Énigme indéchiffrable pour un monde entièrement poreux et mobile, la clôture du monastère incarne admirablement un principe souvent rappelé par le pape François : « le temps est supérieur à l’espace ». Au Carmel, c’est bien le temps, spécialement le temps consacré à l’oraison, qui ordonne l’espace : « rien ne sert de parler de l’espace-clôture si le temps-clôture n’est pas amorcé. Un espace-clôture sans un temps-clôture n’est qu’un lieu confiné, une séquestration. [...] En l’absence d’oraison, le monastère devient prison, et la communauté des sœurs “un troupeau parqué pour les enfers et que la mort mène paître” selon l’expression du psalmiste » (p. 21). En dix réflexions méditatives finement ciselées, sœur Lucie, carmélite, reprend les intuitions fondatrices de Thérèse d’Avila : « espace livré à la grâce de l’éternité s’emparant du temps présent », la clôture se révèle chambre nuptiale, dans laquelle se déploie jour après jour l’entrecroisement du temps-chronos – la vie à Nazareth – et du temps-kairos – le mystère pascal. « Le temps de prière ordonne l’espace de la chapelle. Le temps de récréation ordonne l’espace d’une salle de récréation [...] Les temps de solitude, de lecture spirituelle, du sommeil ordonnent l’espace de la cellule. Le temps des visites ordonne l’espace du parloir » (p. 85-86) ; de sorte que la vie cloîtrée « ne dispense pas de la réalité du temps, au contraire il la densifie et la rend possible sous le regard de l’Époux » (p. 93). Ainsi, « en entrant en clôture, la carmélite renonce [...] à donner la priorité à l’espace. Elle ne verra pas tout, n’entendra pas tout », mais elle entreprend un « étonnant voyage intérieur au centre le plus profond de son être » : « Sa vie part non pas d’un interdit, la délimitation de l’espace, mais elle part du don de Dieu, un don qui imprègne tout le temps de sa vie » (p. 41), une vie devenue « fondamentalement eucharistique » (p. 61), accordée au « Maintenant » de la Présence de l’Époux, et à l’écoute de sa Parole éternelle, qui demeure à jamais. Ainsi le temps de la grâce délimite-t-il un nouvel espace : non celui de la clôture, mais celui-là même de la Sainte humanité du Christ – centre du cosmos et de l’histoire –, espace ouvert sur le ciel. À lire... en prenant son temps.
Éditions du Carmel, Toulouse, février 2018
135 pages · 17,00 EUR
Dimensions : 14 x 21 cm
ISBN : 9782847135480