Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

La vie canoniale aujourd’hui

Benoît Carniaux, o.praem.

N°2016-3 Juillet 2016

| P. 73-76 |

Chronique - À propos de... Chronique

Un Père-Abbé Prémontré présente la vie canoniale régulière, telle qu’elle vient de se réfléchir aujourd’hui dans un lumineux colloque. L’occasion pour cette spiritualité communautaire d’inviter toute l’Église à plus de « canonicité ».

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H. Vermès, O. Praem. (ÉD.), La vie canoniale aujourd’hui. Communauté et mission, sous la Règle de saint Augustin. Paris, Parole et silence, 2016

Vingt-deux ans après les assises canoniales francophones qui donnèrent lieu à une publication dans la collection Vie Consacrée [1], l’abbaye prémontrée de Mondaye a organisé au début de l’été 2015 un nouveau colloque dont ce recueil collectif constitue les actes. Regroupant près d’une centaine de chanoines et chanoinesses réguliers francophones, cette rencontre voulait, avec l’aide d’experts, revisiter de manière pluridisciplinaire la conjonction qu’opère cette forme millénaire de vie religieuse entre la vie commune et la mission apostolique.

● Une première partie est consacrée à l’inspirateur du mouvement canonial, saint Augustin. Isabelle Bochet explique comment le Docteur de la charité, en insistant sur l’enveloppement mutuel entre prière et interprétation de l’Écriture, manifeste la « performativité » de celle-ci dans la guérison et la conversion de son lecteur. Philippe Curbelié s’attarde sur le commentaire augustinien d’Isaïe 54,4, où la figure de l’Église veuve et désolée suscite un désir toujours plus ardent de l’avènement final de l’Aimé. Sylvain Gasser cherche à déchiffrer la persistance de la référence augustinienne dans la production artistique contemporaine en opérant un rapprochement contrasté du récit des Confessions, comme expérience d’une fragilité désirante gracieusement conjurée, avec les inquiétudes proactives de notre subjectivité postmoderne.

● Une seconde partie s’attache de plus près aux prescriptions proposées dans la Règle augustinienne. Sophie Van der Meeren analyse celle-ci à la lumière des proximités et distances qu’elle entretient avec le genre protreptique des antiques exhortations à la sagesse. On découvre ainsi une parenté évidente quant à la formalité rhétorique, au rapport de l’extériorité avec l’intériorité et au propos d’unification existentielle qui constitue le but de tout discours sapientiel. Mais une dissimilitude tout aussi forte se dégage lorsqu’il est question du statut de cette unification : individuelle et intellectuelle chez les philosophes, dans l’ordre de la communion et de la participation à la grâce divine selon la Règle augustinienne. Celle-ci trouve un de ses fondements dans la méditation du psaume 132 à propos de la bonté et de la douceur procurées par l’unité des cœurs et des âmes lorsqu’elle est authentiquement désirée et vécue. C’est d’expérience que parle ici l’Évêque d’Hippone, nous dit Anne-Claire Favry. La vie commune dans la paix repose sur la réciprocité toujours en surcroît de la grâce divine avec la louange des hommes. Enfin, l’approfondissement d’une traditio regulae passe toujours par l’examen de sa receptio. La lecture proposée par Dominique-Marie Dauzet du commentaire de Marie-Odiot de la Paillonne, abbesse norbertine du XIXe siècle, est à ce titre exemplaire. Elle permet de constater que le corpus législatif ici transmis et réinterprété, parce qu’il vise au cœur de la liberté et de son déploiement concret, permet une actualisation authentique et vaccinée de l’idéologie du moment.

● Après ce retour aux sources, la troisième partie de l’ouvrage propose quatre points de vue sur l’identité canoniale d’hier à aujourd’hui, passant de l’histoire du mouvement canonial à quelques expériences contemporaines. Jean-Hervé Foulon retrace quelques lignes de force de l’idéal canonial issu de la Réforme grégorienne des XIe-XIIe siècles, spécialement quant à sa différenciation du monachisme et à la constitution de son identité véritablement ministérielle au sein de la société médiévale. Odile Briand expose ensuite le combat de Mère Yvonne-Aimée de Malestroit pour la reconnaissance, par l’Église du XXe siècle, de l’identité canoniale des Augustines de la Miséricorde de Jésus. Vient ensuite l’actualité, exposée par deux abbés en charge de communautés canoniales. Emmanuel-Marie Lefébure du Bus esquisse avec brio une spiritualité canoniale pour aujourd’hui, fondée sur la charité communautaire et pastorale à l’image du Christ, des Apôtres et de la première communauté de Jérusalem (Ac 4,32). François-Marie Humann retrace l’histoire récente de l’abbaye de Mondaye et de ses fondations.

● La quatrième et dernière étape de ce parcours cherche à donner une définition en quelque sorte « résiduelle » de la vie canoniale, en contraste avec d’autres formes de vie qui associent également la vie commune et l’apostolat : l’Oratoire saint Philippe Néri, la Communauté Saint-Martin, la Société Jean-Marie Vianney et la Fraternité missionnaire des prêtres pour la ville. Les accents mis par les uns et les autres témoignent d’une même tension, en Église, vers la perfection de la charité, mais selon des priorités et des modalités diverses. Dans le paysage actuel des formes de vie communautaire et sacerdotale, la vie canoniale, pour ce qui la concerne, mise sur la profession des conseils évangéliques au sein d’une communauté sacerdotale (mais non nécessairement presbytérale) qui veut, avec un peuple particulier en un endroit précis, donner corps au mystère de l’Église du Christ dans la louange et la recherche en commun de la sainteté. À ce titre, la spiritualité canoniale se révèle tout simplement ecclésiale. Mais l’Église ne devrait-elle pas être à son tour un peu plus canoniale ? Ce n’est pas le moindre mérite de ce recueil que d’inviter à se poser la question.

[1D-M. Dauzet, o.praem. (éd.), La voie canoniale dans l’Église aujourd’hui, coll. Vie Consacrée (auj. Lessius), Namur, 1994.

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