Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Pour vous, qui suis-je ? (Mc 8,29)

Pierre Piret, s.j.

N°2016-3 Juillet 2016

| P. 45-56 |

Orientation

Il arrive qu’un théologien relise le deuxième évangile en clé liturgique. À la question centrale de Marc, le temps ordinaire répond dès le commencement : c’est Jésus, Christ et Fils de Dieu. Le temps du Fils de l’homme qui va vers son Père se fait, au fil des rencontres de la férie, temps du Seigneur du ciel et de la terre présent depuis les apôtres à nos cheminements derrière lui.

La lecture en ligne de l’article est en accès libre.

Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.

Quelle place le temps liturgique donne-t-il, dans les célébrations eucharistiques, à l’évangile selon saint Marc ?

Les dimanches, chacun des trois évangiles synoptiques est au long d’une année : Matthieu l’année A, Marc l’année B, Luc l’année C. Cette règle est appliquée, par exemple, pour la lecture de la Passion de Jésus au dimanche des Rameaux, tandis que le récit de saint Jean est lu chaque Vendredi saint. Par ailleurs, aux jours de semaine (de « férie ») du Temps ordinaire, c’est l’évangile selon saint Marc qui est adopté en premier lieu ; les textes de Matthieu et de Luc viennent ensuite.

Le Temps ordinaire de la liturgie se déploie sur trente-quatre semaines. Il débute au lendemain du Baptême du Seigneur ; interrompu au mercredi des Cendres, il est repris le lundi après la Pentecôte pour s’achever à la veille du premier dimanche de l’Avent. Les évangiles de la férie concernent le ministère et la « vie publique » du Christ Jésus, précédant l’entrée dans le mystère pascal. Nous entendons, successivement : Marc 1,14 – 12,44 (du lundi de la 1e semaine au samedi de la 9e), Matthieu 5,1 – 25,30 (du lundi de la 10e au samedi de la 21e), Luc 4,16 – 21,36 (du lundi de la 22e au samedi de la 34e semaine).

Guidant les premières semaines du Temps ordinaire, l’évangile selon saint Marc joue un rôle d’initiation à la foi chrétienne. Jésus lui-même s’y révèle, consciemment et de façon progressive ; il adapte les siens à cette révélation, la conduisant jusqu’à son terme : sa mort et sa résurrection.

« La personne de Jésus selon saint Marc » : tel est, suscité par le déroulement du temps liturgique, le sujet qu’aborde le présent article.

L’évangile selon saint Marc

L’évangéliste Matthieu transmet d’amples enseignements de Jésus et il se plaît, références à l’appui, à établir comment Jésus accomplit les Écritures. L’évangéliste Luc illustre abondamment le comportement miséricordieux de Jésus, auquel celui-ci invite ceux qui le suivent. Marc économise ces démonstrations, par ailleurs bénéfiques ; il se concentre sur l’interrogation, tel un secret à scruter : qui est Jésus ?

L’évangile selon saint Jean se déroule comme un procès que les Juifs intentent à Jésus ; Marc résume ce procès dans la confrontation de Jésus avec le grand-prêtre (que Jean ne reprend pas). Jean relate le dialogue, au prétoire, entre Pilate et Jésus ; dans l’évangile de Marc, la brève réponse donnée au procurateur romain est la dernière parole que Jésus ait adressée aux hommes (cf. Mc 15,2-5). Il a dit tout ce qu’il devait dire.

Le ton direct et percutant, propre à saint Marc, est donné dès le premier verset du texte : « Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu » (Mc 1,1). Cet avertissement livré au lecteur résume ce que l’Église, de générations en générations, confesse au sujet de son Seigneur.

Le « commencement » (arkhè) représente à la fois un point de départ temporel et un principe constitutif ; c’est une origine qui perdure, qui intègre et surplombe le temps qu’elle inaugure. L’« Évangile » (ou Bonne Nouvelle) concerne la réalité vive de Jésus ; depuis le IIe siècle, il désigne aussi la mise par écrit de cette réalité. Les dénominations « Christ » et « Fils de Dieu » ne sont pas citées tout d’abord pour être appliquées ensuite, après examen. « Jésus » en est le sujet qui, les connaissant intérieurement, les monnaiera (pour ainsi dire) selon les circonstances et les personnes rencontrées.

Fréquemment, Jésus invitera ses interlocuteurs à la réserve, au silence. En effet, le double titre non seulement de Christ (ou Messie) mais aussi de Fils nous réfère au mystère de Dieu. Différents silences devant ce mystère scandent le récit de saint Marc, jusqu’au dernier verset [1] : ayant reçu le message à propos du Ressuscité, les femmes furent bouleversées « et elles se turent, car elles avaient crainte (ephobounto) » (Mc 16,8).

« Cette crainte invite à comprendre la réserve des femmes comme une forme authentique de foi. La foi sera toujours dépassée par l’événement qu’elle accueille et qui est présent, d’une présence aussi forte que discrète, à fleur de tout cet évangile [2] ».

Les implications de la Révélation divine

Une donnée fondamentale de la Révélation divine, enseignée par l’ensemble des Écritures et expérimentée continûment dans l’Église, doit être prise en compte.

Dieu, qui se révèle à son peuple, intègre – dans la Révélation de lui-même dont il est l’auteur premier – les réactions des hommes, faites de réticences et de refus, d’acceptations et de confiances. Dieu, qui mesure cette « correspondance » humaine, se laisse aussi mesurer par elle. Le « dialogue » n’est pas un ajout à la Révélation divine ; il lui est essentiel [3].

Cette caractéristique de l’Ancien Testament se voit exaucée et aussi redoublée dans le Nouveau. Jésus, le Christ, manifeste et réalise, en paroles et en gestes, la correspondance parfaite, l’intimité spirituelle de l’homme et de Dieu : il donne une réponse filiale à l’initiative paternelle. Son secret est livré aux hommes qui en disposeront : il est la Révélation divine en personne (le « Verbe » ou Logos), le Fils de Dieu.

De quelle façon Jésus se révèle-t-il lui-même ? Dans leur composition, les récits évangéliques rendent témoignage à la double caractéristique, au « paradoxe » de la Révélation chrétienne.

D’une part, Jésus seul peut dire ce qu’il est ; de l’autre, Jésus ne peut rien dire sur lui avant que les hommes ne parlent et ne disent de lui ce qu’ils croient. […] Il faut que les mots de la Révélation soient trouvés par les hommes […] pour nous donner à comprendre qu’en face de Jésus, il est possible à l’homme de formuler un jugement qui soit juste et exprime la vérité. Mais il faut d’autre part que ces paroles, trouvées par les hommes et formulées dans leur langage, signifient en même temps ce que Jésus est seul à pouvoir dire parce qu’il est le seul à savoir qui il est.

Le génie de l’évangéliste Marc consiste sans doute à ressaisir, à mettre en relief les moments successifs et progressifs de « jonction » possible entre les annonces de Jésus et les réponses des hommes. Il attire particulièrement l’attention sur la pédagogie de Jésus envers les Douze. Ceux-ci, au nom des disciples et en faveur des foules, sont établis pour « être avec lui » (Mc 3,14) et pour l’entendre dire « c’est moi : egô eimi » (Mc 6,50).

Le temps du Fils de l’Homme

Les noms de Christ et de Fils de Dieu, rassemblés dans le premier verset de saint Marc, sont, dans le parcours de l’évangile, affirmés en deux moments distincts, l’un et l’autre relatifs à la Passion de Jésus. Après la confession de Pierre « Tu es le Christ » (Mc 8,29), Jésus annonce qu’il sera rejeté et mis à mort (cf. Mc 8,31) ; ayant vu comment Jésus avait expiré sur la croix, le centurion déclare : « Vraiment, cet homme était (le) Fils de Dieu » (Mc 15,39).

Cependant, parlant de lui-même, Jésus se désigne couramment comme « Fils de l’Homme ». Cette dénomination revêt des significations variées, s’applique à des situations diverses. Elle concerne, elle éclaire à nos yeux la « temporalité » de Jésus dans sa Révélation à l’humanité entière, des origines jusqu’à la fin. Dans les récits évangéliques, le Fils de l’Homme « est toujours en train d’agir ou de subir, il a une existence à vivre, un destin à accomplir, il est en route vers son heure, il n’est lui-même que dans son avenir [4] ».

Au chapitre 13 de saint Marc, Jésus ouvre ses disciples à leur avenir. Lorsque lui-même aura disparu, ils continueront de vivre conformément à ce qu’ils ont vécu avec lui. Ils lui rendront témoignage par l’Esprit Saint (cf. Mc 13,9-11). Ses paroles demeureront, alors que les événements se précipitent et que le monde passe (cf. Mc 13,31).

Dans ce discours dit « eschatologique », Jésus annonce l’avènement définitif du Fils de l’Homme : « Et alors, on verra le Fils de l’Homme en venant dans les nuées avec puissance nombreuse et gloire. Et alors, il enverra les anges et il rassemblera les élus des quatre vents, de l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel » (Mc 13,26-27). Cependant, le moment de cet avènement ultime (insinué par l’interrogation initiale des quatre disciples à propos de la destruction du Temple : cf. Mc 13,1-4) fait l’objet, par Jésus, de deux affirmations qui se suivent mais qui semblent se contredire. D’une part, « cette génération ne passera pas jusqu’à ce que tout ceci soit arrivé » (Mc 13,30). D’autre part, « au sujet de ce jour-là ou de l’heure, personne ne sait, ni les anges au ciel, ni le Fils, sinon le Père » (Mc 13,32).

Soulignons dès à présent – avant d’y revenir dans la suite – que, dans la seconde déclaration, Jésus nomme directement, simplement, « le Fils » et « le Père », indiquant en cela une relation mystérieuse qui se soumet le déploiement du temps et sa préhension. Le Père sait, et cela suffit au Fils ; a fortiori cela doit-il suffire aux hommes. En revanche, la mention « cette génération » est à même de comprendre en elle une triple relation à la destinée du Fils de l’Homme : celle de Jésus devant sa vie mortelle (1), celle de ses contemporains (2), celle des hommes de tous les temps (3).

  • 1. Jésus, en parlant de son avenir proche, annonce l’imminence du Royaume et de la venue du Fils de l’Homme. La vérité de cette identification est indubitable à ses yeux. « Pour la conscience de cet homme, si paradoxal que cela nous paraisse, sa marche à la mort coïncide avec la marche à leur fin du ciel et de la terre ». Certes, le temps historique poursuivra son cours au-delà de son existence humaine, mais « Jésus le devance », allant et conduisant « l’humanité créée et pécheresse au jour du Dieu qui vient ».
  • 2. « Cette génération » est le rassemblement, dans le temps, des personnes qui rencontrent Jésus. Puisque sa mort inaugure son avènement comme Fils de l’Homme, les contemporains de cette mort le seront de cet avènement. C’est ce que déclare Jésus au Sanhédrin en train de le juger : « Vous verrez le Fils de l’Homme venir sur les nuées du ciel » (Mc 14,62).
  • 3. Nous-mêmes sommes atteints par ce message. « Jusqu’à la fin des siècles, cette parole demeure vraie : pour toutes les générations qui, le long de l’histoire, se trouveront rejointes par le Christ, le Royaume de Dieu est arrivé et s’offre à qui l’accueille, le Fils de l’Homme révèle sa gloire ».

La réponse de Jésus au grand-prêtre

Dans sa réponse au grand-prêtre, Jésus conjoint, aux noms de Christ et de Fils de Dieu sur lesquels il est interrogé, celui de Fils de l’Homme. « Es-tu le Christ, le Fils du Béni ? – Je (le) suis, et vous verrez le Fils de l’Homme assis à la droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel » (Mc 14,62).

En quoi cette affirmation d’identité serait-elle, aux dires du grand-prêtre, non pas seulement erronée ou excessive, mais blasphématoire (cf. Mc 14,63) ? Les paroles « siège à ma droite » (Ps 110,1) et « tu es mon fils » (Ps 2,1) sont adressées par Dieu à son Christ, au messie royal ; quant au Fils de l’Homme, « il fut conduit en la présence » de Dieu (Dn 7,13), de qui il reçut souveraineté et pouvoir de jugement. Rien, en cela, qui ne respecterait pas la transcendance divine. Mais, dans l’appropriation que Jésus fait de ces termes, c’est au ciel de Dieu que le Fils siège à la droite de Dieu et c’est du ciel de Dieu qu’il vient, Fils de l’Homme. En vérité, il se dit Fils de Dieu [5].

Cette révélation de lui-même, Jésus la prononce comme le jugement final, alors même que lui est soumis au jugement des hommes. À partir de ce moment-là, il sera objet de moquerie et de dérision comme prophète (cf. Mc 14,65), roi des Juifs (cf. Mc 15,18), auteur d’un nouveau Sanctuaire, sauveur, Christ et roi d’Israël (cf. Mc 15,29-32) – et dans son ultime cri de prière (cf. Mc 15,33-36).

Le Père et le Fils. La prière de Jésus durant sa Passion

Dans le discours du chapitre 13 – nous l’avons dit – Jésus nomme, de façon rapprochée, et le Père, et le Fils. Les lecteurs de saint Marc entendent par deux fois « une voix » venant « des cieux », venant « de la nuée ». Cette voix divine s’adresse en premier lieu à Jésus seul, lors de son Baptême par Jean : « Tu es mon Fils, le bien-aimé, en toi ma faveur » (Mc 1,11). Elle s’adresse encore, cette fois au sujet de Jésus lors de sa Transfiguration, à Pierre et à Jacques et à Jean : « Celui-ci est mon Fils, le bien-aimé, écoutez-le » (Mc 9,7).

La désignation directe « mon Fils » désigne ainsi, indirectement, l’auteur de la voix : Dieu est le Père de Jésus. En retour, lorsque Jésus appelle, dans les souffrances de la Passion, au jardin de Gethsémani puis sur la croix, « Abba, Père » (Mc 14,36) et, par deux fois, « Eloï : mon Dieu » (Mc 15,34 ; cf. Ps 22,1), il se fait voir et entendre tel qu’il est : Jésus est le Fils de Dieu.

Écarter « la coupe » de la Passion, échapper à la volonté pécheresse des hommes résolus à l’imposer à « l’heure » venue serait, pour Jésus, nier sa relation filiale au Père, lorsqu’il sera interrogé sur ce point. Dans le domaine de Gethsémani, Jésus prie son Père-de-tendresse : « Abba, Père, tout est possible pour toi ; emporte cette coupe loin de moi. Mais non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Mc 14,35-36). Par ces mots « non pas ce que je veux », Jésus n’aliène pas sa volonté personnelle ; il l’ex-hausse, au contraire, jusqu’à son intimité inépuisable avec celle du Père.

L’appel de Jésus en croix, reprenant avec insistance le début de la prière du psalmiste, résonne comme l’aveu d’une défaite : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15,34). Les personnages présents peuvent s’en emparer : un homme abandonné ou qui se dit abandonné par Dieu ne peut être son Fils. Pourtant, en confiant le « pourquoi » à son Dieu, Jésus confirme sa relation à lui : il n’a pas quitté le Père, il s’en va vers lui, il est le Fils.

La mort et la résurrection de Jésus. Le Seigneur

Ayant relaté cette clameur de Jésus et la réaction qu’elle provoqua, l’évangéliste poursuit. « Or Jésus, laissant échapper une grande voix (phônèn megalèn), expira (exepneusen). Et le rideau du Sanctuaire fut déchiré en deux, du haut jusqu’en bas. Or le centurion qui était présent en face de lui, ayant vu qu’il expira ainsi, dit : vraiment, cet homme était (le) Fils de Dieu » (Mc 15,39).

La « grande voix » de Jésus priant et mourant (cf. les versets 34 et 37) rappelle la voix d’origine divine qui se fit entendre au Baptême et à la Transfiguration. La parole du centurion résonne en écho à celle du Père. Le déchirement du rideau du Sanctuaire évoque le déchirement des cieux au Baptême (cf. Mc 1,10). La répétition du verbe exepneusen (cf. les versets 37 et 39) rejoint l’Esprit sortant du déchirement des cieux comme une colombe et la voix du Baptiste : « moi, je vous ai baptisés d’eau ; lui vous baptisera d’Esprit Saint » (Mc 1,8).

À la confession du centurion fait immédiatement suite, dans le récit de saint Marc, la mention de la présence des femmes. « Or le centurion [...] dit : vraiment, cet homme était (le) Fils de Dieu. Or se trouvaient aussi des femmes, qui de loin regardaient (theôrousai) ». Trois d’entre elles sont nommées : Marie de Magdala, Marie mère de Joset, Salomé. Le lecteur apprend que, lorsque Jésus était en Galilée, toutes « le suivaient et le servaient » (Mc 15,41).

Par les soins de Joseph d’Arimathie, le corps de Jésus mort, dépendu de la croix et enserré dans un drap, fut déposé dans un tombeau (un « mémorial » : mnèmeion). Marie de Magdala et Marie sont là, regardant où il est déposé (cf. Mc 15,46-47) – où il est confié, pourrait-on dire, au repos (ou sabbat) en Dieu.

Le sabbat achevé, Marie de Magdala, Marie et Salomé achetèrent des aromates, et, tôt « le matin du premier jour des semaines (tè mia tôn sabbatôn) », elles viennent au tombeau. Elles y entrent, pour en sortir bouleversées parce qu’à l’intérieur, un jeune homme revêtu de blanc et assis à la droite leur a déclaré : « Vous cherchez Jésus, le Nazarénien, le crucifié ? Il est ressuscité (hègerthè), il n’est pas ici ; voyez le lieu où il avait été déposé. Mais partez, dites à ses disciples et à Pierre : il vous précède en Galilée ; là vous le verrez, selon qu’il vous a dit » (Mc 16,7-8 ; cf. 14,28).

Ces paroles sont les dernières qui sont prononcées directement par un acteur du récit. Les lecteurs de saint Marc entendent l’invite qui leur est destinée : allez, Jésus vous y précède, au « commencement de l’Évangile » (cf. Mc 1,1) [6].

Moyennant l’écrit de l’évangéliste Marc, un proche de l’Apôtre Pierre, et en suivant son récit étapes par étapes, nous accompagnons les Douze, passant de rivages en rivages et reprenant continûment le chemin avec Jésus, sans oublier, parmi d’autres femmes, celle qui perdait son sang et la fille de Jaïre éveillée à la vie, la maman syrophénicienne dans ses réparties à propos, la veuve qui enrichit de sa pauvreté le trésor du Temple, et l’inconnue de Béthanie qui parfuma le corps de Jésus, bientôt livré dans l’Eucharistie.

Cela, nous le faisons – comme les générations passées et celles à venir – dans les temps qui sont nôtres, aux endroits que nous-mêmes parcourons. Jésus, qui apparut (ephanè : Mc 16,9 ; ephanerôthè : 16,12 et 14) aux personnes de son temps galiléen, est « le Seigneur » du ciel et de la terre.

Les derniers mots de l’évangile selon saint Marc, dans la finale dite longue, sont, par deux fois, une confession de la Seigneurie de Jésus. Celui-ci vient d’ouvrir les Onze à l’expansion du salut dans toute la création ; le texte poursuit : « le Seigneur, lui, après leur avoir parlé, fut emporté au ciel et s’assit à la droite de Dieu » (Mc 16,19). Ainsi demeure-t-il présent, par son humanité glorifiée, à ceux qui reçoivent et transmettent l’Évangile hier, aujourd’hui et demain : « le Seigneur œuvrant avec eux (tou kuriou sunergountos) et confirmant la parole par les signes qui s’ensuivent » (Mc 16,20).

[1L’Évangile selon saint Marc comporte deux finales. La « finale brève » (Mc 16,1-8) est complétée par une « finale longue » (Mc 16,9-20), canonique elle aussi, d’un autre rédacteur.

[2J.-M. Faux, La Foi du Nouveau Testament, Bruxelles, Éditions I.É.T., 1977, p. 158.

[3Il convient dès lors que la « théologie », en tant qu’œuvre ecclésiale toute référée à la Révélation divine (au Theou-Logos), soit « dialogale » de part en part.

[4Ibid., p. 229.

[5Cf. P. Lamarche, Christ vivant, Paris, Cerf, 1966, p. 150-155.

[6Cf. Ph. Wargnies, « Marc 16,1-8. Les femmes et le jeune homme dans le tombeau », Nouvelle revue théologique 132/3 (2010), p. 368-385.

Mots-clés

Dans le même numéro