Ce sont onze femmes, religieuses originaires du monde entier et de diverses congrégations et âges, à qui l’auteur, Salvatore Cernuzio, marié et père de famille, donne la parole dans cet ouvrage, sans pour autant révéler leurs noms, car elles restent dans l’anonymat. Vaticaniste, journaliste italien (La Stampa, Vatican News), il est parmi les premiers à lever « le voile du silence » (titre du livre) sur la réalité des « abus, violences, frustrations dans la vie religieuse féminine » (sous-titre), un thème en grande partie encore inexploré dans les publications et articles en Italie.

Plusieurs femmes qui se racontent dans cet ouvrage, ont choisi de renoncer à la vie religieuse après ces expériences d’emprise ou d’oppression.

La première partie de l’ouvrage – onze témoignages – ressemble presque à un journal intime de chacune de ces femmes. Le style et le langage sont très directs, on a quasiment l’impression d’être assis en face de la personne qui parle de son expérience, on entend sa voix, onze entretiens durant.

Le message que ce livre veut apporter, confie l’auteur dans une interview, est qu’il existe, outre les abus sexuels, d’autres formes d’abus, tout aussi néfastes pour la dignité humaine, comme les abus psychologiques, les abus de pouvoir ou de conscience et dont on ne parle pas encore assez. La vie consacrée peut, comme toute autre réalité ecclésiale, générer le meilleur et le pire, pouvons-nous lire dans la préface de sœur Nathalie Becquart, sous-secrétaire du synode des évêques : « le meilleur, si les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance sont proposés comme un chemin de croissance humaine et spirituelle, un chemin de maturation qui fait croître la liberté des personnes. Et au contraire, le pire, quand les vœux sont interprétés et ordonnés en vue d’infantiliser, d’opprimer ou même manipuler et détruire des personnes ».

Dans la deuxième partie du livre, figurent en guise d’élément d’évaluation et de discernement, deux interviews : la première avec le professeur Giorgio Giovanelli, de la Pontificia Università Lateranense, sur « L’obéissance : aspects théologiques et juridiques », et la seconde avec le professeur Tonino Cantelmi, médecin, psychiatre et psychothérapeute.

L’Église, comme le dit le pape François, doit écouter. Les communautés religieuses et, surtout, toutes les personnes qui assurent un service d’autorité, de responsabilité, doivent écouter et lire ces témoignages. La tragédie des abus sexuels nous a fait sûrement prendre conscience que, souvent, l’écoute des victimes et des personnes qui ont souffert, a fait – et fait encore – défaut. Il faut commencer par accorder de l’attention, du crédit, à ce qui est dit, d’un côté comme de l’autre, et savoir que ce sera toujours à reprendre. Que ce livre puisse contribuer à libérer la parole et à la faire circuler afin qu’on puisse commencer à voir et à panser les blessures de tant de personnes abîmées.