Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Dieu a tant aimé le monde

Petite théologie de la mission

Jean-Marc Aveline

Si la valise en bois fabriquée par l’oncle du petit Jean-Marc – objet précieux que le cardinal de Marseille garde jusqu’à aujourd’hui – pouvait raconter les péripéties de la famille Aveline, elle relaterait certainement l’exil forcé de cette famille de pieds-noirs originaires d’Andalousie, d’Alsace et de Vendée, installée en Algérie française à la fin du XIXe siècle pour « chercher du travail à une époque où les flux migratoires allaient plutôt du Nord vers le Sud » (p. 14).

Aîné de trois enfants, Jean-Marc naît le 26 décembre 1958 à Sidi-Bel-Abbès. Quatre générations avant lui ont trouvé en Algérie « le bonheur d’une vie simple et digne, laborieuse et unie » (p. 15). À quatre ans, il traverse pour la première fois la Mare Nostrum, laissant une « histoire familiale avec ses souvenirs heureux et ses cicatrices douloureuses ». En novembre 1962, « l’air vif et lumineux des plateaux d’Oranie avait cédé la place à l’épais brouillard des bords de la Marne » (p. 17). Après quelques années difficiles à Paris, où son père, ébéniste, trouve un travail auprès des chemins de fer, la famille rejoint Marseille. Jean-Marc Aveline s’épanouit au cœur des quartiers populaires de la cité phocéenne. Bon élève studieux, il obtient un bac scientifique en 1975, avant d’exceller dans les maths supérieures. Alors lui revient avec force le désir qui trottait dans sa tête depuis ses neuf ans : devenir prêtre. Ses études au séminaire d’Avignon, puis à l’Institut Catholique de Paris lui font découvrir « combien collait à sa peau l’identité singulière de cette ville (Marseille) qui s’était ouverte à nous sans conditions et que je commençais à aimer sans modération » (p. 23). Ordonné prêtre en 1984 à Marseille, il poursuit ses études à Paris. Revenu enfin dans sa ville en 1986, sa mission de jeune prêtre est liée à l’enseignement, véritable aubaine pour celui qui rêvait d’être professeur. Le tournant de sa vie – « et non pas une rupture, car ce nouvel appel avait été providentiellement préparé dans chacun des domaines, existentiel et intellectuel, théologique et pastoral, de mon chemin de vie » (p. 32) – commence en 1988 avec le synode diocésain. Mgr Coffy, alors archevêque de Marseille, lui en confie l’accompagnement théologique. Progressivement les événements le mènent à approfondir ce sujet pour lequel, a priori, il n’éprouve aucune prédilection : celui des relations interreligieuses. En 1992, il crée l’Institut de science et de théologie des religions (ISTR), dont il restera le directeur jusqu’en 2002. Vicaire général de l’archidiocèse de Marseille, il est nommé consulteur au Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux où il apprend beaucoup auprès du Cardinal Jean-Louis Tauran, ainsi qu’auprès du cardinal Paul Poupard. En décembre 2013, le pape François le nomme évêque auxiliaire de Marseille auprès de Mgr Pontier, devenu président de la Conférence des évêques de France. Mgr Aveline décrit sa trajectoire comme « une réalité dynamique sans cesse en travail d’accouchement, travail mûri au soleil de Marseille et de la Méditerranée, à l’écoute des appels de l’Église et du monde, enracinée dans le service de son peuple » (p. 48). Il est nommé archevêque de Marseille en 2019 et créé cardinal en 2022 par le pape François qui, touché par ce pasteur chaleureux au profil « méditerranéen », se rend en septembre 2023 à Marseille pour les Rencontres méditerranéennes.

L’A., après avoir narré les diverses étapes de son parcours humain et ecclésial, présente une théologie de la mission à partir et autour de trois prises de conscience :
 La mission comme « dialogue de salut » (chapitre 1), selon l’expression de Paul VI donnant au terme de « dialogue » une forte teneur théologique, qualifiant ainsi la révélation divine et la mission de l’Église.
 La mission sur l’horizon de la promesse faite par Dieu à Abraham (chapitre 2) qui met en relation la foi chrétienne et la foi juive à la suite de Vatican II. Pour le juif comme pour le chrétien, la reconnaissance est double : « on reconnaît à l’autre son altérité, on apprend de l’autre sa propre identité » (p. 98).
 La mission dans la dynamique de la catholicité (chapitre 3), c’est-à-dire une « catholicité en espérance, interprétée de façon dynamique et vocationnelle » (p. 55). C’est un décentrement pour l’Église qui vit en minorité, la catholicité n’étant ni affaire de géographie, ni de chiffres, mais se mesure « à la saveur du sel, au rayonnement de la lampe, à la fécondité du levain : elle est avant tout d’ordre théologal » (p. 129).

Pour toutes nos Églises « dans la mangeoire » selon la forte expression de Mgr Paul Desfarges, sj., archevêque d’Alger (2016-2021), ce petit livre – petit seulement par son format ! – et ses réflexions lumineuses et convaincantes sont un puissant stimulant pour l’élan missionnaire de tout lecteur.

Éditions du Cerf, Paris, septembre 2023

160 pages · 15,00 EUR

Dimensions : 12,5 x 19,5 cm

ISBN : 9782204161329

9782204161329

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