elle a voulu protéger leur séparation du monde par diverses prescriptions sur la clôture [4]. Le deuxième Concile du Vatican ayant manifesté à son tour cette sollicitude [5], la présente Instruction se propose de définir les normes qui régleront dorénavant la clôture des moniales de vie purement contemplative, non sans avoir d’abord exposé quelques raisons fondamentales de la clôture elle-même.

I. Mystère pascal et nouvel exode

Quitter le monde pour se vouer dans la solitude à une prière plus intense, n’est pas autre chose qu’une façon particulière de vivre et d’exprimer le mystère pascal du Christ, qui est une mort pour une résurrection.

L’exode dans l’histoire du peuple de Dieu

La Sainte Écriture nous présente ce mystère comme un passage, un exode. Tel fut en effet l’événement majeur de l’histoire d’Israël, qui devint le fondement de sa foi [6] et de son union plus étroite avec Dieu [7], – cet exode en qui l’Église a reconnu une préfiguration du salut réalisé par Jésus-Christ [8]. On sait quel usage la liturgie et la tradition patristique, à la suite des Apôtres et des Évangélistes, ont fait de l’Exode biblique pour éclairer et illustrer le mystère chrétien [9]. Au début même de l’histoire du peuple de Dieu, l’intimation faite à Abraham de quitter son pays et sa parenté (cf. Gn 12,1), est comprise par l’Apôtre comme le point de départ d’une longue marche mystique vers une patrie qui n’est pas terrestre [10].

Mystère et réalité du nouvel exode

Ce qui était ainsi préfiguré dans l’Ancien Testament s’est réalisé dans le Nouveau. Sortant de son Père et venant dans le monde (cf. Jn 16,28) pour relever le peuple « qui marchait dans l’obscurité » (Is 9,2 ; cf. Mt 4,16), le Verbe de Dieu nous a arrachés à cet empire des ténèbres (cf. Col 1,13), c’est-à-dire au péché ; et par sa mort (cf. Jn 13,1 ; 16,28 et He 9,11-12 ; 10,19-20), il nous a entraînés dans le mouvement de retour au Père, qui « nous a ressuscités avec le Christ et nous a fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus » (Ep 2,6 ; Col 2,12-13 ; 3,1). C’est là proprement le mystère pascal du Christ et de l’Église.

Or cette mort du Christ implique la solitude en un sens vrai et profond, que l’Apôtre d’abord a compris [11] et plusieurs Pères ou Docteurs de l’Église après lui [12]. Ils ont reconnu la même signification aux épisodes de la vie du Christ, où il se retire dans la solitude ou au désert, pour y combattre « le prince de ce monde » (cf. Mt 4,1 ; Jn 12,31 ; 14,30) [13], mais surtout pour y prier son Père dans une soumission absolue à sa volonté [14] : il anticipe ainsi la solitude de sa Passion [15], que les Évangélistes nous présentent comme un nouvel Exode [16].

Se retirer au désert n’est donc autre chose pour les chrétiens que s’unir plus profondément à la Passion du Christ et participer de façon singulière à son mystère pascal, à son passage de ce monde à la patrie céleste. Telle est bien l’intention qui a fait naître les monastères : elle les situe au cœur même du mystère chrétien.

Solitude et contemplation dans le mystère de l’Église

Certes le disciple du Christ est également appelé à le suivre dans l’annonce de l’Évangile du salut, et il doit participer à la construction de la cité terrestre pour être comme le ferment de sa transformation en une famille de Dieu [17] : en ce sens il est dit que le chrétien reste dans le monde (cf. Jn 17,15). Mais cette mission ne manifeste pas tout le mystère de l’Église. Mise en effet ici-bas au service de Dieu et des hommes [18], l’Église est aussi, et principalement, le rassemblement des âmes rachetées, de ceux qui par le baptême et les autres sacrements sont déjà passés de ce monde au Père [19]. « Fervente dans l’action », « vaquant à la contemplation » : ces deux choses sont jointes chez elle de telle sorte « que l’humain soit rapporté au divin et lui reste subordonné, le visible à l’invisible, l’action à la contemplation » [20]. Il est donc légitime et nécessaire que des chrétiens, appelés à la solitude, expriment plus spécialement par leur vie cet aspect de la vocation de l’Église, selon qu’ils ont reçu de l’Esprit la grâce [21] « de se vouer à Dieu seul dans une prière continue et une joyeuse pénitence » (Perfectae caritatis 7) [22].

On ne saurait oublier d’ailleurs que le retrait du monde et la contemplation doivent se rencontrer de quelque façon en toute forme de vie chrétienne, comme le Concile du Vatican II l’a spécifié pour les prêtres et les religieux voués au ministère apostolique [23]. De fait, hors même des cloîtres les âmes ne manquent pas qui par la grâce de l’Esprit Saint sont élevées à la contemplation : un certain appel en ce sens est adressé à tous les chrétiens, de même qu’une certaine séparation du monde est nécessaire à tous (cf. Lc 14,25-27 et 33), encore qu’ils n’aillent pas au désert de la même façon. Les moines et les moniales cloîtrés ne font que réaliser d’une manière plus absolue et exemplaire une dimension essentielle de toute vie chrétienne : « Reste donc... que ceux qui usent de ce monde, soient comme n’en usant pas ; car elle passe, la figure de ce monde » (1 Co 7,29, 31) [24].

II. Rencontre avec Dieu dans la solitude

Pureté d’esprit

À ces raisons tirées du mystère pascal du Christ, tel que l’Église y participe, il faut ajouter celles que suggère l’importance du recueillement et du silence pour rendre plus sûre la rencontre de Dieu dans l’oraison [25]. Les conditions de vie des contemplatifs, en s’efforçant d’écarter tout ce qui pourrait diviser l’esprit, les rendent plus capables d’atteindre la plénitude de la personnalité, dont l’unité est la marque, et leur permettent de s’adonner plus totalement à la recherche de Dieu [26], de vaquer à lui plus parfaitement.

Pour mettre en pratique la Parole de Dieu

Cette recherche de Dieu, pour laquelle l’homme doit renoncer à tout ce qu’il possède (cf. Lc 14,33), s’exerce avant tout par la lecture et la méditation des divines Écritures (cf. Perfectae caritatis 6). C’est pourquoi la lecture des livres saints doit accompagner l’oraison « en sorte qu’un dialogue s’établisse entre Dieu et l’homme » ; car « nous lui parlons lorsque nous prions, et nous l’écoutons lorsque nous lisons les paroles divinement inspirées » (cf. Const. Dei Verbum 25 ; saint Ambroise, De officiis ministrorum I, 20, 88 ; ML 16, 50).

L’Écriture étant « comme un miroir... dans lequel l’Église, en son pèlerinage terrestre, contemple Dieu de qui elle a tout reçu » (Dei Verbum 7), chacun en l’étudiant « est enflammé d’amour de Dieu et du désir de voir sa beauté » (S. Theol. II-II, Q. 180, art. 1, c.).

Amour et contemplation

Ainsi l’amour et la contemplation s’aident mutuellement. « Car l’amour de Dieu est intelligence de Dieu : qui n’est connu que s’il est aimé, qui n’est aimé que s’il est connu ; et n’est connu en vérité que dans la mesure où il est aimé, n’est aimé que pour autant qu’il est connu » (Guillaume de Saint-Thierry, Expositio in Cant., c. I : ML 180, 499 C).

Ainsi dans la solitude et le silence, « les hommes forts peuvent se recueillir autant qu’ils le désirent, demeurer en eux-mêmes, cultiver assidûment les germes des vertus, et se nourrir avec bonheur des fruits du paradis. Là on s’efforce d’acquérir cet œil dont le clair regard blesse d’amour le divin époux et dont la pureté donne de voir Dieu. Là on s’adonne à un loisir bien rempli et l’on s’immobilise dans une action tranquille. Là Dieu donne à ses athlètes, pour le labeur du combat, la récompense désirée : une paix que le monde ignore et la joie dans l’Esprit Saint... Telle est cette meilleure part, que Marie a choisie et qui ne sera pas enlevée » [27].

III. Au service de l’Église et de l’humanité

On ne croira point toutefois, parce que les moines et les moniales sont séparés des autres hommes, qu’ils sont isolés et comme coupés du monde et de l’Église. Ils leur sont présents au contraire « d’une façon plus profonde dans le cœur du Christ » [28], s’il est vrai que tous, nous ne sommes qu’un en Lui (cf. 1 Co 10,7 ; Jn 20-22) [29].

Amour du prochain

Sans même parler du rôle traditionnel des monastères dans le domaine culturel et social, nous savons par des témoignages irrécusables avec quel amour les contemplatifs portent dans leur cœur les angoisses et les souffrances des hommes.

D’autre part, le désert ou la montagne écartée furent les lieux que Dieu choisit pour révéler à l’homme ses secrets (cf. Gn 32,25-31 ; Ex 3,1 ; 24,1-8 ; 34,5-9 ; 1 R 19,8-13 ; Lc 2,7-9 ; 17,1-8). Ils sont le point de rencontre où le ciel touche la terre, l’endroit où le monde, terre aride, par la présence du Christ redevient paradis (cf. Mc 1,13) [30]. Comment tiendrait-on pour étrangers aux hommes ces contemplatifs, chez qui l’humanité trouve son accomplissement et sa plénitude ?

Au cœur de l’Église et du monde

Mais si les contemplatifs sont au cœur du monde, ils sont davantage encore au cœur de l’Église [31]. Leur prière, spécialement l’union au sacrifice du Christ dans l’Eucharistie et la célébration de l’Office divin, est l’accomplissement d’une fonction essentielle de la communauté ecclésiale, à savoir la glorification de Dieu. C’est ce culte qui rend au Père, par le Fils et le Saint-Esprit, « le souverain sacrifice de la louange » [32] ; ceux qui s’y vouent entrent dans le colloque ineffable et constant de Notre-Seigneur avec son Père, où s’exprime au sein de l’Essence son amour infini. Tel est en vérité le sommet où tend toute l’action de l’Église [33] ; c’est parce qu’ils manifestent sa vie la plus intime que les contemplatifs sont requis à la plénitude de sa présence [34].

Ils élèvent en outre le niveau spirituel dans cette même Église en vivifiant, par l’ardeur de leur charité, tout le Corps Mystique, en animant les entreprises apostoliques de toute espèce, qui ne sont rien sans l’amour (cf. 1 Co 13,1-3). « Dans le cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’amour » : tel fut le cri de cette âme, qui n’ayant jamais franchi l’enceinte du monastère, devait être proclamée par Pie XI Patronne des Missions [35]. N’est-ce point par sa charité, manifestée dans l’oblation de son Fils poussée jusqu’à la mort, que Dieu a délivré l’homme du péché ? Lors donc qu’une âme pénètre dans ce mystère pascal de l’amour suprême de Dieu envers les hommes (cf. Jn 13,1 ; 15,14), elle participe nécessairement à l’œuvre rédemptrice de la Passion du Christ, principe de tout apostolat [36].

Collaboration à l’œuvre missionnaire de l’Église

Enfin les religieux voués à la seule contemplation aident par leurs prières l’action de l’Église. « C’est Dieu en effet qui, sur notre demande, envoie les ouvriers dans sa moisson, ouvre les âmes non chrétiennes à l’appel de l’Évangile et féconde dans les cœurs la parole de salut » [37]. Dans la solitude où ils se livrent à l’oraison, ils n’oublient nullement leur prochain. S’ils se sont écartés de la fréquentation des hommes, ils ne l’ont pas fait par désir de tranquillité ou de commodité, mais pour participer plus universellement à leurs travaux, à leurs peines, à leurs espoirs [38].

IV. La femme dans le mystère de la vie contemplative

Tel est donc le mystère de la vie contemplative : si sa place éminente dans l’économie du salut ressort en général de l’exposé qui précède, il se réalise à un titre tout spécial chez les moniales cloîtrées.

En tant que femmes, en effet, elles figurent plus efficacement le mystère de l’Église « épouse sans tache de l’Agneau immaculé » [39] ; assises aux pieds du Seigneur pour écouter ses paroles (cf. Lc 10,39) dans le silence et le recueillement, elles cherchent et goûtent les choses d’en-haut, où leur vie est cachée avec le Christ, jusqu’à ce qu’elles apparaissent avec leur Époux dans sa gloire [40]. Il appartient à la femme, en vérité, d’écouter la parole plutôt que de la porter aux extrémités du monde – encore qu’elle puisse y être appelée et le faire avec succès –, il lui sied plutôt de l’accueillir en elle-même et de la faire fructifier, de façon vivante, lumineuse et personnelle. Parvenue à la maturité, elle a mieux conscience des besoins du prochain et de l’aide qu’il attend : elle se trouve plus apte à exprimer le fidèle amour de l’Église envers son Époux [41]). (Elle ressent plus profondément aussi la fécondité de la vie contemplative. C’est pourquoi l’Église – comme la liturgie en témoigne [42]– a toujours donné un rang singulier aux vierges chrétiennes. Et c’est par une jalousie divine à leur égard [43]que cette même Église a voulu protéger avec une sollicitude spéciale leur séparation du monde et leur clôture [44].

La Sainte Vierge, modèle des Sœurs contemplatives

Nous ne pouvons manquer d’évoquer ici la Vierge Marie, qui a reçu le Verbe divin en elle-même : « pleine de foi et concevant le Christ dans l’esprit avant de le faire dans son corps » [45], jardin fermé, fontaine scellée, porte close (cf. Ct 4,12 ; Ez 44,1-2), elle constitue « l’exemplaire et le modèle le plus lumineux de l’Église dans la foi et la charité » [46]. La très sainte Vierge est aussi l’exemple éminent de la vie contemplative : c’est à bon droit qu’une tradition vénérable, en Orient comme en Occident, lui applique les paroles de l’Évangile : « Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas ôtée » (Lc 10,36-42) [47].

V. Signe et témoignage

Un autre élément du mystère de la vie contemplative qu’il sied encore de mettre en lumière, est l’importance du signe et du témoignage qu’elle constitue, et grâce auquel les religieux cloîtrés ont, eux aussi, un « ministère de la parole » [48], bien qu’il ne s’agisse pas pour eux de prédication.

Manifestation de l’existence et de la présence de Dieu

Dans la société actuelle, où Dieu est si facilement refusé et nié, la vie des hommes et des femmes voués à la contemplation des choses divines manifeste ouvertement son existence et sa présence ; la familiarité amicale avec lui qu’elle suppose en effet, « rend témoignage à notre esprit que nous sommes Fils de Dieu » (Rm 8,16). Les hommes et les femmes qui mènent telle vie peuvent ainsi confirmer dans la foi les âmes tentées, et les esprits qui mettent en doute la faculté même pour l’homme de converser avec le Dieu ineffable [49].

Pour les hommes et la société d’aujourd’hui

C’est par cette conversation admirable avec Dieu dans le silence, que les moines et les moniales voués à la contemplation, à la pratique de la charité et des autres vertus chrétiennes, annoncent la mort du Christ jusqu’à son avènement. Ils annoncent celui-ci dans la mesure où leur vie, uniquement et totalement consacrée à la recherche de Dieu, n’est autre chose qu’un chemin vers la Jérusalem céleste et une anticipation de l’Église eschatologique, dans la possession et la contemplation de Dieu. Mais ce n’est pas seulement le but qu’ils indiquent au monde, comme vie du siècle futur, c’est aussi la voie qu’ils montrent vers cette fin. Si en effet l’esprit des Béatitudes, qui anime les disciples du Christ, doit inspirer toutes les formes du comportement chrétien [50], la vie contemplative atteste la possibilité de les réaliser dès ici-bas. Et ce témoignage ne peut laisser de toucher plus vivement les hommes du siècle présent, du fait qu’il revêt un caractère collectif, ou pour mieux dire social. Les esprits de nos jours en vérité sont bien moins sensibles à une manifestation individuelle qu’à l’exemple d’une communauté ; ils le sont davantage encore s’il s’agit d’une société constituée, qui prouve par sa continuité et sa vigueur la valeur des principes qui la fondent. Tel est bien le témoignage des communautés contemplatives, comme le Pontife Paul VI l’a relevé au Mont Cassin, en parlant « d’une petite société idéale où règnent enfin l’amour, l’obéissance, l’innocence, la liberté à l’égard des choses créées et l’art d’en user sagement, le primat de l’esprit et la paix – l’Évangile en un mot » [51].

VI. Choix et variété des vocations contemplatives

Maturité humaine et vocation

Comme on le conçoit néanmoins facilement, la vocation à la vie claustrale, avec ses strictes obligations, ne saurait naître d’un mouvement de ferveur passagère : elle doit être le fruit d’une réflexion mûre et d’une ferme résolution, qui permette de renoncer à des biens sociaux, jugés et estimés à leur vraie valeur, pour choisir en toute liberté spirituelle une forme d’existence uniquement vouée au Christ et aux choses d’en-haut. C’est pourquoi il est nécessaire d’éprouver durant un long délai avec la plus grande sollicitude les vocations qui se présentent dans les monastères de moniales, en sorte de bien discerner leurs motifs et d’écarter celles qui, inconsciemment peut-être, seraient conduites par des raisons peu surnaturelles et douteuses, dont l’effet ultérieur sera d’empêcher le développement spirituel et humain de la personne [52]. Les utiles précautions qui sont imposées par les constitutions des différents Ordres doivent être bien observées, non seulement pour l’admission au postulat, mais tout spécialement aussi avant que les jeunes religieuses ne prononcent leurs vœux perpétuels.

Unité et diversité des familles contemplatives

Ce que nous avons exposé dans la présente Instruction concerne tous les Instituts intégralement voués à la contemplation. Chaque famille religieuse cependant a son caractère propre et ses traits particuliers, souvent imprimés par le Fondateur même, qu’il importe de conserver. On ne conteste point par ailleurs que de nouvelles formes de vie contemplative ne puissent naître dans l’Église sous l’impulsion de l’Esprit Saint.

Ainsi se trouvent légitimées les différences qui maintiennent entre les Instituts religieux une merveilleuse variété : celle-ci dépend surtout en pratique de la place donnée dans chaque société à l’oraison individuelle ou à la prière liturgique, à la vie de communauté ou aux éléments de vie érémitique susceptibles de s’insérer dans l’observance monastique. Ces différences s’étendent naturellement à la conception de la clôture matérielle, par laquelle chaque Institut assure et garantit sa séparation d’avec le siècle.

VII. Maintien et rénovation de la clôture des moniales

Confirmant donc les préceptes du IIe Concile du Vatican sur la garde et sur l’adaptation de la clôture, en raison des avantages éprouvés qu’elle offre pour la vie contemplative, la Sacrée Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers a tenu à formuler les normes suivantes, approuvées par le Pape Paul VI le 12 juillet 1969, pour les monastères de moniales vouées à la seule contemplation [53].

Normes pour la clôture papale des moniales

« La clôture papale des monastères doit être considérée comme une institution ascétique qui convient spécialement à la vocation propre des moniales, en tant que signe, protection et modalité particulière de leur séparation du monde » (Ecclesiae sanctae II, n. 30).

Alors que SC (cf. R.C.R., 1951, p. 52) et IC 1, § 2 mettaient en avant la protection de la chasteté, Venite seorsum, à la suite de ES 30, parle en premier lieu de sa fonction de signe.

1. La clôture qui est réservée aux moniales de vie purement contemplative (Perfectae caritatis 16) est appelée papale parce que les normes qui la régissent doivent être sanctionnées par le Saint-Siège, même s’il s’agit de règles établies ou à établir par un droit particulier, et qui expriment le caractère propre de l’Institut.

Par rapport à SC (cf. R.C.R., 1951, p. 52), l’accent est mis sur le fait que même le droit particulier doit être sanctionné par le Saint-Siège.

2. La loi de la clôture papale affecte toute la maison habitée par les moniales, avec les jardins et les vergers dont l’accès leur est réservé.

Pas de changement par rapport à CIC 597, § 2 ni à IC 11, où l’on exceptait de la clôture l’église, le quartier des hôtes et les parloirs, exceptions évidentes et qui demeurent en vigueur (cf. l’allusion du n. 4 ci-dessous au chœur des moniales et au parloir).

3. L’enceinte du monastère soumise aux normes de la clôture doit être ainsi faite qu’elle constitue une séparation matérielle (Ecclesiae sanctae 31), c’est-à-dire qu’elle doit interdire l’entrée et la sortie (par exemple au moyen d’un mur ou d’une autre façon efficace, comme peuvent l’être une palissade, un grillage en fer, une haie touffue et résistante). L’entrée et la sortie doivent avoir lieu par des portes qui ferment à clef.

L’expression « séparation matérielle » reprise à ES 31, reçoit une précision qui ne se trouvait pas dans IC 13 a : « empêcher la sortie » (mais l’adverbe « absolument » qui qualifiait ce verbe est tombé). De même n’est pas reprise l’obligation d’une barrière aux regards des gens de l’extérieur à l’intérieur du monastère et vice versa (IC 13 a).
Les exemples sont littéralement repris à IC 13 b (sauf que le mur n’est plus qualifié de « haut »).
Notre texte précise plus clairement que IC 36 qu’entrées et sorties doivent se faire par des portes qui ferment à clef.

4. Les modalités de cette séparation efficace, notamment en ce qui concerne le chœur et le parloir, doivent être définies dans les Constitutions et les livres qui les complètent, compte tenu de la diversité des traditions dans les divers Instituts, des conditions de temps et de lieu (par exemple au moyen de grilles, de barreaux, d’une table fixe, etc.) ; mais, conformément à l’article 1 ci-dessus, le mode de séparation doit d’abord être soumis à l’approbation de la S. Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers.

Contrairement à IC 16 et 17, le texte actuel ne prescrit plus la double grille pour le parloir ni le « tour ».
A ES 31, il ajoute que ces modalités peuvent être définies non seulement dans les Constitutions, mais aussi « dans les livres qui les complètent » et qui sont, par leur nature même, plus facilement sujets à révision et adaptation. Nous pensons qu’il faut mettre en rapport avec cette addition celle qui la suit : « compte tenu... des conditions de temps et de lieu », car ES 14 avait demandé d’exclure du code fondamental des Instituts tout ce qui est sujet à mutation selon les habitudes d’une époque ou des coutumes purement locales.
Par contre, le texte impose l’approbation préalable de ces dispositions par la S. Congrégation, alors que ES 31 se contentait de dire : « les diverses familles, selon leur esprit propre, peuvent établir et définir... les normes particulières de cette séparation ».

5. En raison de la loi de la clôture, les moniales, novices et postulantes doivent vivre dans l’enceinte du monastère que la clôture comprend, et elles ne peuvent en sortir sauf dans les cas prévus par le droit (cf. art. 7).

Inchangé.

6. La loi de la clôture défend pareillement que personne, sans distinction de condition, de sexe ou d’âge, ne pénètre à l’intérieur de l’enceinte soumise à la clôture, sauf dans les cas prévus par le droit (cf. art. 8 et 9).

Inchangé.

7. Sauf les cas d’induits particuliers accordés par le Saint-Siège, les personnes visées à l’art. 5 sont autorisées à sortir :

a) En cas de péril très grave et imminent ;

Il n’est plus prescrit, comme dans CIC 601, § 2 et IC 21 d, que ce danger soit reconnu par écrit par l’Ordinaire du lieu, si on en a le temps, ou qu’il en soit sinon averti après coup ; mais les listes données dans IC 21 a-c gardent valeur d’exemple.

b) Avec permission de la Supérieure et le consentement, tout au moins habituel, de l’Ordinaire du lieu, et celui du Supérieur régulier (s’il y en a un), dans les cas suivants :

Selon IC 24-25, les sorties pour raison grave devaient faire l’objet d’une dispense accordée par le Saint-Siège ou de facultés habituelles accordées par lui aux Ordinaires des lieux, aux Supérieurs réguliers ou aux Assistants religieux, dispenses ou facultés à appliquer à la lettre et au nom du Saint-Siège lui-même. Bien qu’il lui faille le consentement (au moins habituel) de l’Ordinaire du lieu et, le cas échéant, du Supérieur régulier, c’est désormais la Supérieure qui accorde la permission.

1. Pour consulter des médecins ou pour soins de santé, à condition que ce soit dans le lieu même de la résidence ou dans le voisinage ;

IC 24, 2, qui prévoyait pour ce cas une dispense du Saint-Siège, ne portait pas la restriction : « à condition que... » (inutile pour une demande individuelle à l’autorité suprême).

2. Pour accompagner une moniale malade, si une vraie nécessité l’exige ;

Le texte est plus strict que IC 24, 3 qui disait : « accompagner ou aller visiter une moniale malade au dehors ».

3. Pour exécuter un travail manuel ou exercer une nécessaire vigilance en des lieux situés hors de la clôture, mais dans l’enceinte du monastère ;

Ceci reprend équivalemment IC 24, 4, 5 et 7, qui seront parfois restreints par suite de la clause « mais dans l’enceinte du monastère ».

4. Pour l’exercice des droits civiques ;

Selon IC 22, l’obligation d’exercer un droit ou un devoir civique était, moyennant déclaration préalable de l’Ordinaire du lieu, un motif de sortie légitime ne requérant pas de permission.

5. Pour des actes d’administration qui ne peuvent être accomplis autrement.

Ceci regroupe en une formulation IC 24, 5 (inspection des champs et propriétés, lorsqu’ils se trouvent en dehors de l’enceinte du monastère) et 24, 6 (avec omission de la clausule « actes... de grande importance »).

En dehors des sorties qui concernent les soins de santé, si l’absence doit se prolonger au-delà d’une semaine, la Supérieure doit obtenir d’abord le consentement de l’Ordinaire du lieu et celui du Supérieur régulier, s’il en est un [54].

c) En dehors des cas énumérés sous la lettre b), la Supérieure doit demander la permission de l’Ordinaire du lieu, et du Supérieur régulier, s’il en est un, qui ne peut être accordée que pour une raison vraiment grave et pour le temps vraiment nécessaire.

Le motu proprio Pastorale munus, du 30 novembre 1963, accorde aux évêques la faculté suivante (n. 34), déléguable au vicaire général et qui n’est pas révoquée par le présent document : « L’évêque peut, pour un juste motif, entrer dans la clôture des monastères de moniales établis en son diocèse. Il peut aussi, pour une raison juste et grave, permettre que des personnes soient admises dans la clôture et que les moniales en sortent : tout ceci pour le temps vraiment nécessaire ».

d) Les sorties de toute espèce, accordées selon les points a), b) et c) du présent article, ne peuvent s’étendre au-delà de trois mois sans une permission du Saint-Siège.

Selon IC 21, aucun recours au Saint-Siège n’était requis en cas de péril très grave, quelle que soit sa durée.
Cet alinéa, explicitement réservé aux sorties « accordées selon les points a), b) et c) du présent article », ne s’applique donc pas aux sorties autorisées par l’Ordinaire du lieu en vertu des facultés que lui accorde Pastorale munus « pour le temps vraiment nécessaire ».

8. Hors le cas d’induits particuliers accordés par le Saint-Siège, l’entrée de la clôture est permise :

a) Aux Cardinaux de la Sainte Église Romaine, qui peuvent se faire accompagner de quelques personnes ; aux Nonces et aux Délégués Apostoliques dans les lieux de leur propre juridiction ;

Le droit accordé aux Nonces et aux Délégués Apostoliques est une innovation ; il y a aussi un léger élargissement quant aux compagnons des Cardinaux, qui ne devront plus, comme dans IC 29 b, être des ecclésiastiques ou des membres de la famille cardinalice.

b) A ceux qui occupent actuellement la magistrature suprême d’une nation et à leurs épouses, avec les personnes qui les accompagnent ;

Inchangé.

c) À l’Ordinaire du lieu et au Supérieur régulier, pour un juste motif ;

Ceci reprend la faculté 34 citée ci-dessus (n. 8, a) et l’étend au Supérieur régulier ; auparavant, la permission n’était accordée qu’à l’occasion de la visite canonique et seulement pour l’inspection des locaux (IC 26 a).

d) Aux visiteurs canoniques dans l’acte de la visite et seulement pour inspection ; le visiteur doit avoir un compagnon ;

Selon IC 26 a-b, le visiteur ne pouvait entrer dans la clôture que pour inspecter les bâtiments, non les personnes (sauf les infirmes), et le compagnon devait être un clerc ou un religieux d’âge mûr.

e) Au prêtre, en même temps qu’à ses ministres, pour conférer les sacrements aux malades ou pour les funérailles. L’entrée est permise pareillement au prêtre pour l’assistance à donner aux personnes souffrant d’infirmité grave ou prolongée ;

Deux changements : on ne parle plus de l’obligation de faire accompagner le prêtre par deux moniales (IC 27 b) ; son assistance extra-sacramentelle n’est plus réservée aux mourantes, mais étendue aux infirmes (IC 27 a).

les processions liturgiques, si la Supérieure le demande ;

Disposition nouvelle.

g) Sur la permission de la Supérieure, sous la surveillance de l’Ordinaire du lieu, et du Supérieur régulier, s’il en est un, aux médecins et aux autres personnes dont les capacités ou le travail sont nécessaires pour les besoins du monastère ;

Ceci modifie légèrement IC 29 c, en remplaçant l’approbation préalable de l’Ordinaire du lieu (qui pouvait être habituelle et se présumer en cas d’urgence) par sa surveillance ; mais on y ajoute celle du Supérieur régulier, le cas échéant.

h) Aux sœurs députées au service extérieur du monastère, selon les statuts de chaque Institut.

C’est ce qu’avaient déjà fixé les Statuts généraux des sœurs externes, du 25 mars 1961, art. 4 (cf. R.C.R., 1961, p. 193).

Remarque. Un certain nombre de dispositions antérieures concernant l’entrée en clôture ne sont pas reprises. Ce sont :

  1. la possibilité de demander au Saint-Siège ou à l’Ordinaire, selon les cas, que la prédication se fasse au chœur, au chapitre ou dans l’église (IC 28) ;
  1. l’obligation de faire accompagner par deux moniales toute personne étrangère dans son passage par le bâtiment de la communauté (IC 31) ;
  1. l’interdiction de s’entretenir avec ces mêmes personnes faite à toute religieuse qui n’avait pas à leur parler en raison de son office (IC 32 b) ;
  1. l’autorisation donnée aux postulantes d’entrer en clôture sur la seule permission de l’Ordinaire du lieu (IC 34) ;
  1. le rappel des règles prévues dans les Constitutions de chaque Institut pour les visites au parloir (IC 37). [55]

9. Le droit particulier, approuvé selon l’art. 1 par le Saint-Siège, peut, en accord avec l’esprit et le caractère des Instituts, formuler des règles plus sévères pour la clôture, comme aussi fixer d’autres dispositions concernant les cas où l’entrée et la sortie sont permises en vue des nécessités du monastère ou du bien des moniales.

Ceci est dans l’esprit de ES 31 : « Les diverses familles, selon leur esprit propre, peuvent établir et définir dans leurs Constitutions les normes particulières de cette séparation matérielle », et rappelle la nécessaire approbation du Saint-Siège.

10. L’usage de la radio et de la télévision ne peut être permis dans les monastères des moniales de vie purement contemplative qu’en des occasions particulières de caractère religieux.

Ceci est moins strict que l’Instruction de la S. C. des Religieux du 6 août 1957 qui interdisait les appareils de télévision dans les communautés de vie contemplative et y tolérait un appareil de radio pour des solennités exceptionnelles de caractère religieux (cf. R.C.R., 1958, p. 56, n. 1).

11. Les journaux, les revues et les autres organes d’information ne doivent pas être admis en trop grand nombre, ni sans discernement (cf. Inter mirifica 4). Par de tels moyens, en effet, l’esprit du monde peut envahir des communautés, même excellentes, et les troubler.

Disposition nouvelle.

12. Les congrès et les réunions de toute espèce qui ne sont guère, sinon même aucunement compatibles avec la vie claustrale, doivent être prudemment évités. Si cependant les circonstances du moment paraissent le conseiller, on pourra, après s’être muni des permissions nécessaires, autoriser quelquefois les moniales à assister aux réunions qui seront d’un vrai profit pour la vie claustrale, pourvu que les sorties de ce genre ne soient pas trop fréquentes. Les Supérieures ne doivent jamais oublier que la pureté et la ferveur de la vie claustrale dépendent en grande partie de la stricte observance de la clôture. Il faut donc que les sorties de l’enceinte du monastère restent l’exception.

Disposition nouvelle.

13. La loi de la clôture comporte une obligation de conscience grave, soit pour les moniales, soit pour les personnes du dehors.

Sauf erreur, ce document est le premier à expliciter la gravité de l’obligation (impliquée toutefois dans les sanctions canoniques dont elle était munie, sanctions qui ne peuvent être effectives que s’il y a faute grave, cf. CIC 2218, § 2). Il va de soi que ceci doit être compris avec discernement, toute violation de la clôture n’étant pas automatiquement faute grave.

14. Dans la visite canonique, le visiteur doit inspecter la clôture matérielle ; la Supérieure doit lui rendre compte de l’observation des lois de la clôture et soumettre à son examen les registres où les sorties et les entrées sont fidèlement notées.

Le droit antérieur confiait déjà la surveillance de la clôture à l’Ordinaire du lieu ou au visiteur mandaté par lui (cf. CIC 512, § 1, § 2, I° et 603, § 1 ; IC 35), tout en reconnaissant le même droit et le même devoir au Supérieur régulier (CIC 603, § 2 ; IC 35). Mais plusieurs prescriptions apparaissent pour la première fois dans le droit général de l’Église : la tenue d’un registre des entrées et des sorties, sa présentation au visiteur et le rapport à lui faire sur l’observation des règles de la clôture.

15. L’Église, en raison de la haute estime où elle tient la vie contemplative claustrale, loue grandement les moniales qui, en adaptant leur clôture de la manière la plus conforme à cette vie contemplative, gardent religieusement leur séparation du monde (cf. Perfectae caritatis, 7). Elle exhorte d’autre part ceux qui ont le droit et le devoir de veiller à la garde de la clôture, c’est-à-dire l’Ordinaire du lieu et le Supérieur régulier, s’il en est un, à la défendre avec le plus grand soin et à aider efficacement, selon leur fonction, la Supérieure, à qui cette garde incombe tout d’abord.

En ce qui concerne les responsabilités, ceci reprend IC 35-36 ; notons toutefois qu’il n’est plus fait obligation à la Supérieure de tenir jour et nuit par devers elle les clefs de toutes les portes de la clôture (IC 36).

16. Les peines frappant les personnes qui violeraient la clôture des moniales cessent d’être en vigueur jusqu’à la promulgation du nouveau Code de Droit Canonique.

Cette disposition est nouvelle.

17. Quant à la façon de procéder à la rénovation, on s’en tiendra fidèlement à ce que prescrivent les n. 9, 10 et 11 du motu proprio Ecclesiae sanctae IL Selon l’esprit du n. 6 du même document, il n’est pas licite de faire des expériences contraires aux normes ci-dessus, qui constituent désormais le droit commun, sans la permission préalable du Saint-Siège.

Puisque Venite seorsum, comme il est dit ici (cf. aussi le préambule, § 2), réordonne complètement ce qui concerne la clôture des moniales, cette Instruction abroge donc toutes les normes antérieures du droit général de l’Église (CIC 22), même celles qui seraient compatibles avec la présente Instruction. C’est pourquoi c’est désormais par rapport à Venite seorsum que l’on doit apprécier s’il s’agit « d’expériences contraires au droit commun » (ES 6).

Les monastères qui, dans l’adaptation de la clôture papale, ont déjà réalisé certaines innovations, sont tenus de les proposer au jugement de la S. C. pour les Religieux et les Instituts séculiers dans les six mois qui suivront la publication de la présente Instruction.

Puisque aucun mode spécial de promulgation n’est prévu dans l’Instruction, c’est donc le CIC 9 qui s’applique : l’Instruction n’entrera en vigueur que trois mois après sa publication aux Acta Apostolicae Sedis ; c’est à partir de cette même date de publication que devra se compter le délai de six mois dans lequel on doit soumettre à la S. C. les innovations déjà introduites en matière de clôture. Cette obligation ne s’impose évidemment pas à nouveau si la démarche avait déjà été faite antérieurement.

Rome, le 15 août 1969, en la fête de l’Assomption de la Très Sainte Vierge Marie.

N.D.L.R. - L’article de Dom Jean Leclercq, « Contemplation et vie contemplative », (Vie consacrée 1968, p. 193-226), constitue un excellent commentaire de la partie doctrinale de l’Instruction. Celle-ci reprend bien des éléments développés par notre collaborateur. Pour la première partie de l’Instruction : « Mystère pascal et nouvel exode », on pourra voir : La « rupture » chrétienne (p. 198-204). Pour II : « Rencontre avec Dieu dans la solitude », voir : La contemplation chrétienne (p. 193-197) et L’expérience contemplative (p. 204-210). Pour III : « Au service de l’Église et de l’humanité », voir : Valeur ecclésiale de la vie contemplative (p. 210-222). Pour IV : « La femme dans le mystère de la vie contemplative », voir : Trois contemplatives témoins (p. 222-224). Pour V : « Signe et témoignage », voir passim, en particulier p. 220-222. Pour VI : « Choix et variété des vocations contemplatives », voir en particulier p. 205-207.

[1Le texte latin de l’Instruction Venite seorsum a paru dans L’Osservatore Romano, n. 192, du 22 août 1969, p. 3-4. La traduction, que nous reproduisons à de légères modifications près, est celle de son édition française, n. 36, du 5 septembre 1969, p. 4-7, qui ajoute les sous-titres, absents de l’original latin. Les notes 1 à 51 font partie du document ; les notes 52 et suivantes sont ajoutées par nous.

[2Cf. Pacôme, Vies coptes, Cod. Bo. n. 17 (Lefort, p. 91). Gaudium et spes 38 et Mt 4,1.

[3Cyprien, De habitu virginum 3, ML 4, 455.

[4Déjà depuis le VIe s. : cf. Césaire d’Arles, Reg. ad virg. 1, ML 67, 1107, règle approuvée par le Pape Hormisdas ; Conc. d’Epaone de 517, can. 38, CC ser. lat. 148 A, p. 34. V. aussi Const. Periculoso du Pape Boniface VIII (1298) ; Concile de Trente, sess. 25, décret De Regularibus c. 5 ; C.I.C. cc. 597-603 ; 2342 ; Pie XII, Const. Apost. Sponsa Christi ; S. Congr. des Religieux, Instr. Inter praeclara et Inter cetera.

[5Conc. Vatic. II, Décr. Perfectae caritatis 16 : « La clôture reste en vigueur pour les moniales de vie purement contemplative, mais devra être adaptée aux conditions des temps et des lieux, les coutumes désuètes étant abolies, après consultation des monastères eux-mêmes ».

[6Cf. le Décalogue : « C’est moi, le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi... » (Ex 20,2-3). Et pour le pacte de Sichem : « Loin de nous la pensée de délaisser le Seigneur pour servir d’autres dieux ! Le Seigneur notre Dieu n’est-il pas celui qui nous a fait sortir, nous et nos pères, de la terre d’Égypte, de la maison de servitude, et qui, devant nos yeux, a opéré des grandes merveilles, et nous a protégés tout le long du chemin que nous avons parcouru et parmi toutes les populations que nous avons traversées ? » (Jos 24,16-17). Par contre, l’idolâtrie consiste à dire : « Voici tes dieux, Israël, ceux qui t’ont fait monter de la terre d’Égypte ! » (Ex 32,4). Il y a de nombreuses expressions en ce sens.

[7Cela ressort de la prière d’Israël, notamment des Psaumes. Les fêtes liturgiques pareillement devinrent des anniversaires des événements de l’Exode. L’Alliance se conclut au désert, durant l’Exode. Au milieu même des malheurs que lui méritaient ses péchés, Israël se souvenait des merveilles opérées par Dieu dans le passé et mettait son espérance en elles, le Dieu qui ne change pas étant capable encore de renouveler ses prodiges. Cf. Dt 20,1 ; Is 43,16-21 ; 63,10-14 ; Ba 2,11 ; Si 36,5. Mais il faudra repasser par le désert purificateur (Os 2,16-25) ; il ne s’agira plus alors, néanmoins, de libérer le peuple d’ennemis extérieurs, mais bien de la servitude du péché : le véritable exode est la conversion du cœur.

[8Conc. Vat. II, Déclaration Nostra aetate 4 : « L’Église confesse que tous les fidèles du Christ, enfants d’Abraham selon la foi, sont inclus dans la vocation de ce même Patriarche et que le salut de l’Église est mystiquement préfiguré dans la sortie qui conduit le peuple élu hors de la terre de servitude. » Cf. 1 Co 10,11 : « Toutes ces choses leur arrivaient en figures, et ont été écrites pour notre instruction, à nous qui touchons à la fin des temps. » S. Irénée : « Car tout l’exode du peuple hors de l’Égypte sous l’action de Dieu fut une figure et une image de l’exode de l’Église hors de la gentilité » (Adv. haer. 4, 30 - SC 100, p. 784-785).

[9Selon le Nouveau Testament : A) Le Christ réalise un nouvel exode : Mt 2,5 ; 4,4 (cf. Ex 16) ; 4,7 (cf. Ex 17) ; 4,10 (cf. Dt 32,48-53) ; 5,21-22 et suiv. ; 11,10 (cf. Ml 3,1-2 et Ex 23,20) ; 26,28 (cf. Mc 10,38 ; Ex 24-28 ; He 9,18-28). - Lc 9,31 ; 12,50 (Mc 10,38 ; cf. 1 Co 10,2). - Jn 1,17 ; 3,14 ; 6,31-33, 49-50, 58 ; 7,37-39 (cf. Ex 17,1-7) ; 19,36. B) La vie chrétienne comme nouvel exode : 1 Co 10,1-11 ; 2 Co 3,6-18 ; He 4,1-19 ; 8,1-13, 9 ; 12,18-24 ; 1 P 1,16 ; 2,9 ; Ap 1,6 ; 2,17 ; 15,3 ; 21,2-3 (cf. Os 2,14-24 ; Ex 25,8). Pour les témoignages patristiques et liturgiques, cf. R. Le Déaut et J. Lécuyer, « Exode », dans le Dictionnaire de Spiritualité IV, notamment 1973-1993.

[10He 11,13-16 : « Ceux qui parlent ainsi font voir clairement qu’ils sont à la recherche d’une patrie. Et s’ils avaient pensé à celle d’où ils étaient sortis, ils auraient eu le temps d’y retourner ; mais ils aspiraient à une patrie meilleure, c’est-à-dire céleste. »

[11He 13,12-14 : « Jésus... a souffert hors de la porte. En conséquence pour aller à lui, nous devons sortir du camp en portant son opprobre. Car nous n’avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle de l’avenir. »

[12« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » (Mt 27,46). « La croix du Christ est vraiment un ermitage, car elle n’est point fréquentée par les hommes ; ermite en vérité est le Sauveur notre Dieu qui porte sa croix » (Auteur du début du XIIIe siècle, dans Arch. d’hist. doctr. et litt. du Moyen Âge 31 [1964], p. 41).

[13Cf. Origène, In Matth. 12, 8-9, CGS 10, 200.

[14Cf. Mt 14-24 (Mc 6,46) ; Mc 1,35 ; Lc 5,16 ; 6,12 ; 9,18, 28 (Ml 17, 1) ; 11,1 ; notamment Lc 22,41-44 : « Puis il s’éloigna d’eux à la distance d’un jet de pierre environ et, fléchissant les genoux, il priait : Père, si tu le veux, éloigne de moi ce calice ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne !... Et entrant en agonie, il pria de façon plus instante. » – La prière de Moïse sur la montagne, à l’écart du combat qui se tenait dans la plaine (Ex 17,8-14) est, selon les Pères, une image du Christ sur la croix, aux portes de Jérusalem. Cf. Epist. Barnabae 12,2-4 (Hemmer 74) ; Justin, Dialogue avec Tryphon 90, 4-5 ; 91, 3 ; 97, 1 ; III, 1-2 : Irénée, Demonst. 46.

[15Cf. Hilaire, « (L’Évangéliste dit que) le soir venu, il était seul : ceci annonce la solitude de Jésus au temps de sa Passion », Comm. de S. Matthieu 14, 23, ML 9, 1001.

[16Cf. ci-dessus, n. 8.

[17Conc. Vat. II, Const. Past. Gaudium et spes 40 : « L’Église... est comme le ferment et l’âme qui doit renouveler dans le Christ la société humaine, et la transformer en famille de Dieu. » Cf. aussi n. 3.

[18L’Église est au service des hommes dans leurs tâches terrestres : Conc. Vat. II, Const. Gaudium et spes 3 et 40-45 ; Décr. Ad gentes 12 : « Elle ne revendique aucune autorité, sinon pour offrir aux hommes, avec l’aide de Dieu, un service charitable et fidèle. » Mais c’est avant tout en vue de leur salut éternel qu’elle les sert : cf. Lumen gentium, 48 : « Le Christ... a institué son corps, qui est l’Église, comme sacrement universel. » V. aussi n. 5.

[19Cf. Conc. Vat. II, Const. Lumen gentium 2, 7, etc.

[20Cf. Conc. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium 2.

[21Cf. Conc. Vat. II, Const. Gaudium et spes 38 : « Les dons de l’Esprit sont divers : il en est qu’il appelle à rendre un témoignage manifeste par leur désir des demeures célestes, et à maintenir ce témoignage vivant parmi les hommes... »

[22Selon la tradition patristique, la vie contemplative reproduit plus spécialement la prière du Christ à l’écart, ou sur la montagne. Cf. Cassien : « Il s’écarte pour prier seul sur la montagne, nous donnant ainsi l’exemple de la retraite... pour que nous y accédions à notre tour » (Conférences 10, 6, 4, ML 49, 826) ; Jérôme : « Cherche le Christ dans la solitude, et prie seul avec Jésus sur la montagne » (Ep. ad Paulinum 58, 4, 2, CSEL 54, 532) ; Isidore : « Lorsqu’il passait les nuits en oraison sur la montagne, le Christ figurait la vie contemplative » (Different, lib. 2, 2, 34, ML 83, 91) ; Pseudo-Jérôme : « Lorsqu’il prie, il nous enseigne la vie contemplative, lorsqu’il s’assied, la vie active... Gagnant la montagne pour aller prier, et descendant pour aller vers la foule, il nous montre l’union de ces deux vies » (ML 30, 571) ; Walafrid Strabon : « Gravissant la montagne, il figure la vie contemplative » (Expos, in IV Ev. ML 114, 872) ; Paschase Radbert : « Afin que nous nous appliquions à Dieu seul dans la contemplation, c’est-à-dire sur la montagne » (Expos, in Matth. ML 120, 522) ; Guillaume de Saint-Thierry : « (La vie solitaire fut) fréquentée très assidûment par le Seigneur lui-même, et désirée en sa présence par ses disciples ; et parmi ceux qui, l’ayant suivi sur la montagne sainte, virent la gloire de sa transfiguration, Pierre aussitôt... jugea qu’il était très bon pour lui d’y demeurer toujours » (Lettre aux Frères du Mont-Dieu I, 1, ML 184, 310) ; Amédée de Lausanne : « Il nous a établi un lieu de guet sur la montagne, avec Moïse et Élie, d’où nous puissions contempler sans voiles ce que nous cherchons » (Hom. 3 ; Éd. Bavaud, Sources chrét. 72, 90-92) ; Conc. Vat. II, Const. Lumen gentium 46 : « Que les religieux s’appliquent avec zèle à ce que, par eux vraiment, l’Église montre mieux le Christ de jour en jour, soit aux fidèles, soit aux infidèles, contemplant sur la montagne, ou prêchant aux foules... mais toujours obéissant au Père qui l’a envoyé. »Le thème de l’Exode a aussi été appliqué à la vie monastique, à partir de saint Jean Climaque pour l’Orient (Scala paradisi, Ier degré, MG 88, 632-644), et de saint Ambroise pour l’Occident (Ep. 27, 13 et 28, 1, 8, ML 16, 1047, 1051, 1053) Cf. Jérôme à Eustochium : « Suivez Moïse dans le désert et entrez dans la terre de la promesse » (Ep. 22, 24, ML 22, 410).

[23Cf. Conc. Vat. II, Const. Lumen gentium 41 : « (Les prêtres), bien loin que les soucis, les dangers et les peines du ministère apostolique ne soient pour eux un empêchement, par ces moyens mêmes doivent grandir en sainteté, nourrissant et alimentant leur activité de l’abondance de la contemplation » ; Décr. Perfectae caritatis 5 : « C’est pourquoi les membres de tous les instituts religieux, cherchant Dieu avant tout et ne cherchant que lui, doivent joindre à la charité apostolique... la contemplation qui les fait adhérer à Dieu de cœur et d’esprit. »

[24Texte cité par la Const. Lumen gentium 42. Cf. ibid. 44 : « Puisqu’en effet le Peuple de Dieu n’a pas ici-bas de patrie qui demeure, mais cherche la patrie future... » ; et 6 : « Mais tant que l’Église ici-bas se trouve loin du Seigneur, elle se tient pour exilée... »

[25Cf. Os 2,14 : « Je la conduirai dans la solitude et je parlerai à son cœur. » – Saint Augustin : « Il est difficile de voir le Christ dans la foule : une certaine solitude est nécessaire à notre esprit ; c’est dans un certain isolement de l’attention que l’on voit Dieu. La foule est turbulente ; la vision requiert l’isolement » (In Joannem tract. 17, 5, ML 35, 1533) ; Guigues le Chartreux : « À l’heure où sa Passion était imminente, il quitta les apôtres afin de prier seul, nous faisant comprendre surtout par ces exemples combien la solitude est avantageuse à l’oraison, puisqu’il ne veut pas prier avec d’autres, fussent-ils même les apôtres ses compagnons » (Consuetudines 80, 10, ML 153, 758). Saint Jean de la Croix : « Ce qui convient, c’est un lieu solitaire et même d’aspect sévère, afin que l’esprit monte sûrement et directement vers Dieu, sans être empêché ni retenu par les choses visibles... Voilà pourquoi notre Sauveur choisissait ordinairement pour prier les lieux solitaires et ceux qui flattaient peu les sens, afin de nous donner l’exemple ; il préférait ceux qui élèvent l’âme à Dieu, comme les montagnes qui s’élèvent au-dessus de la terre » (Subida III, 39, 2 ; cf. Cántico B, 35, 1 ; traduction tirée de l’édition du Seuil, p. 413).

[26Cf. Paul VI, Allocution du 24 oct. 1964 : « Que saint Benoît revienne pour nous aider à récupérer la vie personnelle, dont nous sentons aujourd’hui le besoin et la nostalgie – besoin que le développement de la vie moderne, à qui nous devons le désir exaspéré d’être nous-mêmes, suffoque dans le temps qu’il le suscite et déçoit au moment où il le rend conscient... L’excitation, le tumulte, la fébrilité, l’extériorité, la multitude menacent l’intériorité de l’homme ; ce qui lui manque est le silence, avec sa parole intérieure authentique, l’ordre, la prière, la paix – ce qui lui manque est lui-même » (A.AS. 56 [1964], 987 ; R.C.R. 1965, p. 18-19).

[27Saint Bruno, Ai Radulphum 6 (Sources chrét. 88, pp. 70-73).

[28Conc. Vat. II, Const. Lumen gentium 46. Cf. Évagre : « Est moine, celui qui est séparé de tous et uni à tous » (De oratione, 124, dans I. Hausherr, Les leçons d‘un contemplatif, p. 158) ; Pierre Damien : « Bien que nous paraissions éloignés de l’Église par la solitude corporelle, nous lui sommes cependant toujours présents au plus haut degré par le sacrement inviolable de l’unité » (Opusc. XI, Liber qui appellatur Dominas vobiscum 10, ML 145, 239).Sainte Thérèse d’Avila : « Ô mes sœurs en Jésus-Christ, aidez-moi à adresser cette supplique au Seigneur. C’est pour cette œuvre qu’il vous a réunies ici (prier pour la paix des nations et les besoins de l’Église) ; c’est là votre vocation ; ce sont là vos affaires ; tel doit être l’objet de vos désirs, le sujet de vos larmes, le but de vos prières... » (Camino I, 5 ; traduction tirée de l’édition du Seuil, p. 585).

[29Cf. Pierre Damien : « Si donc ceux qui croient en Notre-Seigneur sont un, partout où un membre se trouve selon l’apparence corporelle, là de même, par le mystère du sacrement, tout le corps est présent... Formant un seul corps du Christ, même si selon l’apparence nous sommes séparés, nous ne pouvons l’être en esprit, puisque nous demeurons en lui » (Opusc. XI, Liber qui appellatur Dominas vobiscum 6, ML 145, 236-238) ; Paul VI : « Vous n’êtes pas séparées de la grande communion de la famille chrétienne, vous êtes spécialisées ; et votre spécialité, aujourd’hui comme hier, est précieuse et édifiante pour toute l’Église, pour toute la société » (Allocution aux Supérieures Bénédictines, 28 oct. 1966, A.A.S. 58 [1966], 1159-1160 ; Vie consacrée 1967, p. 7).

[30Cf. Is 11,6-9 ; en sens contraire Gn 9,2. – Pour l’assimilation de la clôture au paradis, cf. Jérôme : « Que la cellule soit ton paradis, où tu cueilles les divers fruits des Écritures » (Ep. 125 ad Rusticum 7, ML 22, 1075 : CSEL 56, 125) ; Anselme, Ep. 3, 102, ML 159, 140 ; Pierre Damien, Ep. 6, 3, ML 144, 374 ; Guillaume de Malmesbury, Degestis Pont. Angliae 4, ML 179, 1612-1613 ; Bernard, Serm. de diversis 42, 4, ML 183, 663 ; Guillaume de Saint-Thierry, De natura et dignitate amoris 25, ML 184, 396 ; Pierre de Celle, Ep. 75, ML 202, 522. Cf. J. Leclercq, La vie parfaite, Turnhout 1948 ; G. M. Colombâs, Paraiso y vida angélica, Montserrat 1958.

[31Cf. Paul VI : « Nous voulons que ces îles cachées de pénitence et de méditation sachent... qu’elles ne sont pas oubliées, ni détachées de la communion de l’Église de Dieu ; qu’elles en sont au contraire le cœur même, qu’elles alimentent ses richesses spirituelles, élèvent sa prière, soutiennent sa charité, partagent sa souffrance, ses fatigues, son apostolat, ses espérances, et accroissent ses mérites » (All. du 22 février 1966, Insegnamenti di Paolo VI [1966], p. 56).

[32Conc. Vat. II, Décret Perfectae caritatis 7. Saint Jean de la Croix : « Un peu de cet amour pur est plus précieux pour Lui (Dieu) et pour l’âme, plus avantageux à l’Église... que toutes ces œuvres réunies. C’est pour cela que Marie Madeleine... se retira au désert pendant trente ans dans le but de se livrer pleinement à cet amour... à cause du grand avantage qu’apporte à l’Église un peu de cet amour... D’ailleurs, c’est pour vivre cet amour que nous avons été créés » (Cântico B, 28, 2-3).

[33Cf. Conc. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium 10 : « La gloire de Dieu, à laquelle tendent, comme à leur fin, toutes les œuvres de l’Église » ; cf. aussi Const. Gaudium et spes 67 ; Décret Apostolicam actuositatem 2.

[34Cf. Conc. Vat. II, Décret Ad gentes 18 : « Puisqu’en effet la vie contemplative appartient à la plénitude de la présence de l’Église, il faut qu’elle soit établie partout. » Cf. Jean XXIII : « La vie contemplative !... Elle constitue une des structures fondamentales de la Sainte Église, elle a été présente à toutes les phases de son histoire bimillénaire » (All. aux Cisterciens de stricte observance, 20 octobre 1960, A.A.S. 52 [1960] 896 ; R.C.R. 1960, p. 202).

[35« La charité me donna la clef de ma vocation. Je compris que si l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas ; je compris que l’Église avait un Cœur et que ce Cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang... Oui, j’ai trouvé ma place dans l’Église... Dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’Amour » (Manuscrits autobiographiques, ms B, Lisieux 1957, p. 229).

[36Cf. Jean XXIII : « L’apostolat qui mérite proprement ce nom, est participation à l’œuvre salvifique du Christ, laquelle ne peut avoir lieu que par la prière et le dévouement ; c’est en effet par ces moyens avant tout, en répandant ses prières devant le Père et en s’immolant, que le Christ a racheté le genre humain captif et accablé sous le poids des péchés. Ceux donc qui s’efforcent de suivre cet aspect essentiel de l’œuvre rédemptrice, même s’ils n’ont point d’activité extérieure, exercent l’apostolat le plus réel » (Ep. Causa praeclara du 16 juillet 1962, A.A.S. 54 [1962] 568 ; R.C.R. 1962, p. 232).

[37Conc. Vat. II, Décr. Ad gentes 40. Cf. Const. Umbratilem 5 (A.A.S. 16 [1924] 389) et le Décret de la S. C. des Rites super tuto pour la canonisation de la B. Thérèse Marguerite Redi, 18 févr. 1934 : « L’âme vraiment crucifiée avec Jésus par le suprême martyre du cœur, acquiert, pour elle-même et pour les autres, les fruits surabondants de la Rédemption. Telles sont les âmes dans l’Église les plus pures et les plus hautes qui, en souffrant, en aimant, en priant, exercent un apostolat tacite, mais de premier rang, pour le plus grand profit de tous » (A.A.S. 26 [1934] 106).

[38Cf. Paul VI : « Cette réclusion matérielle, extérieure et sociale, vous sépare-t-elle de l’Église ? Je viens vous le dire : Sachez que l’Église pense à vous, vous n’êtes pas oubliées et dès lors, la séparation qui serait la plus grave – l’isolement spirituel – n’existe pas. Pourquoi ? parce que vous êtes l’objet d’une attention et d’un souvenir particulier, dirai-je plus ? C’est vers vous que l’Église regarde, vous qui vous êtes données à ce genre de vie pour être en dialogue continuel avec le Seigneur, pour vous rendre capables d’entendre sa voix et d’exprimer notre pauvre voix humaine avec plus de pureté et d’intensité, vous qui avez fait, de ce rapport entre la terre et le ciel, le programme même de votre existence. Religieuses contemplatives, vous vous êtes dédiées à la tâche de laisser absorber votre âme par Dieu. Eh bien, je vous l’assure : l’Église reconnaît en vous sa plus haute expression : vous êtes, en un sens, au sommet » (All. aux moniales camaldules de l’Aventin, 23 mars 1966 ; cf. Vie consacrée 1967, p. 132) ; « Vous n’avez pas seulement une place dans l’Église, mais une fonction, comme le Concile le dit ; vous n’êtes pas séparées de la grande famille du Christ, vous êtes spécialisées... » (All. aux Supérieures de moniales bénédictines, 28 oct. 1966, A.AS. 58 [1966] 1159-1160 ; Vie consacrée 1967, p. 7). De même le Concile Vat. II l’a affirmé hautement : « Nul ne doit penser que les religieux, par leur consécration, deviennent étrangers aux hommes ou inutiles à la cité terrestre. Car même s’ils n’aident pas directement leurs contemporains, ceux-ci leur restent présents d’une façon plus profonde dans le cœur du Christ, et ils collaborent spirituellement avec eux pour que l’édifice de la cité terrestre soit toujours fondé sur le Seigneur et dirigé par lui, en sorte que ceux qui l’édifient n’aient pas œuvré en vain » (Const. Lumen gentium 46). Sainte Thérèse d’Avila : « ... exhorte les sœurs à prier toujours Dieu de secourir ceux qui défendent son Église » (Camino, titre du c. 3). « Si, pour obtenir ce but, nous pouvons quelque chose près de Dieu dans la solitude de notre cloître, nous combattrons pour lui... Le jour où vos prières, vos désirs, vos disciplines, vos jeûnes, ne tendraient pas à la fin dont je viens de parler, sachez que vous ne faites pas, et que vous n’accomplissez pas le but pour lequel le Seigneur vous a réunies ici » (ibid., nn. 5, 10 ; traduction tirée de l’édition du Seuil, pp. 593, 596 et 599).

[39Conc. Vat. II, Const. Lumen gentium 6.

[40Ibid.

[41Cf. Conc. Vat. II, Const. Lumen gentium 6 : « L’Église que le Christ s’est associée par un pacte indissoluble... et qu’il a voulu purifier pour qu’elle lui demeure unie et soumise en tout amour et fidélité. »

[42La liturgie occidentale n’applique qu’aux seules saintes femmes les images nuptiales, présentant leur sainteté comme l’épanouissement de ces épousailles spirituelles qu’elles ont contractées avec leur Époux et leur Seigneur. Inversement, elle n’emploie pas pour elles l’image de l’homme nouveau, ni l’assimilation au Christ en tant que Prêtre, Pasteur ou Prophète. On observa la même différence pour la profession féminine, souvent considérée, à partir du ive siècle, comme une cérémonie spéciale, distincte de celle des moines : elle prend la forme d’un mariage, la prise de voile virginale étant une transposition de la prise de voile nuptiale.

[43Cf. Dt 4,24 ; 2 Co 11,2 : « J’éprouve à votre égard en effet une jalousie divine ; car je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ. »

[44Cf. les citations données dans la note 3.

[45Cf. Augustin, Serm. 215, 4, ML 38, 1074.

[46Conc. Vat. II, Const. Lumen gentium 53.

[47On trouve cette péricope utilisée comme évangile de certaines fêtes de Notre-Dame depuis le vie siècle, notamment pour la fête de la Dormition ou de l’Assomption de la Vierge, tant en Orient qu’en Occident (cf. B. Capelle, « La Fête de l’Assomption dans l’histoire liturgique », dans Eph. theol. Lovan. 3 [1926] 33-45)

[48Cf. Ac 6,2-4 : « Il ne sied pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables... Quant à nous, nous resterons assidus à la prière et au service de la parole. »

[49Cf. Message de moines contemplatifs au premier Synode des Évêques, L’Osservatore Romano, 12 sept. 1967.

[50Cf. Conc. Vat. II, Const. Gaudium et spes 72.

[51A.A.S. 56 (1964) 987 ; R.C.R., 1965, p. 17.

[52Cf. Conc. Vat. II, Const. Lumen gentium 46 : « Tous enfin doivent comprendre que la profession des conseils évangéliques, malgré qu’elle comporte la renonciation à des biens dignes sans nul doute d’une haute estime, ne s’oppose cependant pas au véritable développement de la personne humaine, mais, par sa nature au contraire, lui est du plus grand profit. » Cf. aussi le Décret Perfectae caritatis 12.

[53Dans le commentaire dont nous accompagnerons cette partie normative, nous renverrons par les sigles suivants aux divers documents utilisés. CIC : Code de Droit canonique ; SC : Constitution Sponsa Christi, du 21 novembre 1950, et Statuts généraux annexes (cf. R.C.R. 1951, p. 41-68) ; IC : Instruction Inter cetera, du 25 mars 1956 (cf. R.C.R. 1956, p. 203-221) ; ES : Deuxième partie du motu proprio Ecclesiae sanctae, du 6 août 1966 (cf. Vie consacrée 1966, p. 257-265).

[54Leur permission habituelle ne suffit donc pas, semble-t-il.

[55Si l’on avait besoin d’une des autorisations contenue sous a) ou d), il suffirait de la demander à l’Ordinaire du lieu, auquel la faculté 34, reproduite dans le commentaire au n. 8, c, donne les pouvoirs nécessaires.

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