Allocution pontificale au chapitre général de l’ordre des Frères mineurs
Vies Consacrées
N°1967-6 • Novembre 1967
| P. 368-369 |
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Le 23 juin, le Souverain Pontife donna audience aux membres du 177e Chapitre général de l’Ordre des Frères Mineurs, réuni à Assise.
Le Pape développa dans son allocution un triple thème : le Christ, centre de la spiritualité franciscaine ; la pauvreté, raison de la vitalité de l’Ordre ; le style de vie à garder.
Un mot de saint François semble être la clé de sa spiritualité : « Frères, je trouve chaque jour tant de douceur et de réconfort à méditer sur les humbles pas du Fils de Dieu que, même si je vivais jusqu’à la fin du monde, il ne me serait guère nécessaire de méditer les autres Écritures » (Textes ordonnés par Campbell, trad. de N. Vian, n. 99, p. 301)....
Les deux mystères du Christ, l’Incarnation et la Rédemption, sont tout pour lui, qui cherche, comme peut-être aucun autre disciple de Jésus n’est parvenu à le faire, à adhérer à son Maître…
Permettez que Nous reconnaissions dans cette tradition franciscaine une source catholique de perpétuelle authenticité évangélique, une école toujours attirée vers l’origine, l’essence, la vérité de la vie chrétienne, un amour qui ne s’épuise pas dans les formes, qui ne s’évapore pas dans les théories, qui ne se consume pas dans le temps, mais qui est toujours présent, vivant, ardent, pauvre, obéissant, patient, plein de joie mystique et de bonté humaine pour alimenter, dans la communauté de ceux qui croient dans le Christ, la soif de cette charité qui seule compte.
En comparant l’époque où vécut saint François et la nôtre, si différente, on pourrait se demander si « le franciscanisme est toujours actuel ».
Mais voici qu’aussitôt répond le fait de l’existence même de 26.000 Frères Mineurs, pour ne pas parler des nombreuses et importantes autres familles franciscaines. Quelles sont les raisons de cette vitalité ? La réponse est donnée...
par l’apologie de l’actualité de saint François, une apologie étrangement forte qui s’appuie sur les arguments les plus inattendus, et en particulier sur la pauvreté qui caractérise le Poverello d’Assise et quiconque veut être son disciple sincère. Oui, François est actuel parce qu’il est prophète de la Pauvreté. Dites pourquoi il en est ainsi ; montrez aux hommes d’aujourd’hui, qui semblent tous dominés par les préoccupations économiques, que la pauvreté d’esprit enseignée dans l’Évangile libère l’esprit, permet d’accéder au royaume des réalités supérieures, rappelle que la fin véritable et suprême de la vie c’est l’amour, l’amour de Dieu et du prochain. Montrez-leur que la pauvreté éduque à l’estime, à la conquête (le travail n’est-il pas une conquête des biens économiques ? Et saint François n’a-t-il pas fait de ses fils des travailleurs humbles et actifs ?), éduque à l’usage discret et à l’administration honnête et pure des dangereuses richesses, qu’elle apprend aussi à jouir sobrement des réalités temporelles devenues signe de la Providence divine. Montrez-leur, enfin, pourquoi la pauvreté, comme le prouvent les grands drames de notre époque, peut être le principe, la condition d’une solidarité sociale que, par contre, la richesse égoïste compromet ou renie tout de suite.
Le Pape aborde le troisième point. « Si tel est le phénomène admirable de saint François, comment devra-t-il se renouveler au sein de l’Église et aux yeux du monde ? »
Pour rester sur le plan spéculatif, Nous vous exhorterons à ne pas craindre d’affirmer votre style de vie par opposition à celui du monde, par contraste avec lui, par antithèse ascétique, par une envolée mystique. D’autres suivront une autre voie ; la vôtre, c’est celle-là, et aujourd’hui elle est loin d’être ignorée par les goûts capricieux de la nouvelle génération, par l’anticonformisme. Ne méprisez pas les formes originales de votre style franciscain. À condition que vous les portiez avec une digne simplicité, elles peuvent retrouver l’efficacité d’un langage libre et hardi, d’autant plus capable de faire impression sur le monde qu’il est moins conforme aux impératifs de son goût et de sa mode.
Mais à l’affirmation par opposition fait pendant aussitôt l’affirmation par sympathie, et c’est là encore un paradoxe bien franciscain. L’affirmation par sympathie sociale, spécialement, que Nous aimerions voir se manifester dans des expressions nouvelles et connaturelles à votre vocation d’amour pour les pauvres, pour les habitants des quartiers les plus miséreux, des banlieues, pour les travailleurs en chômage, ou sous-occupés (comme on dit aujourd’hui), pour les émigrants, en un mot pour l’humble peuple qui, plus que quiconque, a besoin d’être aidé, réconforté, soulagé, aimé.
Le Souverain Pontife achève son allocution en faisant appel à la fidélité de la famille franciscaine « à la sainte Église catholique », selon l’exemple du Frère François et de ses premiers compagnons.