Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Considérations Indignées sur la formation religieuse aujourd’hui

Clodovis Boff, o.s.m.

N°1999-6 Novembre 1999

| P. 377-395 |

Les prophètes crient. L’annonce des malheurs, pour qu’ils n’arrivent pas, est une pédagogie de l’amour divin bouleversé par la souffrance de l’homme. Ainsi devons-nous entendre le texte du P. Cl. Boff. L’expression de ces « considérations indignées » sera peut-être jugée excessive, manquant de compréhension pour les richesses et les fragilités des vocations de notre fin de millénaire. Ce serait se tromper sur l’intention de l’auteur qui ne comporte aucun jugement des personnes si ce n’est en invitant les responsables de formation à s’interroger sérieusement sur ce qui se passe encore tous les jours quand tel ou telle « quitte » la vie religieuse. Nous disons à juste titre : « C’est le mystère, impénétrable, de leur existence ». Avons-nous tout dit, réfléchi, prié en ne disant que cela ?

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Quand on se moque de Dieu [1]

Je ne réussis toujours pas à digérer la sortie imprévue d’un jeune frère. Et comment pourrais-je la digérer ? Faire profession et seulement un mois plus tard tout jeter par la fenêtre... N’y a-t-il pas de quoi demeurer surpris et déçu ? Rien à redire si, au moment de présenter sa lettre de requête définitive, un jeune se reprenait et, en toute liberté, rassemblait ses affaires et s’en allait. Cela aussi peut provoquer déception, mais c’est son droit. Mais faire la profession solennelle, je ne dis pas en étant déjà « en crise » mais avec l’idée de s’en aller aussitôt après cet engagement, voilà qui suscite l’indignation.

« Une farce » ! De fait, une pitrerie, où ceux qui ont joué le rôle de clown ou celui de l’imbécile furent les supérieurs, les formateurs, les autres frères et, enfin tous ceux qui furent présents à la célébration de la profession, lesquels, édifiés, la considérèrent comme « une belle profession de foi devant de nombreux témoins » (1 Tm 6, 12). Qu’en fut-il en réalité ? La simple mise en scène d’un jeune en qui ils avaient placé les plus hauts espoirs. Voilà ce qui suscite le dégoût.

Mais plus que la comédie elle-même (privée de toute grâce), ce qui épouvante, c’est que l’engagement solennel des vœux définitifs, prononcé « avec la main posée sur les saints Évangiles », accompli dans d’aussi misérables conditions spirituelles, a démontré, en la personne qui l’a fait, la plus totale absence de sérieux, une extrême superficialité d’esprit. Voilà qui est se moquer de Dieu.

Comment considérer ce fait ? Hypocrisie, ou plutôt faux serment, sacrilège, scandale ? Scandale surtout pour les plus jeunes encore en formation, eux aussi témoins des faits. Rien de mieux pour insinuer en ces « petits » le discrédit envers le sérieux d’un choix de vie qu’ils commencent tout juste à expérimenter. « Cela pourrait m’arriver aussi », penseront-ils. Alors, comment expliquer ce fait ? Y avait-il quelque chose de si grave qui justifiât une telle mise en scène ? La peur, la contrainte, la mort ? Pourquoi cette déloyauté, cette couardise, pour ne pas dire autre chose, « en bon brésilien » ? Seule une grande légèreté peut compromettre les choses les plus sacrées de la foi en se justifiant avec de banales excuses comme : « Je n’avais pas le courage d’en parler avant » ou bien « j’avais honte de décevoir ». Mais l’effronterie n’a pas manqué, nous laissant tous stupéfaits. Sans parler du cynisme avec lequel l’intéressé a déçu ses frères encore plus douloureusement que s’il avait eu la dignité de s’en aller plus tôt avec un certain sens de l’honneur.

Où en est-on du « sens du mystère » dans la modernité ?

Avant tout - et je fais ici une première considération générale - je suis très impressionné par un aspect de la sensibilité contemporaine, tout particulièrement au sein de la majeure partie de ses victimes, les jeunes d’aujourd’hui, à savoir le manque de respect du sacré, du « tremendum et fascinosum » de ce qui est vénérable, de ce qui est absolument sérieux. Il m’est arrivé de marier des jeunes qui, « devant l’autel », se jurèrent un amour éternel, eux aussi en « une belle profession de foi devant de nombreux témoins ». En un laps de temps de quelques années - que dis-je ? - de quelques mois, ils se séparèrent avec une très banale explication : « Cela n’a pas tenu » ou « on n’a pas réussi » ! Quelle valeur ont donc, aux yeux des jeunes d’aujourd’hui, les cérémonies sacrées ? Je crains qu’elles riaient qu’une valeur purement esthétique et émotive. Rien de plus. Ils veulent vivre un moment émouvant. Pour cette raison ils prennent grand soin de tout ce qui se voit et enregistrent tout cela avec appareils photographiques et caméras vidéos. Quant au sens moral et religieux - la présence du divin, l’action mystique, cœur de la célébration - tout ceci est considéré comme simple « détail ». Le sentiment de « crainte révérencielle » du mysterium, n’existe plus dans la sensibilité moderne - sécularisée, désenchantée, banalisante et mondaine. Tout ceci est considéré comme prémoderne, typique des temps « magiques ». Mais nous, qui devons être « sel et lumière », devons crier la prophétie contre-culturelle : « Au diable, les modernes » ! Leur frivolité culturelle et religieuse ne doit absolument rien signifier pour un chrétien et, à plus forte raison, pour un religieux qui doit, en vertu de sa profession religieuse, soumettre au jugement l’esprit du temps et s’opposer vigoureusement à lui, comme le dit Paul : « Ne vous conformez pas à la mentalité de ce monde » (Rm 12,2).

Alors, si nous formons des frères qui, après plus de dix ans d’accompagnement religieux, demeurent imbus de « l’esprit du temps » - et de ce temps - franchement, ne perdons-nous pas le nôtre. Je ne veux pas m’étendre sur le cas dont nous sommes partis. Je voudrais rapidement l’archiver d’un « que le diable l’emporte ! », si l’esprit chrétien ne me commandait de le remettre au jugement de Dieu. Tournons-nous, alors, vers la sagesse pour apprendre quelque chose de ces faits.

Ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Peut-être le plus déconcertant de par la frivolité avec laquelle il s’est déroulé. Je me souviens d’autres jeunes, dont j’étais le formateur. Le premier remonte à dix ans. Un jeune a quitté un an après l’ordination, après une année d’excellente activité pastorale, admiré de tous, reconnu du peuple. Il ne s’était pas écoulé un an quand un jour, après le repas, il prit un bout de feuille quelconque et y écrivit ces paroles incroyables : « Je renonce à tous mes engagements de frère et de prêtre et je m’en vais. » Il signa la lettre et la glissa sous la porte du supérieur et partit faire la sieste. Comme ça, sans le moindre sens de la gravité du geste qu’il posait et sans la moindre charge de conscience. Quand le prieur, éberlué, vit le bout de papier et vint me le montrer, j’allai jusqu’à la chambre du frère, le réveillai et, lui montrant le feuillet, je lui dis : « Frère, viens ici. Penses-tu que l’on abandonne la vie religieuse et le ministère comme on change de chaussettes et de chaussures ? Voulons-nous en parler un peu sérieusement ? » C’est ainsi que commença une conversation tendue qui, à vrai dire, n’aboutit à rien. Trop tard : la décision était déjà prise.

Un autre frère, dans la sortie de qui je me suis retrouvé impliqué, s’en alla six mois après les vœux solennels. Juste après une assemblée communautaire au cours de laquelle, plein de ferveur, il avait affirmé que, à la différence de ceux qui avaient abandonné la vie religieuse, lui était certain de son choix et nous en donnait l’assurance.

Des cas multiples : symptôme d’une situation

Je sais bien que cette situation n’est pas l’exclusive de mon Ordre. Des cas semblables se produisent dans toutes les familles religieuses, masculines et féminines. Ici, l’on entend parler d’un jeune qui, tout juste ordonné diacre, a changé de direction. Là, on vient à savoir qu’une jeune fille qui, avant que ne soient écoulées deux années depuis les vœux perpétuels, a demandé la dispense, au grand étonnement de la mère provinciale. La situation semble généralisée. Après le choc des cas qui me touchaient au plus près j’avais l’intention d’écrire deux ou trois choses - quelque peu directes - sur la vie religieuse et sur la formation, vérités qui s’étaient peu à peu imposées à ma réflexion et qui - me semble-t-il - devraient être reconnues et considérées plus sérieusement dans la formation. Mais j’ai été repris par la routine de ma vie quotidienne.

Toutefois, le dernier cas m’est apparu tellement déconcertant et, en même temps, tellement symptomatique que je me suis décidé à parler. Et cela, également, parce qu’il me semble que me taire signifierait marquer ma connivence avec la façon dont la formation se met en place, façon à laquelle j’ai collaboré pendant des années. Après le dernier épisode, mon Père Provincial a écrit, découragé : « Je vois tout en noir en ce qui concerne la formation que nous donnons à nos jeunes ». C’est pourquoi j’ai décidé de dire ma façon de penser en cette matière, même si, ce faisant, je provoque un débat encore plus douloureux au sujet d’une question aussi décisive.

Le chemin de formation actuel en question

Alors, pourquoi se produisent des choses de ce genre ? Pourquoi des jeunes font-ils profession et/ou sont-ils ordonnés et après entrent en crise et s’en vont ? Pire : pourquoi font-ils la profession solennelle et, peu de temps après, simplement, se retirent ? Pire encore : pourquoi décident-ils de se consacrer par un engagement qui a toutes les formes liturgique et canonique du définitif, mais sans avoir les garanties subjectives d’assumer cet engagement solennel ?

Réfléchissant sur ces cas et d’autres semblables, se présente obstinément devant moi l’image du Palace de la Barra da Tijuca, à Rio, qui commença de s’écrouler à l’improviste et a dû être détruit. Notre formation serait-elle une construction mal faite ? Construite avec de faux matériaux, sans consistance ? Sur des fondations fragiles ? Qui peut répondre de l’écroulement du Palace ? N’est-ce pas la même chose en ce qui concerne la formation aujourd’hui ? Ne nous met-elle pas tous en question ? Comment ne pas réfléchir après la surprise de ces abandons ? Se peut-il qu’après tant d’années de vie commune nous connaissions si peu nos jeunes et ce dont ils sont capables ? Je me mets moi aussi en question. En essayant de répondre à ce défi, je veux parler de certains aspects qui, en vérité, sont parfaitement connus mais qu’il est bon de rappeler et de remettre en évidence.

La vie spirituelle d’abord

Le premier de ceux-ci est le primat de la vie spirituelle dans la vie religieuse. Est-il nécessaire de le justifier ? Vaut pour la vie religieuse ce que Paul dit pour l’Église : « De fondement, nul n’en peut poser d’autre que celui qui s’y trouve, le Christ Jésus » (1 Co 3,11). Ne le savons-nous pas, et ne sommes-nous pas tous d’accord là-dessus ? Certes. Mais il ne semble pas que cela soit quelque chose d’effectif dans la formation.

Ne me dites pas qu’il n’est point besoin de le répéter, que tous sont d’accord, que c’est une vérité élémentaire, qu’il faut tenir pour évidente. Non ! Cela ne peut jamais être tenu pour évident, vu notre tendance « naturelle » à nous fermer au Christ et aux valeurs évangéliques. Non, cher frère, les choses les plus essentielles de la foi ne peuvent jamais être tenues pour définitivement acquises, comme notre paisible possession. Nous devons les conquérir et les reconquérir jour après jour sur le « monde » et sur le « péché » dont la force continue à se manifester en nous. Il est nécessaire de réaffirmer que le fondement et le centre de la vie religieuse sont une relation théologale et non ecclésiale, pastorale, sociale ou autre. Toutes ces choses font certainement partie de la vie religieuse, mais elles viennent après. La vie religieuse s’ancre en Christ et en rien d’autre. La consécration se fait directement à Dieu et à nul autre, quand bien même elle est médiatisée par l’Église dans le cadre d’une famille religieuse. La promesse des vœux se fait à Dieu et non à la communauté ou à l’Ordre et pas même à l’Église.

Que signifie tout cela concrètement ? Simplement ceci : spiritualité ! Spiritualité en tant que culture de la foi, de la relation personnelle avec Dieu. Sans cela on ne va pas loin. On tombe à la première crise qui se présente. Et si ce n’est à la première, ce sera à la seconde ou à la troisième. Eh bien, si l’on ne fonde pas en cela son propre engagement religieux, on coule, sans l’ombre d’un doute ! Donc, sans un rythme soutenu de vie spirituelle, fait de prière, d’écoute de la Parole, de méditation, de pratique sacramentelle, la vie religieuse ne saurait durer. Pour cette raison, l’Église, en sa sagesse millénaire, a lié la récitation quotidienne de la liturgie des heures à la profession solennelle des religieux. De fait, avant que quelqu’un ne perde la vocation, allez regarder d’un peu plus près : il a d’abord perdu l’esprit de prière.

Je ne crois pas en un religieux qui ne prie pas. Et que l’on ne vienne pas me raconter que la prière n’est pas tout et qu’elle peut être une hypocrisie pharisienne. Ceci ne témoigne pas contre la prière mais contre ses possibles déformations. La prière pharisienne n’a pas empêché Jésus d’être un grand priant. La prière authentique se rit de la fausse prière, aurait dit Pascal. Quand je parle de spiritualité, j’entends parler ici plus spécialement de prière personnelle. Et plus encore : je pense à l’autonomie spirituelle. Je me réfère à un religieux capable de maintenir un rythme intense et propre de prière personnelle. Je pense à un religieux capable d’avoir un minimum de discipline en ce domaine.

Je perçois ceci : durant sa formation le religieux prie, certes. Mais c’est comme s’il y était obligé par la communauté et ses rythmes, sous l’œil vigilant du maître des novices. Quand il s’insère dans une communauté « normale », il a de la chance s’il trouve un bon rythme de prière et une prière de qualité. Mais si cela manque, pauvre religieux est-il s’il n’a pris l’habitude de « prier dans le secret de sa chambre » ! J’ai utilisé expressément le mot « habitude », c’est-à-dire une manière personnelle et quasi spontanée de se mettre en prière de façon disciplinée et régulière. Si la formation initiale, au travers d’exercices répétés et de pratiques renouvelées, ne parvient pas à créer dans le jeune religieux cet habitus de prière personnelle, son futur de religieux est à risque.

« Autonomie de vol » dans la vie spirituelle

Voici quelques années le Père général me demanda de réaliser un travail avec un groupe international de frères qui avaient terminé leurs études théologiques et étaient sur le point de retourner dans leurs provinces. Il s’agissait de les aider à faire le passage d’une maison de formation à une communauté « normale » sans trop de problèmes. Un des exercices consistait en la formulation d’une règle de vie personnelle, où indiquer les quatre ou cinq engagements vitaux qu’il faudrait suivre coûte que coûte, sous peine de fragiliser la vitalité de sa propre consécration. Je me souviens qu’il ne fut pas facile de faire voir à tous combien il était important que chacun établisse des moments quotidiens de prière personnelle et de méditation de la Parole ainsi qu’une certaine régularité dans la participation à l’eucharistie et à la confession, règles auxquelles obéir ensuite de manière sérieuse et scrupuleuse. Sincèrement, j’ai craint pour leur avenir.

Le fait est que les communautés, dans leur majorité, ont un rythme de prière sinon déficient, du moins insuffisant. Et on le comprend : il y a trop d’engagements, une certaine difficulté pour la communauté de se rencontrer etc. Mais ceci constitue une raison de plus de compléter sa propre alimentation spirituelle avec une prière personnelle consolidée, celle qui conduit à « entrer dans sa propre chambre et, la porte fermée, à prier le Père dans le secret » (Mt 6, 6). Sans cela, la seule prière communautaire ne suffit point pour maintenir vivante la flamme de la vie spirituelle. Si un religieux ne possède pas son propre rythme de prière, il ne va pas loin.

Voici ce que j’appelle autonomie de vol dans le domaine spirituel. Sans une telle autonomie, laquelle permet de grandir, tôt ou tard le religieux se brise contre un obstacle quelconque. Et s’il n’abandonne pas, c’est par chance ou par inertie. En ce cas, sans nul doute, il vivra ses engagements religieux de manière médiocre sur toute la ligne : celle de la vie fraternelle et celle de la vie apostolique.

Que voit-on concrètement aujourd’hui ? On voit un religieux prononcer ses vœux et puis l’on voit son « Livre des Heures » abandonné dans un coin, attendant la prochaine rencontre de prière communautaire. C’est à ne pas y croire ! Un jour j’ai rencontré un religieux qui avait prononcé ses vœux perpétuels qui ne savait même pas qu’il avait l’obligation (en réalité c’est un privilège) de prier l’office au nom de tout le peuple de Dieu. Il ne faudra pas s’étonner si une telle personne, à un certain moment, trouvera le chemin religieux « sans aucun sens » et jettera tout par la fenêtre.

Vie communautaire : idéal et idéalisme

Dans le prolongement du point précédent, je veux formuler quelques critiques, et cela en lien avec deux valeurs de la vie religieuse : la communauté et la mission. Je ne veux pas les critiquer en tant que telles, mais pour le fait qu’elles sont souvent placées au centre de la vie spirituelle.

Je commence par la première : la communauté. De fait, très fréquemment l’on place le fondement de la vie religieuse dans la fraternité. J’appelle ceci le fondamentalisme de la communauté.

Le pire, c’est quand cette idéologie communautaire prend la forme du romantisme communautaire. Alors on vit en rêvant et en cherchant la matérialisation du : « Oh, qu’il est bon et joyeux, pour des frères, de demeurer ensemble... »

Ici, il faut avant tout avoir une grande clarté théologique. La communauté est importante. Elle est vitale. Mais considérons la hiérarchie des valeurs. La communauté n’est pas et ne saurait être le fondement de la vie religieuse. C’est une valeur fondée et non une valeur fondatrice. Ce n’est pas une valeur originelle mais dérivée. C’est une branche ou un fruit, non la racine. Ce fut l’illusion des révolutions modernes qui ont voulu fonder « un monde de frères », en faisant l’économie d’un Père. Comment est-ce possible ? De ce fondamentalisme les victimes privilégiées sont ces jeunes qui entrent dans la vie religieuse en nourrissant dans leur cœur l’utopie de la communauté.

Quiconque a quelques années de vie communautaire connaît les limites et les vertus de la vie communautaire. La communauté est et doit être un appui, mais c’est aussi un défi et une épreuve. Dans le même temps elle est utile et nous forme. Jean de la Croix disait qu’un religieux doit voir en chaque compagnon de communauté un envoyé de Dieu pour le mettre à l’épreuve, l’éduquer et l’améliorer. Du réalisme unilatéral de la phrase (qui est, si je ne me trompe, de saint Jean Berchmans) : « Communauté, ma plus grande mortification », on est passé à l’autre extrême : « Communauté, mon idylle et mon rêve ». La communauté est une des raisons de la vie religieuse, non la raison.

Si l’on place toute espérance de la vie religieuse dans la communauté ou fraternité, on court le risque de créer de fausses espérances et de provoquer de douloureuses désillusions. Comme c’est arrivé avec ce frère que j’accompagnais dans le chemin de formation et qui sortit un an plus tard. La justification qu’il avançait était : « la communauté ne m’a pas soutenu. Le provincial m’a abandonné ». Si nous plaçons la communauté comme valeur maximum nous créons des religieux immatures, dépendants des autres, qui vivent frustrés parce qu’ils n’ont pas rencontré « l’arbre d’or » de leurs songes - la fraternité.

On ne voit pas combien le « comme il est beau et joyeux de vivre unis comme frères » et le « voyez comme ils s’aiment » ont leur fondement sur quelque chose de plus profond qu’une simple sympathie humaine ou que le simple rêve que « tous s’aiment ». Avant tout, il s’agit d’une vie tournée vers l’Unique nécessaire. Ensuite, il s’agit d’une vie faite surtout d’humble service, de renoncement à son propre égoïsme, de recherche de l’intérêt d’autrui avant que du sien propre, de sequela Christi et d’amour de l’Évangile. C’est ici que nous rencontrons le sens de la vie spirituelle : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice » (Mt 6,33).

La mission et ses équivoques

Une autre équivoque est la fameuse et trop peu claire mission. On se fait religieux avec extrême bonne volonté « d’aider autrui » : évangéliser le monde, libérer le pauvre. En analysant, voici trois ou quatre ans, un sondage de la C.R.B. (Conférence des Religieux Brésiliens, ndlr) sur les motivations qui conduisaient des jeunes à la vie religieuse, j’avais remarqué qu’une des principales était la libération des pauvres. Très bien ! La mission est une dimension constitutive de la consécration, comme l’a bien vu la théologie latino-américaine de la vie religieuse. Cette motivation constitue un bon début mais on ne peut évidemment pas s’arrêter là. Que le service envers le peuple et l’option pour les pauvres soient partie intégrante de la consécration (et je dirais même du christianisme) est indubitable. Nous faisons encore si peu en ce domaine ! Mais soutenir qu’ils constituent le fondement de la vie religieuse est une erreur. Essaie de partager ta vie avec le peuple, avec le pauvre et tu verras que tu as besoin de quelque chose de plus solide, d’une base plus forte et plus profonde pour assurer ton engagement de consécration et de mission.

Je me rappelle que durant un congrès latino-américain auquel je participais, sur la vie religieuse et l’option pour les pauvres, on affirmait continuellement que les pauvres constituent le fondement et le centre de la vie religieuse et de l’Église en général. Je m’opposai avec insistance, jusqu’à l’ennui, à ce lieu commun équivoque et persistant. Dire que le pauvre ne constitue pas l’axe central de la vie religieuse serait un mépris du peuple opprimé ? Cela diminuerait l’option pour les pauvres ? En rien ! Seule l’option de foi sauve l’option pour les pauvres des illusions, de la superficialité et des lieux communs. On ne libère pas les pauvres avec des discours creux et sans consistance, ainsi que l’a montré la tragédie du socialisme réel. Il semble que certains religieux aient besoin des pauvres pour justifier leur vie et leur consécration. Si les pauvres disparaissaient en tant que pauvres, ils ne sauraient plus que faire de leur vie. M. Weber avait raison : beaucoup de ceux qui vivent pour les pauvres, finissent par vivre des pauvres.

La valeur de la chasteté aujourd’hui

Une deuxième vérité qu’il est nécessaire de revoir dans la formation à la vie religieuse est la chasteté. Il est difficile de parler d’un ton juste en une matière si délicate. Le fait est que, aujourd’hui, nos jeunes savent tout sur la sexualité mais sont extrêmement ignorants en fait de chasteté - qui est le mode chrétien de vivre la sexualité. On proclame une totale désinvolture ou absence d’inhibition dans le fait de parler de sexualité, mais on meurt de honte si l’on doit parler de façon appropriée de la valeur évangélique de la chasteté ou du célibat. Or, ce que la grammaire est au langage, la chasteté l’est à la sexualité. Sans elle la sexualité ne va pas plus loin que l’ignorance exhibée par nos journaux populaires ou que la banalité de la littérature pornographique exposée dans nos librairies.

Alors, comment comprend-on aujourd’hui le célibat dans la formation ? On apprend qu’on le désire pour vivre dans une nouvelle famille, la communauté. Ou bien pour se consacrer au peuple. Mais, ici comme ailleurs dans la vie religieuse, on construit sur de fausses fondations, ou sur des fondations superficielles. Ici aussi a valeur le mot de Paul : « On ne peut avoir d’autre fondement qui ne soit Jésus Christ. » Hors d’une motivation de foi, il n’y a pas de vœu de chasteté qui tienne. Nous sommes ici dans le domaine de la mystique, à six mille pieds au-dessus de l’utilitarisme communautaire ou du pragmatisme pastoral.

Quand je lis les admirables éloges de la virginité ou du célibat chez les Pères de l’Église tels que Tertullien, Cyprien, Ambroise et Augustin en Occident, et Athanase, Basile, Grégoire de Nysse et Jean Chrysostome en Orient, je me demande : qui éduque nos jeunes de cette façon, aujourd’hui, pour les attirer vers les hauts idéaux évangéliques, comme celui de la chasteté consacrée ? Comment ne pas profiter des orientations extrêmement pratiques des Pères et éducateurs dans la foi pour cultiver le célibat ? Il est vrai que leur discours est marqué par la culture de leur temps mais on ne saurait nier l’authenticité d’esprit de leur message, sa force de conviction et, tout particulièrement, le niveau de leur style, grave et élevé.

En ce domaine où règne le pharisaïsme et où la fausse pudeur contraint à n’user que d’un langage allusif, il est de notre devoir de réagir et de parler clair, sans nous dérober. Le fait est que lorsqu’un religieux s’en va, il y a toujours quelque part une femme qui l’attend. Ce fut ainsi dans presque tous les cas que j’ai connus. Les exceptions confirment la règle. Quand un religieux dit qu’il est en crise, dans 90 % des cas, on est sur la bonne voie si l’on suit le conseil des détectives : « Cherchez la femme » (ou « cherchez l’homme » ! dans le cas de la religieuse). Loin de moi, en ce domaine, de faire des concessions au machisme en rejetant toute la faute sur la femme. Outre que cela constituerait une injustice et une erreur grotesque, ce serait aussi une marque d’ingratitude envers les amies que j’ai et à qui je dois tant. La question principale réside dans le religieux lui-même, qui perd l’orientation et ne sait pas comment vivre cette relation importante. Et cela par manque de maturité psychologique et spirituelle. (Je le répète : ceci vaut, mutatis mutandis, pour la religieuse dans sa relation à l’homme).

Et que l’on ne vienne pas me dire que ceci est une vision superficielle ; que dès avant cela le religieux était en crise ; que la femme n’est arrivée qu’ensuite, comme conséquence. C’est vrai. Mais non pour les raisons que l’on avance, à savoir que le religieux n’allait pas bien dans la communauté et dans son service du peuple. C’est très exactement par le fait que le religieux était affaibli dans sa propre communion avec Dieu. Parce qu’une crise affective ne fait s’écrouler le religieux que lorsqu’il est déjà spirituellement affaibli. En excluant d’entrée les cas d’évidente absence de vocation au célibat (mais pour savoir cela, faut-il des années et des années de vie religieuse ?), dans la majorité des cas, je ne dis pas dans tous, quand quelqu’un pense laisser la vie religieuse ou le célibat, c’est parce qu’il a déjà abandonné la vie de prière. Si un religieux n’a pas un grand amour pour Jésus Christ et son Royaume, l’amour de quelque femme lui ravira facilement le cœur. Augustin confesse : Je n’ignore pas combien soit grand le pouvoir que l’amour d’une femme a sur le cœur d’un homme, mais je sais aussi que l’amour de Dieu et sa grâce peuvent infiniment davantage. Je suis convaincu que vaut, pour ce type de crise, ce que Jésus dit un jour pour certains esprits : qu’ils se vainquent seulement « avec la prière » (Mc 9,29). Mais cela importe peu de prier pendant la crise (on n’y réussit difficilement) si celle-ci advient en un contexte de profonde anémie spirituelle ; c’est-à-dire, si le religieux n’avait pas l’habitude d’affronter Dieu comme Jacob l’ange (cf. Gn 32,23-33), il aura des difficultés à prier vraiment.

Celle-ci est la crise la plus difficile, parce que, de par sa nature, elle est vécue dans une grande solitude morale. Qui rencontre un cœur ami, suffisamment mûr et spirituel, pour discerner des situations aussi délicates ? Quand on se sent frustré dans la mission, quand, par exemple, le peuple déçoit, on peut toujours rencontrer un soutien dans la communauté, ou, à tout le moins, une compensation. Par ailleurs, quand on se sent frustré par la communauté ou la congrégation, le travail avec le peuple et son amitié peuvent être de grand secours pour dépasser cette frustration. Mais quand on est engagé affectivement, ou même sexuellement, avec une femme, il n’y a ni communauté ni peuple qui tiennent. Tant de fois ils pourront et devront aider, mais tant d’autres fois ils sembleront davantage obstacles que soutiens. Il n’y a qu’une relation qui garantisse l’issue de l’opération : la radicalisation de la relation théologale.

Vous pouvez trouver tout cela trop mystique ou spiritualiste. Mais s’il en est ainsi, c’est parce que parfois nous sommes tellement ignorants du pouvoir de l’Esprit Saint et de ce dont il est capable en nous. N’est-ce pas là ce qui se constate dans la vie de saints et saintes tels que Paul, François, la petite Thérèse, Marie-Madeleine et, plus encore, Marie de Nazareth ? Cela serait-il donc idéalisme excessif ? Mais les religieux et religieuses ne font-ils pas profession de tendre à la sainteté, à la perfection de l’amour ? Que dis-je : les religieux ? Cela vaut pour tous, ainsi que l’a rappelé Vatican II dans le magnifique et pourtant trop oublié chapitre 5 de Lumen Gentium, précisément intitulé : La vocation universelle à la sainteté.

Le sérieux du travail : forme de pauvreté

Dans cette révision générale de la formation à la vie religieuse, il y a encore deux ou trois points à considérer. Le premier concerne le travail. Formons-nous vraiment les religieux au travail, entendu comme engagement, comme occupation prise au sérieux ? Ou bien ne produisons-nous que des gens paresseux et pleins d’ennui ? Voilà ce qui préoccupe : on forme des religieux qui, une fois qu’ils sont définitivement intégrés dans l’Ordre, s’installent dans la communauté et, avec le « vivre et le couvert assurés », vivent d’une vie petite-bourgeoise et médiocre. Quand je parle de formation au travail, je n’entends pas nécessairement travail productif. Pas même le fait de gagner sa vie grâce à une profession rémunérée. Cela, éventuellement, constitue un choix particulier, tant de l’individu que de la famille religieuse. Je parle, fondamentalement, de professionnalisme, d’être ce qu’on est, de prendre au sérieux la propre profession religieuse. C’est cela qu’il est nécessaire d’inculquer à celui qui est en formation : un minimum de conscience professionnelle. En fait, un religieux est un authentique professionnel : en premier lieu un professionnel de l’Évangile. C’est ce que l’on est en droit d’attendre de lui. C’est l’obligation dont il a fait profession religieuse : celle de vivre ses vœux de façon cohérente. Il doit vivre réellement plongé dans cet engagement de vie, avec toute sa compétence. En conséquence, qu’avant tout il vive comme religieux, qu’il prie et soit un exemple de vie évangélique. Ensuite, et plus concrètement, il est un professionnel inséré dans une activité qui doit être utile et productive. Le genre de travail peut varier : ce peut être un travail intellectuel ou artistique, un travail pastoral ou manuel, peu importe. L’important est qu’il s’occupe, qu’il se dédie à quelque chose d’utile, qu’il s’applique à une activité qui soit au service des frères. C’est aussi la première forme de pauvreté : vivre en travaillant et, si possible, vivre de son propre travail. Les religieux parasites sont ceux de la pire espèce, ceux que le doux François chassait de la communauté au cri de « frère mouche ». C’est incroyable : le religieux qui ne s’engageait en rien dans la communauté ou dans la paroisse, quand il quitte, doit prendre le travail qui se trouve : la vie y oblige quand on a femme et enfants « à charge » ! À ce propos, la vie religieuse et la vie pastorale ont toutes deux une particularité en rapport à la vie « dans le monde » : elles ne sont pas dotées de contraintes économiques ou sociales, mais seulement de stimulants moraux et spirituels. Alors, si un frère ou une sœur sont religieusement désengagés, s’ils n’ont pas de convictions personnelles et s’ils ne rencontrent pas une communauté ou un supérieur qui le poussent au travail, ils s’effondrent dans l’embourgeoisement le plus parasitaire qui soit.

On sait qu’aujourd’hui la formation est centrée sur l’étude, laissant peu de place pour le travail (à l’intérieur ou à l’extérieur de la communauté). On débourse des fleuves d’argent pour la formation, surtout quand il s’agit de religieux clercs. (Mon économe provincial calcule que la formation d’un religieux profès solennel, depuis l’école secondaire jusqu’à la fin de ses études, coûte environ cent mille dollars). Le pire est que le religieux entretenu de manière si paternaliste, grandit avec une mentalité quasi infantile en ce qui concerne la vie et ce qu’elle coûte, en terme de travail et de gagne-pain. Et après tout cet investissement, quand on s’attendrait à ce que le religieux, finalement prêt, aide à porter le poids « de la fatigue et de la chaleur du jour », c’est alors qu’il s’en va, laissant aux travailleurs de la première heure tout le travail à faire. Pire : avec un sans-gêne incroyable, il demande encore « l’argent de base » - et pas un petit peu - pour redémarrer une nouvelle vie... N’y a-t-il pas quelque chose d’erroné dans tout cela ? Ne faudrait-il pas changer quelque chose ? Si les résultats sont ceux-là (certainement pas seulement ceux-là), qu’elle est la porte de sortie ? Qui le sait ? Ce qui est certain, c’est que celle qui est devant nous n’est certainement pas la bonne, au vu les fruits qu’elle produit. Il faudrait sans doute demander, dans la formation, un engagement moral plus sérieux et exigeant en ce qui concerne les activités communautaires, pastorales ou culturelles, comme moyen de formation et comme forme de participation à une « reproduction étendue » (pour parler comme les économistes) du propre institut.

Exigence de discipline aujourd’hui

Enfin, comment ne pas repenser le concept de discipline dans le cadre de la formation. Serions-nous devenus les victimes de la « permissivité pédagogique » de notre temps, celle-là même qui est maintenant l’objet d’une révision critique à cause des effets contre-productifs auxquels elle a conduit ? Il suffit de voir comment les familles éduquent leurs enfants : elles satisfont tous leurs désirs. Les enfants deviennent ainsi de petits tyrans de leurs parents. De cette matrice pédagogique dérivent des citoyens égoïstes et peu sociables, des personnes à problèmes et dépendantes, des gens sans caractère fort et d’une subjectivité incroyablement faible, qui s’écroulent face à la première crise venue. Et les voilà qui courent au cou de maman ou se mettent en quête du portefeuille de papa.

N’est-ce pas un peu ce qui arrive à nos maisons de formation ? On fait tout pour « maintenir » les enfants au couvent. D’autant plus que les vocations se raréfient... Ne faudrait-il pas, au contraire, mettre les jeunes à l’épreuve, comme faisaient les anciens Maîtres - surtout avant les vœux définitifs, pour voir s’ils réussissent à « tenir le coup » ? Malheureusement il semble que nous ayons pitié d’eux : pourquoi les interdictions ? et la correction ? Le moins possible, pour ne pas créer des religieux déprimés...

Parfois je me demande, en blaguant, si ne fait pas défaut la vieille pédagogie du « coup de tatane », avec laquelle tant de bonnes mères ont éduqué - et fort bien - leurs enfants. Bien des manies se corrigeaient grâce à ces méthodes simples et sages, mais aussi tellement efficaces. Il ne s’agit pas de retourner à la méthode désuète du bâton. Je songe seulement à celui de la « tatane » ! - un instrument plus humble, domestique et maternel. Exactement dans la manière du peuple qui s’y entend quand il affirme qu’une « fessée au bon moment... ». Cette méthode forgeait le caractère, chose dont la pédagogie moderne n’a pas la moindre idée, donnant valeur exclusive à la liberté, sans même se rendre compte qu’elle paye ainsi un prix exorbitant au libéralisme exécré d’aujourd’hui.

Obéissance et disponibilité

Et ne parlons pas du religieux qui, malgré son vœu d’obéissance, veut vivre comme et où bon lui semble, et voit le spectre de l’autoritarisme en n’importe quelle intervention de son supérieur... Qu’un religieux de cette espèce quitte la vie religieuse, et le voilà transformé en un petit agneau, tout soumis au patron en son travail et à sa femme à la maison. C’est ce qui est arrivé à un religieux que le supérieur ne réussissait pas à apprivoiser mais qui finit domestiqué, et fort bien, par... une femme. Dieu sait ce qu’il fait...

Il est certain que nous devrons restaurer la valeur spirituelle de l’obéissance, au-delà de son importance fonctionnelle, qui est celle de faire marcher une institution qui veut maintenir un sens de corps, poursuivre sa mission et garantir son futur. Tous savent combien il est difficile de trouver aujourd’hui quelqu’un qui accepte d’être supérieur. En fait, sa charge semble se réduire à « éplucher les pommes » où à se transformer en « agent de la circulation ». Et quand il veut trouver des moyens plus énergiques, il se retrouve pieds et poings liés du fait de « l’indisponibilité » morale des frères. Sur ce point aussi, la situation semble anormale : on ne saurait poursuivre longtemps ainsi, si l’on n’opère pas de profonds changements.

En conclusion

Telles sont les quelques considérations qui me sont venues à l’esprit, provoquées en partie par les abandons décourageants de certains jeunes religieux. Sans aucun doute, elles sont marquées par le pathos du moment, mais j’espère, ainsi que le recommande (et distingue) mon maître saint Thomas, de n’avoir point parlé ex passione, mais cum passione. Cela oui. Vous ne pensez pas que j’ai quelque raison ? Jugez vous-mêmes. Mais ce qui est le plus important est de centrer la discussion sur le thème et non pas de s’arrêter à juger les personnes.

Le Père Clodovis Boff est né à Concordia (Brésil) en 1944 et est membre de la congrégation des Servites de Marie (O.S.M.). Après sa théologie à Louvain (Belgique), il obtint un doctorat en « théologie pratique » (VOZES). Il est l’auteur de nombreux écrits (souvent en collaboration avec son frère L. Boff) de théologie comme Como fazer la teologia da Liertaçao et Teologia pé-nochao. Actuellement, il enseigne à l’université P.U.G. (Rio de Janeiro), à l’Instituto eologico Franciscano (Petropolis) et au Marianum (Rome). Il est en outre membre de ISERI et responsable de la pastorale des favelas de Rio Comprido (Rio).

[1Traduction d’un article paru dans Testimoni, lui-même repris du bulletin de l’Ordre des Servites, Inter nos, 241/98. Trad. de Frédéric Vermorel, revue et corrigée par l’auteur lui-même.

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