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Petite méditation sur Don Bosco

Lambert Malungu, s.d.b.

N°2018-4 Octobre 2018

| P. 27-32 |

Kairos

Le Père Lambert Malungu, salésien de don Bosco, après avoir été directeur de la communauté du Theologicum Saint François de Sales de Lumbumbashi (RDC), y enseigne l’Écriture sainte tout en dirigeant l’École supérieure d’informatique Salama (ÉSIS) ; c’est là que cet éducateur des jeunes anime un séminaire de salésianité et qu’il a prononcé cette homélie en la fête de saint Jean Bosco.

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Célébrer chaque année, le 31 janvier, la fête de saint Jean Bosco, père et maître de la jeunesse, fondateur de la Société de Saint François de Sales, de l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice et des Salésiens Coopérateurs, c’est revisiter la spiritualité salésienne qui est une spiritualité pour les jeunes, avec les jeunes. C’est encore « s’engager à aimer, à étudier, à imiter, à invoquer et à faire connaître Don Bosco, pour partir de lui [1] », afin d’accompagner en profondeur les jeunes, nos destinataires de prédilection. C’est dans cette perspective que le Chapitre général 23, en son temps déclarait :

Dans toutes les communautés salésiennes aujourd’hui, comme hier à l’Oratoire de Don Bosco, l’engagement spirituel naît d’une rencontre qui déclenche l’amitié. Celle-ci amène le jeune à rechercher sans cesse une référence et une compagnie pour approfondir sa vocation baptismale et arriver à la maturité de la foi.

L’antienne d’ouverture de la messe de la solennité de saint Jean Bosco dans le Missel salésien décrit avec splendeur le portrait spirituel de notre Père Fondateur : « Dieu lui a donné une sagesse et une intelligence remarquables, un cœur aussi vaste que le sable qui est au bord de la mer » (cf. 1 R 5,9). En effet, le charisme salésien se répand dans le monde. Les statistiques le prouvent à suffisance : les Salésiens de Don Bosco sont dans plus de cent-trente pays du monde. C’est émouvant ! « Dieu écrit droit avec des lignes courbes », dit-on. Il a suscité en son Église un orphelin de père, de famille modeste, pour qu’il soit l’ami, le frère et le père des jeunes sur le chemin du salut éternel (cf. Préface de la solennité de saint Jean Bosco).

Notre foi salésienne nous dit que depuis deux cents ans, saint Jean Bosco est vivant. Il est d’abord vivant en famille, la famille salésienne, et il est ensuite vivant parmi nous, particulièrement parmi les jeunes pauvres abandonnés. Voilà une raison de plus qui nous motive à toujours fêter avec pompe saint Jean Bosco et à remercier Dieu pour ce grand Saint qui a dédié toute sa vie, jusqu’au dernier souffle, à l’éducation de la jeunesse pauvre et abandonnée. Don Bosco a beaucoup de choses à nous dire aujourd’hui. Des lectures proposées dans la liturgie de sa solennité, nous pouvons tirer de beaux enseignements spirituels.

Une passion pour les jeunes

Avec la lecture que nous entendons dans le prophète Ézéchiel (34,11-16), nous comprenons que l’Église compare Don Bosco à l’Éducateur éternel, Dieu, l’Unique Bon Berger. Et c’est un fait que Don Bosco n’est pas le seul éducateur qui s’est occupé de la jeunesse, ni même de la jeunesse en péril. Nous pouvons citer les saints Philippe Néri et Jean-Baptiste de La Salle. Mais il n’y en a pas eu d’aussi imprégné d’une passion amoureuse que lui et dont le charisme a traversé l’histoire humaine pendant deux cents ans. Si l’Église propose aujourd’hui Don Bosco aux jeunes comme un Père et un Maître, c’est qu’il a su les aimer en vérité. En effet, loin d’exercer une autorité pesante, il n’avait pour unique souci que de conduire au Christ les jeunes que la Providence lui envoyait. Très humain, il maintenait sans cesse son regard fixé sur Dieu et son intense vie de prière lui permettait d’avoir pour ses enfants le désir même de Dieu. Tout proche d’eux, il avait cette intelligence de père qui s’attache avant tout à faire miséricorde pour mieux corriger, et harmoniser fermeté et douceur. Tout proche d’eux, il avait le sens d’une paternité responsable : s’occuper totalement des enfants que la Providence lui avait donnés.

Le secret de la sainteté de Don Bosco peut aussi s’éclairer par la lettre aux Philippiens (4,4-5). Être saint ne peut se réaliser que par la joie de la résurrection du Seigneur Jésus-Christ : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur. Laissez-moi vous le redire : soyez dans la joie. Que votre sérénité soit connue de tous les hommes ». Nous pouvons imiter chez Don Bosco la joie, la sérénité dans les moments de difficultés apostoliques et l’esprit de travail. « La Joie salésienne est joie du Cœur [2] », écrit Jean-Marie Petitclerc. C’est à ce niveau que réside le secret particulier de Don Bosco, celui de ne pas décevoir les aspirations profondes des jeunes : besoin de vie, d’amour, d’expansion, de joie, de liberté, d’avenir, pour les conduire de manière progressive et réaliste à expérimenter que c’est seulement dans « la vie de grâce », c’est-à-dire dans l’amitié du Christ, que se réalisent pleinement les idéaux les plus authentiques [3].

Nous connaissons la vie de Don Bosco par nos lectures et nos cours de salésianité. Don Bosco a rencontré beaucoup d’obstacles dans sa mission. Être saint ne peut se réaliser qu’en poursuivant et en voulant vivre une vie vertueuse. Ainsi le disent les Écritures : « Enfin, mes frères, tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le à votre compte » (Ph 4,8). Dans ce cadre, le système préventif – religion, raison et affection – mérite des éloges. Dans un monde caractérisé par des violences institutionnalisées et structurelles, la pédagogie salésienne appartient au courant évangélique de la non violence [4] proposé par Jésus lui-même dans les béatitudes de Matthieu (Mt 5,9). Pour saint Jean Bosco, bâtisseur d’une vaste famille spirituelle, on peut dire que le trait particulier de son génie est lié à cette méthode éducative que lui-même a souvent appelée « système préventif ». Cela représente, en un certain sens, l’essence de sa sagesse pédagogique et constitue ce message prophétique qu’il a laissé aux siens et à toute l’Église, recevant l’approbation et la reconnaissance de nombreux éducateurs et spécialistes en pédagogie [5]. Ce système est et devient, pour tout salésien, une école de sainteté et de fraternité [6].

L’évangile de la solennité (Mt 18,1-6.10) nous parle de la vraie prédilection des jeunes car, sans négliger les tout petits, saint Jean Bosco s’est adressé à la jeunesse. D’ailleurs l’apôtre Jean doit avoir été appelé étant très jeune et les autres apôtres n’étaient pas non plus tellement âgés. C’est également parmi ses destinataires que Don Bosco a trouvé les meilleurs collaborateurs de son œuvre, pour donner le jour à la Société de Saint François de Sales. Il y a là une invitation à écouter les jeunes et à les accompagner dans la vie. Il s’agit d’un travail difficile à faire, mais efficace pour l’avenir de la famille salésienne et de l’humanité tout entière.

Don Bosco et sa famille

La fête de saint Jean Bosco se célèbre en famille, la famille salésienne. Il convient de dire un petit mot sur la relation de Don Bosco avec sa famille restreinte. M’appuyant sur Teresio Bosco, prêtre salésien, un des grands biographes moderne de Don Bosco [7], je me permets de dégager quelques leçons venant de sa réalité familiale qui pourraient nous éclairer sur notre façon de vivre en famille avec les nôtres. Sa grand-mère lui avait dit qu’il ne faut pas toujours faire attention aux songes. Pourtant, les songes ont éclairé plusieurs aspects de la vie de Don Bosco, notamment sa propre vocation sacerdotale. À titre illustratif, mentionnons le songe de neuf ans [8]. Don Bosco parlait avec beaucoup d’affection de son père qu’il avait perdu à l’âge de deux ans, et il priait pour lui. Nous connaissons sa relation avec sa mère : une relation pleine d’affection, de soutien, d’accompagnement dans le travail pastoral de son fils. Teresio Bosco dit à ce sujet : « Maman Marguerite est un don que l’on n’a pas encore fini de découvrir. Aujourd’hui, on a découvert le rôle qu’avait joué Maman Marguerite dans la formation humaine, chrétienne, et dans la vie pastorale de Don Bosco à Valdoco, à Turin ». Notons là le rôle qu’une maman chrétienne doit jouer dans la vie de son fils, a fortiori dans la vie de son fils prêtre.

À propos de sa relation avec son jeune frère Giuseppe, Teresio Bosco, dans Don Bosco Visto Da Vicino, montre que Don Bosco aimait beaucoup Giuseppe qui l’avait laissé libre dans son choix pour devenir prêtre. Il partageait avec lui ses joies et ses peines. Don Bosco plus tard l’a accompagné jusqu’à son lit de malade en lui donnant les derniers sacrements. Ensuite, il s’est occupé de la famille de Giuseppe en donnant à ses deux enfants une bonne éducation religieuse à l’Oratoire. L’un d’eux a réussi à devenir un bon père de famille en cultivant la terre au village et l’autre est devenu chancelier d’un tribunal.

Quant à son frère ainé Antonio, qui ne lui avait pas facilité la tâche dans son choix de devenir prêtre et dans ses études, Don Bosco n’avait pas eu l’occasion de lui manifester son affection, parce Antonio était mort très tôt. Il montra, toutefois, sa sollicitude envers ses deux fils, en accueillant l’un dans sa maison et en lui faisant apprendre une profession, et en aidant l’autre dans ses besoins.

Pour nous aujourd’hui consacrés

Nos relations avec nos familles devraient aller dans ce sens : la prière, la sympathie et l’encouragement pour la mission ; de bons conseils d’amitié et de fraternité ; jamais des relations qui dérangent ou qui freinent la mission. Là aussi Don Bosco a quelque chose à nous dire, là aussi Don Bosco est un saint qui nous guide, nous oriente et nous éclaire.

« Seigneur notre Dieu, tu as suscité saint Jean Bosco pour donner à la jeunesse un maitre et un père, et tu as voulu qu’avec le secours de la Vierge Marie, il se dépense pour le bien de ton Église ; inspire-nous le même amour qui nous fera chercher le salut de nos frères et sœurs en ne servant que toi seul » (cf. Prière d’ouverture de la solennité de saint Jean Bosco).

[1Chapitre Général 26, « Da mihi animas caetera tolle » (Rome, 23 février-12 avril 2008), n° 8.

[2J.-M. Petitclerc, La pédagogie de Don Bosco en douze mots, Paris, Éd. Don Bosco, 2012, p. 110.

[3Cf. La liturgie des heures : Propre salésien, Rome, 2010, p. 74.

[4J.-M. Petitclerc, op. cit., p. 154.

[5Liturgie des heures : Propre salésien, p. 74.

[6Chapitre Général 25, op. cit., n° 6.

[7T. Bosco, Don Bosco. Une biographie nouvelle, Strasbourg, Éd. du Signe, 2001.

[8Il se voyait entouré de garnements qui se battaient, s’injuriaient, blasphémaient ; Jean se précipite alors pour les faire taire, donne des coups, en reçoit beaucoup [...] ; mais « un monsieur vénérable, dans la force de l’âge, et richement vêtu », apparaît qui lui recommande la douceur, la bonté pour convertir ces enfants. Jean demande alors : « Mais, Monsieur, qui êtes-vous donc, vous qui me commandez des choses impossibles ? ». C’était le Christ, comme le lui fera comprendre sa mère.

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