Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Le ministère et la vie spirituelle du prêtre

Pierre Piret, s.j.

N°2004-1 Janvier 2004

| P. 30-32 |

Le prêtre « agit en la personne du Christ, Tête et Époux de l’Église ». Pastores dabo vobis explique la première mention par le « service ». Le présent article éclaire la seconde par « l’amitié » et montre ainsi la compénétration du ministère et de la vie spirituelle.

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Le texte qui suit se contente de laisser voir la beauté, la vérité spirituelle du sacerdoce ministériel. Il est guidé par l’Écriture (saint Paul et saint Jean), par l’enseignement de Presbyterorum Ordinis et de Pastores dabo vobis ; il mentionne Ignace de Loyola et Jean de la Croix.

Dieu appelle et attire les baptisés, selon leur état de vie et dans les responsabilités variées qu’ils exercent, à la sainteté. Cette vocation à la sainteté atteint les prêtres dans leur triple ministère : l’annonce de la parole de Dieu, le don de sa grâce par les sacrements, la conduite de son peuple dans la charité.

Le ministère est, pour les prêtres, moyen de sanctification. Cela signifie que, prêtre, je chercherai à exercer le ministère sacerdotal, auquel je suis sacramentellement ordonné, à la façon du Seigneur Jésus – ce qui veut dire : selon ce que le Seigneur Jésus, dans son Église et face à elle, m’enseigne et m’inspire d’être et de faire en sorte que lui-même soit présent, de façon adaptée, aux personnes rencontrées. Du coup, en plus de l’adaptation aux personnes, la sanctification par le ministère implique, suppose, une connaissance et un amour de Jésus en personne, une communion avec lui seul, c’est-à-dire une vie spirituelle. « Consacré et envoyé » par le Père, le Christ Jésus lui-même est habité et conduit par le Saint-Esprit à chaque initiative qu’il prend, dans tout geste qu’il pose, autrement dit : dans son ministère.

Le Christ est l’Époux de l’Église, son Épouse. L’Esprit Saint donne la grâce, à ceux et à celles que le Père choisit, d’aimer Jésus comme Époux. (Il est remarquable que Jean de la Croix, en désignant les épousailles de « l’âme », en ait décrit la possibilité pour l’être masculin). L’amour envers l’Époux au nom et en vertu de l’Église, l’Épouse, caractérise le célibat consacré dans la vie religieuse ainsi que dans la vie des candidats au sacerdoce. De surcroît, par l’ordination sacramentelle au ministère, le prêtre aimera l’Église comme Jésus, l’Époux, aime son Épouse. C’est la grâce que Dieu confère à l’évêque (toujours choisi, dans les Églises orthodoxe et catholique, parmi les hommes qui ont voué le célibat) et aussi, dans la tradition latine de l’Église, à tous les prêtres, collaborateurs des évêques dans le sacerdoce ministériel.

En même temps, aucun prêtre n’est l’Époux, dont il signifie cependant la venue effective, et il n’est pas davantage l’Épouse, qu’il conduit inlassablement à l’Unique. Les paroles de Jean, dans le quatrième évangile, transmettent, avant même l’acte sacerdotal du Christ en croix, une bouleversante spiritualité en faveur des prêtres, faite d’amitié envers le Christ Jésus, l’Ami souverain, dans l’attention aux personnes que celui-ci attire à lui : « Qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux, qui se tient là et qui l’entend, est ravi à la voix de l’époux » (Jn 3, 29).

Le prêtre est « face » à l’Église, comme le Christ Époux est face à l’Épouse. Le prêtre est « dans » l’Église, comme le Christ est la Tête du Corps. Il « agit en la personne du Christ Tête », c’est-à-dire, ajoute Pastores dabo vobis, qu’il agit comme serviteur (cf. n° 16). Si la représentation sacramentelle du Christ Époux nous a conduit à évoquer l’amitié du prêtre à l’égard de son Seigneur et des personnes rencontrées, la seule et même représentation du Christ Tête impose la mention du service ministériel, de la diakonie. Celle-ci, typique du sacrement de l’Ordre, est fondamentale. C’est d’ailleurs en partant d’elle que Jésus lui-même donne à ses disciples la grâce de son amitié : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que fait son maître ; je vous appelle amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15, 15).

La Contemplatio ad amorem (Ex. spir. nos 230-237) célèbre la communication mutuelle de l’Amant à l’Aimé et de l’Aimé à l’Amant, qui se donnent l’un à l’autre autant qu’ils le peuvent, avec ce qu’ils possèdent. Les Exercices spirituels relatent par ailleurs les relations du masculin et du féminin : le Christ ressuscité apparaissant à Notre-Dame, les fidèles apprenant le sens de l’Église leur Mère. La contemplation susdite comporte l’expérience sponsale autant qu’elle met en œuvre celle de la filiation et de l’amitié (dilectio), – c’est-à-dire, la relation de l’être humain au Père, par le Fils, dans l’Esprit. Au cœur de l’échange d’amour le plus intime, chacun sait qu’il se trouve face à son Créateur et Seigneur et qu’il lui doit, dans la louange, le respect et le service (Ex. spir. n° 23). Le recours permanent d’Ignace de Loyola à l’attitude et à l’agir du serviteur entré dans l’amitié de son maître illustre bien le ministère et la vie spirituelle du prêtre.

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