Un lecteur superficiel rangerait le livre dans la catégorie ‘Dialogue interreligieux avec l’Hindouisme’. Ce serait passer à côté de ce qui en fait l’originalité. Nous sommes hors du cadre des séminaires savants et des professionnels du dialogue. Il s’agit de ‘portraits’ : huit personnes de foi et tradition chrétienne dont la vie spirituelle a été profondément touchée par la tradition religieuse de l’Inde. L’une ou l’autre (Mère Teresa, le père Ceyrac) sont connues du grand public. La majorité ne l’est pas, ou sont parfaitement inconnues. Mais on y retrouve la même intensité de recherche et l’irrésistible attraction de l’Absolu en des chemins personnels très différents qui les fait quitter les murs protecteurs de l’Église (Ceyrac) et choisir de devenir, comme dans le cas du moine et ermite bénédictin Abhishiktananda, un prêtre selon l’ordre de Melchisedek, retrouvant la dimension cosmique de son sacerdoce chrétien. Ces portraits sont des illustrations, en quelque sorte, des paroles fameuses du pape Paul VI qui, lors de sa visite en décembre 1964, saluait l’Inde comme la nation qui a cherché Dieu avec un désir inlassable, dans le silence et la méditation. Il est vrai que le pays, de façon quasi naturelle, invite à une telle recherche.
L’avancée de certains dans l’expérience de l’Advaita (non-dualité) fit douter de leur identité chrétienne : sont-ils devenus hindous ? Interrogation typiquement occidentale où l’on est ceci ou cela, chrétien ou hindou. Question qu’ils ne se sont pas posée et qu’il ne faut pas leur poser si l’on respecte leur cheminement et recherche. L’Absolu – Dieu – est forcément indéfini et indéfinissable, sinon il ne serait pas Dieu. Et il faut résister à la tentation occidentale de définir et catégoriser si l’on veut pénétrer, ne fût-ce qu’un peu, dans la spiritualité indienne et orientale. C’est ce que le livre nous invite discrètement à faire.
Une place plus importante est donnée à deux jeunes Français, une religieuse carmélite et un séminariste – tragiquement disparus dans l’Himalaya dans les années 1970. Chez l’un et l’autre, disciples d’Abhishiktananda, l’auteur relève une connaturalité surprenante avec la spiritualité de l’Inde, bien que sans formation académique à l’hindouisme. Ils sont largement inconnus hors du cercle de leurs proches. Et cependant l’auteur consacre à chacun d’eux une vingtaine de pages. En fait on discerne, au fil de la lecture, un cheminement personnel de l’auteur, et même de l’émotion. C’est comme un portrait de l’auteur même qui se dessine.
On pourrait, bien sûr, discuter du choix des personnes. Il est arbitraire. Pourquoi celles-là ? Seulement deux sont indiennes. Il y en tant d’autres. La majorité d’entre elles sont des étrangers (et francophones). Là également la question serait vaine. L’auteur ne cherche pas à présenter un échantillon représentatif, mais simplement à faire découvrir des parcours spirituels à peine balisés, des itinéraires – tous très personnels – poursuivis dans cette recherche et désir inlassable dont parlait Paul VI et qui est caractéristique de l’Inde profonde. Rien de plus. C’est un livre que l’on lit avec plaisir, si l’on accepte le dépaysement spirituel. Un glossaire – délibérément sommaire (pas de définition !) – aide à mieux comprendre certains termes sanskrits intraduisibles en français.
Éditeur : Nirala Publications (1er janvier 2021)
Langue : Anglais
Médiaspaul, Paris, janvier 2022
228 pages · 22,00 EUR
ISBN : 9782712215989