Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Chronique d’Écriture Sainte

Nouveau Testament

Emmanuel-Marie Fabre, o.s.u.

N°1999-6 Novembre 1999

| P. 408-415 |

Nous l’avions annoncé, la Chronique des livres sur l’Écriture sainte ayant plutôt pour horizon les Écrits néo-testamentaires a été confiée à une nouvelle plume. Après Didier Luciani, voici que Emmanuel-Marie Fabre nous permet d’avoir un aperçu précis et critique sur quelques parutions en ce domaine. Nous lui souhaitons la bienvenue dans nos colonnes.

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Les livres sur le Nouveau Testament que les éditeurs ont bien voulu nous envoyer peuvent être répartis en trois ensembles. Quatre ouvrages concernent plus directement des livres bibliques : l’évangile johannique, celui de Luc et les Actes des Apôtres, les écrits de Paul. Quatre autres recouvrent l’ensemble du Nouveau Testament à propos de Jésus révélant Dieu ou des femmes qui suivaient Jésus. Enfin, trois ouvrages recourent à l’Ancien Testament afin de mieux entrer dans l’intelligence du Nouveau : l’un traite de la vocation divine, le second du Saint-Esprit, le troisième qui clôturera cette chronique propose quelques clés pour que chantent en nos cœurs les Écritures.

I

Le premier livre regroupe des commentaires sur l’évangile de Jean [1], dans une perspective précise : « Le présent ouvrage n’est pas un commentaire exégétique, un livre pour spécialistes. Son but n’est pas d’exposer les textes verset par verset, ou de traduire en « langage simple » ce qui est effectivement compliqué, ou encore de résoudre des difficultés théologiques. Mais nous souhaitons présenter au lecteur le lien profond entre ce que dit le texte et l’existence humaine » (p. 9). L’auteur, professeur de théologie dogmatique à la faculté de théologie de Lugano (Suisse) et chargée de cours à l’Institut Catholique de Paris, a choisi quelques textes proclamés au cours de la liturgie dominicale et les commente en montrant comment le Père et le Fils œuvrent pour faire entrer le monde et l’humanité dans leur vie : Avoir la vie en son nom (Jn 20, 31). Il faut parfois suivre l’auteur sur le chemin ardu de nos vies, mais le but est sûr : « Aussi étrange que cela puisse nous paraître, l’entrée dans la vie éternelle pour chacun de nous, c’est d’abord le fait du Père et du Fils dans leur relation éternelle. C’est d’abord le fait du Père qui envoie son Fils, puis le fait de Jésus qui s’abaisse et revient, en être de chair, dans le sein du Père. La vie éternelle, pour chacun de nous, c’est Jésus qui fait en homme ce qu’il fait toujours en Fils unique : il tourne vers Dieu ce qu’il reçoit de Dieu » (p. 176).

La collection des cahiers « Connaître la Bible » continue à se développer. M. Gourgues, exégète et théologien à Ottawa, présente un numéro double : Les deux livres de Luc [2]. En étudiant à la fois le troisième évangile et les Actes des Apôtres, c’est sur la théologie de Paul que l’auteur se penche. Dès l’ouverture du livre, il en donne les thèmes majeurs : le don de l’Esprit, la mission universelle, Jérusalem. Trois thèmes dont l’agencement prouve que l’on a affaire à un évangile et sa suite. Après un appendice sur l’avant-propos de Luc (1, 1-4), l’auteur reprend chacun de ces thèmes, établissant tout au long de son ouvrage le fondement de la mission ecclésiale dans la mission même du Christ. Le dernier chapitre se penche alors sur la christologie lucanienne : « Un certain visage de Jésus ». Seigneur, sauveur et serviteur, tel est ce Jésus que nous dépeint Luc. La prière est au cœur de sa mission car, à la différence de Matthieu, « l’accomplissement du dessein de Dieu est moins chez lui l’objet d’une constatation que l’objet d’une option, d’un projet de la part de Jésus » (p. 96). Cette prière est lieu de présence à Dieu, mais aussi lieu de présence de Dieu : « Dieu se manifeste présent lorsque au creux de la détresse, on se rend en quelque sorte présent à lui. C’est en effet durant sa prière que Jésus fait l’expérience de la transfiguration. Comme si le maintien, au cœur de l’épreuve, de la relation à Dieu entraînait, pour ainsi dire, une manifestation particulière de ce dernier, un approfondissement de la communion à lui » (p. 98). Ce livre est finalement une invitation à lire et relire les deux livres de Luc pour entrer de plus en plus dans le mystère de l’union de Jésus Christ et de son Église.

Le dixième volume de cette même collection des cahiers « Connaître la Bible » de P.D. Dognin [3], dominicain, s’inscrit bien dans la veine des précédents en alliant concision, clarté et précision. L’auteur, ancien professeur de philosophie sociale, nous donne de découvrir Paul en tant que théologien de la confiance en Dieu. La croix est resituée au centre de la prédication paulinienne comme révélation de la confiance filiale absolument parfaite du Christ. C’est cette confiance qu’évoque Paul en parlant de « la foi du Christ », trop souvent traduite par « la foi au Christ ». L’objectif de l’ouvrage est de lire les textes à la lumière de cette centralité de la croix comme révélation de la foi du Christ. La « souffrance rédemptrice » laisse alors la place à la « confiance rédemptrice », et la justification par la foi est justification dans le sang du Christ. La « crucifixion avec le Christ », fruit du baptême, est vie dans la foi du Christ. Quant à la prédication, elle dispose de la « puissance de Dieu » qui avant même de se manifester dans la Résurrection, se manifeste dans la puissance de la foi de Jésus sur la croix. Ce cahier constitue donc une belle approche de saint Paul, donnant soif d’en savoir plus en s’attelant directement aux lettres pauliniennes, afin de mieux connaître la gratuité de l’Amour de notre Dieu révélée ici par « la foi du Christ » sur la croix.

Nous retrouvons saint Luc avec un merveilleux livre sur les Actes des Apôtres [4]. L’auteur, grand connaisseur et ami de l’évangéliste grec, explique lui-même la genèse de son ouvrage : une question au sujet de l’Esprit Saint l’a fait recourir aux Actes des Apôtres, mettant en scène les apôtres, mais dont le véritable acteur n’est autre que l’Esprit Saint : « Mon propos, dans ce livre, est donc de vous raconter une histoire, pour vous aider à faire plus ample connaissance avec cette personne divine, omniprésente mais si effacée, qu’est l’Esprit Saint » (p. 5). Le résultat est captivant. Pas une note n’alourdit le récit, et c’est une vraie joie que d’avancer dans la lecture au rythme de l’Esprit : à Jérusalem, en Samarie, et jusqu’à Rome, carrefour des nations. L’intrigue du récit va peu à peu se nouer autour de la reconnaissance mutuelle des juifs et des nations dans leur foi commune en Jésus ressuscité vivant sur nos routes. Finalement, le lecteur lui-même est invité : « À vous, maintenant, de poursuivre la route, de faire le récit de vos histoires saintes, à la lumière de l’Esprit Saint. Viens, Esprit Créateur... » (p. 166).

II

En cette année de préparation au Jubilé de l’an 2000 consacrée au Père, un petit livre s’intitulant Dieu Père dans le Nouveau Testament tombe à point nommé [5]. En fait, il s’agit d’une réédition, la traduction française de l’édition originale parue en allemand datant de 1966. Mais le parcours mis à la disposition de tous, dans la très abordable collection « Foi Vivante », est de grand intérêt : la croyance en la paternité avant le Christ (dans les religions païennes, l’Ancien Testament, le judaïsme palestinien) ; Jésus nous révèle son Père ; Dieu le Père chez Paul et Jean. L’ensemble constitue un véritable traité de théologie biblique se proposant de « rechercher ce qu’il y a d’unique, de neuf et d’immuable dans le message de Jésus concernant le Père » (p. 10). C’est donc le cœur même du message évangélique qui est approché ici : la relation unique de Jésus à Dieu qui le faisait nommer « Abba, Père », relation dans laquelle chaque chrétien est invité à entrer par le Christ lui-même.

Un autre livre sur Jésus révélant Dieu s’intitule : Jésus, l’homme qui évangélisa Dieu [6]. Ce titre peut surprendre, mais l’auteur s’en explique : « Non certes que Dieu ait besoin d’être évangélisé, mais bien la manière dont nous parlons de lui et dont, à tout propos, nous utilisons son Nom » (p. 16). R. Luneau a voulu retrouver les paroles et les gestes de tous les jours, simplement humains de l’homme qui donna définitivement un autre visage à Dieu : la Résurrection n’a pas gommé les traits singuliers de l’homme qui aujourd’hui encore déconcerte et fascine. Après une première partie sur Jésus et son pays, l’ouvrage traite de sa mission en une deuxième partie intitulée : « Venu apporter le feu » (Lc 12, 49), dissonances et ruptures. C’est évidemment sur l’Évangile que s’appuie l’auteur tout au long de son ouvrage, mais avec une visée précise : « ...à quelque moment de l’histoire qu’on l’aborde, l’Évangile est essentiellement une question qui fragilise les certitudes séculaires et les usages les mieux fondés » (p. 213). Il n’est donc pas étonnant que les questions ouvertes le restent largement. Par ailleurs, on se réjouira de détecter, tout au long du livre, l’influence de la sagesse africaine venant d’une longue expérience de l’auteur en Afrique.

Un troisième livre sur Jésus révélant Dieu est édité au Congo [7]. « L’origine de ces commentaires se trouve dans des conférences et des sessions offertes à différents publics, des laïcs et des consacrés, principalement au Congo, mais aussi en Europe » (p. 1). L’ouvrage ne se veut pas d’érudition ; l’auteur déploie un maximum d’éléments pour nourrir la foi des lecteurs. Le premier chapitre est une motivation du travail et une méthode pour « lire et goûter, écouter l’Évangile ». Ensuite dix neuf paraboles sont longuement commentées. Enfin, le dernier chapitre offre la traduction d’une pièce de théâtre illustrant la parabole du Père avec les deux fils perdus. L’ensemble constitue une aide pour ceux qui souhaitent approfondir l’évangile, personnellement ou en groupe. Une réserve : la place de l’Ancien Testament. « Il est vrai que Jésus Christ est l’accomplissement de l’Ancien Testament, mais il n’est pas indispensable de parcourir tout le chemin de l’A.T. pour comprendre Jésus Christ. Jésus nous envoie son Esprit pour nous expliquer tout » (p. 4). La valeur prophétique de l’Ancien Testament est malheureusement délaissée, à l’encontre des recommandations du document de la commission biblique pontificale datant de novembre 1993 : « Les païens qui adhèrent à la foi au Christ ont à se nourrir de l’Ancien Testament comme Parole de Dieu, qui leur permet de mieux découvrir toutes les dimensions du mystère pascal dont ils vivent » [8].

Des femmes aussi suivaient Jésus [9]. Le livre de S. Tunc pose en fait la question du rôle des femmes dans l’Église catholique : si des femmes suivaient Jésus et ont dès le début contribué à la diffusion de notre foi, pourquoi leur refuser aujourd’hui la pleine responsabilité dans l’Église, y compris l’ordination ? Pourquoi craindre une présence féminine que les Écritures soulignent si souvent ? Les cinq premiers chapitres du livre scrutent à travers l’Évangile le mode de présence des femmes auprès de Jésus : elles auraient été disciples de Jésus, comme les hommes, ce que la tradition a minimisé ou même oblitéré. La place prépondérante des apôtres et des disciples masculins ne correspondrait qu’à la situation socio-culturelle de l’époque de Jésus, non à son intention réelle qui elle, se manifeste par son attitude vis-à-vis des femmes, à savoir leur acceptation dans le cercle de ses disciples. Ainsi, elles auraient été présentes à la dernière cène ; à Pâques c’est à elles qu’aurait échu le rôle de témoin ; et à la Pentecôte elles auraient reçu l’Esprit en même temps que les disciples et au même titre qu’eux. Dans ses quatre derniers chapitres, l’auteur interroge la tradition : la « suite de Jésus » par les femmes après sa disparition (ch. VI) ; leur élimination progressive (ch. VII) ; les raisons traditionnelles invoquées pour les exclure des ministères (ch. VIII) ; les raisons qu’on fait valoir aujourd’hui (ch. IX). L’exposition est claire et n’esquive pas les questions. Mais, tout au long du livre, nous restons au niveau de la comparaison entre hommes et femmes. N’aurait-il pas fallu au préalable poser les fondements anthropologiques permettant de reconnaître les richesses de l’homme et celles de la femme pour accueillir le don de l’amour divin dans son absolue gratuité ?

III

« Pour connaître l’Esprit, il faut scruter les Écritures » (p. 8). Telle est la ligne directrice du dernier livre de F. Manns [10], franciscain, doyen et professeur au Studium biblicum franciscanum de Jérusalem, autour de plusieurs ouvrages consacrés au judaïsme et à l’Écriture. « L’itinéraire, que nous suivrons dans notre recherche, est simple : nous commencerons notre enquête sur l’Esprit par l’Ancien Testament. Avant de passer au Nouveau, nous ferons une brève étape pour scruter l’intertestament, c’est-à-dire le judaïsme palestinien et hellénistique qu’on peut définir comme le monde du Nouveau Testament. C’est dans leur contexte historique et culturel qu’il faut lire les textes. Une étude très brève et limitée sur la théologie des Pères conclura cette recherche. On ne trouvera rien du traité classique de Pneumatologie ni des débats sur le filioque. Plutôt que de faire toute l’histoire du dogme, nous préférons relire les sources : l’Écriture et la Tradition » (p. 21). C’est donc un panorama des sources bibliques et patristiques que l’auteur déroule devant nous, fournissant une véritable mine pour entrer davantage dans le mystère de l’Esprit. Un glossaire en fin de parcours facilite la lecture d’un texte parfois très dense.

Une fois n’est pas coutume, un théologien, J. Reding, nous livre ses clés de lecture de l’Écriture à partir de son étude de la Tradition dogmatique [11]. « Bien sûr, à condition de ne plus approcher celle-ci comme un corps d’énoncés théoriques intemporels et intangibles mais bien plutôt comme une “grammaire” historique de la pratique de l’altérité selon la foi chrétienne » (p. 24). L’auteur dégage ainsi des options de lecture exposées en huit chapitres, par exemple : la caméra sur les relations ou sur l’entre-deux (ch. 4), ou encore, l’air tonique de la non-évidence de Dieu (ch. 7). Chaque option donne lieu à une suggestion de travail en atelier invitant à goûter « la saveur d’une parole brisée en groupe » (p. 25). La visée de l’auteur est de ne pas lâcher les vieux textes judéo-chrétiens et de chercher avec toutes les méthodes possibles, qu’elles soient d’ordre historique ou structural, psychanalytique ou sociologique jusqu’à ce que la lecture « donne accès à quelque chose de neuf, donc de surprenant, qui nous arrive comme un événement de bonheur inédit » (p. 30).

Sœur Emmanuel-Marie Fabre, Ursuline, est née en 1956, a enseigné les mathématiques, est assistante en théologie biblique à l’Institut d’Études Théologiques de Bruxelles.

[1K. Heller, Avoir la vie en son nom, Coll. « Lire le Bible » 119, Paris, Cerf, 1999, 12 x 18, 182 p., 100 FRF.

[2M. Gourgues, Les deux livres de Luc. Clés de lecture du troisième Évangile et des Actes, Coll. « Connaître la Bible » 7/8, Bruxelles, Lumen Vitae, 1998, 15 x 21, 111 p., 380 BEF.

[3P.D. Dognin, Paul, théologien de la confiance en Dieu, Coll. « Connaître la Bible » 10, Bruxelles, Lumen Vitae, 1998, 15 x 21, 64 p., 250 BEF.

[4Ph. Bossuyt, L’Esprit en Actes. Lire les Actes des Apôtres, Coll. « Le livre et le rouleau » 3, Bruxelles, Lessius, 1998, 15 x 21, 176 p., 119 FRF/715 BEE

[5W. Marchel, Dieu Père dans le Nouveau Testament, M. Cétrad., Coll. « Foi vivante » 401, Paris, Cerf, 1998, 11 x 18, 142 p., 45 FRF.

[6R. Luneau, Jésus, l’homme qui évangélisa Dieu, Paris, Seuil, 1999,14 x 21, 249 p., 120 FRF.

[7P. Cardon de Lichtbuer, Paraboles du Royaume. Jésus nous révèle Dieu, Bukavu, Kivu-Presses, 1998, 15 x 22, 675 p., 795 BEF.

[8« L’interprétation de la Bible dans l’Église ». Documentation Catholique n° 2085, 2 janvier 1994, p. 32.

[9S. Tunc, Des femmes aussi suivaient Jésus. Essai d’interprétation de quelques versets des évangiles, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, 14 x 22, 183 p., 120 FRF.

[10F. Manns, Là où est l’Esprit, là est la liberté, Coll. « Vivre la Parole », Paris/Montréal, Médiaspaul, 1998, 14 x 22, 223 p., 125 FRF.

[11J. Reding, Lueurs d’aurores. Quelques clés pour que chantent en nos cœurs les Écritures, Malonne (Belgique), Éd. Feuilles Familiales, 1999, 15 x 21, 144 p., 590 BEF.

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