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Petite bibliographie sur la clôture

Léon Renwart, s.j.

N°1967-3 Mai 1967

| P. 187-191 |

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Le but visé par ces quelques renseignements est avant tout de signaler, sur les points traités dans ce numéro, les ouvrages les plus utiles, les plus accessibles, les plus facilement lisibles aussi par de non-spécialistes. Ceux et celles qui souhaiteraient pousser une recherche plus scientifique trouveront sans peine dans les encyclopédies et les revues spécialisées (Commentarium pro religiosis, Ephemerides Theologicae Lovanienses, etc.) les indications bibliographiques nécessaires.

Théologie et valeur spirituelle de la clôture

Cet aspect essentiel fait figure de parent pauvre dans les publications. À notre connaissance, le seul article en langue française à traiter la question ex professo est celui du P. Lucien-Marie de Saint-Joseph, O. C. D., Valeur spirituelle de la clôture [1]. Ajoutons-y, en néerlandais, l’étude toute récente du P. Gabriel Tillmans, O. C. D., Naar een dynamische opvatting van het slot der monialen [2]. Aussi nous faudra-t-il élargir quelque peu le champ de nos recherches pour enrichir notre récolte.

On aura tout d’abord intérêt à recueillir dans les œuvres de saint Jean de la Croix [3] et de sainte Thérèse D’avila [4] le témoignage que ces grands amants de la clôture et de la solitude pour Dieu nous livrent sur le sens profond de celles-ci.

Ceux et celles qui pratiquent assez couramment le latin liront avec intérêt le De claustro animae de Hugues de Fouilloy [5].

Mais revenons aux ouvrages récents. Le recueil collectif déjà cité La séparation du monde [6] contient un bon article du P. A. Motte, O. P. sur La théologie de la séparation du monde : l’auteur y situe la clôture et ses diverses formes dans l’ensemble des séparations que sa foi impose ou suggère au chrétien. Sur un thème connexe, la fuite du monde, on lira avec fruit l’article très équilibré, à la fois historique et doctrinal, que le P. Zoltan Alszeghy, S. J., lui consacre dans le Dictionnaire de Spiritualité [7] : ces pages montrent bien que cette fuite est une composante nécessaire de l’attitude chrétienne, car elle empêche celle-ci de se dissoudre dans la composante complémentaire, la présence au monde, si attirante pour notre temps. A une notion voisine, le mépris du monde, la Revue d’Ascétique et de Mystique a consacré un numéro spécial [8] historique et doctrinal, aussi édité en volume séparé [9] Il a été complété sur un point précis, le rôle de saint François d’Assise, par le P. Willibrord C. Van Dijk, O. F. M. [10]

Sur la solitude, qui peut devenir le lieu privilégié de la rencontre de Dieu et des autres, on lira avec intérêt le numéro spécial de Christus, consacré à ce thème, et notamment l’article du P. Denis Vasse, S. J., De l’isolement à la solitude [11].

Enfin, à qui veut étudier la clôture sous son aspect de renoncement et comprendre le sens chrétien de celui-ci, nous ne pouvons que recommander la suggestive étude du P. Karl Rahner, S. J., Pour une théologie du renoncement [12]

Historique de la clôture

C’est l’aspect que l’on trouve développé, souvent en même temps que des considérations canoniques, dans toutes les encyclopédies. Citons, en français, le Dictionnaire de Théologie catholique [13], le Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et de Liturgie [14] Catholicisme [15] et le Dictionnaire de Spiritualité [16] ; même ce dernier ne consacre guère plus d’une colonne et demi sur une trentaine à l’esprit de la clôture.

Parmi les études consacrées à l’évolution de cette institution, citons encore les articles, solides et bien documentés, du P. Joseph Creusen, S. J., dans cette revue [17], la contribution de Mgr Gérard Huyghe au volume collectif La séparation du monde [18] où il résume sa thèse de doctorat en droit canonique La clôture des moniales, des origines à la fin du XIIIe siècle (Paris, 1944), et l’article du P. Th. Camelot, O. P., De la vierge du Christ à la cénobite cloîtrée [19] : il y montre le rôle qu’a joué, dans le renforcement de la clôture, la protection de la chasteté consacrée conformément à la mentalité du temps (mais il note aussi combien peu est intervenue la crainte des invasions et autres violences).

Aspect canonique

Celui-ci se taille la part du lion dans les publications relatives à la clôture. Toutefois, comme le droit canonique doit être entièrement refondu, nous nous bornerons à renvoyer à deux ouvrages qui fourniront à ceux et celles qui en auront besoin les renseignements de base sur la discipline encore en vigueur et les références pour des recherches ultérieures.

Ce sont le livre du P. Joseph Creusen, S. J., Religieux et religieuses d’après le droit ecclésiastique [20] et le commentaire détaillé et plein d’humour que le P. A. Van Biervliet, C. SS. R., a donné, dans cette revue, de l’Instruction Inter cetera de la S. C. des Religieux en date du 25 mars 1956 [21].

Aggiornamento

L’appareil extérieur dans lequel se traduit la claustration est, de l’aveu de tous, le point où le renouveau est le plus nécessaire.

Dans les quelques pages qu’il consacre au renouveau de la clôture dans son étude Être Clarisse aujourd’hui [22] le P. Héribert Roggen, O. F. M., montre comment les règles étonnamment strictes qui régissent encore la clôture s’expliquent par l’idée que l’on se faisait jadis de la femme et de la vie religieuse, mais note aussi avec grande sagesse : « Il ne s’agit pas de rejeter en bloc tout ce qui vient d’un passé qui nous est devenu étrange, mais de discerner ce qui de nos jours est encore valable et a réellement rapport à la vie évangélique. »

Avec beaucoup de sagesse, fruit de son expérience du gouvernement, la Mère Marie-Julienne, P. C. C. [23] relève toutefois que, dans certains cas, des moniales se sont tellement habituées aux grilles que leur suppression, vu le manque de maturité affective de ces religieuses, s’avère difficile, si pas impossible ; comme, par ailleurs, ces mêmes grilles sont, pour le monde qui nous entoure et spécialement pour les postulantes éventuelles, un signe usé, inefficace et nuisible, elle suggère une double solution : maintien des grilles là où la communauté les jugerait encore utiles et bienfaisantes ; suppression ailleurs.

La Sœur Michael Phia Veling, O. S. B. [24] ajoute à cette critique des grilles et de l’excommunication encourue pour toute violation de la clôture (peine disproportionnée et d’ailleurs la plupart du temps inefficace, faute de pleine connaissance ou de pleine responsabilité des « coupables ») une remarque fort pertinente sur l’accès de la femme à la pleine responsabilité humaine : c’est chose presque achevée dans de nombreux domaines : civil, politique, économique. La vie religieuse devra, elle aussi, en tenir compte. Pour la clôture, ceci entraînera comme conséquence que ce devra être à l’Abbesse de juger par elle-même de la légitimité des sorties occasionnelles de la clôture, à l’exemple de ce qui se fait dans les monastères d’hommes, où semblables permissions ne relèvent que de l’Abbé. Non seulement ce sera reconnaître à l’Abbesse sa dignité de femme et sa capacité d’adulte responsable, mais ce sera aussi permettre un contrôle beaucoup plus efficace de ces permissions : en pratique, l’Abbesse est la seule qui puisse juger en connaissance de cause de l’opportunité de la sortie désirée.

En une note brève, mais dense, la Sœur Teresa Margaret, D. C. [25] montre qu’est périmée toute coutume qui ne peut se justifier de nos jours : un symbole a le sens que lui donne, à chaque époque, l’opinion courante. Il est donc vain de vouloir traduire aux yeux du monde le libre don de soi à Dieu seul qu’est la vie contemplative par des grilles et des murs élevés : nos contemporains les interprètent spontanément comme des signes d’emprisonnement, car, à part les monastères, ils ne les aperçoivent plus qu’en pareil cas.

Comme il fallait s’y attendre à propos d’un point revêtu à notre époque d’une forte charge affective, aussi bien chez les « conservateurs » que chez les « progressistes », cet article provoqua plusieurs réactions : une défense des grilles par une Bénédictine de Stanbrooke [26] qui y voit et un signe capable de frapper puissamment nos contemporains et un moyen dont la fonction est aussi pratique et obvie que celle des grilles dans une banque, un bureau de poste, etc. ; une réponse de la Sœur Teresa Margaret [27] qui réaffirme que les grilles ont été un signe externe conforme aux règles qui, dans le passé, s’appliquaient à toutes les femmes, religieuses ou non, mais qu’elles ne correspondent plus aux normes qui régissent maintenant leurs relations ; un échange de lettres à l’éditeur [28] ; un article fort équilibré [29] qui rappelle l’origine purement pratique des grilles, protection nécessaire à cette époque pour que les religieuses puissent mener en paix leur vie de prière et de pénitence, mais qui révèle aussi que certaines religieuses craignent que, les grilles disparues, l’Église ne les lance dans la vie active : or la vie contemplative, même si beaucoup de laïcs et quelques prêtres n’en comprennent plus le sens, est indispensable à l’Église, qui ne l’abandonnera jamais ; cette vie requiert séparation du monde, non rupture ou ségrégation, mais, à notre époque, ce n’est plus avec des grilles qu’il faut l’assurer ; enfin un essai de la Sœur Teresa Margaret pour situer la vie contemplative dans le monde moderne : elle y montre que, si Vatican II a fort bien marqué le rôle irremplaçable de la vie religieuse cloîtrée, il reste à ceux qui la vivent, de montrer, notamment par leur ouverture aux adaptations qui s’imposent, qu’eux aussi sont conscients de leur rôle et s’efforcent de le remplir au bénéfice de tous leurs frères [30]

Les religieuses contemplatives et le vote

Terminons ce tour d’horizon en signalant deux brefs articles parus dans Nova et Vetera [31] sur cette question. Ils sont intéressants surtout pour les principes qu’ils mettent en avant en faveur de l’abstention : « La vocation contemplative, envisagée comme état de vie, inclut une existence centrée sur l’unique nécessaire et socialement organisée en fonction de cette fin. C’est pourquoi elle requiert un retranchement du monde et le sacrifice d’un ensemble de biens et d’activités en eux-mêmes légitimes [32] » Relevons aussi, dans le premier de ces articles un point important, bien qu’il concerne l’obéissance : voter pour une liste ou un candidat déterminé ne peut être matière à obéissance religieuse ; les supérieurs n’ont donc pas le droit de l’imposer.

[1Dans La séparation du monde (« Problèmes de la religieuse d’aujourd’hui », 16), Paris, 1961, p. 195-210. L’auteur a repris ce texte dans le livre L’impatience de Dieu (« Lumière de la foi », 9), Paris, 1964, p. 225-246, sous le titre Connaissance du Christ et séparation du monde. Les thèmes essentiels en sont repris ci-dessus, p. 135-143.

[2Dans le Tijdschrift voor geestelijk Leven, 1967, p. 183-195. Nous en donnons ci-dessus, p. 144-154, une traduction remaniée par l’auteur.

[3Par exemple dans l’édition des Œuvres complètes parue en 1959 dans la Bibliothèque européenne.

[4Par exemple dans l’édition en deux volumes dite du quatrième centenaire, Paris, 1962-1963.

[5P. L., 176, col. 1017-1182.

[6Cf. note 1 ; l’article en cause occupe les p. 139-194.

[7Article « Fuite du monde », t. 5, 1964, col. 1575-1605.

[8La notion de « mépris du monde » dans la tradition spirituelle occidentale, numéro spécial (1965, n° 3) de la Revue d’Ascétique et de Mystique, 41, 1965, p. 233-432. Signalons à ceux que la chose peut intéresser que ces études s’inscrivent dans le cadre de la controverse suscitée par l’œuvre, assez discutée, de Robert Bultot, La doctrine du mépris du monde en Occident, de S. Ambroise à Innocent III, Louvain, 1964 et 1965 (cf. la Revue d’Histoire ecclésiastique, 61, 1966, p. 512-528, où l’on trouvera toutes les références utiles).

[9Sous le titre Le mépris du monde (« Problèmes de vie religieuse », 22), Paris, 1965.

[10« Saint François et le “mépris du monde” », dans Études franciscaines, 15, 1965, supplément annuel, p. 157-168.

[11La solitude, numéro spécial (49) de la revue Christus, 13 (1966).

[12Traduite dans son volume Éléments de théologie spirituelle (collection « Christus », 15), Paris, 1964, p. 51-64.

[13B. Dolhagaray, article « Clôture », t. 3, 1907, col. 244-257.

[14E. Renoir, article « Clôture monastique », t. III, 2, 1914, col. 2024-2034 : « On s’attachera ici à étudier la clôture dans les cadres monastiques anciens suivant l’ordre géographique et chronologique. »

[15J. Creusen, S. J., article « Clôture religieuse », t. 2, 1949, col. 1260-1262. Article historico-canonique.

[16E. Jombart et M. Viller, article « Clôture », t. 2, 1953, col. 979-1007.

[17« La clôture. Évolution et adaptation », dans la R. C. R., 1939, P. 11-20, 38-45 et 81-84.

[18Histoire de la clôture des religieuses, p. 95-123 du volume cité p. 187, n. 1.

[19Dans la Vie Spirituelle, 81, 1949, p. 5-23.

[20Huitième édition, 1960 (Museum Lessianum, section théologique, 11). Dans la deuxième partie, section II, l’article 2, § 3 est consacré à la clôture (p. 216-233 1 spécialement pour les moniales, aux p. 219-231).

[21« L’instruction sur la clôture des moniales. Commentaire », dans la R. C. R., 1956, p. 221-227 ; 1957, p. 7-19, 47-59, 99-109, 136-146, 175-184 et 210-216.

[22Dans Études franciscaines, 16 (1966), p. 390-404.

[23« L’“aggiornamento” des Instituts intégralement ordonnés à la contemplation », dans les Collectanea Cisterciensia, 28, 1966, p. 48-61 (sur la clôture : p. 57-58) ; id., « “Aggiornamento” van de kontemplatieve religieuzen, dans De Kloosterling, 34, 1966, p. 228-239.

[24« Slot van de monialen », dans De Kloosterling, 34, 1966, p. 149-155 ; id., « Omschakeling », ibid., p. 203-208.

[25« The Grille does not a Convent make », dans The Tablet, 1966, p. 325-326 (19 mars).

[26Ibid., p. 667-668 (11 juin) : « Freedom behind the Grille. A sign of contradiction ».

[27Ibid., p. 726 (25 juin) : « Signs of the times. Another view of Grilles ».

[28Ibid., p. 764 (2 juillet : pas d’évidence que les grilles soient essentielles) ; p. 794 (9 juillet : elles font positivement tort à la vie spirituelle qu’elles devraient protéger) ; p. 821 (16 juillet : pour les grilles) ; p. 849-850 (23 juillet : une mise au point de la Sœur Teresa Margaret et une lettre en faveur des grilles, dont la présence supprime cette « barrière invisible » que tant de laïcs perçoivent chez les religieuses non-cloîtrées) ; p. 878-879 (autre mise au point par la Sœur Teresa Margaret).

[29« Freedom behind the Grille. Another view front inside. By an enclosed Nun » (ibid., p. 892 – 6 août).

[30« Discerne causant meam. The contemplative life in the modem world » (ibid., p. 1095-1096 –1er octobre).

[31Jean de la Croix Kaelin, O. P., et M.-M. Cottier, O. P., « Note sur la participation des religieuses contemplatives à la vie politique par le vote », dans Nova et Vetera (Fribourg), 40, 1965, p. 224-228 ; J.-B. M. Porion, O. Cart., Les religieuses contemplatives et le vote, ibid., 41, 1966, p. 69-70.

[32Nova et Vetera, 40, 1965, p. 225.

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