Chronique sur la Vie consacrée
Noëlle Hausman, s.c.m.
N°2014-1 • Janvier 2014
| P. 68-76 |
Chose inédite depuis plus d’un siècle, un religieux est devenu Pape, et c’est, pour la première fois de l’histoire, un jésuite. Presque au même moment, l’Union Internationale des Supérieures Générales (U.I.S.G.) tenait à Rome son Assemblée plénière, sur le thème « Le service de l’autorité selon l’Évangile » ; le mercredi 8 mai, le Pape François reçut très cordialement les participantes en audience privée, et ce premier discours, très novateur, fut pour beaucoup l’occasion d’une grande réjouissance, après des temps parfois bien difficiles.
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Chose inédite depuis plus d’un siècle, un religieux est devenu Pape, et c’est, pour la première fois de l’histoire, un jésuite [1]. Presque au même moment, l’Union Internationale des Supérieures Générales (U.I.S.G.) tenait à Rome son Assemblée plénière, sur le thème « Le service de l’autorité selon l’Évangile » [2] ; le mercredi 8 mai, le Pape François reçut très cordialement les participantes en audience privée, et ce premier discours [3], très novateur, fut pour beaucoup l’occasion d’une grande réjouissance, après des temps parfois bien difficiles.
Par ailleurs, de grandes figures ont récemment rejoint notre destinée commune : Magdalith (née Madeleine Lipszyc), qui redécouvrit les racines du chant grégorien à l’ombre des synagogues et put inspirer la liturgie des Frères et Sœurs de la Communauté Saint-Jean aussi bien que des Sœurs de la Solitude (Sœurs de Sion) ; et Minke de Vries, longtemps Prieure de Grandchamp, communauté-sœur de celle de Taizé, avec qui le Pasteur M. Cornuz mena une série d’entretiens peu convenus [4].
Dans le domaine très nourri des publications intéressant la vie consacrée, notre revue publie, de trois en trois mois, des recensions intégrées à l’ensemble des renseignements bibliographiques habituels ; il faut rappeler que ces compte rendus et tous les titres des ouvrages arrivant à notre rédaction figurent in extenso, dès la parution du numéro, sur notre site renouvelé (www.vies-consacrees.be) : une mine pour les chercheurs et autres amateurs des sentiers de traverse.
Dans cette chronique annuelle, nous avons retenu cette fois quelques livres emblématiques, sortes de vignettes illustrant les courants actuellement les plus visibles, dans le grand flot des éditions : l’histoire, les témoins, les saints fondateurs, les éclairages venus de Rome ou d’ailleurs sur les questions toujours ouvertes.
I. Chemins d’histoire
En ce qui regarde les travaux historiques, réjouissons-nous de voir la collection « Que sais-je ? » actualiser sa fameuse Histoire des ordres religieux [5] sous la plume de B. Hours, par ailleurs membre du Comité organisateur du prochain Colloque international sur « Les religieux et le Concile Vatican II », qui se tiendra à Rome du 12 au 14 novembre 2014. Les différences de plan, de composition, de contenu même, par rapport à son prédécesseur [6] montrent de manière impressionnante les acquis de la recherche, mais aussi l’appartenance des historiens aux idéologies de leur époque. Ici, le « monachisme féminin » s’offre dès le départ une place de choix ; le paradigme cénobitique bénédictin est réputé dominer d’abord tout le champ latin, avant de se contraposer au modèle érémitique chartreux, tandis que le modèle canonial fait face au modèle nouveau des ordres mendiants, en lien privilégié avec le monde urbain – les béguines apparaissant en rapports étroits avec ces mendiants qui les ont dynamisées et finiront souvent par les intégrer dans leurs tiers-ordres. On ne racontera pas la suite, sauf pour se réjouir de voir, d’un trait de plume, redimensionner totalement les études du P.R. Hostie [7] : « Par ailleurs, l’historiographie s’est trop facilement accommodée d’une représentation cyclique de l’histoire monastique qui répéterait immuablement le même enchaînement (naissance, essor, apogée, déclin), sans être attentive au fait que le modèle originel évolue et se transforme souvent au cours de son essor et de son apogée, et que le déclin peut correspondre aussi à une mutation » (86). Sans partager toutes les visions de ces pages, on voudrait saluer l’historien qui se risque à les énoncer. Il faut lire la suite, jusqu’au glossaire et à la bibliographie finale, pour comprendre combien ce tout petit livre peut être considéré comme grand.
Dans un domaine plus restreint, mais tout aussi passionnant, les Actes de la XIIe journée d’études du CEHRM (Centre d’Études d’Histoire Religieuse Méridionale) rapportent, sous la direction de Chantal de Saint Priest d’Urgel, ce qu’il en fut et en demeure, dans le midi de la France, des confraternités ou confréries laïques, du XIe siècle à nos jours [8]. Toute une constellation se déploie, avec la Vie de sainte Douce-line (1214-1274), le tableau de la Vierge de miséricorde peint par Pietro di Domenico au début du XVe siècle, le mobilier des chapelles de confréries de Pénitents dans le Briançonnais, la Congrégation séculière du Sacré-Cœur d’Apt (1736-1815), la Confrérie des Pénitents Gris (dits Bourras) d’Aix-en-Provence, les chapelles de Pénitents réhabilitées dans l’ancien diocèse de Carpentras… Ces confréries de Pénitents ont ouvert « la voie que l’assistance publique laïcisée va emprunter et développer par la suite » (107), et certaines « reprennent leurs anciennes charges, à savoir accompagner les défunts au cimetière et plus encore, à cause du manque de prêtres, à présider entièrement les obsèques » (86). De nombreuses photos accompagnent ce voyage entre passé et présent qui met dans une perspective renouvelée la question de l’engagement, communautaire par nature, des laïcs chrétiens dans la vie et la mission de l’Église aujourd’hui.
II. Fondateurs et figures
Allons maintenant vers les initiateurs, saint Basile en premier lieu. Présenter les 203 Questions ascétiques de l’évêque de Césarée, avec les Lettres 1, 2 et 14, les Règles morales 1 à 22 et des textes sur la Prière [9], aller de sa confession de foi (ca 372) à la prière eucharistique marquée de son empreinte, c’était, pour le Père E. Baudry (et les traducteurs), scander le contenu de l’ouvrage en trois mouvements : l’« invention » par Basile d’un genre de vie en fraternités selon l’Évangile ; le Petit Recueil Ascétique lui-même (publié ici pour la première fois en français) ; un choix de textes sur la prière, au cœur de l’expérience ascétique basilienne. L’ouvrage se recommande évidemment par son objet (il dépend d’une rédaction basilienne plus ancienne que le texte grec habituel), mais aussi, par la pédagogie partout en œuvre dans sa présentation (bibliographie choisie, nombreux encarts ou photos sur l’homme, l’œuvre, le site, le cénobitisme basilien…) et par la fin, où l’on trouve un index scripturaire, un précieux glossaire établi à partir des mots grecs et une table de concordance avec les textes basiliens connexes. On notera en particulier un essai de répartition des inclassables questions 16 à 203 en plusieurs « vagues » : sur les principes de la vie commune (Q 16-63), sur sa pratique (Q 64-100), sur le travail et la prière (Q 101-113), sur la manière dont les frères se situent entre eux (Q 114-116). Un traité dont on ne peut souligner assez l’influence sur la vie religieuse de notre temps.
Après le « Totum » sur saint François, voici publié l’ensemble des écrits de Claire d’Assise, ainsi que les premières vies et les documents primitifs [10]. Beaucoup de ces textes, connus des historiens ou des dévots de la sainte, sont traduits ici pour la première fois. Cette œuvre magistrale est proposée en trois parties : les écrits de Claire proprement dits, le procès de sainteté (avec toutes les vies et « légendes »), les documents qui vont du temps de Saint Damien à l’Ordre de Sainte Claire. D’importantes annexes donnent les chronologies, concordances et index utiles, ainsi que la liste des six contributeurs exceptionnels, sans compter leurs conseillères clarisses qui resteront dans l’ombre. De substantielles introductions précèdent chacune des parties, et les notes infra-paginales de tous les documents ajoutent encore à l’intérêt de la lecture qu’une magnifique typographie, sur papier Bible (il y a 1100 pages), rend très aisée. Un ouvrage qui doit rejoindre le fonds de toute bibliothèque digne de ce nom, parce qu’il montre enfin le visage authentique d’une fondatrice plus singulière encore qu’on ne le pressentait.
Le dernier-né de la « Petite bibliothèque jésuite » est dédié à Ignace de Loyola lui-même [11]. Peu démarqué du Récit du Pèlerin, dédaignant citer le magnifique Iñigo de F. Sureau, cet opuscule apporte ou rappelle quelques éclairages nouveaux : la comparaison avec Don Quichotte (37), l’invention du colloque qui achève l’oraison (61), les galants du couvent dominicain de Barcelone qui passèrent Ignace à tabac (78), le jeu qui permit à Ignace de gagner un docteur aux Exercices (90), la finesse de sa voix (104), le délai de trois mois que les Compagnons consentirent avant de célébrer leur première messe (109)… On est plus étonné de voir le chevalier donner son cheval à Montserrat (40 : n’était-ce pas plutôt sa mule ?) et on s’interroge encore sur le sigle EC ; mais on restituera à Hevenensi, jésuite hongrois, la maxime célèbre que la finale attribue généreusement au style baroque des jésuites flamands (186). Ces minuties ne peuvent cacher l’intérêt de l’ouvrage, qui lui vient surtout d’observations comme celles-ci : « Iñigo utilise l’image comme un nouveau langage sur Dieu » (71), « Ignace de Loyola n’a pas légué à la Compagnie de Jésus un bagage théologique ou philosophique spécifiques, mais une ‘ manière de procéder’, un art d’aborder les personnes et de résoudre les situations en quatre temps : l’attention portée aux circonstances historiques, le recours à l’expérience intérieure par le discernement, la confrontation avec la réalité, l’évaluation des décisions prises et leur remise en question » (184).
C’est un jésuite d’aujourd’hui que nous présentent les mêmes éditions Lessius, dans l’attachant portrait de Nicolas Kluiters, martyrisé au Liban le 14 mars 1985 [12]. Préfacé par celui qui fut son maître des novices, puis son instructeur du Troisième an, et demeura son conseiller, l’ouvrage est introduit par son auteure qui a voulu souligner sa collaboration étroite avec plusieurs jésuites de l’entourage du jeune néerlandais – dont le P. P.-H. Kolvenbach, général des jésuites de 1983 à 2008, après avoir été provincial au Liban où il réside à nouveau depuis sa renonciation. C’est dire le crédit de cette biographie qui a la dernière guerre du Liban sans cesse en arrière-fond. La Première Partie part de la vocation du jeune delftois, peintre et religieux atypique, et de l’itinéraire qui le conduisit à grossir la vague des jésuites néerlandais qui affluent au Liban dans les années soixante ; c’est là qu’il reçut la formation désirée d’assistant social, avant le cursus de philosophie et de théologie qu’il achèvera au Centre Sèvres de Paris. Ordonné prêtre à Amsterdam en 1973, il rejoint, non sans passer quelques semaines d’apostolat sacerdotal aux États-Unis, la plaine de la Békaa, dont il se voit bientôt confier la zone la plus pauvre, au nord-est (un cahier de photos central comprend l’indispensable carte des lieux). L’assassinat d’un jeune disciple emporte la décision d’envoyer Nicolas au Troisième an, auprès du Père P. van Breemen, responsable du noviciat combiné de novices néerlandais et flamands à Bruxelles ; sa grande retraite est interrompue par un grave accident de voiture ; quand il la reprend, c’est pour se laisser à nouveau saisir par la mission du Liban. La Deuxième Partie voit le « berger des bergers » de Barka s’engager, alors même que la guerre chasse les chrétiens vers les villes, dans une multitude d’entreprises de développement humain et religieux : églises, écoles, adduction d’eau, ateliers, catéchèse, réconciliation des clans… Les crises spirituelles ne manquent pas, comme cette tentation de partir au Soudan et ces séjours romains où il peut comprendre que « la relation qu’il a tissée avec Barqa et ses habitants est essentiellement une relation d’amour » (167). La Troisième Partie montre comment Nicolas rentré le 1er mars à Taanayel, disparaît le 14, sur une route peu sûre ; son corps supplicié (témoin de sa résistance), est retrouvé le 1er avril. Vingt-cinq ans après, son œuvre d’évangélisation et de développement a pris racine. Un « lexique jésuite » final permet de comprendre les mots particuliers. Mais c’est tout l’ouvrage qui met peu à peu devant la stature d’un pasteur totalement engagé pour ceux que le Christ lui confie, au point de devenir, selon sa prémonition, « l’engrais de la terre délaissée du nord de la Békaa ».
Dans un tout autre genre assurément, voici enfin l’étude critique attendue au sujet de Padre Pio de Pietrelcina, béatifié (1999) et canonisé (2002) par Jean-Paul II [13]. C’est un ouvrage de sociologie autant que d’histoire, qui ne s’intéresse pas à la véracité des stigmates, mais enquête minutieusement sur les Capucins, les Pouilles, les commencements du fascisme et son alliance avec le milieu du Padre, l’insolite Père Gemelli de l’Université du Sacré-Cœur de Milan, l’hostilité de Jean XXIII et l’admiration du jeune Wojtyla… L’ouvrage représente pour ainsi dire la transposition en mode sociologique des interprétations psychologiques classiques au sujet des phénomènes physiques du mysticisme ; « douleurs du monde » et « stigmates fascistes » forment bien ce que l’éditeur nomme, en série, « la demande de liturgies rassurantes, de cultes protecteurs et d’analgésiques sociaux ». Des pièces à conviction impressionnantes abondent dans la notation de l’ouvrage, dont on retiendra en particulier la clarification sur les écoutes de la cellule ou même du confessionnal du « Christ vivant » que le Saint Office n’a pas commanditées, sur ses relations avec quelques femmes « abêties » (le mot est de Jean XXIII) par l’admiration et sur la disparition des « stigmates » sur le corps du défunt. On aimerait que la discussion de cet immense dossier soit poursuivie, sur le plan de la théologie spirituelle, à partir des points mêmes où il aboutit sans conteste.
III. Du centre et de la périphérie
Les débuts du Pape François risquant de laisser les enseignements du Pape Benoît dans l’obscurité, c’est le mérite de plusieurs publications récentes de rendre quelque peu justice au Pape émérite. On retiendra dans cette panoplie l’ouvrage que vient de promouvoir l’Union des Supérieures majeures italiennes [14] et qui recevrait opportunément une traduction française. C’est peut-être un écrit de ferveur, et il n’a assurément aucune prétention ; mais ses auteurs sont tous d’excellents connaisseurs de la vie consacrée, comme on peut s’en convaincre à l’énoncé de leurs brèves études : une présentation générale (M.M. Pedico), le pontificat de Benoît XVI et la vie consacrée (P.-L. Cabra), la trilogie sur Jésus de Nazareth, une boussole christologique pour la vie consacrée (G. Costa), Marie de Nazareth, « première et parfaite consacrée » (M. Maritano), les noms de la vie consacrée selon Benoît XVI (un texte très original de L. Rossi, où on retrouve le titre de « cierges allumés » donné au recueil), beauté et estime pour la vie consacrée, les homélies de la journée du 2 février (M. G. Orto), les femmes béatifiées et canonisées sous le pontificat de Benoît XVI (une simple, mais intéressante nomenclature, du Cardinal A. Amato). La préface de Mgr F. Lambiasi dit assez la reconnaissance de l’Église pour ce Pape aujourd’hui devenu « moine du Vatican ».
La revue de notre Dicastère, qui avait dédié l’année précédente ses deux livraisons aux Instituts séculiers [15], a consacré ses deux numéros de 2012 aux Instituts de vie apostolique, avec le sous-titre « identité et mission dans l’Église » [16]. Il faut signaler l’ensemble de ces études (surtout en italien, espagnol, anglais), même si nous soulignons celles qui concernent la langue française : « Le modèle jésuite, XVIe-XVIIIe siècles », du Père Michel Dortel-Claudot ; « La communauté apostolique : une doctrine toute nouvelle, des pratiques à ‘reconfigurer’ », de la signataire de ces lignes. Les articles (dont le sommaire est donné dans les quatre langues) parcourent d’abord l’histoire, puis les fondements scripturaires, spirituels, magistériels, canoniques, avant de s’intéresser aux questions de formation, à diverses expériences et aux figures de l’avenir. Il nous paraît qu’il y a dans ces quelque 220 et 110 pages tous les matériaux d’une théologie vigoureuse d’une forme de vie religieuse qui s’y reconnaîtra enfin.
La même revue a consacré son numéro de printemps à la transmission de la foi, selon le sous-titre : « une génération à l’autre racontera tes œuvres » (Ps 145, 4) [17]. Qu’il nous suffise de signaler trois des articles de cette livraison. En premier lieu, la belle étude (en français) du Père J.-Cl. Lavigne, sous le titre « Donner l’hospitalité à la foi ». L’auteur, bien connu de nos lecteurs, y entend la « règle » comme le pont générationnel, une sorte de « pacte religieux pour la fertilité » d’une vie fraternelle qui fait sens aujourd’hui : reconnaissance des différences et spiritualité du dialogue ne s’arrêtent pas aux portes des communautés. Deuxièmement, on sera attentif à l’article (en italien) de Daniela Leggio, de la CIVCSVA, qui porte sur un sujet rarement traité : « Législation canonique et pratique du Dicastère pour l’aliénation des biens des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique ». Des précisions y sont données, sur le « patrimoine stable » du canon 1291, les contours de l’administration ordinaire et extraordinaire qui pourraient, en matière d’acquisitions et surtout de ventes, se révéler précieuses. Enfin, on ne peut manquer de signaler la leçon magistrale (en italien) de Maria Grazia Bianco, donnée en conclusion de l’année académique à l’Université Urbanienne, portant sur « Vie consacrée et travail intellectuel ». La communauté, les biens d’Église, l’engagement intellectuel : trois lieux sensibles, qui conditionnent l’avenir.
Du 18 au 20 octobre dernier, plus de 160 « instituts religieux » ont participé à Lourdes au IIe rassemblement des « Familles spirituelles », organisé par la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France) dont le site permet l’accès à la plupart des interventions qui y furent prononcées (http://www.corref.fr). La contribution très nuancée de S. David, « Quelques repères canoniques sur le chemin des familles spirituelles » mérite certainement l’étude la plus attentive.
Sur le sujet des laïcs associés, le Père L. Boisvert a publié, encore chez Lessius, une petite monographie [18] qui comporte également ses enseignements. Peut-être convient-il de lire d’abord le dernier paragraphe de cet opuscule, où l’on voit s’élargir le champ : il s’agit de ces laïcs (associés ou non à des instituts de vie consacrée), qui choisissent de se consacrer à Dieu par le seul vœu de chasteté dans le célibat, ou encore, en y ajoutant les vœux de pauvreté et d’obéissance, aux contenus eux-mêmes fort variables – puisqu’il s’agit toujours de vœux privés. La « consécration spéciale » qu’ils connaissent relève, selon l’auteur, de la contemplation et du prophétisme. C’est l’objet de ces courtes pages de proposer un contenu à ce type d’engagement devant Dieu et de décrire ce que peuvent impliquer les deux vœux ici envisagés (des études antérieures de l’auteur ont réfléchi à la chasteté spécifique). On peut pourtant s’interroger sur l’avenir de ces vœux dont chaque laïc aurait à déterminer l’objet (31), ou sur ce que signifie pour des laïcs de vouer ce qui est déjà obligatoire dans la vie chrétienne (33), ou sur ce qu’apporte la typologie différenciée « associé, associé et consacré, consacré » (81) et surtout, sur la solidité de cette consécration nouvelle qui serait ordonnée à la consécration baptismale « comme le sacerdoce presbytéral l’est au sacerdoce des baptisés » (85). S’il s’agit là, comme le dit la préface de Th. Matura, du couronnement de l’œuvre d’un théologien chevronné de la vie consacrée, il nous semble qu’on y trouve en effet, pour parler comme le livre de Daniel, une grande vision, mais peu d’interprétation.
*
Cette chronique était terminée quand nous avons reçu du Comité Canonique de la Corref un ouvrage de « Notes canoniques » à l’usage de la vie consacrée, extrêmement précieux par son caractère éminemment pratique [19]. Il complète utilement l’ancien Directoire canonique des religieux publié peu après la parution du nouveau Code [20]. Il faut remercier les membres (non identifiés) du Comité canonique qui ont rédigé ces études – certes un peu éparses et d’époques différentes (entre 1996 et 2012) –, pour répondre à des interrogations fréquentes, dont certaines sont très récentes. Ainsi, dans le domaine de la formation, ce qui concerne l’admission d’un candidat qui a un ou des enfants, d’un divorcé ayant obtenu la reconnaissance canonique de nullité du mariage, d’un divorcé qui ne l’a pas obtenue, la réadmission d’un conjoint, d’un ancien religieux ou d’un séminariste. Mais on pointera aussi les précisions fort utiles autour des questions de gouvernement, de l’aliénation des biens (avec la requête de double validité des actes et du testament, en droit civil et en droit canonique), de « la distance prise avec les instituts », de l’accueil de communautés « venant d’ailleurs », très délicatement et clairement traité… Un seul regret : que notre revue et ses ressources canoniques ne soient citées, sauf erreur, qu’une seule fois.
[1] Voir l’article de G. Pasquale, « Les religieux devenus Papes », in Vs Cs 85 (2013), 186-197.
[2] Sous titre : « Parmi vous il ne doit pas en être ainsi (Mt 20,26) », Assemblée du 3 au 7 mai 2013 ; nous en avons publié la conférence de B. Costacurta, « L’autorité dans la Bible. Le cas d’Esther ou le pouvoir de donner sa vie », in Vs Cs 85 (2013), 265-278.
[3] Voir, sous le titre « Que la vie consacrée soit toujours une lumière », http://vd.pcn.net/fr/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=43&Itemid=45.
[4] M. Cornuz, Sœur Minke de Grandchamp, Entretiens, Labor et Fides, 2011.
[5] B. Hours, Histoire des Ordres religieux, QSJ 2241, PUF, 2012, 11, 5 × 17,5 cm, 128 p., 9,20 €.
[6] H. Marc-Bonnet, Histoire des Ordres religieux, QSJ 338, PUF, 1949.
[7] Vie et mort des ordres religieux, Paris, DDB, 1972.
[8] De Saint Priest d’Urgel Ch. (DIR.), Confraternités laïques. Béguines, œuvres de jeunesse, pénitents dans la France méridionale du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2012, 126 p., 13,50 €.
[9] Basile de Césarée, Petit recueil ascétique. Inventer une vie en fraternités, selon l’Évangile (Spiritualité orientale, 91), Bégrolles-en-Mauges, Abbaye de Bellefontaine, 2013, 15 × 21 cm, 416 p., 29,90 €.
[10] Claire d’Assise, Écrits, Vie, documents, direction et traduction de J. Dalarun et Armelle Le Huërou, Sources franciscaines, Éditions franciscaines-Éditions du Cerf, 2013, 15 × 22 cm, 1100 pages, 69 €.
[11] P. Emonet, Ignace de Loyola, Légende et réalité, Petite bibliothèque jésuite, Bruxelles, Lessius, 2013, 11,5 × 19 cm, 192 p., 12 €.
[12] C. Daghers, Passion pour une terre délaissée. Nicolas Kluiters, jésuite au Liban, Au singulier, 24, Bruxelles, Lessius, 14,5 × 20,5 cm, 224 p., 19,50 €.
[13] Luzatto S., Padre Pio. Miracles et politique à l’âge laïc, NRF Essais, Paris, Gallimard, 2013, 14 × 22,5 cm, 528 p., 30 €.
[14] Pedico M. M. (a cura di), Come ceri accesi. La vita consacrata secondo Papa Benedetto, Centro Studi USMI, Roma, 2013, 15 × 21 cm, 74 p. prix non communiqué.
[15] voir D. Lafenêtre, « Chronique de la vie consacrée », in Vs Cs 2013-1, 59-67.
[16] Sequela Christi (Périodique de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique) 38 (2012/1 et 2012/2), Piazzo Pio XII, 3, Rome, 17 × 24 cm, 276 p.
[17] Sequela Christi 39 (2013/1), La trasmissione della fede. Una generazione narra all’altra le tue opere.
[18] Boisvert L., Configurés au Christ. Pauvreté et obéissance des laïcs associés et consacrés, La part-Dieu, 21, Bruxelles, Lessius, 2013, 11,5 × 19 cm, 96 p., 12,50 €.
[19] Comité canonique de la Corref, Notes canoniques, Préface de Mgr J.-L. Papin, Cerf (Droit canonique), Paris, 2013, 13,5 × 21,5 cm, 176 p., 15 €.
[20] Comité canonique des religieux de France, Directoire canonique. Vie consacrée et Sociétés de vie apostolique, Cerf, 1986.