Ce livre est né d’une conversation improvisée sur la route entre un journaliste spécialisé et un jeune prêtre diocésain (2013), curé de Villepreux et les Clayes-sous-Bois. Cette conversation dynamique sera mise en forme ensuite : elle en garde le style direct, précis et agréable. Mais ce ne sont pas des propos de table ou de voiture… Il y a dans la forme comme dans le contenu du livre une intéressante « dissertation » sur le monde invisible et sur ce personnage qui à la fois fait peur et fascine : le Satan. L’auteur n’est pas un exorciste : il rend compte cependant des questions et conseils reçus de confrères dans ce domaine et celui de l’accompagnement. Il est fortement aidé par ses recherches en théologie sur le diable et son mode d’action. Sa connaissance des Exercices spirituels (les règles de semaine I et II) lui permet aussi de nous offrir des repères réflexifs dans le domaine du discernement.

Le livre comporte 3 parties. Un état de la question permet d’identifier un peu la « personnalité » du diable (partie 1). Des éléments bibliques sont rapportés avec la variété des mots utilisés pour désigner cet adversaire, cet « ennemi de la nature humaine », dirait Ignace de Loyola. Ensuite des éléments de la Révélation concernant le monde des anges et des démons sont apportés avec mesure et précaution. Nous ne sommes pas de plain pied avec ces « principautés et ces puissances invisibles ». Mais elles existent et des signes de leur action peuvent être observés. Dans l’ordre de la Création, le « porteur de lumière » (Lucifer) est devenu le « prince des ténèbres ». Le Verbe de Dieu, en devenant un homme, a manifesté l’orgueil de celui qui ne pouvait pas accepter cette manière d’aimer divine.

La partie 2 est la plus intéressante puisqu’elle s’accorde avec mesure à observer ce que fait le diable dans notre monde. Cet enseignement fera du bien aux mentalités rationalistes ! Tout en insistant clairement sur la condition de créature du diable et la toute-puissance de la miséricorde et du salut en Jésus Christ, il nous faut bien comprendre ce que vise toute action diabolique : haïr Dieu, le monde créé et viser l’instauration de l’empire du mal. Dans ce contexte existentiel, des modes de présence du diable sont bien décrits et peuvent éclairer les consciences et les combats spirituels que tout baptisé est appelé à mener. On lira avec fruit ces distinctions entre « obsession, oppression, possession », et les circonstances et le contenu d’un exorcisme dans l’Église.

La partie 3 nous explicite comment nous avons à prier le Seigneur pour qu’Il « nous délivre du mal ». Les portes d’entrée des mauvais esprits en l’homme peuvent être nombreuses : maléfices et sorts, les grandes souffrances, certains blessures psychologiques, d’anciens péchés graves (divinisation, magie, spiritisme), attaques personnelles et mises à l’épreuve des vertus et de la sainteté d’un baptisé. Les infestations ne passent pas par voie génétique cependant. Certaines sociétés secrètes sont des lieux dangereux surtout si on y insulte régulièrement le Seigneur et si on pratique l’ésotérisme et d’autres rituels païens. Enfin comment se protéger des attaques sinon par la vie des vertus et l’humilité qui est l’antidote le plus efficace ? Ainsi les conseils évangéliques restent-ils aussi une voie royale pour vivre en chrétiens et ne pas être trompés. L’auteur aurait pu citer la logique spirituelle décrite par Ignace dans les « étendards » qui synthétisent assez toute voie de perdition (psaume 1). Il nous fait un autre beau cadeau en nous offrant la « prière à saint Michel Archange » (p. 135).

En conclusion, disons avec lui que l’intelligence chrétienne doit être bien formée pour ne pas voir le diable partout, mais ne pas nier son existence. L’usage de la raison, l’observation des pensées et des mouvements du cœur participent à tout discernement des actions des mauvais esprits. Un livre très éclairant dans la pratique pastorale.