Le livre, édité sous la direction de A. Mirkovic et C. de Gatellier, opte pour une position claire face au phénomène que constitue aujourd’hui le questionnement de genre. Dans un domaine où il arrive que le raisonnement soit biaisé par l’implication affective et émotionnelle qui y entre en jeu, voire par la part d’idéologie qui peut s’y glisser, les différents contributeurs (neuf au total) apportent un regard et une voix qui invitent à user de la raison et du bon sens, en recourant aussi bien à l’expertise qui est la leur, qu’à de nombreuses études. Et ils le font en évitant les polémiques stériles tout autant que les refrains ou slogans militants.

La question de l’identité de genre et de la possibilité de « transitionner » est abordée à partir de cinq points de vue différents et complémentaires. Le premier chapitre dresse un bilan de l’évolution des questions de genre depuis les années 1980 jusqu’à nos jours, tout en familiarisant le lecteur avec les termes et les concepts qui sont utilisés au fil de l’ouvrage comme dans toute la littérature sur le sujet. C’est un exposé alerte et fort bien documenté qui nous mène ainsi au cœur des problèmes qui se posent. Vient un deuxième chapitre consacré aux aspects médicaux et chirurgicaux liés aux transitions. Le Dr A.-L. Boch y met en lumière, de façon claire et pédagogique, les risques des traitements proposés – avec souvent grande légèreté (bloqueurs de puberté, hormones etc.) – et des chirurgies. On y apprend entre autres que la fameuse réversibilité des traitements n’en est pas tout à fait une ! Dans un troisième temps, l’ouvrage offre deux réflexions de psychologues. Bien qu’intéressantes, ces deux contributions sont peut-être un rien « légères » par rapport à l’ensemble. Le quatrième chapitre aborde l’épineuse question des aspects juridiques liés à la « transidentité », une question qui en recouvre, comme on le lit, bien d’autres, allant du simple changement de prénom à celui du genre, en passant entre autres par les responsabilités des adultes qui ont aidé ou empêché une transition chez les jeunes dont ils avaient la charge. Ce qui est finalement remis en cause, c’est le principe de légiférer à propos d’un « ressenti » qui se fonde sur peu ou pas d’éléments objectifs. A. Mirkovic, à qui l’on doit cette partie juridique de l’ouvrage, aborde de nombreux aspects en les traitant avec rigueur sans jamais perdre son lecteur dans les méandres du droit français ou du jargon propre à la discipline. Enfin, un cinquième chapitre aborde la question des revendications liées aux demandes d’affirmation sociale dans les établissements scolaires. I. de Franlieu y rappelle l’importance d’un discours sur le corps et sa signification dans les milieux éducatifs, pour aider l’enfant à sortir de l’angoisse liée au fait de porter seul les questions que lui pose son corps. D’autre part, un ancien chef d’établissement, J. Brunet, apporte l’expérience qui a été la sienne face aux premiers élèves revendiquant d’être accueillis dans leur transition. Il invite, comme c’est souvent le cas des auteurs de cet ouvrage, à un bon accueil et une prise en compte de la complexité des enjeux. Il faut chercher à agir dans le sens du vrai bien de l’enfant. « La recherche du bien commun est au-delà de la somme des intérêts particuliers, et encore au-delà de l’intérêt général : c’est l’ensemble des conditions mises en œuvre au sein d’une communauté, qui permettent à chacun de trouver son propre bien, sa vie bonne, avec et pour les autres, dans une institution juste » (p. 164). L’analyse de la « circulaire Blanquer » qui vient par la suite, bien que plus étroitement liée à l’actualité française, ne manque pas d’intérêt pour un lecteur d’une autre sphère géographique ou culturelle. (Que l’on pense par exemple au cas de la Belgique où un autre document, le guide Evras, suscite aujourd’hui quelques interrogations.)

Le livre s’achève avec une série de témoignages qui restent dans le ton de l’ensemble, et appuient fort bien la thèse qui traverse l’ouvrage : prendre le temps de la réflexion, prendre en compte le fait de l’immaturité propre à l’enfance et à l’adolescence. (Voir la réflexion d’A. Mirkovic à ce propos aux pp.145-146).

Un livre que l’on ne peut que recommander à tous ceux qui sont confrontés, de près ou de loin, à ce questionnement de genre chez les jeunes. Sa lecture est agréable et aisée. Un ouvrage simple qui évite les simplismes !