Allocutions pontificales
Vies Consacrées
N°1966-4 • Juillet 1966
| P. 227-231 |
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À des religieuses
Le 16 mai, S. S. Paul VI a reçu plus de cinq cents religieuses participant à Rome à la 14e Assemblée générale de l’Union des Supérieures Majeures d’Italie. Elles représentaient les 160.000 religieuses italiennes appartenant aux quatre sections de l’Union : religieuses hospitalières ou éducatrices, appliquées à l’assistance sociale ou à l’apostolat direct. De son côté, le secrétariat « Pro orantibus » confie ces activités multiples à la prière des moniales.
Le Pape redit aux religieuses l’amour que l’Église leur porte, que les derniers Pontifes, comme le Concile, leur ont manifesté.
L’Église vous aime surtout parce que vous avez choisi l’état religieux, parce que vous avez voulu la meilleure part, qui ne vous sera pas enlevée (cf. Lc 10,42). Votre vie signifie en effet recherche du Christ ; le Christ placé à la cime de toutes vos pensées ; le Christ vécu et attesté dans le monde ; le Christ vu et servi dans vos frères. Votre vie est imitation du Christ, portant à sa plénitude de développement la consécration reçue dans le Saint Baptême, comme l’a dit le Concile dans la Constitution dogmatique sur l’Église : « L’État religieux imite plus fidèlement et représente continuellement dans l’Église la forme de vie que le Fils de Dieu a embrassée, quand il vint en ce monde pour faire la volonté du Père, et qu’il proposa aux disciples qui le suivaient » (n. 44).
Et encore, à travers vous l’Église présente « le Christ aux fidèles comme aux infidèles : que ce soit le Christ en contemplation sur la montagne, ou qui annonce aux foules le Royaume de Dieu, ou qui guérit les malades et les blessés, ou qui convertit les pécheurs à la voie du bien ou qui bénit les enfants, répand ses bienfaits sur tous, mais qui toujours obéit à la volonté du Père qui l’a envoyé » (n. 46).
C’est dans cette lumière de l’imitation du Christ qu’on perçoit le sens de la perfection, acquise et à acquérir, qui est une continuelle tendance vers lui, selon la pensée de saint Paul : « Pour lui, j’ai accepté de tout perdre, je regarde tout comme déchets afin de gagner le Christ et d’être trouvé en lui... Ainsi je pourrai le connaître lui avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans la mort... Non pas que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus » (Ph 3,8-12).
Toujours dans cette lumière votre vie comporte des besoins dignes de considération que l’Église ne manquera pas de tenir toujours présents (à son regard) afin que l’état de vie consacrée, dans tous ses aspects, humains et surnaturels, soit toujours davantage mis en valeur et puisse répondre toujours plus lumineusement à l’idéal dont il est le miroir et l’exemple.
Mais, le Souverain Pontife invite aussi les religieuses à un examen de conscience. Aiment-elles elles-mêmes cette Église qui, par le Concile, vient de manifester si clairement sa volonté de s’ouvrir à tous pour les sauver tous ?
Dans quel esprit ont-elles accueilli l’invitation au renouveau non pas des structures immuables, mais de ce qui dans l’Église peut faire apparaître vieillies ses méthodes, confortable sa position, sans heurt la voie royale de la Croix ?
Avec quelle confiance les religieuses ont-elles reçu les indications de l’autorité maternelle et suave de l’Église, qui est l’expression authentique de la volonté de son divin Fondateur ?
Le Pape propose à ses auditrices trois directives concrètes, où elles pourront manifester leur amour généreux de l’Église.
Avant tout, la participation toujours plus consciente à la liturgie, comme l’a indiqué le décret conciliaire sur le renouvellement de la vie religieuse. Que les religieux, dit-il, « célèbrent les fonctions liturgiques, surtout le très saint mystère de l’Eucharistie avec les dispositions internes et externes voulues par l’Église et qu’ils alimentent à cette source très riche leur propre vie spirituelle » (Décret Perfectae caritatis, n. 6).
Ensuite, le commerce familier avec les livres inspirés de l’Ancien et spécialement du Nouveau Testament, selon l’invitation du Concile : « Que chaque jour la Sainte Écriture soit en leurs mains afin qu’ils retirent de sa lecture et de sa méditation ‘la connaissance suréminente du Christ Jésus’ » (Ph 3,8).
« Restaurés ainsi à la table de la loi divine et du saint autel, ils aimeront fraternellement les membres du Christ, ils auront pour les pasteurs respect et affection, en esprit filial ; de plus en plus, ils s’uniront à la vie et à la pensée de l’Église et se dévoueront totalement à sa mission » (Décret Perfectae caritatis, n. 6).
Enfin, nous recommandons le sens communautaire, qui ne peut certainement manquer quand sont posés ces fondements si solides et ces appuis si sûrs : en effet, la liturgie et surtout la vie eucharistique alimentent la charité de chacun des membres du Corps Mystique, empêchant la piété de s’ankyloser dans la stérilité de formes individuelles et sentimentales ; la connaissance de l’Écriture, en outre, avec les amples perspectives qu’elle ouvre sur l’histoire et le développement du Peuple de Dieu, ne peut que donner des idées larges, saines, nourrissantes sur ce devoir communautaire. Et où peut-on en trouver un exemple plus éclatant que dans les familles religieuses, qui font de la vie commune leur forme caractéristique, ouverte à tous les regards, comme témoignage vivant de la présence du Christ. Là où est la charité et l’amour, là est Dieu. C’est l’amour du Christ qui nous a rassemblés dans l’unité.
L’activité missionnaire de l’Église
Le 13 mai, le Souverain Pontife, recevant les Conseils généraux des Œuvres pontificales missionnaires et les Directeurs nationaux réunis à Rome pour leur assemblée annuelle, a souligné devant eux l’importance du décret conciliaire Ad gentes sur l’activité missionnaire [1] et de l’orientation générale donnée par le Concile à l’Église en cette matière. La question intéresse de trop près un grand nombre de familles religieuses pour qu’on omette ici de reproduire ces graves réflexions :
Il est certain que dans le champ missionnaire comme sur bien d’autres points, le Concile a apporté un nouvel éclairage, un changement de perspective...
L’idée, le fondement même de la « mission » avait subi une sorte de dégradation dans l’esprit de beaucoup. L’idée de tolérance, en réaction contre un certain prosélytisme, contribuait à « démonétiser », pour ainsi dire, la sublime vocation du missionnaire. Le lien apparent, en bien des cas, entre « colonisation » et « mission » allait fatalement, à l’heure où s’affirmait le phénomène de la « décolonisation », provoquer un ébranlement dont les conséquences pouvaient être extrêmement fâcheuses.
Par ailleurs la prise de conscience assez soudaine, par l’ensemble de l’opinion publique, des immenses besoins des pays en voie de développement, entraînait, certes, des élans de générosité admirables, que Nos prédécesseurs et Nous-même avons été les premiers à encourager et même à susciter dans une certaine mesure. Mais l’accent mis sur les nécessités matérielles de tant de malheureuses populations risquait d’obscurcir quelque peu, chez d’aucuns, ce qui, pour l’Église, reste primordial : la Parole de Dieu à transmettre, le message du salut à communiquer, en un mot : l’évangélisation.
Ces évolutions sur le plan des idées, s’ajoutant à bien d’autres facteurs qu’il serait trop long d’analyser, ne tardèrent pas à s’inscrire dans les faits ; et l’on a assisté, en ces dernières années, à une baisse régulière et préoccupante du recrutement des Instituts missionnaires. Nous avons eu sous les yeux, pendant le Concile, une statistique communiquée par un évêque, qui mentionnait pour les départs en mission ces dernières années les chiffres suivants :
Départs en 1952 : 850
Départs en 1956 : 650
Départs en 1961 : 330
C’est à ces conséquences inquiétantes que l’œuvre du Concile peut et doit apporter un remède qui ne soit pas simplement une « recette » empirique, au plan des faits, mais d’abord une œuvre de profonde réflexion, au plan de la théologie. Il est symptomatique, en effet, que la volonté très nette des Pères conciliaires s’étant manifestée en ce sens, une si grande extension ait été donnée au Décret « Ad gentes », qui ne devait comporter initialement, vous vous en souvenez, que quelques brèves propositions.
L’idée de mission a été, au cours de la discussion de ce schéma, convenablement approfondie, appuyée de principes doctrinaux, et rattachée, dans un premier chapitre du Décret, à son véritable et solide fondement théologique : la mission même du Christ, envoyé par le Père pour le salut des hommes. Et tout le reste du document peut être considéré comme une illustration et une « revalorisation » en quelque sorte – nullement polémique, mais au contraire très sereine et positive – de l’idée de mission, dans ses divers développements au plan des activités, des personnes, des lieux et des institutions.
C’est de ce texte capital que doit évidemment s’inspirer désormais toute votre action. C’est aussi votre intention et votre volonté, Nous le savons et Nous sommes heureux d’avoir cette occasion de vous en féliciter.
Mais il y a plus. Au-delà de ce décret particulier, on peut dire qu’une des grandes idées qui se dégagent de l’ensemble des textes conciliaires, c’est que la mission n’est pas le fait de quelques spécialistes. C’est l’Église tout entière qui est et qui doit se montrer missionnaire.
Vous voyez donc toute l’importance du rôle que peuvent jouer, en cette période post-conciliaire, les Œuvres pontificales que vous représentez. Elles ont à développer avec une ardeur renouvelée, parmi les prêtres, les séminaristes, les religieuses, et dans tout le peuple chrétien, l’esprit missionnaire.
Le Pape souhaite que l’idée de la mission soit exposée spécialement aux jeunes. Il relève « l’extraordinaire sensibilité de la jeunesse d’aujourd’hui à l’esprit et à l’idéal missionnaires, quand on sait les leur présenter d’une manière qui trouve écho dans la générosité foncière de leurs âmes ».
Le Bienheureux Ignace de Santhia
Le 17 avril, a été béatifié un prêtre de l’Ordre des Capucins. Lorenzo Maurizio Belvisotti naquit à Santhià (Piémont) le 5 juin 1686. Ordonné prêtre à Vercelli, en 1710, il entra six ans plus tard chez les Capucins et y reçut le nom d’Ignazio. Appliqué à la prédication et au ministère de la confession, le Père fut un directeur spirituel apprécié. De 1731 à 1744, il remplit la charge de Maître des novices. Ce fut à Turin qu’il passa la plus grande partie de sa vie et donna les fruits les plus abondants de son ministère. Sa spiritualité exerça une grande influence sur la vie religieuse du Piémont au XVIIIe siècle. Le P. Ignazio da Santhià mourut en 1770. Dès 1782, son procès de béatification fut introduit et en 1827 déjà fut proclamée l’héroïcité de ses vertus.
L’allocution pontificale, le 17 avril, a tenu à souligner le caractère spécial de la sainteté du nouveau bienheureux. « Son titre de perfection n’est pas la singularité mais la conformité aux normes courantes. Il fut un vrai franciscain, un vrai capucin. Ainsi en sa personne tous ses frères sont honorés. »
Une telle constatation, qui est de nature à étendre à une vaste collectivité le titre de la perfection religieuse, ne rabaisse pas pour autant les exigences de celle-ci. Elle fait du saint un modèle plus proche et plus imitable. En parlant ainsi, il faut toutefois se garantir contre le danger de trop simplifier la voie qui conduit à la perfection et qui reste la voie étroite (Mt 7,14).
Le désir de faire disparaître de la vie religieuse tout ascétisme artificiel et toute extériorité arbitraire, afin de la rendre, comme on dit aujourd’hui, plus humaine et plus conforme aux temps, pénètre çà et là dans la mentalité moderne de certains chrétiens, même religieux, et peut conduire insensiblement au naturalisme qui ne comprend plus la folie et le scandale de la Croix (1 Co 1,23), et croit raisonnable de se conformer aux mœurs faciles du monde. Mais notre bienheureux n’est pas ainsi. Nous le trouverons simple et accessible, oui, mais combien rebelle à l’esprit du monde, combien pauvre et austère pour lui-même !
Enfin, le Pape note que si l’on voulait tout de même fixer la note déterminante de la perfection du nouveau Bienheureux, il faudrait indiquer « la vertu d’obéissance, celle qui aujourd’hui subit la plus forte crise »... « celle par laquelle le Christ, fait obéissant jusqu’à la mort, nous instruisit sur les voies de l’Évangile et nous sauva. »
[1] Voir Vie consacrée, 1966, 143-149.