Jésuite missionnaire polyglotte, Jean-Claude Hollerich est archevêque de Luxembourg depuis 2011. Sa mission pastorale a vite franchi les frontières du petit diocèse de son petit pays avec son élection d’abord comme président de la Conférence des commissions européennes Justice et Paix (2014-2018), ensuite, depuis mars 2018, comme président de la Commission des épiscopats de la communauté européenne (COMECE). En 2019, le pape François l’a créé cardinal en lui confiant diverses responsabilités dans les dicastères romains ainsi que le rôle délicat de rapporteur général du seizième synode des évêques sur la synodalité, processus mondial au format inédit qui vise la participation de tous. Proche collaborateur du pape François, et sensible aux mêmes problèmes que lui, il se trouve dans une position clé au cœur de l’Église.
Ce livre d’interview issu de conversations à bâtons rompus fut publié d’abord en allemand sous le titre plus savoureux : Was auf dem Spiel steht (Ce qui est en jeu) avec comme sous-titre : Die Zukunft des Christentums in einer säkularen Welt (L’avenir du christianisme dans un monde sécularisé) chez Herder. La traduction française qui suivit rapidement, s’augmente d’un épilogue mené par Antoine Bellier, éditeur chez Salvator, et affiche un titre très ignatien. Le cardinal Hollerich s’expose avec simplicité et authenticité au feu des questions de ses interlocuteurs – d’une part Alberto Ambrosio, professeur dominicain à la Luxembourg School of Religion and Society, et d’autre part, Volker Resing, auteur et rédacteur en chef de la Herder Korrespondenz.
Qui est donc cet homme au service de l’avenir de l’Église [1] ? Qui est ce jésuite, professeur d’université à Tokyo au Japon durant 23 ans, à qui fut confié la houlette de pasteur ? Beaucoup de ses compatriotes se sont posé ces questions lors de son ordination épiscopale, le 16 octobre 2011, dans une cathédrale bondée et devant une assemblée jubilante. L’ouvrage conduit le lecteur dans un voyage passionnant à travers les étapes inhabituelles de la vie de l’homme, du prêtre, du théologien, un voyage très surprenant à travers les réalités et les modes de vie infiniment divers du catholique en ce monde (p. 9). Beaucoup comprendront mieux à sa lecture à quel point la culture japonaise a changé non seulement l’homme, mais aussi le jésuite et sa pédagogie missionnaire, le professeur et sa soif intellectuelle, le croyant et sa recherche de ce Dieu toujours déjà présent là où on ne le chercherait pas. Le lecteur découvre ainsi comment le jeune novice jésuite apprend à faire du nettoyage et aussi comment il a appréhendé progressivement le Japon et le vaste monde des religions : Lorsque je suis revenu j’avais changé. Je ne suis pas simplement rentré dans mon pays. Je pense que les expériences que j’ai faites m’ont permis de penser et de juger autrement (p. 38). Il apprend aussi comment le futur Cardinal bénéficie de ses études des sciences du langage en Allemagne et s’est initié à reconnaître l’odeur de ses brebis dans sa mission au Luxembourg et en Europe, un berger très affecté par la crise migratoire et ses conséquences dramatiques (il a rendu visite au camp de réfugiés de Moria, sur l’île grecque de Lesbos). Il réalise que le cardinal Hollerich conçoit une nouvelle manière d’inculturation du message chrétien tant dans la culture traditionnelle que dans la culture postmoderne des jeunes. Le récit de sa vie, narré non sans humour en pointant des événements tantôt amusants, tantôt surprenants, se tisse avec les fils de sa réflexion toujours empreinte d’espérance face aux nombreux problèmes politiques et ecclésiaux.
En tant que compatriote, on ne peut que souscrire à l’image de l’Église qui est la sienne en cette période de transition de civilisation, une Église en mouvement, en pas de danse comme à la procession dansante d’Echternach (inscrite depuis 2010 au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO) dont il est le pèlerin fidèle comme grand admirateur de saint Willibrord, apôtre des Pays-Bas et patron du Grand-Duché : L’Église aujourd’hui encore a besoin de bouger et de changer. Là encore, la cadence de la procession dansante lui vient en aide : le changement ne peut intervenir que si l’on s’accorde sur un rythme commun (p. 10).
Un témoignage tonique, vigoureux et plein d’un souffle d’espérance !
[1] Il a déjà fait en 2021 l’objet d’une Rencontre dans notre revue
Salvator, Paris, septembre 2022
160 pages · 18,00 EUR
Dimensions : 13 x 20 cm
ISBN : 9782706722622