Le décret « Perfectæ caritatis ». Présentation générale
Vies Consacrées
N°1966-1 • Janvier 1966
| P. 5-15 |
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Origine
Ce n’est pas sans peine que le décret sur le renouveau et l’adaptation de la vie religieuse a vu le jour. Il suffit, pour s’en rendre compte, de rappeler les quatre étapes qui ont marqué son élaboration.
Un premier projet avait été élaboré, pour l’ouverture du Concile, par une commission préparatoire. Il comprenait une centaine de pages et avait pour titre : « Schéma de constitution sur les états de perfection à acquérir ». Fruit d’un travail intense et d’une fraternelle collaboration, il n’était pas sans mérites, mais sa longueur considérable le rendait peu apte à des débats conciliaires et empêchait qu’on y discerne suffisamment les affirmations essentielles.
Aussi en novembre 1962, le Conseil de Présidence du Concile demanda-t-il que ce projet soit notablement réduit, et se borne à énoncer les principes généraux concernant quatre points : les états de perfection, la vocation religieuse, le renouveau et l’adaptation de la vie religieuse, la formation des jeunes religieux ainsi que leur admission à la profession et aux ordres. C’est le 22 avril 1963 que fut présenté le nouveau « schéma » ; il comportait encore 35 pages et avait conservé le titre « Les états de perfection à acquérir ». Pour le fond, on pouvait y noter une amélioration sur le texte précédent à deux points de vue : il avait un aspect moins juridique et il mettait plus clairement en lumière les principes d’un renouveau et d’une adaptation.
Mais quelques éléments seulement en subsistent dans le décret actuel, car la seconde session du Concile allait entraîner l’abandon de ce projet. L’assemblée conciliaire se voyait de plus en plus débordée par l’immensité de la tâche qui lui était proposée ; pour mener l’œuvre à bonne fin, il semblait nécessaire de réduire les proportions des documents soumis à la délibération et au vote. Par des décisions prises le 28 décembre 1963 et le 15 janvier 1964, la Commission centrale ordonna de condenser en une série de brèves et simples propositions ce qui devait être dit de l’adaptation de la vie religieuse. Ainsi naquit, le 27 avril 1964, le « Schéma de propositions sur les religieux », qui en cinq pages s’efforçait d’aligner quelques considérations générales ou particulières sur la vie religieuse, ses exigences et ses problèmes. A vrai dire, on pouvait se demander si le nouveau-né était vivant et viable ; il ressemblait fort à un squelette.
Accueilli peu favorablement par les Pères du Concile, il fut quelque peu modifié et amplifié pour être présenté à la troisième session du Concile. Le vote des 14 et 16 novembre 1964 n’approuva, à la majorité des deux tiers, que la dernière partie, plus exactement les 7 dernières propositions, celles qui dans le décret actuel portent les numéros 18 à 24. Les autres propositions devaient être substantiellement remaniées, en tenant compte des amendements qui affluaient de la part des Pères du Concile. Ces amendements dépassèrent le nombre de 14.000 ; mais du fait que beaucoup se recouvraient, ils furent finalement ramenés à 500. C’est dire le travail considérable qui échut à la Commission conciliaire chargée de refaire le texte en y introduisant, dans la mesure du possible, les apports valables qui venaient de ces nombreux amendements.
La Commission a donc été amenée à développer notablement bon nombre de points. Les principes généraux de la vie religieuse, de sa rénovation et de son adaptation, ont été plus largement exposés, de même que les critères et l’organisation pratiques de ce renouveau. Des considérations plus amples et plus profondes nous sont également offertes sur la vie spirituelle, sur chacun des conseils évangéliques, sur la vie commune. De nouvelles propositions ont été ajoutées concernant la vie monastique, la vie religieuse laïque et les instituts séculiers. Enfin, suivant les vœux des Pères, le décret se termine par une brève conclusion pastorale, avec une mention expresse de l’idéal représenté par la Vierge Marie.
Les rédacteurs de la Commission peuvent témoigner qu’ils ont tenu un compte scrupuleux des désirs exprimés et que, si certains des amendements ont dû être rejetés, tous ont été sérieusement pris en considération. On doit donc reconnaître dans le décret une œuvre à laquelle ont coopéré un grand nombre de Pères du Concile : ce n’est pas simplement, comme l’étaient les projets antérieurs, le fruit des travaux d’une commission. Ainsi ont été recueillies les inspirations de l’Esprit Saint par ce concours très large et très varié de voix humaines, caractéristique de la méthode conciliaire.
Finalement, l’Esprit Saint s’est exprimé par le vote qui a manifesté l’approbation quasi unanime de l’Assemblée. Seule la proposition qui concerne la vie religieuse laïque a rencontré un nombre plus élevé d’opposants : 57 sur 2148 votants ; pour toutes les autres propositions, ce nombre était négligeable, et l’ensemble du projet en dernière lecture a été adopté par 2126 voix contre 13.
Cette quasi-unanimité nous aidera à trouver dans le document conciliaire l’expression authentique de la volonté de l’Église, elle-même expression de la volonté divine. La promulgation solennelle du décret, qui a eu lieu le 28 octobre 1965, lui a conféré définitivement cette valeur [1]. Bien que l’infaillibilité doctrinale de l’Église n’y soit pas formellement engagée, pas plus d’ailleurs que dans les autres actes d’un Concile qui s’est voulu essentiellement pastoral, les chrétiens et particulièrement les religieux accueilleront le décret comme la parole que Dieu a voulu leur adresser dans les circonstances actuelles sur la nature et le renouveau de la vie consacrée, dans la perspective de son adaptation au monde.
Titre
Comme le montre l’aperçu historique, le titre actuel du décret est différent du titre primitif. Dans les deux premiers projets, le titre était plus général : « Les états de perfection à acquérir ». Dans le décret, le titre indique qu’il s’agit plus précisément de renouveau et d’adaptation pour les religieux.
L’expression latine « rénovation adaptée » est plus unifiée que la traduction française : « renouveau et adaptation ». Elle indique que la tâche la plus fondamentale à accomplir est celle du renouveau, et que l’adaptation n’en est qu’un aspect. Le renouveau se fait à la fois par le retour aux sources et par l’adaptation aux circonstances actuelles.
On notera que le Concile ne parle pas de réforme mais de renouveau. S’il avait parlé de réforme, il aurait laissé entendre que dans la vie religieuse contemporaine il y avait des défauts ou des vices auxquels il serait urgent de remédier. En prônant le renouveau, il n’entend porter aucun jugement sur le passé et sur le présent, même pas une sentence de vieillissement ; le texte suggère plutôt une profonde estime pour la vie religieuse, telle qu’elle s’est instaurée et épanouie jusqu’à présent dans l’histoire de l’Église. Mais il affirme la nécessité d’une participation au renouveau qui s’effectue aujourd’hui dans l’Église entière. On peut observer qu’il y a, dans l’évolution historique de l’Église, une loi de renouveau incessant, inscrite dans la nature même de la vie chrétienne : « Si quelqu’un est dans le Christ, il est nouvelle création » (2 Co 5,17). Épanouissement de la vie dans le Christ, la vie religieuse est création toujours nouvelle. Cependant, à l’heure actuelle, vu la transformation considérable de mentalité qui se produit dans l’humanité, l’exigence de renouveau est bien plus urgente et plus ample qu’à d’autres époques. La vie consacrée doit s’imprégner d’un esprit neuf et se présenter sous un extérieur rajeuni.
« Vie religieuse », dit le titre. On sait pourquoi cette expression plus commune s’est substituée à celle d’« états de perfection à acquérir ». Lors du débat sur la Constitution dogmatique de l’Église, des Pères du Concile s’étaient montrés défavorables à l’expression « états de perfection », car elle paraît faire de la tendance à la perfection la caractéristique exclusive de la vie religieuse ou de la vie consacrée, alors qu’elle doit se retrouver également chez les autres chrétiens, puisque tous sont appelés à la perfection de l’amour.
Malheureusement, en substituant « vie religieuse » à « états de perfection à acquérir », on a restreint le titre à une forme de vie consacrée, la forme la plus répandue, mais non la seule. Il y a en effet d’autres formes de vie consacrée que la vie religieuse, et le décret réserve toute une proposition aux instituts séculiers. Dès lors, le titre « renouveau et adaptation de la vie religieuse » ne répond plus suffisamment à l’extension du décret. Il y eut des protestations ; on comprend que les instituts séculiers n’aient pas voulu être simplement rangés sous le vocable de la vie religieuse. Mais, ces protestations vinrent trop tard pour qu’on pût encore en tenir compte, sauf par une incise introduite au n. II ; le changement de titre était devenu impossible. On peut le regretter, et l’on doit admettre que le titre qui exprimerait plus exactement le contenu du décret serait : « Renouveau et adaptation de la vie consacrée ».
Désignation initiale
Les documents pontificaux ou conciliaires sont d’ordinaire désignés par les deux premiers mots du texte. On ne peut nier que dans le cas de notre décret la désignation soit des plus suggestives : « Perfectae caritatis », la « parfaite charité » recherchée par les conseils évangéliques.
L’expression a été introduite dans la dernière rédaction du texte, où elle a remplacé le mot « sainteté ». Et c’est dans l’ultime toilette donnée au décret, juste avant la promulgation, que l’ordre de la phrase a été bouleversé de manière que le décret commence par l’énoncé de ce bel idéal.
Certes, la recherche de la charité parfaite n’est pas le privilège exclusif des religieux ; elle doit se trouver dans toute vie chrétienne, mais elle est spécialement développée par la pratique des conseils évangéliques. Ceux-ci ont en effet pour but d’assurer un amour de Dieu poussé à l’extrême : « Dieu aimé au maximum », dit la Constitution Lumen gentium (44), dont la doctrine est invoquée par le décret. Un tel amour tend aussi à embrasser pleinement l’Église et le monde. La vie consacrée poursuit la perfection de l’amour dans sa double direction fondamentale, Dieu et le prochain.
Selon la doctrine du décret, cette charité se présente à la fois comme l’origine et comme l’objectif de la vie consacrée. Ceux qui font profession des conseils évangéliques sont « poussés dans cette voie par la charité que l’Esprit Saint répand dans leurs coeurs (cf. Rm. 5, 5). » Mais d’autre part ils doivent viser à accroître en eux cet amour par leur don au Christ et à l’Église : la recommandation vaut aussi pour les instituts séculiers, qui doivent s’efforcer avant tout de « se donner entièrement à Dieu dans une parfaite charité » (12). Si cet amour est en même temps un mobile et un but, c’est que tout en étant une force issue de Dieu, il se développe en l’homme avec sa libre collaboration.
Ainsi, c’est la charité qui inspire et met en branle renouveau et adaptation, et c’est elle qui forme l’idéal ardemment recherché dans cet effort de progrès. Faut-il relever notamment que l’adaptation ne fait qu’exprimer un amour qui se fait tout à tous (I Cor. 9, 22) ? Il est heureux que le décret soit désigné par les mots de « charité parfaite », rappelant ainsi le but essentiel du renouveau.
Objectif
Quel est l’objectif du décret ? Le titre nous indique à la fois ce que nous ne devons pas y chercher et ce que nous y trouvons effectivement.
Nous ne devons pas y chercher un exposé doctrinal de la vie religieuse. Sans doute le besoin d’une théologie approfondie de la vie religieuse se fait-il de plus en plus sentir, mais le décret n’a pas pour but de répondre à ce besoin. Il devait d’autant moins le faire que le chapitre VI de la Constitution Lumen gentium traite de la place des religieux dans l’Église ; c’est là principalement que l’on doit chercher les éléments d’une doctrine de la vie consacrée. Le décret a un but plus particulier et plus pratique, puisqu’il veut promouvoir un renouveau et une adaptation. C’est ce qui explique sa présentation analytique en une série de propositions : il aborde successivement différents points en formulant quelques affirmations claires, faciles à comprendre, et ne prétend pas nous livrer un ensemble doctrinal. Il ne précise pas, par exemple, les liens logiques qui existent entre les diverses propositions.
Observons néanmoins qu’on sent continuellement affleurer, dans le texte du décret, une doctrine de la vie religieuse solidement fondée sur l’Écriture. Les propositions ne sont pas rédigées à la manière de règles disciplinaires, ni d’articles de droit canon ; heureusement ce juridisme a été évité. Il s’agit de principes essentiels de la vie consacrée, aperçus et énoncés dans la perspective d’un renouveau intérieur et d’une adaptation au monde actuel. Une lecture rapide et superficielle du décret ferait aisément penser qu’on n’y trouve pas grand’ chose ; mais lorsqu’on étudie de plus près le détail des propositions, on se rend compte que le texte, dans sa concision, est souvent fort riche. Cependant tout un travail de réflexion et de méditation est nécessaire pour dégager et développer la doctrine enfermée en de brèves affirmations ou allusions.
Nous ne devons pas non plus chercher dans le décret un ensemble de normes précises qui pourraient être immédiatement mises en application dans tous les instituts. Le but des propositions n’est pas de constituer un nouveau code, une nouvelle règle de la vie religieuse, avec une série de mesures directement exécutoires. En si peu d’espace, il aurait été impossible d’énumérer toutes les applications pratiques qui doivent découler des principes posés. En outre, une telle précision n’aurait pas été souhaitable, car il importe de respecter la diversité des Instituts, et il n’importe pas moins de faire confiance à toutes les communautés religieuses, en leur demandant de rechercher elles-mêmes, sous la lumière de l’Esprit Saint, ce que le renouveau et l’adaptation exigent d’elles en termes concrets. On sait d’ailleurs qu’après le Concile aura lieu une nouvelle codification du droit des religieux : là des déterminations plus immédiates et plus précises seront énoncées, conformément au décret. Encore peut-on espérer que cette codification n’entrera pas trop dans certains détails, et laissera aux divers instituts des facultés plus larges pour établir leurs règles et constitutions, moyennant le contrôle et l’approbation de l’autorité de l’Église.
Loin d’apporter aux religieux une besogne toute faite, le décret les invite donc à penser à la manière dont les propositions doivent s’appliquer à leur communauté. C’est un appel au travail, à un effort personnel et collectif de réflexion et de révision. Appel adressé à tous, puisque suivant le principe clairement énoncé dans la 4e proposition, tous les membres des Instituts doivent coopérer à l’œuvre de renouveau et d’adaptation.
Esprit
L’esprit du décret est tout d’abord un esprit d’Église. C’est l’Église sous ses divers aspects qui a été au centre des préoccupations du Concile, et c’est en fonction de l’Église que la vie religieuse a été définie dans la Constitution Lumen gentium. C’est également le bien de l’Église qui est formellement indiqué comme justification de tout le décret : « Pour que la vie consacrée par la profession des conseils évangéliques, dans son éminente valeur et dans son rôle nécessaire, concoure davantage, dans les circonstances présentes, au bien de l’Église, le Concile a statué ce qui suit.. » (I) La formule qui se traduit littéralement : « au plus grand bien de l’Église » est significative ; pour en comprendre davantage la portée, on peut la comparer à une autre formule bien connue : « à la plus grande gloire de Dieu ». Ici la gloire de Dieu est reconnue plus visiblement dans le bien de l’Église. C’est en ce sens que le bien de l’Église forme le but véritable de la vie consacrée.
Ceux qui pratiquent les conseils évangéliques enrichissent l’Église : « Plus fervente est leur union au Christ par cette donation d’eux-mêmes qui embrasse toute leur existence, plus riche est la vie de l’Église et plus fécond son apostolat » (I). La vie consacrée est foncièrement contribution à la vie de l’Église.
Dans le reste du décret, revient à plusieurs reprises l’expression de cette norme : le bien ou l’utilité de l’Église. D’une façon générale, la vie religieuse est envisagée comme participation à la vie de l’Église, et le décret recommande la participation la plus large, dans tous les domaines. La vie commune est décrite dans les termes des Actes des Apôtres qui évoquent la première communauté chrétienne, car elle a pour exemple « la primitive Église, dans laquelle la multitude des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme » (15). La conclusion pastorale du décret demande aux instituts de répondre à leur divine vocation et à leur mission dans l’Église.
Dira-t-on que cette insertion dans l’Église va de soi pour la vie consacrée et qu’il n’y a pas là une considération bien nouvelle ? Il est vrai que les Instituts religieux ont toujours eu conscience d’appartenir à l’Église, et qu’ils se sont mis à son service, dans l’ordre de la sainteté et de l’apostolat. Cependant il est arrivé également que des instituts manifestent un esprit trop particulariste, en se considérant trop comme un tout à part dans l’Église. L’insistance mise par le décret sur la perspective ecclésiale est de nature à bannir ces tendances trop étroites. Dans l’effort de renouveau, chaque institut est invité à se regarder comme partie vivante de l’Église, et à opérer des transformations et adaptations en fonction de l’Église. La campagne pour les vocations religieuses n’a pas pour but premier d’assurer le recrutement d’un institut, mais de satisfaire aux besoins de l’Église (24). Même la vie religieuse dans son ensemble ne peut être appréciée selon une optique particulariste : les problèmes de la vie consacrée sont des problèmes d’Église et doivent recevoir une solution d’Église. Telle est l’importante leçon que nous donne le décret.
Outre cette dimension ecclésiale, le décret présente un fort accent christologique : fréquemment il se réfère au Christ de l’Évangile comme fondement et modèle de la vie consacrée et de ses divers éléments. Puisqu’il conçoit le renouveau comme un retour aux sources, c’est avant tout le visage évangélique du Christ qui doit nous être remis sous les yeux. La vie consacrée est définie comme une marche à la suite du Christ. Le Christ est « vierge et pauvre », et c’est « par son obéissance jusqu’à la mort de la croix qu’il a racheté et sanctifié les hommes » (I). La chasteté est une introduction dans l’union du Christ et de l’Église (12) ; la pauvreté fait participer au dénuement volontaire du Christ (13) ; l’obéissance reproduit la soumission du Christ à la volonté du Père, dans un esprit rédempteur (14) ; la vie commune assure au milieu de la communauté la présence du Seigneur (15).
Ici encore, il s’agit de vérités évidentes. Mais la référence au Christ de l’Évangile ne peut jamais être laissée dans l’ombre comme quelque chose de trop connu. Une distance se crée aisément entre l’idéal évangélique et l’idéal poursuivi par les instituts religieux, si la personne du Christ n’est plus suffisamment mise en lumière et proposée sans cesse comme modèle vivant. Le renouveau doit toujours se fonder sur une vue plus claire, plus pénétrante, de la perfection réalisée par le Christ et des exigences de l’union avec lui.
Enfin on notera dans le décret un esprit de très large ouverture, une volonté d’embrasser les aspects les plus divers de la vie consacrée en respectant chacun d’eux et en surmontant les oppositions apparentes qu’ils pourraient manifester. Déjà le renouveau lui-même est compris comme retour aux sources et comme adaptation au monde d’aujourd’hui. Les affirmations sont très souvent rapportées à l’Écriture Sainte, mais cette affluence de références bibliques s’accorde avec un souci de répondre à la mentalité contemporaine. La vie commune est bien mise en relief, mais aussi la vie intérieure. Contemplation et zèle apostolique sont indissolublement unis comme essentiels à tous les instituts religieux (5). La valeur de la vie monastique est expressément mentionnée, et l’idéal des instituts séculiers l’est également. Cette ouverture fait que le décret est à la fois traditionnel et moderne, et que toutes les formes de vie consacrée y trouvent une justification et une ligne d’orientation.
Structure
S’il ne faut pas chercher dans le décret un traité complet ni un exposé logiquement ordonné de la vie consacrée et de son renouveau, on y trouve néanmoins une structure simple et claire.
Le prologue affirme le lien entre le décret et la Constitution dogmatique de l’Église, décrit l’origine et le développement historique de la vie religieuse, en dégage brièvement les éléments essentiels, et indique l’objectif du décret.
Puis vient, en trois propositions, l’énoncé des principes qui doivent régir l’œuvre de renouveau et d’adaptation : les normes doctrinales fondamentales (2), les critères pratiques (3), les sujets responsables (4).
Ensuite, c’est la nature de la vie consacrée qui est mise davantage en lumière, avec les exigences générales qui en résultent (5), et la primauté qui doit y être attribuée à la vie spirituelle (6).
Le décret considère alors diverses formes de la vie consacrée, afin de déterminer pour chacun en quel sens doit s’effectuer l’effort de renouveau et d’adaptation : les instituts purement contemplatifs (7), les instituts apostoliques (8), l’institution monastique (9), la vie religieuse laïque (10), les instituts séculiers (11).
Revenant aux éléments propres de la vie consacrée, il précise l’idéal de la chasteté (12), de la pauvreté (13), de l’obéissance (14), de la vie commune (15), ainsi que l’application qui doit en être faite à la situation d’aujourd’hui.
Finalement, il aborde une série de questions particulières : la clôture des moniales (16), l’habit religieux (17), la formation des sujets (18), la fondation de nouveaux instituts (19), le maintien, l’adaptation ou l’abandon des œuvres propres à chaque institut (20), les cas de dépérissement (21), l’union entre instituts (22), les conférences de Supérieurs majeurs et leur collaboration avec les conférences épiscopales (23), l’effort destiné à favoriser les vocations (24).
La conclusion affirme l’estime du Concile pour la vie consacrée et adresse une exhortation à tous, en invoquant l’intercession de Marie « dont la vie est poux tous une règle de conduite », selon le mot de saint Ambroise (25).
Texte livré à la méditation
Par son souci de se référer fréquemment à l’Écriture et d’énoncer des principes où se fait sentir une profonde doctrine spirituelle, le texte du décret invite, nous l’avons dit, à un travail de réflexion qui en perçoive les richesses cachées. La première manière de l’appliquer, c’est de le faire pénétrer en soi par la méditation. Avant d’être mis en pratique, ce texte doit être prié ; la prière seule peut lui donner toute sa valeur.
Les communautés religieuses ont beaucoup prié, avec l’ensemble de l’Église, pour les travaux du Concile. Elles en recueillent le fruit dans le décret. L’application du décret doit encore passer par leur prière ; c’est par cette voie qu’elle s’effectuera pleinement.
Ainsi, à la lumière du Saint-Esprit, sous laquelle s’est formé le texte conciliaire, on en apercevra mieux la justification profonde, la portée actuelle et les conséquences pratiques.
[1] Cette promulgation a été précédée d’un vote ultime, qui a réuni 2321 suffrages positifs contre 4 négatifs.