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La Congrégation des Petites Sœurs de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus d’Anguo (Chine)

Gabrielle Yang

N°2009-1 Janvier 2009

| P. 19-24 |

A la suite de l’article précédent, voici le témoignage d’une de ces Congrégations chinoises reviviscentes : instaurée en 1928 sous l’égide du Père V.Lebbe (lazariste belge naturalisé chinois), elle aida à la naissance d’autres congrégations, mais fut dispersée sous le nouveau régime ; trois membres cependant demeurèrent unis, quoique âgés, jusqu’à la renaissance des années quatre-vingts, qui vit arriver enfin, après une nouvelle vocation (l’auteur de ces lignes),d’autres entrées. Le redéploiement actuel se poursuit à partir de ces admirables fidélités, dans une situation qui n’est pas encore favorable…

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La Congrégation des Petites Sœurs de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus d’Anguo (ville district de la province du Hebei) a pour objectif de travailler à la perfection et à sauver le monde pour la gloire de Dieu. Notre devise est « Ora et Labora ». Et notre spiritualité s’appuie sur trois piliers : s’abandonner totalement, aimer réellement, dans la joie constante. Voici une histoire sommaire de notre petit institut.

Le contexte de la fondation

Le 10 octobre 1926, six évêques chinois sont ordonnés à Rome par Pie XI. Cette première ordination d’évêques chinois marque la fondation de diocèses de nationalité chinoise et l’établissement de la hiérarchie de l’Église en Chine. Ce résultat a été obtenu en grande partie grâce au Père Vincent Lebbe qui a lutté avec acharnement pendant vingt-cinq ans pour défendre la cause de l’établissement de l’Église de Chine ; il s’est fait appeler en Europe plusieurs fois pour traiter de cette affaire. L’un de ces six premiers évêques, Monseigneur Sun, était de la même Congrégation que le Père Lebbe, « la Congrégation de Saint Vincent de Paul », les Lazaristes. Et c’est donc sur l’invitation de l’évêque Sun que le Père Lebbe est retourné dans son deuxième pays, la Chine. Il s’est alors mis à servir le diocèse d’Anguo. Avec Monseigneur Sun, ils se sont rendus compte rapidement de la pénurie d’enseignants pour la mission. Au cours de leurs discussions, ils se sont lancés dans un plan grandiose pour établir une société de formation et d’enseignement de la mission, en vue du développement de l’Église de Chine.

En réalité, après l’ordination épiscopale de Monseigneur Sun, à Rome, ils étaient déjà tombés d’accord sur l’importance de fonder deux communautés religieuses : une masculine et une féminine. Aussitôt que le Père Lebbe est retourné en Chine avec la pleine confiance de Monseigneur Sun, il a d’abord demandé l’aide de la Congrégation de Saint Joseph, du diocèse de Baojing, pour fonder les Petits Frères de Saint Jean-Baptiste. A cette époque-là, il y avait pas mal de vocations. Le 19 novembre 1927, Monseigneur Sun a accueilli une vingtaine de postulants dans la cathédrale de style chinois d’Anguo. (Cette cathédrale fut la seule et unique de style architectural chinois en Chine. Malheureusement, elle a été complètement détruite dans les années 80). Ensuite il a commencé à préparer la fondation d’une Congrégation féminine.

La désignation de la nouvelle congrégation

Durant les années 1925-1927, la petite Sainte Thérèse a été canonisée et puis elle est devenue la patronne universelle de la mission. Le Père Lebbe et l’évêque Sun admiraient beaucoup la spiritualité de sainte Thérèse, parce qu’elle a un double aspect : la contemplation et la mission. Et en même temps, elle témoigne de l’enseignement du Christ et de l’humilité de sainte Thérèse. Ce sont donc les raisons pour lesquelles le Père Lebbe a donné à la congrégation le nom de “Petites Sœurs de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus”.

Sainte Thérèse était donc leur patronne et elles ont aussi pris les martyrs chinois comme deuxièmes patrons.

La naissance de la congrégation

Le 4 avril 1928, Monseigneur Sun a décrété la fondation des Petites Sœurs de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus d’Anguo, en accord avec le Carmel de Lisieux. Le 3 octobre 1929, le premier groupe de 16 postulantes est entré au noviciat. Au début de la guerre avec le Japon, la congrégation s’est développée en accueillant une centaine de religieuses, parmi lesquelles deux sœurs françaises, sœurs Luc et Zhao (sœur Luc est toujours en vie, à Taiwan). En 1939, elles ont parcouru plusieurs diocèses pour la mission. Elles ont séjourné dans la capitale, Pékin et aussi dans les provinces du Hebei, du Tianjin, du Shanxi, du Jiangsu, du Sichuan etc. Elles priaient selon la liturgie des heures. Elles travaillaient dans plusieurs domaines, par exemple la broderie, la bonneterie, l’orphelinat, l’école, la clinique et bien sûr la mission. Grâce à leurs activités, trente-cinq mille non-chrétiens se sont convertis à la religion catholique.

Durant la Guerre de Résistance contre le Japon, en 1937-1945, le Père Lebbe a formé une équipe de secours sur le champ de bataille avec des frères et des sœurs. Il est mort pendant la guerre, le 23 juin 1940, jour de la Nativité de Saint Jean-Baptiste. Il a été enterré dans la province de Sichuan, dans la montagne. Actuellement il est vénéré comme un Saint, donc il y pas mal de gens qui vont se recueillir et prier devant son tombeau pour obtenir que leurs vœux soient exaucés. Cinq Thérésiennes ont travaillé comme infirmières dans un hôpital de campagne, afin de soigner des victimes et des blessés. Sœur Ailan et Sœur Dejia sont mortes durant ce travail, en mai 1941.

En outre, Le Père Lebbe a envoyé quelques sœurs dans la province de Shandong, à Jinan, et dans celle de Shanxi, à Hongkong, afin d’aider à fonder la congrégation des Sœurs de Notre-Dame de Chine et des Sœurs de Notre-Dame immaculée. Maintenant ces deux communautés sont bien présentes dans leur diocèse.

La dispersion de la Congrégation

En 1952, les Petites Sœurs de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus ont été dispersées par le gouvernement. Une partie des religieuses a tenu de nouvelles cliniques dans plusieurs provinces et les autres résidaient en cachette dans les familles ou chez leurs amis ; plusieurs sœurs ont été mariées de force etc. Enfin, toutes les propriétés de l’Église ont été confisquées par l’État.

À cette époque-là, il restait trois sœurs, un prêtre diocésain et un frère de saint Jean-Baptise. Parmi les trois sœurs, une était toujours au lit, et le petit frère avait perdu la vue. Ils sont restés là en raison du refus de la famille, de l’entourage, d’amis ou parce qu’ils n’avaient plus de parents etc. En tout cas, ils ont mené une vie communautaire, ils n’habitaient pas loin d’Anguo, dans un four à brique. Ils vivaient comme des mendiants. Malgré la persécution et des conditions de vie extrêmement difficiles, ils ont pourtant gardé le moral. Ils se partageaient la nourriture en se soutenant mutuellement très fortement au nom de Jésus. Même si les sœurs en avaient été chassées, elles sont restées très attachées à leur congrégation en esprit.

Après l’ouverture de la Chine, elles sont trois, avec un prêtre, le Père Wang, à être revenues à côté du couvent de l’orphelinat, en 1982. Elles sont devenues les interlocuteurs de l’État pour la mise en pratique des mesures de restitution des propriétés de l’Église. Malgré leur situation difficile, leur excellent comportement a eu une influence profonde sur les masses populaires et sur l’avenir de la congrégation. En 1984, l’ancienne supérieure, sœur Guiying, a rejoint définitivement la communauté d’Anguo. Auparavant, pendant la persécution générale, elle habitait avec son neveu, mais venait fréquemment pour aider les trois sœurs. Pendant trente ans de silence, il n’y avait eu aucun espoir ni aucune liberté pour la foi chrétienne, mais ceux-ci allaient bientôt s’épanouir.

L’arbre desséché qui renaît à la vie

En 1982, elles étaient donc trois sœurs et un prêtre, tous âgés de plus de 80 ans. Deux raisons les ont poussées à relancer la congrégation des Petites Sœurs de Sainte Thérèse. Premièrement et avant tout, pour continuer l’œuvre du Père Lebbe. Deuxièmement, pour diminuer la charge qui pesait sur les fidèles laïcs, parce qu’à ce moment là, c’était des laïcs volontaires qui avaient pris soin d’elles. En 1986, le Père Wang (qui était le curé de la paroisse d’Anguo) et Père Pan (à ce moment-là, il était délégué du diocèse de Baoding), se sont mis d’accord avec les trois sœurs pour recruter de nouvelles postulantes. Puis ils ont demandé la permission du bureau religieux. Quelques mois plus tard, ils ont reçu une réponse positive. Le Père Wang a d’abord envoyé le règlement d’admission des postulantes à plusieurs diocèses. Ensuite, il a ramassé les briques jetées dans la rue pour construire des lits, des chaises et des tables, pour les futures sœurs. Le premier février 1987, une jeune fille est venue de tout près d’Anguo : c’est Gabrielle. Lentement, lors la fête de la Présentation de Jésus, trois jeunes filles sont venues du diocèse de Xingtai. Ces événements ont procuré de la joie aux trois sœurs plus âgées et au Père Wang. Ils ont rendu grâce au Seigneur pour l’arrivée de quatre postulantes. En 1990, après la fête de l’Assomption, les petites sœurs ont accueilli sœur Paulin, de la Congrégation : avant la Guerre de résistance contre le Japon, elle en était la supérieure générale. Pendant des années, après la dispersion de la communauté, elle a habité dans sa propre famille. Et voilà qu’elle a retrouvé la vie religieuse en communauté ! Le 15 octobre 1990, elle a accueilli le premier groupe de dix sœurs de vœux temporaires, après plus de cinquante ans de vocation ininterrompue dans la Congrégation. Durant les années 1991-1996, deux sœurs d’Anguo ont été invitées par l’évêque de Shijiazhuang pour aider à réinstaller la Congrégation de Saint Joseph. Aujourd’hui, cette Congrégation est indépendante. En 1995, sœur Paulin est décédée, âgée de 86 ans. Le premier octobre 1996, le premier groupe de neuf sœurs depuis le renouvellement de la communauté d’Anguo, a fait les vœux perpétuels. Aussitôt, elles ont convoqué un chapitre : la petite sœur Raphaëlle a été élue supérieure générale. En 2002, elle a été réélue jusqu’au premier octobre 2006. Actuellement, c’est sœur Madeleine qui est supérieure générale de la communauté d’Anguo. De nos jours, les sœurs âgées et le Père Wang sont chez le Seigneur.

Une nouvelle période du développement

En 2006, l’État a rendu les propriétés de l’Église à hauteur d’un tiers de la superficie des anciens terrains. Les sœurs ont donc reconstruit un nouveau couvent, ainsi qu’une clinique à Anguo. Trois autres cliniques se trouvent maintenant dans trois villages de trois paroisses différentes. Actuellement, la congrégation des Petites Sœurs de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus d’Anguo compte quarante-huit sœurs, soit trente-six sœurs de vœux perpétuels, dix sœurs de vœux temporaires et deux postulantes. Elles sont venues du Hebei, du Henan, du Shandong, du Shanxi. A présent, elles sont formées dans plusieurs domaines, par exemple, la broderie, la bonneterie, le travail médical, l’accompagnement des personnes âgées, la gestion d’une maison de repos, la société de Jinde (c’est une organisation catholique), à Shijiazhuang, la pastorale et la catéchèse. Deux sœurs travaillent comme économes dans le diocèse de Baoding. Durant le tremblement de terre du Sichuan, trois sœurs sont allées dans cette province pour soigner des victimes, des blessés. Maintenant sœur Michèle travaille en permanence comme directrice dans ces affaires. Cinq sœurs font du travail d’évangélisation dans les diocèses suivants : Shijiazhuang, Baoding, Xingtai, Handan, Zhangjiakou, Shandong, Langfang, Xianxian, etc. Elles visitent quatre provinces, une quarantaine de paroisses animées par l’amour de Dieu, la spiritualité de sainte Thérèse et du Père Lebbe.

Enfin, bien que cette congrégation ait passé plusieurs périodes pénibles, ses sœurs continuent de confier totalement leurs œuvres à Dieu, en croyant que le Seigneur est toujours en marche avec elles. A présent, même si la situation n’est pas favorable, elles continuent de célébrer, de proclamer, de témoigner au nom de l’évangile en servant les pauvres avec beaucoup d’amour et de joie pour le Royaume de Dieu, dans le monde, avec le monde et pour le monde.

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