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Le swami et la carmélite I.

L’appel de l’Inde. Correspondance 1959-1968

Yann Vagneux Henri Le Saux Thérèse de Jésus

Pour les lectrices et lecteurs de Vies Consacrées, Thérèse de Jésus (1925-1976) n’est pas une inconnue. Dans un double article (VsCs 2020-2 et VsCs 2020-3) – dont la première partie se retrouve ici comme préface – Yann Vagneux avait évoqué le parcours de cette carmélite de Lisieux et maîtresse des novices qui, répondant à l’appel d’une contemplation dépouillée et solitaire, vécut quelque temps comme ermite au cœur de l’Inde hindoue. Après bien des péripéties et une année seulement après la réalisation de son projet, elle disparut de son ermitage au bord du Gange sans laisser de trace. Prêtre des Missions étrangères de Paris, établi à Bénarès, Yann Vagneux a pu rassembler une abondante correspondance entretenue avec Henri Le Saux (Swami Abhishiktananda), moine bénédictin breton, qui, une génération plus tôt, avait répondu à semblable appel. Poursuivie de 1959 à la mort de Le Saux (1973), cette correspondance est pour l’essentiel, sous la conduite souple et ferme du Swami, l’apprentissage d’un détachement toujours plus exigeant et d’un abandon confiant à la volonté divine dans un silence ébloui.

Plusieurs thèmes se croisent et se recroisent dans cette première partie de leurs échanges : le devenir de la vie religieuse contemplative à l’époque de Vatican II ; les inévitables tensions entre aspirations personnelles, vie de communauté et appartenance à un institut, à une institution ; les interrogations sans cesse renouvelées autour de l’interprétation du charisme (ici, des origines du Carmel à Thérèse d’Avila et au XXe siècle) ; la découverte des dimensions proprement spirituelles des autres religions et le désir d’entrer en relations ; la vitalité des communautés chrétiennes de l’Inde mais aussi les lourdeurs héritées du passé ; les contraintes et limites qui s’imposent à une personne étrangère et une femme dans la société hôte ; d’interminables négociations avec diverses autorités : l’institut religieux et les congrégations romaines, les évêques du lieu, l’administration indienne qui délivre les visas de séjour… À cela s’ajoutent les épreuves de santé, l’adaptation à la nourriture et au climat, l’apprentissage des langues et de la culture, les épreuves de la solitude mais aussi les espoirs et les déceptions des relations humaines.

Dans cette précieuse correspondance, les aléas de la vie quotidienne alternent sans cesse avec le compte rendu des nuits et des éblouissements de la vie intérieure. Si nous apprenons peu de choses nouvelles sur la manière dont Henri Le Saux envisageait les relations entre hindouisme et foi chrétienne, entre non-dualité (advaita) hindoue et vie dans le Christ, c’est que notre Swami, respectueux du parcours de sa correspondante, veille à ne pas imposer ni même proposer avec quelque insistance sa propre expérience et ses propres réflexions ; à travers cette relation de guidance spirituelle, c’est cependant toute une autre dimension de la personnalité d’Henri Le Saux qui transparaît ici.

L’itinéraire de Thérèse s’inscrit certes dans un contexte particulier : la tradition carmélitaine, l’Église catholique des années 60, les tentatives à la fois modestes et audacieuses de développer en Inde de nouvelles formes de vie spirituelle et contemplative en milieu hindou. Mais au fil de cette Correspondance sobrement annotée par Yann Vagneux et par-delà son cadre précis, nous est proposée une illustration puissante des exigences de l’appel intérieur, d’une libre réponse faite de fidélité inventive, d’une disponibilité grandissante à la Présence. – À suivre.

Collection Ombres

Arfuyen, Orbey (68), septembre 2022

264 pages · 19,00 EUR

Dimensions : 16 x 22 cm

ISBN : 9782845903388

9782845903388

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