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La mise à jour de l’activité missionnaire

Deux importantes Instructions de la S. Congrégation pour l’Évangélisation

Joseph Masson, s.j.

N°1969-5 Septembre 1969

| P. 300-304 |

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Origines de ces documents

L’origine de ces Instructions [1] doit être cherchée dans le Décret sur les Missions ; celui-ci relève, au n. 38 c, l’importance particulière et le caractère prioritaire des Œuvres Pontificales Missionnaires ; par ailleurs, il affirme au n. 30 que l’Évêque est le chef et le centre d’unité de l’apostolat diocésain et en conclut, au n. 32 a, que les Instituts missionnaires sont faits pour aider l’« Ordinaire du lieu ». Ce terme souligne le fait que les espaces socio-culturels de la Mission ont désormais presque tous reçu la structure définitive d’évêchés résidentiels, et non plus de vicariats apostoliques transitoires.

Le Motu Proprio Ecclesiae sanctae, de 1966, est revenu de façon plus précise sur le sujet des Œuvres Pontificales Missionnaires, aux n. 7, 8 et 9 ; il a tenu en suspens la question des relations entre les Ordinaires et les Instituts, laquelle devait, vu son importance, faire l’objet de délibérations ultérieures, qui trouvent précisément ici leur conclusion.

Les artisans de ce dernier développement ont été divers. Après le Concile, des réunions préalables d’ordre privé ont été tenues entre les officiers ordinaires de la Congrégation, des évêques d’Afrique, quelques supérieurs généraux et divers canonistes. Mais le travail décisif et autoritatif (sous réserve de la décision pontificale finale) a été accompli par la première Assemblée Plénière de la Congrégation pour l’Évangélisation, sous sa nouvelle forme, en 1968. Le fait est significatif.

Le Concile a en effet voulu ajouter aux responsables « romains » et aux membres cardinalices de la Congrégation traditionnelle, vingt-quatre personnes de résidence non-romaine, comme membres de plein droit et à part entière, soit : douze évêques missionnaires, quatre autres évêques, quatre supérieurs généraux d’instituts totalement ou partiellement missionnaires et quatre directeurs nationaux des Œuvres Pontificales Missionnaires.

Si le retard de deux ans dans le démarrage de ce Conseil élargi avait pu causer quelque inquiétude, les résultats de la réunion des 25-28 juin 1968 auront certainement rasséréné l’atmosphère.

Le contenu des instructions

Le contenu doit être examiné de plus près. Étant donné que la première Instruction se divise en deux parties, ce sont trois thèmes qui sont traités en tout.

Les Œuvres Pontificales Missionnaires

Le premier regarde les Œuvres Pontificales Missionnaires : Propagation de la Foi, Sainte Enfance, Union Missionnaire du Clergé (qui englobe aussi les religieux et les religieuses) et Œuvre de Saint Pierre Apôtre (pour la promotion du clergé local).

Établies dans les diocèses du monde entier, ces œuvres relèvent à la fois du Saint-Siège par leur direction suprême, et des Ordinaires par leur insertion dans le réseau des activités propres aux diocèses. Il faut donc des principes pour assurer l’harmonie, et la première partie de la première Instruction les fournit.

  1. Les Œuvres Pontificales Missionnaires sont le moyen pour le Pape en tant que tel d’exercer son office de « coopération missionnaire » ; elles sont « les siennes », et elles empruntent à sa fonction mondiale un caractère d’universalité et une place privilégiée (praestantia).
  2. En pratique, la direction de ces œuvres est confiée par le Pape à la Congrégation pour l’Évangélisation, dont elles relèvent.
  3. Les évêques, en leur fonction de « coopération missionnaire » à l’échelon diocésain, doivent donc donner le premier rang à ces Œuvres Pontificales Missionnaires. Ils le feront en créant, dans chaque Conférence épiscopale, une Commission des Missions ; à celle-ci reviendra de promouvoir les Œuvres Pontificales Missionnaires et de veiller à leur fonctionnement correct, mais aussi de proposer à la Conférence le taux d’une contribution annuelle à imposer aux diocèses comme tels en faveur des Missions, contribution dont le produit sera remis au Saint-Siège.

Ce point a été désiré par le Concile ; mais certaines personnes ont l’impression que cette deuxième imposition fera indirectement concurrence aux rentrées des Œuvres Pontificales Missionnaires, au moins dans les diocèses dont la seule source de revenus est constituée par la générosité de leurs fidèles. C’est encore la Commission des Missions qui veillera à éviter de telles interférences.

La Commission des Missions, à son tour, utilisera les services d’un Conseil Missionnaire National réunissant les directeurs des Œuvres Pontificales Missionnaires, des délégués des diocèses comme tels, des Instituts missionnaires et des œuvres laïques de coopération missionnaire.

Tout cela suppose évidemment que les Conférences épiscopales veuillent vraiment cette promotion de la coopération missionnaire et des Œuvres Pontificales Missionnaires. On y revient avec insistance, et non sans utilité.

Les Œuvres Missionnaires non-pontificales

Le deuxième thème regarde les Œuvres Missionnaires non-pontificales, qu’elles relèvent des diocèses ou des Instituts missionnaires.

A. L’envoi de personnel (sacerdotal, religieux ou laïque) fait par un diocèse en faveur d’un autre suppose qu’on ait consulté les deux Conférences épiscopales intéressées, et pris contact avec la Congrégation.

B. L’envoi de subsides ou la fondation d’œuvres, réalisés par un diocèse en faveur d’un autre, sont très louables, à condition qu’ils ne nuisent ni aux Œuvres Pontificales Missionnaires, ni aux Instituts missionnaires. Cette clausule de prudence s’appuie sur le fait que les Œuvres Pontificales Missionnaires comme les Instituts missionnaires ont pour fin de répondre aux exigences d’ensemble de l’activité missionnaire universelle et possèdent donc une priorité d’importance sur des initiatives à champ plus restreint.

L’Instruction ne parle guère des relations pratiques entre les évêques des diocèses d’« Églises anciennes » et les Instituts missionnaires, qui cherchent à trouver en ces Églises leurs recrues et leurs ressources. Dans ces relations, on n’a pas toujours évité, d’une part, des susceptibilités, de l’autre, certaines intempérances. Il serait souhaitable que tout cela disparaisse. L’Instruction y touche par la bande, lorsqu’elle demande à la Commission des Missions de veiller à ce que certaines entreprises particulières « ne nuisent pas aux Instituts missionnaires ». Le Décret sur les Missions, plus clairement, recommandait aux Conférences de traiter « de l’aide à apporter aux Instituts missionnaires et aux Séminaires du clergé diocésain pour les missions, et si besoin est, de leur fondation » (n. 38 f). Ce point aurait pu être repris par l’Instruction.

Les relations entre les Ordinaires des lieux et les Instituts missionnaires

Le dernier thème considère les relations entre les Ordinaires des lieux et les Instituts missionnaires dans l’activité missionnaire elle-même. Comme le rappelle le préambule de la deuxième Instruction, l’harmonie de ces relations est une condition sine qua non tant pour une prédication efficace de l’Évangile que pour un établissement de plus en plus complet des jeunes Églises.

Dans l’activité missionnaire moderne, lorsque les Instituts avaient, dans la plupart des cas, à partir quasi de rien, il était normal que des territoires délimités à priori leur fussent confiés totalement, à charge de tout y créer et de leur fournir finalement jusqu’à un évêque, pris dans ce même Institut. C’est ce qui s’appelait la commissio, la « remise en mains », effectuée par le Saint-Siège, de toute la responsabilité missionnaire. Une fameuse Instruction du 8 décembre 1929 avait codifié cette façon de faire.

Depuis lors quarante années ont passé. Les chrétiens non-européens, devenus conscients de la valeur propre de leur Église locale, souhaitent la voir reconnue par l’octroi d’une organisation diocésaine « ordinaire », et d’un évêque issu du pays. C’est désormais chose faite presque partout. Le centre de la vie chrétienne locale ne peut plus être une autorité étrangère.

C’est donc de l’évêque local que doivent dépendre les forces d’appoint fournies du dehors par les Instituts. Mais, notons-le, de l’évêque local en tant qu’il est rattaché au Pape. Cette collaboration prend le nom de mandat et est ainsi définie : « une charge (munus) que, sur demande de l’Évêque (missionnaire) et après consultation de l’Institut (en question), l’autorité suprême de l’Église, par l’entremise de la Congrégation pour l’Évangélisation, donne à cet Institut, pour qu’il collabore dans le diocèse missionnaire avec l’Évêque et sous son autorité, selon une convention fixée ». Cinq pages de directives précisent les règles de cette collaboration, qui consiste « soit dans la prise en charge d’un territoire déterminé, soit en une œuvre missionnaire bien définie et d’importance majeure ».

L’acceptation du mandat relève du Supérieur Général de l’Institut, dans le cadre des statuts de celui-ci. Sa révocation éventuelle est effectuée par la Congrégation, mais celle-ci doit d’abord entendre tant l’Évêque que l’Institut.

Le mandat donné à un Institut ne constitue pas un monopole ; l’évêque peut, en son diocèse, garder ou appeler aussi d’autres Instituts, soit selon la formule juridique du mandat, soit plus privément sous sa seule responsabilité.

Dans un cas comme dans l’autre, on rappelle deux principes complémentaires : l’évêque est le chef de tout l’apostolat, mais il doit laisser à ses collaborateurs et notamment aux Instituts le droit d’initiative responsable (« spontanea navitas », Décret sur les Missions, n. 30) dans l’activité missionnaire.

L’évêque doit aussi respecter les droits qu’un Institut a partout dans l’Église : conserver son caractère propre et son autonomie, fonder des maisons selon les règles canoniques, promouvoir son propre recrutement.

L’Institut, de son côté, devra offrir à l’évêque une aide « vraie et efficace », selon les normes d’action définies par celui-ci et par la Conférence à laquelle il appartient. Des conventions bien faites aideront à réaliser tout cela.

Un problème épineux est toujours constitué par les questions financières, et notamment par l’attribution des aumônes. L’Instruction rappelle quelques principes de simple honnêteté humaine (tel le respect de l’intention du donateur) et quelques règles de droit ; elle annonce une enquête approfondie en vue d’une Instruction spéciale sur ce point. Nous l’attendrons donc.

Que conclure de ces documents ?

Tout d’abord : les mises au point demandées par le Concile étaient exigées par la complexité interne des situations, souvent aggravées par les mutations psychologiques et les changements politiques récents. Toute personne bien informée pourrait apporter ici des exemples, pittoresques ou douloureux.

Ensuite : la Congrégation, dans la solution de ces problèmes délicats, a vraiment commencé à « jouer le jeu » conciliaire de discussion et décision collégiales. C’est de bon augure pour d’autres progrès encore à réaliser (comme l’utilisation réelle et fréquente des consulteurs et des experts au cours de l’année).

Enfin : les solutions données sont claires et équilibrées. Ce qu’il faut le plus souhaiter, c’est que, dans la vie réelle, tous et chacun – Œuvres Pontificales et autres œuvres, Évêques et Instituts – aient un double souci essentiel : faire tout leur travail et respecter le travail d’autrui en sa forme spécifique.

L’activité missionnaire vit de la convergence et de la connexion de multiples efforts. Les règles ici fournies aideront à éviter les heurts et à réaliser l’harmonie ; mais elles resteraient vaines, si ne les animait cette charité pour Dieu et pour les hommes, lumière et force de l’Église, tout entière en mission.

St.-Jansbergsteenweg 95
Leuven (Belgique)

[1Cf. A.A.S. 61 (1969), p. 276-287 ; trad. franç. : L’Osservatore Romano, éd. française, 28 mars 1969.

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