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La correspondance de Thérèse de Lisieux avec ses « frères » prêtres

Trois vocations au service d’un même apostolat

Simon Chouanard

N°2005-2 Avril 2005

| P. 107-124 |

L’étonnante correspondance de Thérèse de Lisieux avec deux jeunes prêtres montre à quel point la jeune carmélite s’adapte à des hommes aux destins contrastés. Elle indique aussi comment la vocation apostolique prend des formes diverses, unies par un seul Amour.

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Durant les deux dernières années de sa vie, Thérèse s’est vue confier la mission de prier pour un séminariste et un prêtre, puis de correspondre avec eux. Si cette correspondance particulière est à même de nous laisser apercevoir l’âme de Thérèse dans son domaine de prédilection, la lecture de tels textes laisse apparaître en outre, comme nous tâcherons de le manifester, une aptitude remarquable à s’adapter à différents interlocuteurs.

Auparavant, signalons qu’une telle démarche ne saurait se départir de la lecture des Manuscrits autobiographiques (ou Histoire d’une âme) où l’on voit Thérèse approfondir le mystère du sacerdoce. Dans le Manuscrit A, on découvre son enfantine idéalisation des prêtres, puis, à partir de sa prière pour Pranzini, sa profonde compréhension de leur mission en même temps que de leurs limites (lors du voyage à Rome qui la détermine à prier pour eux). Dans le Manuscrit B ensuite, on admire, au cœur de la transcription des harmoniques de sa vocation, sa soif apostolique inouïe. Plus directement encore, dans le Manuscrit C, on se trouve comme introduit dans cette mission particulière. Disons-en un mot.

L’acceptation d’une double mission (Manuscrit C)

Thérèse se souvient d’avoir toujours été habitée par le regret de ne pas avoir eu de frère prêtre qui eut prié pour elle à l’autel [1]. Ce vœu se voit comblé et dépassé au Carmel, par le don de deux frères qui se confient à sa prière. Le premier, Maurice Bellière, séminariste, demande, en 1895, une sœur qui puisse se dévouer spécialement au salut de son âme et à sa mission. Thérèse note qu’ »il promettait d’avoir toujours un souvenir pour celle qui deviendrait sa sœur, lorsqu’il pourrait offrir le Saint Sacrifice ». À la joie immense avec laquelle elle accueille cette mission [2], succède une déconvenue, car le jeune homme ne donne guère de nouvelles avant la fin de son service militaire. La correspondance ne commencera qu’à partir du mois d’octobre de l’année suivante. Entre temps, à la fin du mois de mai, interviendra l’acceptation d’une autre mission des mains de la Prieure revenue en charge, Marie de Gonzague. Thérèse est une fois de plus enthousiaste. Mais la crainte scrupuleuse d’être moins efficace à la tâche l’inquiète, jusqu’à ce qu’elle finisse par concéder que l’obéissance doublant le mérite, le compte est bon [3].

Cette correspondance peut être envisagée selon l’ordre historique et donc simultané [4] ou selon l’ordre relationnel, séparément [5]. L’une et l’autre méthode manifestent la délicatesse d’une Thérèse pourtant très affaiblie, sa capacité à établir une relation personnelle fort ajustée. Nous optons pour une présentation en deux tableaux successifs.

La correspondance avec « le cher petit frère », l’abbé Bellière (octobre 1896 – octobre 1897)

Le correspondant

La vie de Maurice Bellière [6] est d’emblée marquée par de tristes épreuves, aux séquelles affectives certaines. Né à Caen le 19 juin 1874, il perd sa mère à quelques jours. Recueilli par sa tante, il ne verra presque jamais son père et l’oncle qui le remplace meurt en mer. Après le petit séminaire, il entre à vingt ans au grand séminaire, en s’interrogeant sur un appel à la mission. Il demande alors au Carmel de Lisieux une sœur spirituelle, ce qu’on lui accorde en la personne de Thérèse. Le jeune lévite remercie Mère Agnès qui lui a transmis la prière que Thérèse a composée pour lui ; il envoie un cachet du Sacré-Cœur à signer pour sceller « l’association divine [7] ». À la fin de son service militaire, il rédige une lettre à Mère Agnès en évoquant « des chutes, des sottises inouïes [8] ». En septembre, lorsqu’il revient, calmé, au séminaire, il écrit à la « nouvelle » Prieure, Mère Marie de Gonzague, qui confie directement la correspondance à Thérèse. Vingt-deux lettres seront ainsi échangées, de l’automne 1896 jusqu’à la mort de la sainte.

Premier échange (octobre et novembre 1896)

Dans la première lettre à son frère spirituel, Thérèse commence par faire mémoire de ce service militaire, en bénissant le Ciel. Ce premier document révèle la façon dont elle se situe par rapport au séminariste. D’abord, la mission est reçue de la Mère prieure qui est malade : Thérèse se présente comme suppléante. Mais elle souligne qu’elle se réjouit personnellement du prompt rétablissement de son frère, ayant beaucoup craint et prié pour lui. Elle commente (LT 198 [9]) :

Maintenant que l’orage est passé, je remercie le Bon Dieu de vous l’avoir fait traverser…

Mais elle se hâte de montrer que cette vision des choses est avant tout celle de l’Écriture :

… car nous lisons dans nos saints livres ces belles paroles : « Bienheureux l’homme qui a souffert la tentation », et encore « Celui qui n’a pas été tenté, que sait-il ?… »

Et elle argumente avec bon sens :

… En effet lorsque Jésus appelle une âme à diriger, à sauver des multitudes d’autres âmes, il est bien nécessaire qu’il lui fasse expérimenter les tentations et les épreuves de la vie.

Thérèse conclut avec la perspective d’un avenir missionnaire, lequel ne peut être envisagé que comme un projet de sainteté soutenu par sa prière ; en échange de quoi :

Je vous supplie de m’obtenir aussi cet amour afin que je puisse vous aider dans votre œuvre apostolique…

Précisant ce point, elle se qualifie elle-même d’apôtre, ce qui est remarquable :

… Vous le savez, une carmélite qui ne serait pas apôtre s’éloignerait du but de sa vocation et cesserait d’être fille de la Séraphique Sainte Thérèse qui désirait donner mille vies pour sauver une seule âme.

Cette première prise de contact est éloquente. Thérèse s’efface devant sa Mère supérieure pour ce qui est de la mission reçue, devant l’Écriture pour ce qui est du conseil spirituel à donner et devant le charisme et la tradition de son ordre pour ce qui est de sa définition comme apôtre de et avec Bellière. À partir de là, vingt et une lettres vont être échangées en une année.

Sauver par la souffrance et vivre d’amour (décembre et janvier 1897)

Le séminariste répond un mois après (« Ma bonne petite Sœur… ») en donnant surtout de ses nouvelles ; il l’entretient d’une préoccupante expectative le concernant : le séminaire des Missionnaires d’Afrique. Thérèse, assurant depuis six mois la correspondance avec le père Adolphe Roulland dont nous parlerons plus loin, est elle-même habitée de projets de départ pour le Tonkin, alors que la maladie commence à la miner. En fait, Maurice restera encore une année au séminaire avant de partir effectivement à l’automne suivant pour Alger. Thérèse doit, selon les usages du Carmel, attendre Noël pour répondre. Au vu de la suite, on comprend que Thérèse a déjà saisi le caractère de son correspondant ; elle commence donc par lui montrer le véritable sens de la souffrance chrétienne – apostolique en l’espèce :

Un Saint l’a dit : Le plus grand honneur que Dieu puisse faire à une âme, ce n’est pas de lui donner beaucoup, c’est de lui demander beaucoup ! Jésus vous traite donc en privilégié. Il veut que déjà vous commenciez votre mission et que par la souffrance vous sauviez les âmes. N’est-ce pas en souffrant, en mourant que Lui-même a racheté le monde ?… Je sais que vous aspirez au bonheur de sacrifier votre vie pour le divin Maître, mais le martyre du cœur n’est pas moins fécond que l’effusion de sang et dès maintenant ce martyre est le vôtre ; j’ai donc bien raison de dire que votre part est belle, qu’elle est digne d’un apôtre du Christ (LT 213).

Pour Thérèse, il n’y a donc pas de mission demain : la présence de souffrances est justement le signe que la mission a commencé. La vocation apostolique du séminariste est donc immédiatement missionnaire, comme la sienne :

Travaillons ensemble au salut des âmes, nous n’avons que l’unique jour de cette vie pour les sauver et donner ainsi au Seigneur des preuves de notre amour. Le lendemain de ce jour sera l’éternité, alors Jésus vous rendra au centuple les joies si douces et si légitimes que vous lui sacrifiez, il connaît l’étendue de votre sacrifice… (LT 213).

Par ailleurs, la Mère prieure envoie au futur missionnaire le poème Vivre d’Amour ! [10], devançant Thérèse dans son enseignement. Il semble bien que l’abbé soit profondément touché par cette poésie, dont il reprendra dans sa correspondance des versets, comme un bon élève qui veut prouver que la leçon a été bien comprise.

Le semestre janvier-juin 1997

Huit lettres sont échangées durant cette période de l’été où s’intensifiera la correspondance. Les deux âmes vont d’abord se tourner vers la mission et se découvrir une même soif apostolique. La volonté de mieux connaître l’autre transparaît, surtout de la part de Maurice Bellière, plus extraverti. Les enveloppes s’épaississent : envoi du cachet du Sacré-Cœur, poésies, prières, dessins, échange des dates importantes qui ont jalonné la vie de chacun. Ils en viennent à réfléchir aux prénoms à donner au premier enfant que Maurice baptisera en mission ! Pour finir, ils s’échangeront leurs photos et décideront même des objets dont héritera l’abbé. Ils constatent que leurs âmes se ressemblent beaucoup sur certains points, comme ce sens du combat, avec sa représentation militaire et patriotique, qui converge dans la figure de Jeanne d’Arc. Mais les aspirations ne disent pas tout des tempéraments.

Avant la fin du Carême, Thérèse tombe gravement malade ; elle a encore six mois à vivre et pense partir beaucoup plus tôt. Maurice met du temps à comprendre que le désir de quitter la patrie chez Thérèse n’est pas un vœu pieux mais une réalité présente. Il faut dire que Thérèse ne dit mot de sa santé.

À partir de Pâques, Thérèse passe du « Monsieur l’Abbé » à « Mon cher petit Frère » et compare leur union dans le Cœur de Jésus à celle de Marguerite-Marie et Claude La Colombière [11]. La correspondance se poursuit, avec en arrière fond le poème cité, que Bellière répète de nouveau à la fin du semestre ; il ignore encore l’état de santé de sa « sœur », descendue à l’infirmerie début juillet, tout en ayant repris, sur ordre, son autobiographie.

La correspondance de l’été 1897, les adieux et la fin

Au début de l’été, le ton change. La sainte connaît une grave rechute début juin lui faisant écrire une lettre d’adieu qui n’est finalement pas envoyée [12], mais dont la teneur sera reprise en juillet [13]. Maurice, de son côté, prépare dans l’angoisse le grand départ prévu pour la rentrée. Les deux souffrances communient et la correspondance s’intensifie.

La lettre non expédiée en est la preuve formelle, Thérèse se trouve plus que jamais préparée à partir bientôt. Elle reprend, à la fin du mois, la correspondance habituelle et semble manifester, à l’approche de la mort, le désir de toucher le cœur de son frère sur un point précis. Avec délicatesse, elle commence par rassurer Maurice qui se confondait en excuses sur sa propension à l’embarrasser de confidences. Le raisonnement de la carmélite est subtil : si ces confidences sont le récit des merveilles que Dieu fait dans la vie de l’abbé, elles sont son secret, mais il lui arrive de révéler ses secrets aux petits, dont elle est. Ce qui lui permet de dire audacieusement :

… après avoir lu votre première lettre du 15 oct. 95 j’ai pensé la même chose que votre Directeur : Vous ne pourrez être un saint à demi, il vous faudra l’être tout à fait ou pas du tout. – J’ai senti que vous deviez avoir une âme énergique et c’est pour cela que je fus heureuse de devenir votre sœur (LT 247).

Et puisqu’il se repent de sa jeunesse qu’il juge gaspillée, elle lui donne l’exemple de sainte Madeleine, qui a compris :

… les abîmes d’amour et de miséricorde du Cœur de Jésus, et que toute pécheresse qu’elle est, ce Cœur d’amour est non seulement disposé à lui pardonner, mais encore à lui prodiguer les bienfaits de son intimité divine, à l’élever jusqu’aux plus hauts sommets de la contemplation.

Elle poursuit :

Ah ! mon cher petit Frère, depuis qu’il m’a été donné de comprendre aussi l’amour du Cœur de Jésus, je vous avoue qu’il a chassé de mon cœur toute crainte. […] Comment, lorsqu’on jette ses fautes avec une confiance toute filiale dans le brasier dévorant de l’Amour, comment ne seraient-elles pas consumées sans retour ? (LT 247).

Sans blâmer son repentir, elle l’assure que la miséricorde importe davantage, qu’il peut d’autant plus être confiant qu’ils sont deux à porter l’expiation – Thérèse pensant d’ailleurs être plus efficace avec « sa manière » ou sa « voie ». Significative à cet égard, la lettre de juin marque le désir de notre carmélite de transmettre, quand il est encore temps, une idée dont elle demeure foncièrement habitée. Maurice accueille docilement ce qu’il reconnaît comme un enseignement nouveau pour lui :

Savez-vous que vous m’ouvrez des horizons nouveaux – dans votre dernière lettre particulièrement, je trouve des aperçus sur la miséricorde de Jésus, sur la familiarité qu’Il encourage, sur la simplicité dans les relations de l’âme avec ce grand Dieu qui m’avaient moins touché jusqu’à présent, parce que sans doute ils ne m’avaient pas été présentés avec cette simplicité même et cette onction que votre cœur prodigue et j’ai pensé comme vous – mais je n’arrive qu’imparfaitement à cette simplicité délicieuse que je trouve étonnante, parce que je suis orgueilleux et que je compte encore trop sur les choses créées.

Non, chère petite Sœur, vous ne vous êtes pas mal expliquée – vous avez raison – j’ai bien compris vos théories et, comme vous le dites si bien et si bonnement, je m’en remets pleinement à N. Seigneur et à vous, c’est le plus sûr – Je regarde comme venant de Jésus même tout ce que vous me dites, j’ai pleine confiance en vous et me règle sur votre manière que je voudrais faire mienne (LC 188 [14]

Dans le même temps [15], un nouveau billet d’adieu (LT 253) est envoyé [16]. Bouleversé par l’annonce de ce départ imminent et la solitude qu’il impliquera, Maurice confesse avec une humilité touchante sa difficulté à l’accepter ; il tâche en même temps de s’abandonner comme elle à la volonté de Dieu (LC 189).

On pourrait croire la correspondance close. Mais Thérèse doit vivre encore plus de deux mois et mourra les armes à la main (sa plume en l’occurrence), pour soutenir son frère. Elle écrira encore quatre lettres pour achever d’équiper son aspirant missionnaire. Elle précise que sa joie de mourir est pure, qu’elle lui vient simplement de la certitude d’accomplir la volonté de Dieu. En lui promettant de continuer à l’enseigner bientôt depuis le Ciel, elle lui prodigue sa théorie sur l’« ascenseur de l’amour » qu’elle oppose au « rude escalier de la crainte », prenant l’exemple de l’enfant espiègle qui se jette dans les bras de son Père [17], ou citant la parabole du fils prodigue. Elle se permet enfin de corriger son élève dans sa dernière lettre [18] :

Je vous avoue, mon petit frère, que nous ne comprenons pas le Ciel de la même manière. Il vous semble que participant à la justice, à la sainteté de Dieu, je ne pourrai comme sur la terre excuser vos fautes. Oubliez-vous donc que je participerai aussi à la miséricorde infinie du Seigneur ? Je crois que les Bienheureux ont une grande compassion de nos misères, ils se souviennent qu’étant comme nous fragiles et mortels, ils ont commis les mêmes fautes, soutenu les mêmes combats et leur tendresse fraternelle devient plus grande encore qu’elle ne l’était sur la terre, c’est pour cela qu’ils ne cessent de nous protéger et de prier pour nous (LT 263).

Maurice reprend la leçon, la récitant avec ses propres mots tout en prenant conscience de son tempérament. L’expérimentation de cette nouvelle voie semble lui offrir une meilleure connaissance de lui-même [19]. Petit à petit, il se résigne à perdre la présence temporelle de Thérèse et communie à son abandon : cette question est abordée à chacune des lettres et connaît une lente progression jusqu’à cette belle lettre du retour de Lourdes où il assure d’avoir seulement prié pour qu’elle soit prête. La « dépendance » spirituelle et affective de Bellière ne s’amplifie pas moins, pendant que Thérèse use de son côté de sa douce autorité, en bonne maîtresse des novices :

Jésus a depuis bien longtemps oublié vos infidélités, seuls vos désirs de perfection sont présents pour réjouir son cœur. Je vous en supplie ne vous traînez plus à ses pieds, suivez ce premier élan qui vous entraîne dans ses bras, c’est là votre place, et j’ai constaté plus encore que dans vos autres lettres qu’il vous est interdit d’aller au Ciel par une autre voie que celle de votre pauvre petite sœur (LT 261).

Très pédagogue, Thérèse réfère toute sa doctrine à l’amour du Cœur de Jésus dont la spiritualité anime Bellière [20] ; aucune lettre n’omet cette référence qui devient un véritable fil rouge de leur correspondance.

Maurice enverra sa dernière missive de jeune missionnaire, ignorant encore la mort de sa sœur. En une émouvante action de grâce il remercie sa sœur d’être aujourd’hui « missionnaire de Jésus » et d’en être heureux. Mais la suite est moins simple.

Ordonné quatre ans après la mort de Thérèse [21], il est envoyé en 1901 au Nyassaland [22] pour quatre années durant lesquelles il parcourt la brousse tout en étant instituteur, catéchiste et bâtisseur. Divers reproches lui sont alors faits : rigidité dans sa manière de faire, absences fréquentes de son poste et trop grande proximité avec les Anglais. Il échoue dans la direction d’un autre poste et surtout, sa santé se détériore. Retournant en France sans permission,
il est convoqué par ses supérieurs qui le renvoient dans sa mission, sans responsabilité. A nouveau en France, il contracte une forte fièvre qui le conduit au sanatorium où il est réputé aliéné. L’un de ses amis de séminaire le fait hospitaliser au Bon Sauveur de Caen (où séjourna le père de Thérèse) ; il y meurt à l’âge de 33 ans [23].

La correspondance missionnaire avec le père Adolphe Roulland (juin 1896 – septembre 1897)

Le correspondant

Adolphe Roulland [24] naît à Cahagnolles (Bayeux), le 13 octobre 1870. Sa mère est une fervente chrétienne mais son père, maréchal-ferrant, est indifférent à la religion et Adolphe commence à travailler avec lui, ne suivant la classe qu’à l’âge de quinze ans, au petit séminaire. Pendant les vacances de ses vingt ans, il s’interroge sur le sacerdoce, effectue un pèlerinage qui « sauve sa vocation [25] », et entre au séminaire. Après deux ans, il rejoint, bien recommandé, celui des Missions Étrangères à Paris. Ordonné en juin 1896, il peut célébrer une première Messe au Carmel [26] ; il embarque le 2 août à Marseille pour un long voyage à destination de la Chine. À ce moment-là, la correspondance a déjà commencé.

Une remarque sur l’ensemble

À la manière de certains fonds marins dont la transparence nous illusionne quant aux distances, la correspondance du père Roulland et de sœur Thérèse, nous conduit par sa simplicité même, à un certain niveau de profondeur. Rafraîchissant par la « sainte gaieté » qui en émane de bout en bout, cet échange de courrier y envisage la mort comme la vie, la souffrance comme la
fécondité apostolique, et tout y est vu dans l’abandon et la confiance. C’est pourquoi ces échanges épistolaires méritent plus d’être lus qu’analysés !

Avec une saison d’avance sur celle de Bellière, la correspondance est moins fournie, mais peut être regardée en deux temps.

La correspondance métropolitaine de l’été 1896

En juin 1896, Mère Marie de Gonzague invite Thérèse à écrire à celui qui est encore aspirant missionnaire pour quelques jours. Cette première lettre est d’abord marquée par une forte insistance sur l’apostolat :

Je dois [à cette vénérée Mère] le bonheur intime d’être unie à vous par les liens apostoliques de la prière et de la mortification… Je me sens bien indigne d’être associée spécialement à l’un des Missionnaires de notre Adorable Jésus… mon Céleste Epoux… exaucera les désirs de mon âme en fécondant votre apostolat. Je serai vraiment heureuse de travailler avec vous au salut des âmes ; c’est dans ce but que je me suis faite carmélite ; ne pouvant être missionnaire d’action, j’ai voulu l’être par l’amour et la pénitence comme Sainte Thérèse… (LT 189).

Ici, Thérèse se décrit comme « une âme [qui] prie sans cesse le Divin Prisonnier d’Amour, pour le succès de votre glorieuse conquête ». Ajoutons qu’au désir apostolique se mêle encore celui qui vient de ce rêve enraciné en elle d’avoir un frère prêtre : « Depuis longtemps je désirais connaître un Apôtre qui voulût bien prononcer mon nom au Saint Autel le jour de sa première Messe… »

La première lettre du jeune prêtre est écrite en juillet (donc, après les parloirs de juin), depuis la rue du Bac ; il décrit de façon émouvante les courageux adieux à sa famille ; la fin est particulièrement intéressante car leur relation est envisagée à travers une image biblique que Thérèse reprendra avec joie. On sent qu’ils se sont déjà compris et qu’il y aura plus à faire (par la prière pour Thérèse, par la mission pour Adolphe) qu’à écrire :

Je pars heureux parce que je sais que notre apostolat, c’est-à-dire le vôtre et le mien, sera béni du bon Dieu ; sur la montagne du Carmel une âme priera pour le succès des armes de celui qui combattra dans la plaine.

Le père Roulland sait que Thérèse attend de lui qu’il remplisse sa mission sacerdotale auprès d’elle :

Tous les jours au St Sacrifice, je prononcerai le nom de Sr Thérèse de l’Enfant Jésus – si comme vous l’espérez vous allez au Ciel avant moi, je continuerai de prier pour vous : je dirai : j’offre ce sacrifice pour le repos de l’âme de ma sœur en Jésus en priant la Ste Vierge de faire ce qu’elle voudra des mérites dont vous aurez le plus besoin.

Dès le 30 juillet, Thérèse appelle le jeune prêtre « Mon frère » (et non « Mon cher petit frère », réservé à Bellière). Elle a obtenu de lui sa photographie et lui a envoyé sur sa demande une vie de sainte Thérèse ; elle lui copie en outre des passages commentés du prophète Isaïe pour les lui appliquer. La conclusion de cette lettre montre qu’il s’agit désormais d’un seul et même apostolat :

À Dieu, mon Frère… la distance ne pourra jamais séparer nos âmes, la mort même rendra notre union plus intime. Si je vais bientôt dans le Ciel, je demanderai à Jésus la permission d’aller vous visiter au Su-tchuen et nous continuerons ensemble notre apostolat. En attendant je vous serai toujours unie par la prière et je demande à Notre Seigneur de ne jamais me laisser jouir lorsque vous souffrirez. Je voudrais même que mon Frère ait toujours les consolations et moi les épreuves, c’est peut-être égoïste ?… Mais non, puisque ma seule arme est l’amour et la souffrance et que votre glaive est celui de la parole et des travaux apostoliques (LT 193).

Cette dernière affirmation montre que Thérèse, dont on sait l’admiration pour l’office de prédication, ne cherche pas à enseigner son interlocuteur. Elle lui partage ce qu’elle vit et redit le sens de leur union apostolique – qu’ils comprennent tous deux comme s’ils y avaient été prédestinés.

La correspondance missionnaire

Une splendide lettre du missionnaire qui a foulé le sol de la Chine fin septembre inaugure les pittoresques récits du P. Roulland, pour lesquels tout le Carmel se passionnera.

Thérèse y répond d’une façon qui marque éloquemment la différence avec la correspondance avec Bellière. Saisie par l’apostolat et la sainteté du jeune prêtre (son obéissance par exemple), elle découvre en plus la coïncidence du 8 septembre 1890 [27] dans leurs vies respectives, ce qui lui permet, dans une grande action de grâce, de confier sa vie à son frère en la lui racontant, lui manifestant qu’ils sont bien habités de la même audace. Elle lui commande d’avance une relique de ses cheveux, lui ayant souhaité pour vœux celui du martyre – sûre d’être comprise. Elle reprend avec joie la comparaison de la première lettre d’Adolphe : vous êtes Josué combattant dans la plaine, je suis un petit Moïse dont Jésus soutient les bras. Cette image nous permet, en outre, de comprendre combien Thérèse se sent « prêtre », dans cette « position » fort médiatrice. Enfin, elle le loue encore pour une petite exhortation qu’il fit à la Mère prieure.

Autant d’éléments qui nous confortent dans l’idée qu’avec Roulland, Thérèse est beaucoup plus petite sœur, presque fille, comparée à la grande sœur ou au maître des novices qu’elle est pour Bellière, jouant un rôle maternel, voire paternel.

Bientôt, mais non pour s’en plaindre, le père Roulland fait part des premières difficultés (maladie, persécutions, famines…). On note une certaine maturité spirituelle, du haut de ses 27 ans : « Il ne faut pas demander que je ne souffre pas, mais bien que je sache souffrir ». Depuis le début, son regard n’est porté que vers les Chinois ; il fait peu de cas de sa personne, se prêtant même à raconter des histoires amusantes.

Dans une lettre de mars [28], Thérèse se confie au sujet de son désir contrarié d’aller au Tonkin – son pauvre corps le retenant ici. Elle livre aussi sa doctrine sur le purgatoire en expliquant qu’à sa mort, elle ne souhaite pas de prières pour la délivrer des flammes : il se pourrait qu’elle puisse poursuivre sa mission en ce lieu et sauver d’autres âmes ! Toutefois, elle revient, à ce sujet, sur certaines affirmations de son grand frère. Celui-ci affirmait dans sa lettre de février :

Enfin nous sommes à la disposition du Bon Dieu, si les brigands m’assassinent et si je ne suis pas digne d’entrer immédiatement au Ciel, vous me tirerez du purgatoire et j’irai vous attendre au Paradis (LC 175).

Elle se permet de le reprendre, le 9 mai, à ce propos :

Je ne comprends pas, mon frère, que vous paraissiez douter de votre entrée immédiate au Ciel si les infidèles vous ôtaient la vie. Je sais qu’il faut être bien pur pour paraître devant le Dieu de toute Sainteté, mais je sais aussi que le Seigneur est infiniment Juste et c’est cette justice qui effraye tant d’âmes qui fait le sujet de ma joie et de ma confiance. Etre juste, ce n’est pas seulement exercer la sévérité pour punir les coupables, c’est encore reconnaître les intentions droites et récompenser la vertu. J’espère autant de la justice du Bon Dieu que de sa miséricorde. C’est parce qu’Il est juste qu’« Il est compatissant et rempli de douceur, lent à punir et abondant en miséricorde. Car Il connaît notre fragilité, Il se souvient que nous ne sommes que poussière. Comme un père a de la tendresse pour ses enfants, ainsi le Seigneur a compassion de nous »… O mon Frère ! en entendant ces belles et consolantes paroles du Prophète-Roi, comment douter que le Bon Dieu ne puisse ouvrir les portes de son royaume à ses enfants qui l’ont aimé jusqu’à tout sacrifier pour Lui, qui non seulement ont quitté leur famille et leur patrie pour le faire connaître et aimer, mais encore désirent donner leur vie pour Celui qu’ils aiment… Jésus avait bien raison de dire qu’il n’y a pas de plus grand amour que celui-là !

… Je voulais simplement dire qu’il me semble que tous les missionnaires sont martyrs par le désir et la volonté et que par conséquent, pas un ne devrait aller en purgatoire. S’il reste dans leur âme au moment de paraître devant Dieu quelque trace de faiblesse humaine, la Ste Vierge leur obtient la grâce de faire un acte d’amour parfait et puis leur donne la palme et la couronne qu’ils ont bien méritées.
Voilà, mon Frère, ce que je pense de la justice du Bon Dieu, ma voie est toute de confiance et d’amour, je ne comprends pas les âmes qui ont peur d’un si tendre Ami (LT 226).

Et la suite de décrire la petite voie. C’est, nous semble-t-il, l’unique passage où elle s’autorise à ce point la communication de ses convictions intimes, ne laissant pas de rappeler qu’elle est le zéro et qu’il est l’unité et qu’elle se range du bon côté, donc après lui, pour décupler son travail.

Enfin, la dernière lettre de Thérèse date du 14 juillet ; elle mériterait d’être lue intégralement puisqu’elle offre un condensé de cette amitié apostolique à travers des adieux anticipés de trois mois. Thérèse y précise encore que son désir du Ciel n’est pas celui du repos mais de l’accomplissement de la volonté de Celui qui l’y attire. L’évocation naturelle de la mort jalonne d’ailleurs, nous l’avons dit, l’ensemble des textes des deux amis, sans jamais donner lieu à des contestations (comme avec Maurice), puisqu’elle est désirable pour chacun d’eux.

Ce qui est frappant dans cette correspondance, encore une fois, c’est la sérénité qui la traverse d’un bout à l’autre, tant chez le missionnaire éprouvé par la rudesse de l’apostolat que chez la carmélite devenue tuberculeuse.

Le père Adolphe Roulland après 1897

La mission du père Roulland en Chine, commencée en août 1896, débute par une année de formation sur le terrain, avant qu’on ne lui confie la charge du district de Leang-Chang, puis d’un autre, récemment meutri par des persécutions. Mais, après treize ans de ministère, il doit quitter la Chine, pour être nommé directeur au séminaire de la rue du Bac (nomination qui était sa hantise [29]).

Il témoignera au Procès Ordinaire pour la béatification de sa sœur, en janvier 1911, et déposera de même pour le Procès Apostolique, en avril 1917, année où il refuse la charge épiscopale. Chapelain et directeur d’un noviciat dans la Marne, il assistera à la béatification et à la canonisation de Thérèse et lui restera très fidèle jusqu’à sa mort en 1934.

Deux correspondances, une mission

Nous avons insisté sur la disparité de ces deux correspondances. En un mot qu’il y a celle du petit frère Maurice et celle du grand frère Adolphe. Pour finir, nous voudrions souligner, en allant de l’extérieur vers l’intérieur, leur étonnante unité.

Le ton très affectueux des échanges, dont de simples extraits ne sauraient donner une véritable idée, se repère dans les deux cas. Certes, le style de l’époque contribue à créer cette ambiance intime et cordiale. Mais à y regarder de près, il devrait alors s’agir d’une correspondance familiale ; or, si nous nous habituons bien vite à cette proximité frère-sœur, il faut nous imaginer les mondes clos que représentent d’un côté la montagne du Carmel et de l’autre, le clergé de la plaine, et nous en étonner. Thérèse se montre en réalité très audacieuse ; elle qui invite à prendre Jésus par le cœur et n’emploie pas d’autre méthode avec ses frères humains. Serait-ce son expérience de jeune formatrice qui lui inspire une telle conduite ? Sans doute, mais aussi ses convictions spirituelles, fruits de sa propre expérience, sont sans ambages. Leur simplicité appelle cette spontanéité, qui n’est en rien familière, mais en tout délicate. Ce ton léger permet à Thérèse de pouvoir toucher les cœurs sans les froisser – la vérité n’effraye personne quand elle s’avance pieds nus.

Plus profondément encore, l’unité procède de la vocation apostolique elle-même. Voilà un don précieux que les trois normands, Maurice, Adolphe et Thérèse partagent de toute évidence.

L’embrasement démesuré des vocations qui habitent la carmélite semble se nourrir d’un seul et même désir qui s’étend à toutes les révélations de l’Amour, lesquelles constituent autant de facettes d’un seul et même apostolat, celui de Jésus se donnant aux âmes. Cet épanchement universel est celui l’Amour divin et la prière de Thérèse intercède pour lui donner de se répandre plus totalement sur le monde, en particulier à travers les pauvres mains de ces deux hommes qui comptent avec confiance sur le cœur ardent de leur sœur.

Gageons que ces trois jeunes gens réunis par l’apostolat ici-bas le sont encore au Ciel, où semble-t-il, il n’est point de repos [30].

[1Ms C, 31 vo.

[2« Ma Mère, vous dire mon bonheur serait chose impossible, mon désir comblé d’une façon inespérée fit naître dans mon cœur une joie que j’appellerai enfantine, car il me faut remonter aux jours de mon enfance pour trouver le souvenir de ces joies si vives que l’âme est trop petite pour les contenir, jamais depuis des années je n’avais goûté ce genre de bonheur. Je sentais que de ce côté mon âme était neuve, c’était comme si l’on avait touché pour la première fois des cordes musicales restées jusque-là dans l’oubli » (Ms C 32 ro).

[3Elle écrira même un an après : « J’espère avec la grâce du Bon Dieu être utile à plus de deux missionnaires et je ne pourrais oublier de prier pour tous, sans laisser de côté les simples prêtres dont la mission parfois est aussi difficile à remplir que celle des apôtres prêchant les infidèles » (Ms C 33 vo).

[4C’est le choix de la Nouvelle édition du Centenaire (NEC), SAINTE THÉRÈSE DE L’ENFANT-JÉSUS ET DE LA SAINTE-FACE, Édition critique des Œuvres complètes (Textes et Dernières paroles). Nouvelle édition du Centenaire, 8 tomes. Manuscrits autobiographiques. La première Histoire d’une Âme (1898). Correspondance générale (2 volumes). Poésies. Récréations pieuses et Prières. Derniers Entretiens. Dernières paroles (Synopse), Éditions du Cerf-Desclée de Brouwer, 1992

[5C’est le choix de Mgr G. Gaucher, in Thérèse de Lisieux, Lettres à mes frères prêtres, « Foi Vivante » 389, Cerf, Paris, 1997, que nous suivons largement.

[6G. GAUCHER, op. cit., p. 7-21.

[7Écrivant alors à l’adresse de sœur Thérèse de l’Enfant Jésus : « Je ne serai que l’instrument et c’est vous, ma Sœur, qui convertirez. »

[8« Je viens de faire la plus belle d’entre toutes – mais elle est si forte qu’elle sera la dernière car elle me corrige. Je suis dans une situation déplorable – et il faut à tout prix que ma chère sœur, Thérèse de l’Enfant-Jésus, me tire de là – il faut qu’elle fasse violence au Ciel qui se laissera toucher par ses prières et sa pénitence. Ma mère, il le faut, ou je suis perdu […] mes besoins sont grands et pressants » (LC 21 juillet 1886), (Correspondance générale, NEC, t. II, p. 871).

[9Ce qui signifie, selon les conventions admises dans toutes les éditions de la correspondance, « Lettre de Thérèse », à la date du 21 octobre 1896.

[10PN 17 (Poésie neuve, 17), février 1895.

[11LT 224.

[12LT 244.

[13LT 253.

[14LC = Lettre d’un correspondant.

[15Il y a croisement de courriers ; nous simplifions dans la présentation que nous donnons ici.

[16« Mon cher petit frère, Peut-être quand vous lirez ce petit mot ne serai-je plus sur la terre, mais au sein des délices éternelles ! Je ne connais pas l’avenir cependant je puis vous dire avec assurance que l’Époux est à la porte, il faudrait un miracle pour me retenir dans l’exil et je ne pense pas que Jésus fasse ce miracle inutile. Oh mon cher petit frère, que je suis heureuse de mourir ! » (LT 253).

[17LC 258.

[18Dernière lettre écrite ; la LT 266 est une image.

[19LC 191 « Vous êtes heureuse, chère sœur, de me voir entrer dans l’Amour par la confiance – Je crois avec vous que c’est la seule voie qui me puisse conduire au Port. (lire la suite dans NEC, Correspondance générale, t. II, p. 1045).

[20Leur union apostolique a commencé à être scellée dans le Sacré Cœur.

[21Maurice visite alors le Carmel et se recueille sur la tombe de sa sœur ; à cette époque, l’Histoire d’une âme est publiée et déjà traduite en deux langues.

[22C’est à dire, depuis 1964, le Malawi (en Afrique orientale, sur la rive ouest du Lac Malawi, cap. Lilongwe ; ancien protectorat britannique).

[23Il a été récemment réintégré post-mortem dans son ordre.

[24Voir Mgr G. Gaucher, Préface, Thérèse de Lisieux, Lettres à mes frères prêtres, « Foi Vivante » 389, Cerf, Paris, 1997, p. 7-21.

[25Le 8 septembre 1890, selon ce qu’il en dira à Thérèse.

[26Le 9 juillet, six jours après que Maurice eût célébré une première messe au Carmel, son père se convertit et reçoit l’Eucharistie des mains de son fils unique.

[27Jour de salut pour lui ; or, ce même jour, Thérèse fait profession au Carmel.

[28LT 221.

[2929. Cf. LC 167 (1er août 1896).

[30cf. LT 254 (dernière lettre de Thérèse au P. Roulland.

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