Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Personnes consacrées et monde d’aujourd’hui

Luc Van Looy, s.d.b.

N°2015-4 Octobre 2015

| P. 243-253 |

Récemment devenu membre de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, un évêque et salésien belge médite sur La joie de l’Évangile, Scrutate et Laudato si’, trois documents qui pointent certes vers un plus grand dépouillement de la vie consacrée, mais aussi, un engagement plus résolu dans l’évangélisation du monde.

La lecture en ligne de l’article est en accès libre.

Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.

Au bout du combat entre Abram et le roi de Sodome, le roi dit à Abram : « Donne-moi les personnes et prends les biens pour toi » (Gn 14,21). Mais Abram n’accepte pas l’offre. « Ni un fil, ni une courroie de sandale, je ne prendrai rien de ce qui est à toi, et tu ne pourras pas dire : “J’ai enrichi Abram.” » Ensuite vient la réaction de Dieu lui-même qui donne encore aujourd’hui tout son sens à la vie de ceux qui, dans la vie consacrée, ont choisi de ne rien posséder : « Ne crains pas, Abram ! Je suis ton bouclier, ta récompense sera très grande » (Gn 15,1). Dans la foi elle-même, établie par notre père Abraham, se trouve donc une certaine justification du choix de la vie de pauvreté. En méditant sur les bienfaits de Yahweh, le psalmiste l’exprime de la sorte : « Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent ! Ils diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits, annonçant aux hommes tes exploits, la gloire et l’éclat de ton règne » (Ps 144,10-12). Ainsi, on se trouve directement dans ce qui est le fondement de la vie consacrée : l’abandon, la liberté vis-à-vis du monde matériel, la louange de Dieu et la mission d’annoncer sa bonté aux hommes.

Les lignes qui suivent veulent être une simple méditation sur la vie consacrée à partir de trois textes que le Saint-Père François nous a donnés : la lettre « Scrutate » (Examinez-vous, S), adressée aux consacrés à l’occasion de l’Année de la Vie consacrée, l’exhortation apostolique « La joie de l’évangile » (EG) et l’encyclique « Laudato si’ » (LS). Le Pape approfondit souvent la réalité de la vie consacrée pour nous orienter vers le renouveau nécessaire et nous inviter à nous lancer dans le monde en reconnaissant les signes des temps et en y portant le Christ. Différentes images ont également accompagné ma réflexion personnelle : l’Esprit de Dieu qui plane sur les eaux – tel qu’il est représenté dans le logo de l’Année de la Vie consacrée –, la figure du prophète Elie, avec le petit nuage qui s’élève de la mer qui fait espérer que les pluies fécondes arriveront (1 R 18,44), la parabole du vin nouveau dans des outres neuves (Lc 5,38), la colonne de feu qui nous guide pour un voyage inconnu (Sg 18,3). La Parole de Dieu nous offre dans ces images le courage pour nous engager avec confiance dans une vie nouvelle, totalement concentrée sur la foi en Dieu. La présence de Dieu dans la vie rend possible de se donner à lui et au prochain sans réserve, puisque c’est Lui-même qui nous accompagne.

Un autre style de vie

La vie consacrée concerne bien des personnes, et pas uniquement les religieux et les religieuses, mais aussi tous les destinataires de la vie apostolique et finalement, le monde entier. En tant que communauté de personnes qui ne se sont pas choisies, les religieux donnent un signe éloquent de la possibilité de vivre ensemble. Plus facilement que dans la vie de couple ou de famille, ils peuvent choisir radicalement « un changement de styles de vie », comme l’indique le Pape François dans Laudato si’(LS 206). Toute la vie du religieux, dans toutes ses dimensions, cherche à unifier sa personne et ses activités. Ce n’est pas seulement les vœux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté, unis à une vie de communauté et de prière, qui couvrent toute son existence. Le charisme particulier, dans le don total de soi-même aux autres, assure également à sa vie une grande unité. La présence dans le monde de communautés qui témoignent de cette union offre à la société elle-même une dimension d’espérance. On peut donc croire ce que le Pape écrit : « L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire la maison commune » (LS 13).

Ce style de vie unifiée est également propre à ceux et celles qui s’engagent dans de nouvelles formes de vie consacrée. Il trouve son fondement dans le lien avec le Créateur : la personne humaine a été créée par Dieu comme être indivisible. L’union intense avec Dieu est donc la source principale de la cohésion de tous les éléments, le passé et le futur, la personne elle-même et ses actions.

Parlant des motivations d’une vie dédiée à la mission de l’église, le Pape François s’exprime ainsi : « Il faut toujours cultiver un espace intérieur qui donne un sens chrétien à l’engagement et à l’activité. Sans des moments prolongés d’adoration, de rencontre priante avec la Parole, de dialogue sincère avec le Seigneur, les tâches se vident facilement de sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue et des difficultés, et la ferveur s’éteint. L’Église ne peut vivre sans le poumon de la prière » (EG 262). Ce texte m’intrigue, car il me semble qu’il ne parle pas de la vie contemplative, mais précisément de chaque forme de vie chrétienne. Est-il possible de vivre selon l’évangile sans avoir une vie profonde de prière ? Est-il possible de témoigner de la mission de l’évangile si on ne part pas, jour après jour, de cette union profonde avec Celui qui nous donne la mission de prendre soin de toute créature ? La vie des consacrés ne se fonde pas sur le choix d’un métier, mais sur la vocation, sur le fait d’être « pris derrière le troupeau par Yahvé et envoyé prophétiser au peuple d’Israël », comme le dit le prophète Amos (Am 7,15).

Les congrégations religieuses fondées au XIXe siècle ont entendu les cris du peuple, des jeunes gens, des jeunes filles, des malades et des personnes âgées. Elles y ont répondu avec courage et organisé des œuvres d’assistance, d’éducation et de soin afin que chaque personne puisse épanouir ses propres capacités, développer une vie digne, et trouver la joie d’avoir sa propre place dans la société. Nous pensons encore aux religieux et religieuses qui ont œuvré dans les pays en voie de développement. Peut-on oublier leurs initiatives pour valoriser les peuples, édifier des dispensaires, des léproseries, des écoles, des orphelinats dans les pays plus pauvres du monde ? Ils sont les pionniers d’une mentalité de globalisation, les premiers à faire apprécier les fruits de la terre entière et les capacités uniques de chaque personne. À travers leurs activités humaines et technologiques, les peuples du monde ont découvert le bonheur du message de l’évangile. L’amour de Dieu a pris chair dans les missionnaires et dans les œuvres de miséricorde. Avec une grande générosité, les populations locales poursuivent aujourd’hui cette expérience de la bonté de Dieu.

De nos jours les nouvelles communautés se concentrent sur deux piliers : la prière et le témoignage au milieu de la cité des hommes. La profondeur de leur contemplation les prépare à l’écoute efficace du cri des pauvres et des marginalisés. Elles sont signe de la présence de Dieu au milieu d’une société complexe, sans pour autant s’engager dans des institutions sociales ou éducatives. Elles se rendent présentes comme témoins de l’évangile, à l’écoute de la Parole et des gens de la rue.

Provoqués par Jésus

L’évangile, une fois qu’on l’approche, provoque et guide l’existence humaine. Auprès des évêques de Madagascar, le Pape François insistait : « Je vous invite à ne jamais douter du dynamisme de l’évangile, et aussi de la capacité de convertir les cœurs vers le Dieu ressuscité, et de conduire les personnes le long du chemin du salut parce qu’elles l’attendent dans le plus profond de leur cœur » (Allocution du 28 mars 2014). La provocation de l’évangile s’articule autour de trois éléments, comme nous l’indique le logo de l’Année de la Vie consacrée : l’évangile, la prophétie et l’espérance.

L’évangile nous provoque par les paroles de Jésus. Il nous invite à le suivre sans condition, radicalement. Il est probable que les jeunes d’aujourd’hui ont peur de ce don total, de laisser tout et tous pour se mettre à la suite de Jésus et se consacrer à Lui pour toute la vie. « C’est dans la joie de la rencontre personnelle avec Jésus qu’ils trouveront la force de prendre la décision de Le suivre et de se laisser rencontrer par Lui » (EG 3). Rappelons-nous ce qu’Il répond à ceux qui s’excusent parce qu’ils veulent d’abord enterrer leurs parents, ou parce qu’ils ont acheté du bétail ou encore qu’ils viennent de se marier. À tous ceux-là Jésus adresse une réponse radicale : « Soit vous me suivez à l’instant, soit jamais. » Aux apôtres, Il suggère même de le quitter s’ils trouvent que sa demande est trop exigeante. La leçon qu’Il nous donne est d’avoir confiance, de le suivre dans la joie, librement. Il s’agit de reconnaître qu’Il est le fils de l’Homme, le Messie, l’envoyé du Père. Il s’agit donc de suivre son exemple : faire et dire uniquement ce qui correspond à la volonté de son Père.

La prophétie est caractéristique de la vie consacrée. La lettre « Scrutate » parle de prophétie et de semeurs d’espérance. Tout au long de l’histoire, les consacrés ont trouvé des chemins neufs. Grâce à la proximité de l’Écriture, à la méditation quotidienne de sa Parole, ils découvrent des pistes nouvelles pour s’engager dans la pastorale et dans l’assistance des pauvres et des marginalisés. Une communauté attentive aux besoins des pauvres qui médite la vie de Jésus redonnant la vie aux morts et la santé aux malades, trouvera toujours de nouveaux moyens pour répondre à leur demande. Elle se rappelle que « l’Esprit Saint possède une imagination infinie, qui sait dénouer les nœuds même les plus complexes et les plus inextricables de l’histoire humaine » (EG, 178). Le rôle du prophète consiste aussi à rappeler aux autorités ce qui est prioritaire. Dans l’Ancien Testament, les prophètes étaient envoyés aux rois. Aujourd’hui, ils critiquent ouvertement ce qui se passe sur le marché international. Au lieu de focaliser sur les résultats immédiats de la politique, la voix prophétique du Pape François dit : « La grandeur politique se révèle quand, dans les moments difficiles, on œuvre pour les grands principes et en pensant au bien commun à long terme » (LS, 178). L’exemple prophétique des consacrés invite aussi à la réflexion et à changer de vie en pensant au bien commun de toute créature.

L’espérance ne cesse jamais de rechercher la trace de Dieu dans l’histoire et dans l’humanité. Le chrétien porte son regard au-delà de la vie actuelle, du visible et tangible. Le grand désir de la personne consacrée est la rencontre définitive avec Dieu, car elle est consciente que Dieu, qui l’a créée de toute éternité, l’attend depuis le début du monde. C’est cela, une vie consacrée : aspirer à cette rencontre tout en se donnant totalement au projet que le Père a confié à son Fils dans l’incarnation. Mais la personne consacrée ne veut pas arriver seule à cette rencontre. Elle veut être accompagnée par tous ceux que le Seigneur lui a confiés dans sa vocation. Son grand espoir est donc d’entrer avec eux dans le Royaume de Dieu qui nous est promis à chacun. La grande joie des consacrés dans le contexte pastoral est de voir que les pauvres trouvent une place dans la société, que les familles se trouvent unies, que les « païens » reconnaissent le Dieu unique et l’acceptent, que les jeunes découvrent des perspectives positives pour l’avenir. Le don de l’espérance efface toute inquiétude paralysante, elle donne vie à ceux qui ne peuvent pas la trouver de leur propre force.

Le monde et les religieux

L’incitation à verser le vin nouveau dans des outres neuves (Mc 2,22) nous invite à une réflexion sur le rapport des consacrés avec le monde actuel. Le grand défi pourrait être de laisser un certain passé derrière nous. « La pastorale en terme missionnaire exige d’abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi” » (EG, 33). Si on se met en route avec le Christ, on n’aura pas peur de laisser de côté les vieilles outres et d’embarquer vers l’autre rive. C’est souvent là qu’il veut nous rencontrer. Même si les eaux autour de nous sont turbulentes, la présence du Seigneur nous donne confiance. Au sein des communautés, il sera très important de se communiquer les défis que la société nous présente. « Une identification des fins sans une recherche communautaire adéquate des moyens pour les atteindre est condamnée à se traduire en pure imagination », dit le Pape (EG, 33). Cette réflexion communautaire est le seul moyen fécond de se confronter avec les questions du monde qui nous entoure. Elle exige que les membres soient vraiment rattachés à la communauté et qu’ils soient ouverts et transparents dans leur souci de chercher les voies les plus adéquates pour y répondre. Je m’étonne toujours que les religieuses contemplatives soient tellement au courant de ce qui se passe dans la société et dans le monde. Même si elles ne sortent pas du monastère elles sont, par leur prière, intensément reliées à la réalité et surprennent souvent par leur sens de l’actualité.

Si nous regardons la vie religieuse active, nous constatons que pour beaucoup de congrégations le but principal de leur pastorale est de rendre service au monde. Elles ont fait profession de servir le Christ dans les pauvres, les enfants, les malades, les marginalisés. « On devra marcher derrière le peuple, pour aider ceux qui sont restés en arrière et – surtout – parce que le troupeau lui-même possède un odorat pour trouver de nouveaux chemins » (EG, 31). Le Pape François invite tous les chrétiens à devenir une église pauvre pour les pauvres, à donner la priorité absolue aux pauvres. Son vécu le rend crédible. Saint Vincent de Paul, Mère Teresa, don Bosco et d’autres ont fondé des congrégations et des mouvements dans l’Église pour assurer le service des pauvres. Il est bon de rappeler que des organisations de la société civile viennent également en aide aux pauvres, mais sur base de motifs philanthropiques. Les religieux par contre le font parce qu’ils se savent envoyés par le Christ même. Ils agissent au nom même de Jésus.

Ce service requiert de la part des religieux le choix d’une vie sobre. La communauté religieuse et la sobriété – le vœu de pauvreté – sont comme une mère qui fait grandir ses enfants, qui prend soin d’eux tout au long de leur vie. Ils sont comme les murs entourant monastères et communautés religieuses et ont ainsi une double fonction : de vitalité et de protection. Il est vrai qu’on doit sortir, même si on peut rencontrer des dangers, comme le dit le Pape François. La vraie protection consiste en la conscience d’être envoyé par le Seigneur et aussi par la communauté. « La communauté soutient tout l’apostolat », nous dit la lettre Scrutate (S, 13). Le plus grand danger pour les religieux et les religieuses réside exactement dans le désir de se donner à un apostolat personnel, individuel et non donné par le Seigneur, ni par la communauté. Celui ou celle qui cherche sa propre satisfaction dans les œuvres pastorales ou sociales se met en danger de perdre le sens même de sa vocation religieuse. « Qui se ferme dans la référence personnelle aura uniquement la conscience et la connaissance de soi-même et de son propre horizon » (S, 16). Il est nécessaire d’être conscient que c’est l’Esprit Saint qui nous envoie. Celui qui se rend disponible à l’Esprit Saint ne se concentre pas sur lui-même et trouve la force de sortir de lui-même et d’aller vers les autres. Le contraire de l’Esprit n’est pas la chair, mais l’inertie. C’est donc dans l’Esprit qu’on trouvera le dynamisme nécessaire pour se donner à la tâche reçue du Seigneur.

Laïcs et religieux

Il est utile de réfléchir un instant à l’aspect particulier des communautés religieuses en Europe occidentale. Vu la réduction constante du nombre de leurs membres, vu l’augmentation de leur âge et des besoins que cela implique et vu la complexité de la vie d’aujourd’hui, les communautés religieuses sont acculées à faire face à des tâches qui, de plus en plus, dépassent les forces dont elles disposent encore. La vie sociale et éducative comme la protection du patrimoine, exigent une compétence professionnelle que les religieux et les religieuses n’ont plus toujours. En accord avec la prise de conscience de Vatican II, l’expertise des laïcs est la bienvenue, même à l’intérieur des communautés religieuses. Il est l’heure d’ouvrir les portes, non pas uniquement à des hommes et des femmes techniciens ou bâtisseurs de maisons, mais à leurs pensées. On a besoin, probablement plus qu’avant, de la sagesse des personnes du monde. Dans la société nous trouvons sans doute des catholiques prêts à assister professionnellement les communautés religieuses, même à l’intérieur des conseils généraux. Nous voulons qu’elles le fassent dans une transparence telle qu’elle permette en toute sécurité aux membres âgés de ne plus devoir trop s’occuper des biens de la congrégation. Sur le plan de la santé également, de l’administration, du patrimoine, on peut se fier entièrement à des personnes capables et digne de confiance. Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de laisser entrer des personnes extérieures dans les affaires les plus internes de la communauté. Mais là où on a le courage de demander du soutien dans la gestion des biens, on a vraiment de très bons résultats. Il est beaucoup plus dangereux de ne pas le faire ou bien de permettre à un membre de la famille du responsable de tout prendre en charge. Le Pape François le dit avec force : « Personne ne vit mieux en fuyant les autres, en se cachant, en refusant de compatir et de donner, en s’enfermant dans le confort. Ce n’est rien d’autre qu’un lent suicide » (EG, 272).

Il est évident qu’aujourd’hui aussi dans l’Église nous avons tous besoin les uns des autres. Cela concerne donc également la collaboration entre la vie religieuse et l’Église locale. L’expérience dit par exemple qu’il est très important que les congrégations et les communautés se fassent aider par le personnel qualifié du diocèse. C’est ainsi que l’esprit ecclésial peut continuer à croître dans la congrégation. Trop longtemps a existé une mentalité d’autonomie qui n’a jamais aidé ni les communautés religieuses, ni les diocèses. L’important pour tous est de favoriser un esprit d’Église, même en ce qui concerne les biens et les propriétés. Il est clair que tous les bâtiments, tout le patrimoine des congrégations religieuses doivent être considérés comme « propriété de l’Église ». Cela s’explique du fait que chaque congrégation n’existe que grâce à l’approbation de l’évêque ou du Saint-Siège. La congrégation et le diocèse ou le Saint-Siège sont en un certain sens copropriétaires, pour considérer en même temps le Seigneur et les pauvres, sans réduire la responsabilité directe de chacun.

Il est évident que les laïcs regardent d’un autre œil que les religieux la situation de la communauté. Mais ce sont précisément la complémentarité et la fraîcheur du regard qui apportent la sagesse nécessaire. J’aime donner à ce regard l’exemple de l’enseignement. Dans l’école, les élèves et les enseignants viennent d’un contexte social qui est différent du contexte scolaire. Quand ils arrivent à l’école ils amènent avec eux leur expérience et leur mentalité sociale, souvent bien complexes. Quand le soir ils se rendent chez eux, ils emportent l’esprit de l’école. Il y a là une fécondation de l’un et de l’autre, qui porte à une maturation plus large et profonde. Voilà ce qui se passe quand les laïcs réfléchissent ensemble avec les religieux et les religieuses sur la vie de la communauté dans tous ses aspects. Apprendre à écouter la voix de quelqu’un qui vient de l’extérieur crée une richesse nouvelle et est une expression concrète du vœu de pauvreté.

Conclusion

Je veux terminer en rappelant l’importance de l’Eucharistie et de l’écoute de la Parole. Les deux forment le patrimoine quotidien pour toute communauté religieuse. « Tournons-nous vers l’Évangile, abreuvons-nous à l’Écriture sainte, dans laquelle nous trouvons la source pure et pérenne de la vie spirituelle » (S, 7). Et « dans l’Eucharistie la plénitude est déjà réalisée ; c’est le centre vital de l’univers, le foyer débordant d’amour et de la vie inépuisables » (LS, 236). La plus grande joie de l’évangile trouve ses racines dans l’union avec le Christ dans les moments les plus incisifs de son existence parmi nous. La vie consacrée part de l’union en profondeur, et longuement contemplée, du mystère du salut apporté par le Christ. C’est de là que viennent l’enthousiasme et la force d’évangéliser les pauvres et les jeunes. C’est là qu’un jeune reconnait la voix du Seigneur et trouve le courage de se consacrer totalement à Lui. Ce n’est qu’en écoutant la Parole, en rompant le pain, corps de Jésus, et en versant le vin, sang de Jésus, que nous nous sentirons invités et préparés pour être porte-parole et témoins de son message. Message unique que Lui-même a reçu de son Père.

Mots-clés

Dans le même numéro