Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Les communautés religieuses contemplatives revivent-elles en Chine ?

Signes d’espérance sur un long chemin

Jeroom Heyndrickx, c.i.c.m.

N°2009-1 Janvier 2009

| P. 8-18 |

L’auteur de cette présentation exceptionnelle, traduite par nos soins, voyage depuis des décennies dans la Chine contemporaine, depuis longtemps chère à sa famille scheutiste. Dès 1982, il avait fondé à Leuven la Fondation Verbiest qui cherche à développer une « nouvelle relation » avec la Chine et l’Église en Chine. Nous voici plongés par son récit dans l’endurance et la patience propices au travail de la grâce qui fait surgir à nouveau la vie religieuse des décombres du passé.On notera à quel point la vie contemplative est d’urgence espérée dans une Église en quête de réconciliation.

La lecture en ligne de l’article est en accès libre.

Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.

Vers la restauration de communautés contemplatives en Chine ?

En juillet 1995, j’avais à Pékin un entretien avec un laïc catholique, l’un des dirigeants de « l’Association patriotique » officielle. Il y fut question de son projet prioritaire : la fondation ou la refondation d’une communauté religieuse contemplative en Chine. Il estimait que la prière et la vie contemplative sont une part essentielle de toute Église locale. Il était déjà assez remarquable qu’un catholique laïc représentant le « régime » s’exprime ainsi. La même année, le vice-ministre du culte, Monsieur Liu Shuxiang – un communiste donc – vint en tournée en Belgique. Il marqua son intérêt pour la visite de l’abbaye des Norbertins de Tongerlo. La vie semi-active et semi-contemplative des chanoines lui semblait être fort appropriée à l’Église de Chine. « Il n’est pas bon que des prêtres vivent seuls dans des villages isolés ; il serait préférable qu’ils vivent en communauté comme les Norbertins ici, et qu’ils desservent les paroisses avoisinantes à partir de leur communauté ». Voilà une réflexion également remarquable, venant de l’autorité civile chinoise. J’avais noté que l’homme, bien que communiste, avait un arrière-fond d’Islam. De plus, en tant que ministre des affaires religieuses, il possédait une bonne connaissance de l’Église catholique.

En mai 2008, j’ai donné mon cours annuel de théologie pastorale, au Grand Séminaire National à Pékin, à un groupe d’une quarantaine de prêtres venant d’un peu partout en Chine, et munis d’une expérience pastorale d’une dizaine d’années. En outre, le Grand Séminaire héberge une communauté nombreuse de séminaristes qui y reçoivent leur formation théologique. Parmi eux, une trentaine environ acquièrent une formation à la vie monastique. Avec les autres séminaristes, ils suivent le cursus théologique, participent à la prière du matin et du soir ainsi qu’à l’Eucharistie. Le reste du temps, ils vivent dans une communauté séparée où ils sont initiés à la vie contemplative. Chaque jour, le moine bénédictin coréen qui les accompagne leur donne des conférences spirituelles et une méditation dirigée. Dans l’esprit de l’ora et labora de saint Benoît, ils exercent un travail manuel (de reliure). Leur orientation vers la vie contemplative viendra éventuellement plus tard de leur décision personnelle, discernée avec leur accompagnateur spirituel. Il n’existe d’ailleurs pas encore de communauté contemplative en Chine, mais on s’y prépare très vraisemblablement.

En 2007, dix prêtres chinois furent accueillis par l’Abbaye bénédictine de Sankt-Otilien, près de Munich, en Allemagne. Ils y reçurent ce qu’ils appellent une formation de pré-noviciat. Feront-ils une demande d’admission au noviciat, la question reste ouverte, mais nous avons compris que cette Abbaye désire ainsi contribuer à faire connaître à nouveau la vie contemplative à l’Église de Chine et à y rendre possible la croissance d’une communauté contemplative. Ce sont là des tentatives louables qui démontrent que des groupes dans l’Église, avec l’accord des autorités civiles, prennent des initiatives pour une restauration de la vie contemplative en Chine.

Il s’agit là de signes d’espérance, ni plus, ni moins. Ces initiatives viennent de la communauté ecclésiale officielle. Nous devons pouvoir apprécier ces pas positifs, même s’il est vrai que la communauté ecclésiale non officielle n’y participe pas. De plus, n’oublions pas qu’une partie des autorités civiles n’agrée pas cette politique et tente de la bloquer. Beaucoup de chrétiens chinois gardent en mémoire les drames qui se sont déroulés lors de la dernière moitié du siècle passé. Cela fait des années que nous attendons des signes d’espérance et voici qu’ils apparaissent maintenant ; mais avant qu’ils ne deviennent réalité, il faut franchir encore de nombreux obstacles et beaucoup de souffrances doivent encore être guéries.

Des communautés contemplatives ont existé en Chine, comme le Carmel, les Trappistes, mais elles furent anéanties et dispersées, bien souvent de manière dramatique et brutale, à la fin des années 1940, lorsque les troupes de Mao Zedong conquirent la Chine. Si l’on veut aborder avec réalisme la restauration des communautés contemplatives en Chine aujourd’hui, il faut le faire en gardant bien présente à la mémoire la tragique histoire récente. Ce n’est que dans cette mesure que l’on peut avoir une appréciation correcte des signes d’espérance qui ne pourront se réaliser que par un chemin long et laborieux.

Le passé a creusé des blessures profondes

Prenons l’exemple des Trappistes. Ils arrivèrent en Chine en 1883 sur l’invitation de Mgr Louis Gabriel Delaplace, à Pékin. Des évêques en Chine désiraient la présence d’ordres contemplatifs qui soutiendraient par leur prière l’activité pastorale des missionnaires et prieraient particulièrement pour la conversion du pays. Mgr Delaplace avait déjà tenté de faire venir une communauté de Carmélites, mais cela avait échoué en dernière minute. Alors il entreprit un voyage en France afin de convaincre personnellement les Trappistes. L’abbé de l’Abbaye de Sept-Fons accepta l’invitation et envoya des moines en Chine. Plus tard, le Père Abbé Chautard alla en Chine rendre visite aux moines. Les Trappistes construisirent une abbaye à Yangjiaping (Province du Hebei), à 180 km à l’ouest de Pékin. Les bâtiments furent conçus par le père scheutiste belge Alphonse de Moerloose, qui fit les plans de dizaines d’églises et bâtiments ecclésiastiques en Chine à cette époque. L’abbaye reçut le nom de Notre-Dame de la Consolation (Our Lady of Consolation) et commença son activité avec une dizaine de moines originaires de France, de Belgique, des Pays-Bas et d’Australie. Sa croissance fut plus rapide que prévu, en raison de l’entrée de prêtres diocésains chinois et de missionnaires étrangers. La communauté compta à un moment donné plus de cent moines. D’autres évêques chinois souhaitèrent également qu’une abbaye soit fondée dans leur diocèse. Certains offrirent des terres et des bâtiments. Une deuxième abbaye fut fondée à Zhengding (Province du Hebei), sous le nom de Notre-Dame de Joie. L’abbaye de Notre-Dame de la Consolation fut connue au Japon et dans l’Extrême-Orient dans les années 1920 parce qu’elle suscita, avec l’approbation de Pie XI, un mouvement de prière et d’offrande de messes pour la conversion de la Chine. Plus d’un million de membres priants se joignirent au mouvement en quelques années.

En juillet 1947, l’armée de Mao Zedong pénétra dans l’abbaye de Yangjiaping et la pilla. Le 30 août, elle fut incendiée et complètement détruite. Des habitants des environs furent rassemblés pour former un tribunal populaire qui accusa les moines de toutes sortes de méfaits et les condamna. Tous les moines furent emprisonnés. Les mains attachées par du fil de fer, ils furent forcés d’entreprendre une marche qui dura trois mois pour se rendre à Pékin. Trente-trois moines moururent pendant ce martyre effroyable. Le Jésuite Charles McCarthy a décrit ce dramatique épisode dans Trappist Tragedy. Les quelques moines qui arrivèrent à Pékin furent accueillis et soignés par les Frères Maristes et les Pères de Scheut.

Un nouvel Abbé, Jean-Marie Struyven (Belgique) réussit par la suite à rassembler les moines rescapés et restaura la communauté des Trappistes à Pékin, durant les premières années du pouvoir communiste. De nouveaux novices firent profession et des prêtres furent ordonnés, comme si la situation allait se normaliser. Mais cela ne dura pas. En 1954, ce fut la fin. Tous les Trappistes de Notre-Dame de la Consolation furent faits prisonniers. Septante-cinq ans après sa fondation, la communauté fut supprimée. Les Trappistes de l’abbaye Notre-Dame de Joie réussirent à quitter le territoire chinois à temps. Ils s’installèrent à Lantao à Hong Kong et vivent toujours dans l’abbaye qu’ils y fondèrent.

Rencontres avec une Église blessée

Lorsque je commençai trente ans plus tard – dans les années quatre-vingts – à visiter l’Église de Chine, j’ai rencontré des Trappistes qui venaient d’être libérés de prison ou des camps de travaux forcés et desservaient dans la clandestinité des communautés chrétiennes dans la province du Hebei. On disait alors qu’il y avait une vingtaine de moines ayant cette activité apostolique. Ils n’avaient pas de vie communautaire, mais étaient fermement décidés à restaurer leur communauté, clandestinement si nécessaire.

Au cours de ces premiers voyages en Chine, peu de temps après Mao Zedong, lorsque la Chine s’ouvrit à nouveau à l’accueil d’étrangers, je pus expérimenter personnellement les drames que la Révolution Culturelle infligea aux religieux. En mai 1984, j’ai visité pour la première fois l’Église du Nord de la Chine. Pendant que je me promenais dans une rue de Yinchuan (Ningxia, au nord-ouest de la Chine), une femme âgée vint marcher à mes côtés. Elle me fit à voix basse le récit de sa vie. Elle était religieuse lorsque les communistes arrivèrent au pouvoir. Sa communauté fut dispersée pendant la Révolution Culturelle. Toutes les sœurs rentrèrent chez elles et furent sommées de se marier. « Ainsi, je me suis mariée également », dit-elle, « mais je m’en sens toujours coupable ». Lorsqu’en 1980, il y eut une extension de la liberté religieuse, elle fut remplie de regrets, parce qu’elle « avait tout de même été une bonne religieuse », ajouta-t-elle. Pendant qu’elle me contait son histoire, elle regardait, inquiète, autour d’elle. Elle dut rapidement me quitter car, me dit-elle « je crains que quelqu’un me voie en train de vous parler et me dénonce ». C’était comme si elle portait de lourds problèmes de conscience qu’elle voulait confier à ce prêtre étranger en visite (et qu’elle ne connaissait pas), afin d’en être libérée. Je n’ai jamais su son nom, mais son histoire me marqua profondément. J’eus encore la possibilité de la bénir silencieusement, à sa demande, et de lui promettre de prier pour elle. Je ne l’ai jamais revue. Des centaines d’ex-religieux ont vécu la même expérience en Chine. L’Église était blessée.

Un peu plus tard, j’ai visité une autre Église, toujours au nord de la Chine. Après une conversation tardive avec les prêtres de la paroisse, je sors reprendre mon vélo pour continuer ma route dans l’obscurité de la nuit. Soudain, j’entends que l’on m’appelle. Je m’arrête. Une vieille dame avec un bonnet blanc s’approche. C’était une religieuse qui me demandait de la confesser. J’entendis sa confession là, sur place, dans l’obscurité, tandis que j’étais à califourchon sur mon vélo. Après cela, elle renouvela devant moi la profession de ses vœux religieux. Profondément ému, je lui offris quelques mots d’encouragement. Elle me dit qu’elle attendait ce moment depuis des années : en cette région, tous les prêtres s’étaient mariés suite à la Révolution culturelle et elle ne voulait pas recevoir les sacrements de leurs mains. Alors que, toujours assis sur mon vélo, je me préparais à poursuivre la conversation, la porte du presbytère s’ouvrit brusquement et le curé sortit. Ce fut la fin de notre entretien : la religieuse s’éclipsa dans la nuit. Je murmurai un mot d’au revoir au curé et repris mon vélo pour rejoindre la ville.

Quand les communistes arrivèrent au pouvoir, en 1949, il y avait en Chine plus de sept mille religieuses dont un tiers d’étrangères et deux tiers de chinoises. Les sœurs étrangères retournèrent au pays ou furent contraintes à l’exil. Certaines sœurs chinoises partirent pour Taïwan, Hongkong ou Macao. Mais la plupart des religieuses chinoises restèrent en Chine. Pour elles commença alors un dramatique chemin de souffrances. Les sœurs furent renvoyées dans leurs familles avec la consigne : « Trouvez-vous un mari et travaillez à la construction de la société ! ». Ceci arriva partout durant la Révolution culturelle (1966-1976). Beaucoup de prêtres et de religieuses qui désiraient rester fidèles à leur vocation furent condamnés aux travaux forcés dans les camps ou emprisonnés. Parmi eux, il y a de nombreux héros et héroïnes, inconnus et morts sans gloire.

Au cours de mes visites, après 1980, je découvrais parfois un petit groupe de dames âgées qui habitaient autour d’une église et assistaient à la messe matinale. Elles n’avaient pourtant aucune tâche dans l’église. Des amis m’expliquèrent qu’elles étaient religieuses. Je ne prenais contact qu’après m’être informé que cela répondait à leur souhait. C’est ainsi que j’ai rencontré à Beijing une religieuse carmélite courageuse qui vivait seule. Ces quelques contacts personnels étaient toujours pris avec précaution et dans la soirée. Ces religieuses avaient toutes une longue histoire de souffrance à partager, concernant leur vécu au cours de ces trente dernières années. C’était souvent très dramatique. A partir des années 80, l’Église de Chine se releva lentement et se retrouva un chemin. Tout le monde était dans l’incertitude, mais l’espérance grandissait. Après que Deng Xiaoping eut reçu le pouvoir, les choses avancèrent plus rapidement.

Des évêques courageux ont réorganisé certaines communautés religieuses diocésaines

À partir de 1982, les évêques chinois reçurent la permission d’ouvrir à nouveau des séminaires. En 1985, ils purent également réorganiser des noviciats de sœurs : uniquement des congrégations diocésaines, sous la direction de l’évêque local. Les congrégations internationales n’étaient pas acceptées, car leurs supérieures à l’étranger auraient trop d’influence sur leurs subordonnées. La plupart des évêques chinois reconnus officiellement avaient également connu la prison ou les camps de travail forcé. Beaucoup d’entre eux étaient de vrais missionnaires, capables d’oublier leurs propres misères pour rétablir au plus tôt la vie de l’Église. A ce moment, il y eut aussi des responsables d’Église chinois qui se révélèrent au contraire comme de vrais collaborateurs des communistes, antagonistes du Saint-Siège. Mais c’était une petite minorité. La grande majorité des évêques s’étaient déclarés prêts à collaborer avec le régime dans l’espoir de sauver ce qui pouvait l’être et de pouvoir un jour reconstruire l’Église.

Pour cela, il fallait former des jeunes prêtres et de jeunes religieuses. Autour des années 1990, il y avait déjà trois cents maisons religieuses existant en Chine. Cela semble beaucoup, en si peu de temps, mais les évêques vieillissaient et se rendaient compte qu’il ne fallait pas perdre du temps. Certaines de ces maisons religieuses avaient reçu un permis officiel des autorités, d’autres, pas encore, mais les évêques avançaient… Les vocations ne manquaient aucunement à cette époque, du moins en certains diocèses. Dans les villes, il y avait moins de vocations. Il était aussi frappant de constater qu’il y avait beaucoup moins de vocations dans les régions au niveau de vie plus confortable, le long de la côte et dans certains diocèses du sud. Au nord et au centre de la Chine, les vocations étaient nombreuses. Mais à mesure de l’amélioration du standard de vie, qui a augmenté dans toute la Chine ces dernières années, et surtout à la suite de l’apparition des familles avec un seul enfant, le nombre de vocations diminue fortement. Et le moment est venu maintenant où le nombre de jeunes séminaristes et de jeunes religieuses connaît une diminution dramatique.

Et déjà la question surgit de savoir si les douze grands séminaires, installés en peu de temps, ne devraient pas se regrouper en six séminaires, ou moins encore. Dans certains diocèses, il y a des communautés religieuses diocésaines avec seulement dix ou quinze membres, et la question du regroupement de ces petites communautés se pose nettement. Beaucoup d’évêques et de prêtres ne comprennent pas ou peu la vie religieuse et cela entraîne également des problèmes. Certains prêtres voient encore la religieuse comme celle qui cuisine et fait le ménage pour le prêtre, mais cela, les jeunes religieuses ne l’acceptent plus en Chine non plus !

Nous avons jusqu’à présent parlé des communautés religieuses reconnues officiellement par le régime. Des congrégations religieuses « souterraines » existent aussi, créées et guidées par des évêques « souterrains ».

D’autres évêques optent pour une confrontation avec le régime communiste

En 2007, le Pape Benoît XVI a appelé l’Église de Chine à la réconciliation et à l’unité, et ceci est suivi de façon positive ici ou là ; mais la réconciliation est un chemin difficile et long, et cela demandera beaucoup de temps. Certains évêques et prêtres « souterrains » considèrent de leur devoir et de la fidélité à leur vocation de demeurer dans l’opposition, avec tous les malentendus que cela peut engendrer. Le qualificatif « souterrain » est à relativiser, car souvent – pas toujours cependant – ces « communautés souterraines » sont publiquement connues et visibles, mais elles ne sont pas reconnues par les autorités civiles, parce qu’elles ne se sont jamais fait reconnaître ni enregistrer officiellement. Le terme « Église non officielle » est donc plus juste que « Église souterraine ».

A strictement parler, ces communautés non officielles sont punissables, elles ne reconnaissent pas le gouvernement en place, et le gouvernement feint de les ignorer. Des autorités civiles insistent auprès de ces communautés pour qu’elles se fassent enregistrer. En plusieurs régions, cette insistance est amicale : tant que ces communautés ne procurent pas d’ennuis, les autorités ne leur en font pas non plus. Mais à d’autres endroits, les autorités locales organisent de vraies « traques » et arrêtent les prêtres, les religieuses et les chrétiens et les maltraitent. Et cela a forgé dans l’esprit de ces communautés souterraines la conviction que c’est bien leurs membres qui sont l’Église véritable. Ils disent : « l’Église du Christ est en soi une Église souffrante, l’Église officielle de Chine ne souffre pas, et nous bien. Cela prouve que nous sommes la vraie Église et qu’ils ne le sont pas ». A cela, les membres de l’Église officielle répondent qu’ils souffrent tout autant des contrôles exagérés et quotidiens des autorités communistes, mais que, par eux, l’Église existe, avec des chrétiens qui demeurent eux aussi fidèles à Rome (bien que les autorités communistes n’aiment pas entendre parler de Rome), tout en étant reconnus par la Chine.

Une mission historique pour un ordre contemplatif : vivre au cœur d’une Église divisée, prier et se donner avec ardeur pour son unité

Pour la première fois eut lieu, en juillet 1999, une réunion des supérieurs religieux, et ceci, au plan national. Ils n’étaient alors que vingt-six, mais tous n’étaient pas présents. Une assemblée formelle des supérieurs religieux n’avait pourtant pas encore été créée. Les autorités civiles ne souhaitaient pas « une association trop organisée et structurée » ; elles gardaient ainsi davantage de possibilités de contrôle.

Dans la province de Hebei, les supérieurs religieux sont mieux organisés. Ils entreprennent même des projets communs. C’est d’ailleurs également dans cette province qu’une congrégation contemplative non officielle tente de former à nouveau une communauté. Mais une collaboration ou un contact formel entre les communautés officielles et non officielles semble inexistante. Il y a bien quelques exemples de rapprochements, mais ils sont difficiles et lents. Les autorités civiles sont plus enclines à les bloquer qu’à les encourager, et cela rend les efforts plus ardus.

Toutes les communautés religieuses donnent la priorité à la formation. Déjà à partir de 1990 et avec l’autorisation des autorités civiles, un groupe de religieuses put se rendre à Hongkong pour une session de formation d’un mois. Sur ces entrefaites, plusieurs religieuses ont reçu la possibilité d’étudier la spiritualité dans d’autres pays : les Philippines, Rome, et d’autres lieux d’Europe et d’Amérique. Parmi ces religieuses, beaucoup viennent de communautés non officielles. La plupart séjournent dans les communautés religieuses locales et y reçoivent ainsi une formation à la vie religieuse.

Il n’existe pas de statistiques exactes sur l’Église en Chine. On évalue qu’il y a dans le pays plus de dix millions de catholiques (peut-être même, douze millions). Il y aurait à peu près deux mille prêtres pour l’Église officielle et mille pour l’Église non officielle. En 2007, on estimait qu’il existait trois mille quatre cents religieux dans l’Église officielle et mille deux cents pour l’Église non officielle ; on comptait alors quarante noviciats pour la première et vingt pour la seconde. Parmi les communautés non officielles, on compterait aussi des communautés contemplatives. Mais on ne peut encore que très peu en dire ou en écrire. On dira seulement que lentement, mais sûrement, la vie religieuse – même contemplative – revit en Chine.

Conclusion

Voilà donc certainement des signes d’espérance. Depuis la Lettre du Pape Benoît XVI [1], il est devenu également très clair que ces communautés religieuses ont la mission historique et très évangélique d’encourager et de travailler à la réconciliation des communautés de l’Église de Chine, c’est-à-dire de stimuler une pastorale de réconciliation et d’unité. C’est bien une priorité pleine de sens pour un ordre contemplatif : vivre au cœur d’une Église avec ses divisions internes, prier pour son unité et s’appliquer à la réaliser.

Peut-être n’a-t-il jamais été plus urgent qu’existent en Chine des congrégations contemplatives et que la prière de tous les ordres contemplatifs du monde se joigne à la prière de la vie contemplative chinoise pour que se réalise cette réconciliation.

[1Cf. « Lettre du Pape Benoît XVI aux Évêques, aux prêtres, aux personnes consacrées et aux fidèles laïcs de l’Église catholique en République populaire de Chine », Pentecôte (27 mai) 2007.

Mots-clés

Dans le même numéro