Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

L’Union des Supérieurs Généraux (USG)

Javier Álvarez-Ossorio, s.s.c.c.

N°2012-3 Juillet 2012

| P. 163-167 |

En écho à la récente Assemblée des Représentants des Supérieurs Majeurs d’Europe, nous avons retenu cette intervention du Père général des ­« Picpus » ; on verra qu’elle s’éloigne des propos convenus par la vigueur de ses interrogations.

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Permettez-moi de vous adresser un salut cordial de la part de l’USG, au nom de laquelle je suis ici. L’USG est composée d’environ 170 Supérieurs Généraux d’ordres, instituts et congrégations de droit pontifical. Son siège est à Rome. Notre Président actuel est le P. Pascual Chavez, Supérieur Général des Salésiens de Don Bosco. Il y a un secrétariat général et un Conseil Exécutif auquel j’appartiens.

L’activité principale de l’USG est l’assemblée : nous nous réunissons deux fois par an pendant trois jours. L’ensemble est essentiellement un lieu de rencontre, de formation permanente, de partage, de réflexion et de prière commune. La participation à chaque assemblée est en moyenne d’environ 120 Supérieurs Généraux. Parfois, ils peuvent être accompagnés par un Conseiller général.

L’USG a également des commissions : juridique, théologique, JPIC (Justice, Paix et Intégrité de la Création), éducation etc. Certaines de ces commissions sont communes à l’USG et à l’UISG (Union Internationale des Supérieures Générales).

Les deux instances de l’USG et de l’UISG ont une relation régulière avec le Saint Siège : le « Conseil des 16 » (qui se réunit deux fois par an avec la CIVCSVA) et le « Conseil des 18 » (qui se réunit avec la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples). Une nette amélioration des relations avec la CIVCSVA a été notée après la nomination du nouveau Préfet, son Éminence Mgr João Braz de Aviz, et le Secrétaire, Mgr Joseph Tobin. Parmi les nombreux thèmes habituels de dialogue et de tension avec le Saint Siège, je soulignerais la question non résolue de la marginalisation des frères laïcs par rapport aux religieux clercs et celle de la juridiction des affaires disciplinaires et de l’accord des dispenses.

Sujets de réflexion et centres d’intérêt

Les sujets couverts par l’USG au cours des dernières années sont nombreux et variés. Les documents présentés lors de réunions sont généralement publiés dans un fascicule et peuvent également être trouvés sur le site web www.vidimusdominum.org. J’ai sélectionné ici quelques questions d’importance ou d’actualité.

Inter-Congrégations

Nous comprenons « l’inter-congrégations » comme l’effort pour unir les forces afin de rendre plus visible le charisme de la vie consacrée dans l’Église et pour rendre un service plus efficace dans le monde où nous vivons. Un des exemples les plus clairs est le projet d’appui au Sud-Soudan, où de nombreuses congrégations sont impliquées et ont plus de 20 religieux et religieuses sur le terrain, travaillant dans la formation du personnel de santé et du personnel éducatif.

Nous reconnaissons que, parmi les Supérieurs Généraux, nous parlons beaucoup de l’inter-congrégations, mais il y a des obstacles pour en faire un principe réellement opérationnel : des obstacles institutionnels (chacun est plongé dans les préoccupations de son propre Institut) et spirituels ou théologiques (chaque famille religieuse existe en soi et non simplement comme l’expression d’une sorte de « super-vie-religieuse » en général).

Europe

Durant deux années, plusieurs rencontres ont été consacrées à discuter sur la question de la vie religieuse en Europe. Des facteurs connus de tous font que l’Europe constitue une problématique spécifique qui nécessite un intérêt particulier : les défis missionnaires posés par la sécularisation, le manque de vocations, les communautés vieillissantes, la concentration du pouvoir et des ressources financières, l’origine européenne de la plupart des charismes, etc.

Nouvelle Évangélisation

Récemment, l’assemblée de l’USG a travaillé autour de la préparation du prochain Synode sur la « nouvelle évangélisation ». Le résultat des débats a été la rédaction d’un document, à partir des Lineamenta, qui a été envoyé au secrétariat du Synode.

Parmi les Supérieurs Généraux, certains pensent que toute la question de la nouvelle évangélisation peut comporter le risque d’une vision déformée de la relation entre l’Église et le monde, un renforcement du cléricalisme et la marginalisation de la vie religieuse au bénéfice des nouveaux mouvements. En tout cas, nous sommes tous d’accord sur le fait que l’évangélisation, nouvelle ou non, doit être comprise avant tout comme un appel à nous remettre en question et à nous convertir en tant qu’Église à la lumière de l’Évangile.

Séminaire sur la théologie de la vie consacrée et possibilité d’une deuxième conférence internationale

En février 2011, à l’initiative de l’USG et de l’UISG, a eu lieu à Rome un séminaire de théologie sur la vie consacrée. La préoccupation qui l’a provoqué était le souci de relancer la réflexion théologique sur la vie religieuse et de favoriser l’émergence de nouvelles générations de religieux et religieuses qui se livrent à une telle réflexion. Les participants ont fait une évaluation très positive du séminaire.

A la suite de cet événement, nous avons débattu à l’USG de l’opportunité de créer une commission de théologie de la vie consacrée et de préparer un deuxième congrès international de la vie religieuse, comme celui qui a eu lieu en 2004. Nous avons rejeté l’idée d’une commission théologique, parce que nous croyons qu’il y a beaucoup de publications sur ce sujet et parce que certains sont réticents à multiplier la réflexion sur nous-mêmes – il est beaucoup plus intéressant et pertinent de réfléchir, éventuellement avec d’autres, sur les questions plus larges qui touchent à la fois l’Église et le monde.

On a toutefois laissé ouverte la possibilité de préparer un congrès, que beaucoup considèrent comme intéressante. La question est à l’ordre du jour de la prochaine réunion conjointe de l’UISG et USG.

La vie comme vocation : comment cela se vérifie

Comme je viens de le dire, les deux assemblées annuelles de l’USG traitent de sujets d’intérêt général. Nous avons habituellement de bons orateurs qui nous inspirent avec leurs présentations. Mais, à mon humble avis, le plus intéressant des assemblées est ce qui se passe en petits groupes, dans les couloirs, à table pendant le petit déjeuner, déjeuner ou dîner. Pour beaucoup d’entre nous, c’est la possibilité de parler librement avec d’autres « collègues » de ce qui nous préoccupe vraiment dans le quotidien de notre service. Nous partageons les tristesses, les joies et les tensions ; nous recueillons des conseils sur les initiatives réussies ; nous cherchons à savoir comment d’autres font face à des difficultés analogues. Dans ces moments de rencontres informelles, nous mettons de côté les « grands mots », qui habituellement ornent le discours sur ce que nous sommes ou ce que nous prétendons être, et nous posons les pieds sur terre, sur la fraîcheur et la rugosité de l ‘ argile qui nous constitue.

Je pense qu’il est juste de dire que nos assemblées respirent la liberté et la simplicité, la spontanéité et la bonne volonté, le réalisme et l’humilité. Quelque chose de vraiment rafraîchissant et oxygénant, en gardant à l’esprit combien nous sommes divers en termes d’origines, de cultures et de sensibilités religieuses. Le climat de notre groupe n’est pas exactement euphorique, mais pas découragé. Je voudrais le définir comme une atmosphère de foi dans les moments de grisaille et peu enclins à des aventures exaltantes. Chaque fois que je participe aux assemblées, je remercie Dieu pour le bien que j’y trouve, au moment même où je constate combien il est difficile d’être supérieur dans nos congrégations.

Prenez-le comme un commentaire très personnel, mais laissez-moi vous le dire : à mon humble avis, les difficultés les plus grandes ne nous viennent pas du « dehors » (le monde sécularisé etc. etc.) mais de nous-mêmes comme personnes consacrées. La question est de savoir si nous nous soucions vraiment de ce que nous avons professé et si nous y croyons vraiment.

Pour donner juste un exemple et ne pas nous étendre sur des « récits de batailles », juste un mot sur le sujet même de cette assemblée de l’UCESM : la vie comme vocation.

Dans les conférences données lors des assemblées de l’USG, on parle souvent, avec un langage théologique adéquat, de la façon dont notre vie est une réponse à Dieu qui appelle, avec tout ce que cela implique comme corollaire. Mais dans les discussions de groupes et de couloirs, nous racontons de nombreuses histoires concrètes montrant que la vocation est démentie dans la réalité : de nombreux endroits (en particulier des pays du nord) où les religieux ont pris l’habitude par exemple de retirer leurs noms dans les listes d’élections, où ils ont oublié ce que c’est de recevoir une obédience. La vie est davantage conçue comme une aventure d’accomplissement personnel que comme un chemin avec d’autres, dans un « corps ». Les choix individuels l’emportent sur le projet collectif, qui parfois n’existe même pas.

Je pense que l’obéissance dans la vie religieuse implique la volonté d’être appelé (par un choix des frères/sœurs ou par un supérieur) à un lieu et à un service que je n’ai pas choisi (ou même « négocié »). Si cette ouverture à « être envoyé » et « désinstallé » se meurt, peut-on continuer à parler de notre vie comme d’une « vocation » ?

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