Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Chronique d’Écriture Sainte

Nouveau Testament

Véronique Fabre

N°2003-6 Novembre 2003

| P. 410-415 |

Cette chronique annuelle complétera les pages de la double chronique d’Écriture Sainte. Les quelque dix livres reçus sont présentés sous trois rubriques : les évangiles (où la préoccupation éthique est soulignée, notamment dans le très beau texte de X. Léon-Dufour, Agir selon l’Évangile), les épîtres et les sujets divers. Toujours précieuses ces indications orientent nos lectures éventuelles et les achats sans doute parcimonieux de nos bibliothèques.

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Les livres sur le Nouveau Testament que les éditeurs ont bien voulu nous envoyer cette année peuvent être regroupés selon trois pôles : les évangiles, les épîtres, des sujets généraux.

I

En ce qui concerne les évangiles, l’éthique est prépondérante avec deux ouvrages sur le sermon sur la montagne (Mt 5-7) tandis qu’un troisième se centre sur l’agir dans les Évangiles. Le premier est écrit par deux intellectuels protestants [1], convaincus que « le sermon sur la montagne peut être lu comme l’exposé concentré d’une bonne nouvelle libératrice et constructrice » (p. 7). Pour le montrer, les auteurs mènent tout au long de l’ouvrage un dialogue continu entre une interprétation exégétique et théologique du discours matthéen et l’étude de textes d’auteurs qui ont essayé d’en comprendre la signification. Il s’agit d’Augustin, de François d’Assise, de Thomas d’Aquin, de Zwingli, de Luther, de Calvin, de Kierkegaard, de Dostoïevski, de Tolstoï, de Freud, de Ragaz, de Thurneysen, de Barth et de Bonhoeffer. Le résultat témoigne de la fécondité d’une telle démarche alliant Écriture et Tradition !

L’ouvrage précédent pourrait être complété d’une certaine manière par un volume de la collection spiritualité orientale émanant de l’abbaye de Bellefontaine (France, Maine et Loire) [2]. Il est le fruit d’un petit groupe de travail autour de Monseigneur Alichoran, évêque catholique chaldéen, qui a traduit et commenté les évangiles. Le début du livre nous aide à découvrir cette Église chaldéenne, son histoire difficile, sa langue, les lieux où elle est présente de nos jours. La suite offre une traduction de Mt 5 - 7 à partir de la Peshitta, Bible des Églises de langue syriaque, l’une des branches de l’araméen ; traduction suivie du commentaire de ces deux célèbres chapitres matthéens. L’ouvrage intéressera particulièrement ceux qui veulent revenir aux sources de l’Écriture et être plongés dans la culture initiale des évangiles.

Le troisième ouvrage nous dit l’enjeu de l’étude exégétique par la bouche d’un de ses plus illustres représentants dans le monde francophone, Xavier Léon-Dufour [3]. En voici les premières lignes : « Au moment de vieillir, je viens parler d’agir. En pleine conscience certainement ! Car cet ouvrage reflète l’histoire personnelle de son auteur. Il veut exprimer un rêve de jeunesse : avoir sous les yeux une présentation du message évangélique dans son ensemble, et mettre à la disposition du lecteur ses textes de portée spirituelle afin de l’encourager à mieux répondre à l’appel intérieur qu’il a déjà entendu dans le secret » (p. 7). L’enquête qui ne se limite pas aux évangiles synoptiques mais inclut le quatrième évangile, se déroule en cinq étapes : L’expérience de Jésus : Dieu est présent, il vient, il est là (1). Le critère de l’agir : non pas la Loi, mais Dieu seul (2). L’homme face à Dieu qui vient (3). L’homme face à l’univers : la terre, l’autre (4). L’amour au cœur de l’agir (5). Le passage de la conclusion qui cite saint Augustin permet de recueillir le suc de ce beau livre : « Est nôtre ce qui vient de nous ; est nôtre aussi ce qui nous est donné (illo dante fit nostrum). Tout est don de Dieu, mais tout est action de l’homme : da quod jubes et jube quod vis ! » (p. 172).

II

Un important commentaire de l’épître aux Romains nous est offert par S. Légasse [4], lequel précise lui-même en avant-propos son optique : « L’auteur de ce commentaire n’a pas cherché à stabiliser ce qui est en mouvement, pas davantage à concilier à tout prix ce qui ne s’accorde qu’avec peine. Essayer de comprendre Paul, son langage souvent difficile, le suivre dans les méandres et les heurts de sa pensée, telles ont été les intentions qui ont présidé à la tâche dont on a ici le résultat » (p. 8). C’est ainsi qu’après une introduction circonstanciée, chaque péricope de l’épître donne lieu à une traduction très proche du grec original, suivie d’un commentaire pouvant se lire à divers niveaux, et d’une bibliographie complétant celle plus générale du début de l’ouvrage. L’ensemble comblera tous ceux qui veulent réellement lire l’épître aux Romains.

Les éditions Edifac, de la faculté libre de Théologie Evangélique de Vaux-sur-Seine (Yvelines, France) publient le début d’un commentaire de la première épître aux Corinthiens [5]. L’auteur, un pasteur ayant enseigné l’éthique chrétienne, explique sa démarche : « L’étude des questions éthiques m’a fréquemment contraint à me tourner vers la première épître de Paul aux Corinthiens. En me penchant sur ce texte que je connaissais de longue date, j’y ai découvert des richesses insoupçonnées et j’ai pris davantage conscience de l’actualité des problèmes que rencontrait l’apôtre Paul et de la pertinence de ses réponses pour l’Église d’aujourd’hui » (Préface). Le commentaire, précis et détaillé, prend en compte tout à la fois les éléments de la rhétorique gréco-romaine pouvant éclairer le texte, et le contexte culturel qui fait d’ailleurs l’objet de l’un ou l’autre excursus. Ce premier volume s’arrête avec les propos de Paul sur la sexualité, le mariage et le célibat (1 Co 7, 1-40) ; il se trouvera heureusement complété par le second à venir.

Le père Grelot nous offre une lecture de l’épître aux Hébreux [6], dans laquelle il cherche principalement à scruter le message renfermé dans cette épître, notamment en son trait spécifique de la qualification du Christ comme grand prêtre de la nouvelle alliance. Une première partie commence par suivre pas à pas les développements du texte. Puis, une seconde partie, plus rapide, examine de façon plus systématique les points théologiques importants qui ressortent de l’épître. Le tout constitue non seulement une lecture de l’épître accessible à tous, mais aussi un décryptage des Écritures auxquelles l’auteur de l’épître ne cesse de faire appel.

Depuis une première publication en 1984 sur le problème synoptique, Ph. Rolland a poursuivi ses recherches sur la genèse du Nouveau Testament jusqu’à ce livre récent sur la pseudonymie [7]. Sa thèse remet en question la position tenue par la grande majorité des exégètes qui considèrent comme inauthentiques les lettres de Pierre et de Jacques ainsi que six des treize des épîtres signées par Paul (2 Th, He, Ti, Tm, Col, Ep). Chaque écrit est considéré l’un après l’autre sous cet angle, avec en finale le témoignage des Actes des Apôtres et la question de l’attribution de l’Apocalypse à l’Apôtre Jean. L’ouvrage est très instructif puisqu’il nous replonge dans les débuts du christianisme avec un regard à la fois nouveau et précis. On regrettera seulement le ton parfois polémique...

III

Deux ouvrages nous parlent de l’Église ou des Églises, selon les deux points de vue catholique et protestant. Tout d’abord R. Pesch, dans un livre traduit de l’allemand par J. Hoffmann [8], reprend les grandes questions posées par Jean-Paul II dans son encyclique Ut unum sint : « Quels sont les éléments fondamentaux, selon le Nouveau Testament, de la primauté des successeurs de Pierre ? Qu’est-ce qui peut être modifié ? » La démarche choisie par l’auteur pour avancer sur ces questions, est décrite dans la postface de Bernard Sesbouë : « Ce n’est pas une étude d’exégèse historico-critique en tant que telle, même si l’auteur est parfaitement au fait des exigences et des résultats de cette exégèse dans le traitement qu’il fait du dossier pétrinien. Il connaît parfaitement son sujet. C’est un essai de théologie biblique. Sa valeur première est de prendre en compte formellement dans sa réflexion la dimension du canon des Écritures... C’est le livre, la Bible, qui a permis la transmission de la bibliothèque dont il est constitué. Il est donc parfaitement légitime de mettre en correspondance au sujet de la personne de Pierre l’ensemble des traditions le concernant, qui ont été retenues comme autant d’expressions authentiques de la foi de la primitive Église, et d’en tirer toutes les conclusions » (p. 167). Il s’en détache une figure historique propre, manifestée dans la vie de l’apôtre Pierre, et qui dessine les caractéristiques de la primauté. De nouvelles questions théologiques apparaissent aussi, en particulier sur le ministère de Pierre en lien avec les Douze et la structure sacramentelle de la collégialité. Un livre stimulant !

La perception de Fr. Vouga, dans son ouvrage sur les Églises des premiers temps et d’aujourd’hui [9], est tout-à-fait différente : il identifie, à travers les recherches exégétiques actuelles sur le christianisme primitif, l’importante diversité des courants chrétiens dans le premier siècle de notre ère. Par suite, les divergences entre les familles chrétiennes d’aujourd’hui, catholique, protestante et orthodoxe par exemple, n’ont rien d’une dégradation d’une supposée unité première. Elles sont plutôt consubstantielles à la réalité originelle du christianisme et s’inscrivent en fait dans la continuité d’une caractéristique fondamentale du christianisme : le droit à la différence. On voit alors combien le livre est, selon la visée de son auteur, « la contribution d’un théologien réformé à la réflexion sur l’avenir de l’Église et sur la responsabilité des chrétiens dans la construction politique d’une universalité plurielle en Europe » (p. 9).

Enfin, nous clôturerons cette chronique avec un ouvrage qui aborde le très vaste domaine de la littérature apocalyptique judéo-chrétienne à travers trois livres particulièrement représentatifs : le livre de Daniel, le premier livre d’Hénoch et l’Apocalypse de Jean [10]. Il est utile de rappeler que le livre d’Hénoch a toujours été considéré par l’Église éthiopienne et que nombre de Pères de l’Église s’y réfèrent comme tel. En chacun de ces trois livres canoniques, les principales représentations du mal ainsi que les grandes figures de manifestation du salut sont systématiquement analysées et replacées dans le cosmos. L’organisation du monde qui prévaut dans l’univers des apocalypses fournit alors des clés d’interprétation de ces multiples intervenants et de leur rôle dans la problématique du salut. On comprend, à la lumière de ces pages, combien la littérature apocalyptique est une littérature de révélation portant essentiellement sur le sens de l’histoire. Certes, une littérature de temps de crise, mais le temps de crise n’est-il pas précisément en chacune de nos vies, le moment où l’on peut découvrir l’essentiel ? Un livre à recommander à tous ceux qui veulent mieux comprendre l’apocalypse dont P. Beauchamp a dit qu’elle était la clef de voûte des Testaments.

Chargée de cours en Exégèse et Patristique à l’Institut d’Etudes Théologiques (I.E.T.) de Bruxelles.

[1M. Stiewe et Fr. Vouga, Le Sermon sur la Montagne. Un abrégé de l’Évangile dans le miroitement de ses interprétations, Genève, Labor et Fides, 2002, 22,5 x 15, 302 p., 36,00 €/53,00 CHF.

[2F.Y. Alichoran, L’évangile en araméen. L’enseignement de Jésus au sommet de la montagne, coll. « Spiritualité orientale », 80, Bégrolles-en-Mauges, Abbaye de Bellefontaine, 2002, 21 x 15, 372 p., 21,00 €.

[3Xavier Léon-Dufour, Agir selon l’Évangile, coll. « Parole de Dieu », Paris, Seuil, 2002, 20,5 x 14,186 p., 19,00 €.

[4S. Légasse, L’épître de Paul aux Romains, coll. « Lectio divina », Commentaires, 10, Paris, Cerf, 2002, 21,5 x 13,5, 992 p., 76,00 €.

[5R. Sommerville, La première épître de Paul aux Corinthiens, Vaux-sur-Seine, Edifac, 2002, 23,5 x 13,5, 254 p., 22,00 €.

[6R Grelot, Une lecture de l’épître aux Hébreux, coll. « Lire la Bible », 132, Paris, Cerf, 2003, 21,5 x 13,5, 214 p., 23,00 €.

[7Ph. Rolland, La mode « pseudo » en exégèse. Le triomphe du modernisme depuis vingt ans, Paris, Editions de Paris, 2002, 21,5 x 14,5, 139 p., 22,00 €.

[8R. Pesch, La primauté dans l’Église. Les fondements bibliques, coll. « Lire la Bible », 125, Paris, Cerf, 2002, 23,5 x 13,5, 172 p., 17,00 €.

[9Fr. Vouga, Querelles fondatrices. Églises des premiers temps et d’aujourd’hui, Genève, Labor et Fides, 2003, 22,5 x 15, 102 p., 16,00 €/24,00 CHF.

[10P de Martin de Viviès, Apocalypses et cosmologie du salut, coll. « Lectio divina », 191, Paris, Cerf, 2002, 21,5 x 13,5, 416 p., 37,00 €.

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