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L’« utopie » de François (1182-1226)

En marge du 8e centenaire du mouvement franciscain

Thaddée Matura, o.f.m.

N°2010-1 Janvier 2010

| P. 27-35 |

Après son François d’Assise. Héritage et héritiers huit siècles après (Paris, Cerf, 2008), l’auteur situe ici l’utopie dans la ligne biblique de l’avènement du Royaume de Dieu et de ses exigences radicales. C’est dans ce cadre que se comprennent les trois utopies de François : sa radicalité dans le choix de la pauvreté, de la fraternité et de la quête de Dieu. Ouvrant sur des horizons nouveaux, mais irréalisable en sa totalité sur cette terre, l’utopie de François n’est rien d’autre que l’observance du saint évangile de Jésus Christ. C’est au travers de mouvements de réforme et de ruptures qu’elle a été recueillie par la famille franciscaine depuis huit siècles.

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Le mot « utopie », forgé à partir du grec, a été inventé par Thomas More, qui le donna comme titre à son livre homonyme publié en 1516. Homme d’état et penseur, More fut décapité pour ses convictions religieuses sous le roi d’Angleterre Henri VIII et déclaré saint et martyr par l’Église catholique. « Utopie » veut dire « un lieu qui n’existe pas », « un nulle part ». Dans l’usage courant d’aujourd’hui ce mot désigne quelque chose d’idéal, généralement positif, beau, heureux, qu’on souhaite et désire, mais qui n’existe pas — ou pas encore — dans la réalité. C’est, pour employer les termes d’un philosophe (H. Desroche), « une réalité irréelle », « une présence absente », « un ailleurs nostalgique » [1].

Depuis qu’existe l’humanité et qu’elle prend conscience de sa condition réelle, où la vie et la mort, le bien et le mal, le bonheur et le malheur s’opposent et cohabitent, elle ne cesse de rêver, de s’imaginer un lieu et un temps, soit du passé – le paradis –, soit à venir, où ce qui limite, qui fait souffrir, disparaîtrait, où il n’y aurait, plus selon le poète (Baudelaire) « qu’ordre et beauté, luxe, plaisir et volupté ». Déjà dans l’Antiquité grecque et latine (Homère, Platon, Ovide, Virgile), on parlait de l’Atlantide, des « îles de bonheur intégral », d’une race d’or vivant dans un printemps éternel, « d’un pays aux fruits d’or », d’une « République » régie par des lois idéales.

L’utopie religieuse

D’après le philosophe Gramsci, « la plus gigantesque utopie qui soit née dans l’histoire, ce sont les religions » ; par leurs perspectives et leurs exigences, elles ouvrent en effet des horizons qu’on peut à juste titre qualifier « d’utopiques ». Ce qu’elles proposent dépasse, relativise, ébranle le lourd réel, en l’orientant vers un monde à venir : « vita venturi saeculi ». Pour ne parler que du christianisme et de ses racines juives, déjà l’Ancienne Alliance annonce et promet une terre nouvelle et des cieux nouveaux (Is 65, 17) où le loup habitera avec l’agneau,un petit garçon conduira ensemble le veau, le lionceau et la bête grasse, où un enfant jouera sur le trou de la vipère,où l’on ne fera plus ni de mal ni de violence,… car le pays sera rempli de la connaissance comme les eaux couvrent la mer… (Is 11, 6-9). Viendra même un jour où ayant fait disparaître la mort à jamais, essuyé les pleurs sur tous les visages, Dieu préparera pour tous les peuples un grand festin sur la montagne (Is 25, 6-8). Et quoique la méchanceté de l’homme soit grande et que son cœur ne forme que de mauvais desseins à la journée (Gn 6,5) — ce qui est à la racine de tous les maux personnels et sociaux —, un jour, les exigences de la Loi qui donne vie et qu’on n’arrive jamais à accomplir pleinement, seront par Dieu lui-même mises au fond de l’être humain, écrites sur son cœur (Jr 31, 33).

Inaugurant la nouvelle et éternelle alliance, Jésus proclame « l’évangile », joyeuse nouvelle de la venue du Règne de Dieu. Le visage de ce Dieu, toujours appelé Père, est un visage d’amour et de tendresse, tourné vers tous les hommes, qu’ils soient bons ou mauvais. Il les sauve par son Fils, venu en humble serviteur, se livrant à la mort par amour pour eux. Il les introduit dans une intimité inouïe quand, avec son Fils, il vient en eux pour y faire sa demeure (Jn 14,23). Jésus lui-même, une fois glorifié, les prendra près de lui, afin que là où il est, eux aussi y soient (Jn 14,2), siégeant sur des trônes, mangeant et buvant à sa table dans son Royaume (Lc 22,30), ce monde merveilleux que décrit l’Apocalypse. Cette proximité, cette humanité de Dieu, le bonheur qu’il partage avec l’homme, dépasse tout ce qu’on pourrait imaginer et désirer ; c’est vraiment une « réalité irréelle », une « utopie ».

Il en est de même, sous un autre aspect, de ce qui touche le comportement nouveau exigé de ceux qui acceptent l’évangile de Jésus. Il leur est demandé de changer radicalement de vie – metanoia, conversion : aimer par-dessus tout Dieu, ainsi que le prochain, même s’il est mon ennemi, pardonner, éviter la violence, partager ses biens, être prêt à les abandonner à cause de Jésus, se mettre au service les uns des autres, tout en sachant qu’on est « des serviteurs inutiles ». Quand on sait de quoi l’homme est fait, que l’on connaît ses tendances égoïstes et le mal dont il est capable, on voit à quel point ces exigences radicales apparaissent sinon impossibles, pour le moins difficilement réalisables ; aussi en cette vie, elles peuvent paraître utopiques.

Ces perspectives juives et chrétiennes montrent que la foi est une sortie, un dépassement du réel du monde et de l’homme, non pas certes pour le nier ou le refuser, mais pour l’ouvrir à quelque chose de plus grand, plus beau, plus désirable, absolument gratuit, qui n’est pas encore là sinon partiellement et qu’on n’arrive jamais à mettre complètement en œuvre. Il y aura toujours une tension entre ce qui est, et ce qui est promis et désiré. L’utopie que François a conçue, vécue et proposée à ses héritiers, est à situer dans ce cadre.

L’utopie de François

Il est certes vrai qu’une utopie réalisée n’est plus une utopie. Au cours de l’histoire le Royaume de Dieu – Dieu pleinement manifesté, homme et monde transfigurés, sauvés –, n’est qu’un souhait, une vue d’avenir. Ce n’est qu’une fois « les temps accomplis », que la Cité de Dieu, Jérusalem nouvelle, ne sera plus un rêve mais une éclatante réalité.

Quant à François, c’est lorsqu’on parle de ses choix radicaux qu’on utilise parfois le mot « utopie ». La plupart du temps, sinon toujours, l’aspect radical le plus spectaculaire qui est alors souligné est celui de la pauvreté. Pourtant le projet de François, vécu par lui et proposé à ses frères, comportait d’autres choix, tout aussi radicaux et donc, en ce sens, utopiques. Ainsi, sa conception des relations humaines – la fraternité –, ainsi encore sa manière de décrire et de vivre le rapport avec le mystère de Dieu : avoir « le cœur tourné vers le Seigneur ».

Utopie de la pauvreté

Si la pauvreté entendue comme un usage sobre et mesuré, comme un partage avec les pauvres, comme une mise en commun, était reconnue pour valeur évangélique et pratiquée dans l’Église, surtout par le monachisme, François en a radicalisé certains aspects : proximité sinon identification avec le monde des pauvres et, avant tout, refus de toute possession – propriété –, non seulement individuelle mais collective, – ce en quoi, il dépassait le marxisme ! – et interdiction de l’usage de l’argent. C’était sûrement une « utopie » ; sa mise en pratique, par François lui-même et ses frères, a exigé certains accommodements. Sans être propriétaires légaux de leurs habitations et terrains, ils n’en jouissaient pas moins d’eux ; sans utiliser l’argent, ils profitaient de celui des bienfaiteurs.

Mais on oublie que la conception de la pauvreté qu’avait François reposait sur une base spirituelle elle aussi très radicale : le bien que l’homme est et qu’il accomplit, est d’abord un don gratuit de Dieu à qui il faut en rendre hommage et action de grâces. Nous n’avons strictement en propre « que nos vices et nos péchés ». Ces deux aspects – matériel et spirituel – se conditionnent et se complètent, mais les deux ont quelque chose d’utopique, car tout en étant comme un horizon, un appel permanent et douloureux, jamais on ne peut dire que l’utopie est devenue réalité dans une vie personnelle.

Utopie de la fraternité

François est le premier dans l’histoire de la vie religieuse à désigner, avec insistance, le groupe formé autour de lui, par le mot fraternité. Il veut que les frères s’aiment comme une mère chérit son fils, se respectent, se réjouissent d’être ensemble, se supportent miséricordieusement sans être troublés par le mal, accueillent tout être humain, ami ou ennemi, voleur ou brigand. Avec le même radicalisme qu’au sujet de la pauvreté, il considère le service de l’autorité. Tous sont des frères, aucun d’entre eux ne sera appelé Père, ils ne porteront pas des titres honorifiques, et qui exerce l’autorité doit se comporter comme serviteur chargé de laver les pieds des autres. Attitudes qui s’appliqueront à tout rapport avec les hommes. Il faut être soumis à tous, ne revendiquer aucun privilège, « éviter les disputes, les querelles de mots, ne pas juger les autres, être doux, artisans de paix, bienveillants, agréables et humbles, s’adressant à tous avec courtoisie ». On sait et on souligne assez, peut-être même trop, que François, par une intuition profonde, étendait ce traitement fraternel non seulement aux animaux et aux plantes, mais encore au cosmos et ses éléments : soleil, lune, étoiles, eau, feu, air, terre ; même la mort ! Qui ne voit combien ce qui vient d’être évoqué rejoint la vision utopique d’une société idéale, sans classe, libre, égalitaire, fraternelle, embrassant tout l’univers.

Mais là encore, même dans la vie de François, tout n’a pas été aussi simple et merveilleux. S’il écrit, quelque part, qu’il faut accueillir avec bienveillance et pardon un frère qui aurait péché « mille fois », il lui arrive d’en exclure d’autres pour une seule faute grave et de ne plus les tenir pour frères… Les multiples mises en garde de ses écrits concernant les relations fraternelles, témoignent que dans la réalité tout n’a pas été parfait. Selon l’évangile de Jésus et les paraboles de l’ivraie et du filet (Mt 13,2430 ; 47-50), François aussi doit accepter et supporter patiemment la coexistence, en lui-même et dans sa communauté, du bien et du mal, sans pour autant renoncer au rêve et à l’exigence de la perfection, ce qui est précisément la fonction de l’utopie.

Utopie du « cœur tourné vers le Seigneur »

L’utopie principale attribuée à François est celle de la pauvreté dans ses aspects matériels, en partie aussi la fraternité, concrète et universelle. Mais on ne parle jamais de son utopie concernant les relations entre l’homme et Dieu. Or, dans l’expérience de François et dans ses insistances, la réalité première, centrale, par-dessus tout désirable, était « avoir le cœur tourné sans cesse vers le Seigneur ». Ce Dieu – dont le parchemin de l’Alverne écrit de sa main tente de suggérer, par une trentaine de noms, la suprême élévation et la proximité de tendresse –, il faut « partout, en tout lieu, chaque jour et continuellement, croire en lui, le garder dans son cœur, l’aimer, l’honorer, l’adorer, le servir. Ne désirer rien d’autre, ne vouloir rien d’autre, que rien d’autre ne nous plaise ni délecte que Dieu », tel est l’appel véhément que François adresse, à lui-même sans doute et à ses frères, mais également aux hommes de tous les temps. Une grande part de ses écrits, plus développée que celle consacrée à la pauvreté, traite de ce sujet, cœur brûlant de son message. La vision qu’il présente de Dieu et qui suppose une expérience unique, est d’une immense richesse. Il en est de même, quand il énumère les exigences positives et négatives s’imposant à qui veut chercher et trouver Dieu : « aimer de tout effort, de toute affection, de toutes entrailles, tous désirs, toutes volontés, le Seigneur Dieu ; écarter tout empêchement, tout souci, toute préoccupation ; que rien n’arrête, rien ne sépare, rien ne s’interpose… ».

Avouons-le, ces textes ne nous rejoignent pas particulièrement ; ils paraissent tellement loin de notre langage, surtout de nos expériences et de nos préoccupations, même religieuses. Mais comme ils parlent de ce qui est au centre même de la foi, ils touchent au point névralgique de notre être de croyant. C’est un langage d’utopie, qui invite à quitter les routines et sécurités, à nous interroger où nous en sommes quand nous disons « je crois en Dieu », ou « je l’aime ». François lui-même a vécu cela, alternant lumière et ténèbres, et dans l’éblouissement de la vision et dans le cheminement quotidien obscur et difficile. Car telle est la condition du croyant en tout temps, aujourd’hui plus que jamais.

Utopie « réalisable » ou « irréalisable » ?

L’expression lapidaire par laquelle, à la fin de sa vie, François a voulu caractériser l’essentiel du projet que Dieu lui révéla et que l’Église a confirmé est formulée ainsi : observer le saint évangile de Jésus Christ. On peut dire à juste titre qu’il n’y a rien de plus utopique qu’une telle affirmation, étant donné le contenu de ce mot et les destinataires qu’il vise : François, sa postérité et, en définitive, tous les hommes. L’évangile est une éclatante et joyeuse annonce du partage de sa vie de communion trinitaire que Dieu fait aux hommes, du destin final qui les attend ainsi que toute la création, et des exigences qu’entraîne l’accueil de cette inouïe gratuité. Dans le concret de l’existence croyante, cela va se manifester en premier lieu par la foi et remise confiante de soi à Dieu et à ses promesses, ensuite par la connaissance, difficile à accepter, de sa propre grandeur en même temps que de son insondable pauvreté, par l’amour exigeant de tout prochain, par l’effort, toujours recommencé, de s’oublier, se renoncer, s’ouvrir à Dieu et aux autres.

Devant l’énormité de la tâche, on voit mieux qu’une telle « utopie » est à la fois réalisable et irréalisable. Réalisable, quand elle interpelle, éveille, empêche de s’installer, pousse à toujours recommencer, ouvre des horizons nouveaux, sans qu’on puisse jamais dire : c’est fait ! Oui, qu’il s’agisse des rêves humains d’un monde parfait, ou de la foi des hommes accueillant les annonces, les promesses et les exigences de Dieu ; tant que le monde et l’humanité, conditionnés par le temps et l’espace, cheminent dans l’histoire, aucun effort humain, aucun pouvoir, pas même le divin, ne réalisera définitivement un monde sans défaut ou une humanité parfaite – « paradis des origines » ou « figure eschatologique ». Dans le temps historique, l’utopie entendue au sens strict, reste toujours irréalisable dans sa totalité.

Utopie franciscaine dans l’histoire

Après avoir esquissé la triple utopie de François et sa manière de la « réaliser », il est légitime de se demander comment cette dimension a été vécue par ses héritiers et continuateurs depuis huit siècles.

Certes, globalement, son Ordre – aussi bien les frères que les femmes qui avec Claire ont emprunté la même voie évangélique – ont toujours essayé au cours de cette longue durée, de vivre quelque chose des exigences centrées sur ces pôles : pauvreté, fraternité, quête de Dieu. Comme noté plus haut, c’est surtout au sujet de la pauvreté que s’est manifestée le plus l’insatisfaction, l’inquiétude, les conflits et les « séparations ». On aurait cependant tort d’oublier que l’inquiétude spirituelle, plus profonde mais peut-être moins spectaculaire, concernant le rapport avec Dieu – la dimension « contemplative » –, y a joué également un rôle très important.

L’Ordre des Frères Mineurs a exprimé, si l’on peut parler ainsi, avec une profusion abondante et anarchique, son rapport à l’utopie par de constants mouvements – et ruptures – de « réforme » ; on en compte dans l’histoire au moins six qui ont été canoniquement reconnus : Observants ; Capucins ; Riformati ; Alcantarins ; Récollets ; Riformella. Trois branches subsistent jusqu’aujourd’hui : Conventuels ; Franciscains ; Capucins. Ajoutons qu’un phénomène semblable – sans doute plus accentué et fragmenté chez les Mineurs – a touché, au cours de l’histoire, d’autres formes de vie religieuse dans l’Église, le monachisme en particulier. Cela ne fait que mettre en pratique le dicton « Ecclesia semper reformanda », qui est une exigence évangélique permanente. Le destin de François et de sa famille historique n’est en fait qu’une manifestation particulière de ce que vivent les croyants de la grande Église, elle aussi tentée de s’installer, et que réveille de temps en temps la secousse d’un mouvement de réforme ou – hélas –, de schisme contre la charité, et parfois de rupture au détriment de la foi.

Dans un sens positif, l’utopie consiste à admettre que ce qui est proposé doit être accueilli et accompli et peut l’être jusqu’à un certain point. Certes, constamment, l’homme se heurtera à ses limites et à celles des autres ; constamment il sera en deçà de ce qu’il considère comme un idéal et un devoir ; constamment il échouera. Mais il n’en déclarera pas pour autant, que c’est une entreprise impossible, qu’il faudrait y renoncer, qu’elle n’est pas pour lui. Il acceptera de vivre l’écartèlement et le reproche que constitue l’idéal, l’utopie toujours rêvée et jamais réalisée. L’utopie évangélique prise au sérieux crée la tension sans laquelle la vie chrétienne s’affadit et s’aplatit. Elle est l’élément perturbateur nécessaire au dynamisme, à l’insatisfaction, à l’attente de ce qui doit advenir mais n’est pas encore.

Ces « libres réflexions » sur l’utopie et leur application à François et son projet ont recouru aux différents langages : littéraire, biblique, théologique, historique. Mais je pense que ce qu’il y a de plus mystérieux dans ce thème ne peut être saisi que par une approche poétique. En effet, l’utopie est rêve, aspiration et désir qui échappe à toute formulation claire ; c’est comme une blessure qui marque l’humanité, la pousse à se mettre en marche, plus loin, vers l’ailleurs. Aussi, je voudrais conclure cet essai sommaire et fragmentaire par un court poème, qu’un des plus grands poètes polonais contemporains, Jan Twardowski, récemment décédé, a consacré à François. D’une façon paradoxale, avec des images et des mots banals, de chaque jour, il touche et révèle ce qui était central dans l’expérience « utopique » de François : être mineur et soumis à tous, « comme la basse et petite sœur herbe sur laquelle tout le monde passe ».

Saint François d’Assise,
je ne sais pas t’imiter,
je n’ai pas de sainteté pour un sou,
à lire la Bible, j’ai mal à la tête.

Les poissons ne viennent pas m’écouter,
je ne sais pas parler aux oiseaux,
le chien du curé m’a mordu
et mon cœur ne vaut pas cher.

Ils sont beaux, monts et forêts,
toujours intéressantes les roses,
mais de toutes les merveilles,
c’est l’herbe que je préfère.

Basse, on lui marche dessus,
elle n’a ni fruits ni épis ;
Herbe, ma petite sœur,
carmélite aux pieds nus.

(traduction de l’auteur)

[1Voir H. DESROCHE,« Utopie et utopies », Encyclopedia Universalis, t.18, 544-547.

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