Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Vita consecrata : un guide de lecture

Noëlle Hausman, s.c.m.

N°1997-3 Mai 1997

| P. 151-160 |

C’est dans un genre littéraire spécifique que nous proposons ici un « guide » de lecture de Vita Consecrata. Plus que guide, il faudrait d’ailleurs mieux dire un chemin (et son guide). Un chemin, car la lecture et les questions qui sont posées, engagent. Et cet engagement va bien au-delà de la « réception » plus ou moins critique d’un texte par ailleurs riche et complexe. Avec un sens aigu des enjeux (et des voies et moyens) l’auteur provoque, parfois avec quelques malicieuses accentuations, à la réflexion et à l’action ! Saurons-nous choisir ?

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Il y a bien des manières de considérer la récente exhortation postsynodale Vita consecrata (25 mars 1996) « sur la vie consacrée et sa mission, dans l’Église et dans le monde ». On peut, comme nous l’avons fait ailleurs, méditer sur ses enjeux théologiques fondamentaux [1], étudier de près ce qu’elle apporte à la doctrine de telle forme de vie consacrée [2], ou bien encore, et c’est ce que nous ferons dans ces pages, tenter une lecture attentive aux conséquences du document étudié. Notre angle d’approche suppose donc un parcours d’ensemble du texte, dont nous proposerons pour chaque partie le résumé succinct (en italiques), avant de réfléchir, d’un point de vue plutôt pastoral, aux implications de cet enseignement.

Introduction : la vie consacrée (1-13)

Le Pape écrit cette lettre pour que se réjouissent (13) ceux qui professent les conseils évangéliques au cœur de l’Église (3) quelle que soit la forme de leur vie consacrée (6-12), eux qui rappellent radicalement la présence agissante du Christ dans l’Église.

Le document reconnaît au passage (9) dans le Christ le Consacré par excellence et l’Apôtre du Père. Cette union intime de la consécration et de la mission, reprise en termes johanniques au début de la troisième partie, met fin à bien des discussions stériles sur la supériorité (héritée de la philosophie grecque) de la contemplation sur l’action. Pour la vie religieuse apostolique, malgré la transposition affaiblie du numéro 8 de Perfectæ caritatis, le principe d’unité se trouve donc bien dans la communion au Christ et à ses membres - une affirmation centrale, au regard de tendances plus communautarisantes.

On fera une autre remarque, à propos du numéro 12. Il faut bien distinguer les formes nouvelles ou renouvelées de la vie consacrée - qui ont toujours existé, sans jamais supplanter les précédentes, comme dit fort courtoisement le document-, du désir des personnes mariées, dans les communautés nouvelles, de relever de la vie consacrée, ce qui n’est pas possible (62). À plusieurs reprises, Vita consecrata manifestera la volonté de distinguer les diverses vocations ecclésiales, de manière à pouvoir les unir - la communion ne pouvant jamais se réaliser par le chemin inverse.

Au numéro 13, le Pape indique la finalité de l’exhortation : dans ces années de renouveau et d’épreuves, offrir à la vie consacrée, et d’ailleurs à tout le peuple de Dieu, l’occasion de se réjouir, comme à Antioche, à la lecture de la lettre du Concile de Jérusalem : « et l’on se réjouit de l’encouragement qu’elle apportait » (Ac 15,31). Cet accent, qu’on pourrait qualifier de « cordiale ouverture », paraît capital, dans les circonstances que la vie consacrée traverse en beaucoup de continents.

De plus, et c’est une ouverture trop peu remarquée, le Pape souhaite que la réflexion se poursuive, afin que les consacrés « trouvent une ardeur nouvelle pour faire face spirituellement et apostoliquement aux défis qui se présentent » (ibid.). Quoi qu’il en soit du caractère fondamental qu’on reconnaît à Vita consecrata, la tâche est encore devant nous pour l’essentiel.

L’exhortation se déroule ensuite en trois parties, marquées par la belle concision des titres latins ; proposons d’y voir successivement mises en évidence la consécration (I), la communion (II) et la mission (III) ; nous y reviendrons en conclusion.

Confessio trinitatis (14-40) : sur la consécration

L’icône de la Transfiguration (14-16) est le lieu évangélique propre de la vie consacrée, dans ses dimensions contemplatives et apostoliques.

À la louange de la Trinité (17-22)

La lumière du Thabor révèle le Père, le Fils, l’Esprit. Les conseils évangéliques sont avant tout un don de la Sainte Trinité. Le premier témoignage des consacrés est celui d’une existence transfigurée par l’initiative du Père, dans la forme de vie du Christ, grâce à l’Esprit.

De Pâques à la plénitude des temps (23-28)

Du mystère pascal découlent le sens missionnaire (23), le rôle eschatologique (l’habit), la primauté de Dieu (comme chez Marie et Joseph).

Dans l’Église et pour l’Église (29-34)

La vie consacrée ne peut jamais faire défaut à l’Église (29), Jésus étant le premier fondateur des consacrés. En conséquence, « excellence objective » de la vie consacrée et service de la « consécration de vie » des autres vocations chrétiennes (sur la femme : 34).

Guidés par l’Esprit (35-40)

La sainteté signifie ici une existence transfigurée par la conversion, une fidélité au charisme (triplement orienté vers le Père, vers le Fils et vers l’Esprit, 36), à la mission, au combat spirituel, à l’assistance due à tous les chrétiens en quête de perfection.

« De la Trinité à la plénitude des temps », où en arrive-t-on ? Tout d’abord à une très grande vision de la vie consacrée, désormais située en un lieu évangélique tout de lumière et de beauté, qui n’est pas le Calvaire, mais le Mont Thabor. Cette manière de voir dépasse magnifiquement les querelles autour du moment (impossible à cerner) où Jésus aurait fondé la vie consacrée - la chose est vraie aussi pour plusieurs sacrements. Se trouver au cœur du mystère de la Transfiguration, ce n’est pas pour les consacrés être tous identifiés à la vie contemplative, mais être appelés à se tourner vers le Père, source et origine de toute consolation. On peut d’ailleurs renvoyer au texte du numéro 14, qui montre comment l’ascension de la montagne est suivie d’une descente dans la vallée, avec « Jésus seul », sur le chemin de la Croix.

Du point de vue doctrinal, le rapport constamment posé par l’exhortation entre les conseils évangéliques et la Trinité doit être regardé comme très important. A-t-on assez vu, jusqu’ici, combien la vie consacrée témoignait du mystère d’effacement et de surabondance de l’amour divin ? Les insistances sur la forme de vie du Christ et la conduite constante de l’Esprit doivent aussi être soigneusement pesées : savons-nous assez que notre premier témoignage est celui d’une existence transfigurée, d’une Confessio Trinitatis ?

Le document place encore les consacrés, de manière privilégiée, dans le temps de l’attente, de l’espérance et de la veille, selon ce qu’il nomme la dimension pascale de la vie consacrée ou encore, sa dimension eschatologique. Par différence, les chrétiens laïcs sont plutôt les témoins du mouvement de l’incarnation du Verbe, et les ministres ordonnés, les signes de la présence du Christ pasteur et sauveur de son peuple. Cet enseignement est conforme au dynamisme de Lumen gentium, qui situe les religieux du côté de la fin dans le mouvement de retour de l’Église vers Dieu, juste avant les saints et la Vierge Marie. Peut-être y a-t-il là, pour certains, de grandes indications, un choix précis à opérer dans nos œuvres.

Sans doute le numéro où l’on a traité, au passage, de l’habit (25) va-t-il attirer l’attention de certains. Je crois pourtant que la visée essentielle de ce texte est donnée juste auparavant, dans l’enseignement au sujet du signe, de la visibilité, du témoignage concret à rendre au sujet de notre appartenance au Christ en toute situation. L’habit, le signe, le vêtement, l’insigne, la dignité et la simplicité que l’on requiert ici ne sont qu’un des domaines où la vie consacrée doit, comme l’Église, « se rendre visiblement présente dans la vie quotidienne, spécialement dans la culture contemporaine, si souvent sécularisée et cependant sensible au langage des signes ». J’ajouterai, une fois de plus, qu’un corps social qui n’est plus visible en rien, ni par un habitat, ni par une apparence extérieure, ni par un engagement social et collectif - même s’il continue à subsister par petits groupes de vie communautaire - n’existe plus, pour nos contemporains, qu’à l’état de (mauvais) souvenir, voire dans l’imaginaire de la dérision (cf. les publicités, films et bandes dessinées).

D’autres points me semblent encore à souligner, dans cette riche première partie, dont deux s’imposent : le premier, au sujet de la permanence de la vie consacrée, l’autre, à propos de sa responsabilité des autres vocations chrétiennes.

La vie consacrée ne manquera jamais à l’Église, cela semble acquis (29 et déjà le Concile cité en note, puis le Message du Synode [3]). Bien entendu, la question qui nous vient aussitôt à l’esprit est de savoir si la vie religieuse, telle que nous la connaissons et la vivons aujourd’hui en Europe notamment, ne pourrait tout de même pas disparaître. Les statistiques sont là pour nous orienter dans cette direction, et elles ont leur poids. Pourtant, on n’a jamais réformé l’Église sur le papier - ni d’ailleurs par le sommet - comme on pourrait restructurer une entreprise en péril. Les vrais réformateurs, nous répète le texte, ont été les saints. La solution est donc simple : soyons des saints aujourd’hui. Si la réponse paraît trop facile, il n’est que d’essayer. Comment d’ailleurs définir la sainteté contemporaine, qui ne peut être ostentatoire - l’a-t-elle jamais été ? - mais sera animée d’une vraie mystique ecclésiale ? S’il est vrai que nous sommes désormais et pour toujours au cœur de l’Église, c’est bien de l’Église charnelle et spirituelle que connaît notre temps qu’il s’agit. Avons-nous vraiment, en tant que religieux par exemple, une spiritualité dominée par le sens de l’Église - donc une spiritualité sacramentelle, colorée par la dévotion populaire ou, au contraire, marquée par la sobriété liturgique, qu’importe, mais une spiritualité où les autres membres de la communauté ecclésiale ont leur place ? Est-ce que nous nous comprenons d’abord comme des membres de l’Église, avec ce Pape, ces évêques, ces laïcs dont nous connaissons bien les visages et qu’il nous faut aimer ? Sans une réelle ferveur ecclésiale, la vie religieuse que nous connaissons ne pourra que décroître, repliée sur ses impasses et ses essoufflements, alors même que l’Église a tant besoin de son témoignage, si humble et impuissant soit-il.

Un autre point d’insistance à relever, c’est la tâche assignée aux consacrés d’être comme des maîtres de vie spirituelle. Sommes-nous assez conscients de l’investissement reçu au long des années, et sommes-nous prêts à en rendre raison ? Cette question va se faire toujours plus pressante dans les prochaines années, en Europe, au fur et à mesure que disparaîtront les générations de chrétiens qui savaient encore, parce qu’ils l’avaient appris et pratiqué, l’essentiel de la foi et des mœurs chrétiennes. Nous apparaîtrons certainement, à court ou moyen terme, comme des témoins de cette époque révolue, et il nous appartiendra plus que jamais de transmettre aux chrétiens qui nous suivent - et donc d’enrichir, au passage - ce que nous avons reçu. Y sommes-nous prêts, y consentirons-nous ?

On pourrait encore, plus brièvement, souligner la richesse de l’orientation trinitaire donnée au charisme fondateur. Il nous faudrait réfléchir mieux à nos sources, aux traces qu’elles portent de ce dynamisme trinitaire qui est notre véritable actualité - ce qui ne revient pas à dire que des formulations littéralement trinitaires soient nécessaires. Il n’est pas sûr que toutes les recherches historiques des trente dernières années aient abouti à un ressourcement aussi fécond dans le mystère inépuisable des relations et des missions divines.

Enfin, on s’étonnera peut-être que le texte ne traite jamais du célibat sacerdotal, différent de la chasteté consacrée. Sans compter qu’un autre document a considéré ce point à partir de la vocation des prêtres [4], il faut sans doute prendre acte d’une certaine convergence entre la vocation à la vie consacrée et le célibat sacerdotal demandé aux futurs prêtres, dans le rite latin.

Après cette première partie vraiment fondatrice, l’exhortation place en son centre une réflexion que plusieurs auteurs qualifient d’ecclésiologique, puisqu’elle touche au fait que la vie consacrée est, à beaucoup d’égards, considérée par le texte comme signe de la communion où se reconnaît, depuis le Concile, l’Église elle-même.

Signum fraternitatis (41-71) : sur la communion

Valeurs permanentes (41-58)

Vie partagée dans l’amour (42), l’obéissance, le service de l’autorité, le respect des personnes âgées, la vie consacrée doit montrer le visage de la première Église, aimant ses pasteurs, au niveau de l’Église universelle et des Églises particulières, dans le dialogue entre supérieurs et évêques, mais aussi en communion avec elle-même, les divers instituts, les conférences de supérieur(e)s majeur(e)s, et aussi, les laïcs, associés ou volontaires (54-56) ; le rôle de la femme consacrée (57).

Fidélité dans la nouveauté (59-62)

Points réputés chauds : clôture des moniales, vocation des frères dans les « instituts mixtes » (commission), nouvelles formes de vie évangélique et personnes mariées (commission).

Regard vers l’avenir (63-71)

Réorganisation des œuvres ; l’échec est spirituel, non quantitatif ; difficultés de la pastorale des vocations (appeler) ; petit traité sur la formation (trinitaire, communautaire, première, permanente, son dynamisme, 70).

Procédons ici davantage sous la forme d’une sorte d’examen de conscience. Le document nous présente la vie fraternelle comme une valeur permanente de la consécration. Avant d’être une particularité de la vie consacrée, cette caractéristique relève de la vie chrétienne. Elle suppose dès lors, comme pour les autres chrétiens, une vie de communion avec les pasteurs, au niveau de l’Église universelle comme de l’Église particulière. Voyons où cette perspective, qui n’a plus rien d’autarcique, peut conduire.

Dans le domaine particulier de la collaboration avec les laïcs, sommes-nous en mesure de faire reconnaître notre spécificité, voire notre responsabilité, si les œuvres dirigées par des laïcs sont encore nôtres ? Y a-t-il un mouvement des laïcs vers notre spiritualité ?

Quelle est la contribution originale qu’offrent à l’Église les femmes, et les consacrées ? Si l’on pouvait mieux cerner cet apport, plusieurs questions implicites sur les ministères se trouveraient certainement éclairées.

Est-ce que les consacrés se trouvent vraiment enrichis du dialogue avec les communautés nouvelles ? Est-ce que nous leur offrons un témoignage spécifique ? L’échange des dons n’est peut-être pas suffisamment réciproque, en ces temps de nouvelle évangélisation, qui requiert toutes les forces ecclésiales.

Comment voyons-nous l’avenir de la vie religieuse et consacrée dans nos régions ? Comment élaborer, en conséquence, un programme de formation vigoureux et réaliste ? Il est clair que la deuxième question dépend de la vision plus ou moins optimiste qui peut caractériser la première - le prophétisme dont il sera question plus tard trouverait une application bien utile, en ce domaine souvent marqué par une certaine déréliction.

Servitium caritatis (72-103) : sur la mission

Consacrés pour la mission (72-74)- Bon pasteur

L’amour jusqu’au bout (75-83)- Lavement des pieds

  • évangélisation (première annonce ad gentes, inculturation, dialogue interreligieux) ;
  • prédilection pour les pauvres (Jésus à Nazareth), promotion de la justice (Mt 25), soin des malades (Bon Samaritain).

Un témoignage prophétique face aux grands défis (84-95) (Élie)

Les conseils évangéliques, réponses à un triple défi (et la vie en commun) ; la sainteté est communautaire et spirituelle (l’Eucharistie).

Quelques aréopages de la mission (96-99)

Éducation, culture, communications sociales.

Engagés dans le dialogue avec tous (100-103)

Unité des chrétiens, dialogue avec les autres religions, responsabilité de tous les chercheurs de Dieu.

Procédons encore sous la forme de l’interrogation. Un premier ordre de considérations peut nous venir de la diversité des lieux christologiques proposés : le lavement des pieds et le Christ serviteur, la prédication inaugurale de Nazareth, le Bon Samaritain. Cependant, la figure du prophétisme demeure celle d’Élie, et l’image de la communauté, celle des Actes, teintée néanmoins d’une pointe d’Apocalypse (la Jérusalem nouvelle est déjà là). Puis le texte revient à la Transfiguration, entendue dans la lumière eucharistique. Quelle importance cette galerie de portraits, culminant dans l’adoration eucharistique, peut-elle avoir concrètement pour nous ?

La grande vision missionnaire de la vie consacrée est intimement référée à sa capacité d’offrir une spiritualité authentique, marquée par la prière liturgique et l’efficacité sacramentelle. Qu’en est-il dans nos vies concrètes, en ces temps où se fait sentir la pénurie des prêtres ?

Partout dans les pages que nous venons de lire revient l’insistance trinitaire que nous avons déjà observée depuis le début. Cependant, chacun des trois conseils n’est pas rapporté aux personnes divines, mais la triade classique est comprise comme réponse à trois provocations toujours anciennes et toujours actuelles, que le document interprète notamment en termes sociaux. Avons-nous l’habitude de comprendre sous cet aspect en quelque sorte collectif un engagement éminemment personnel ? Nos communautés et nos entreprises cherchent-elles à rendre un témoignage commun de chasteté, de pauvreté, d’obéissance ?

L’unité de la consécration et de la mission forme le frontispice de ce troisième chapitre, intitulé Servitium caritatis. Les allusions à saint Ignace de Loyola et les citations de saint Vincent de Paul ne manquent pas, ensuite, même si d’autres saints et docteurs sont appelés à la rescousse. Est-ce à dire que nous sommes vraiment tenus à la sainteté ? Y a-t-il d’ailleurs des saintetés plus marquées par l’apostolat et d’autres par la contemplation ? Comment trouver dans notre tradition spirituelle l’intime réciprocité de la consécration et de la mission ?

Le service de la charité n’est pas seulement fait, comme l’indiquait le début de la troisième partie, d’héroïsme et de prophétie. Il se spécifie en des lieux à la fois anciens et nouveaux, et il entraîne toujours plus largement, à partir de la prière sacerdotale, au service de l’unité du genre humain tout entier. Sans doute n’est-ce pas toujours ainsi que nous percevons notre horizon, mais le document est si affirmatif que nous avons au moins à y réfléchir un peu.

En ce qui regarde le monde de l’éducation et de l’enseignement, l’insistance du document est exceptionnelle (elle était plus forte encore, au Synode). S’agit-il pour nous d’une guerre déjà perdue, ou pouvons-nous encore nous investir dans un domaine que le document estime spécialement marqué par l’amour préférentiel des pauvres ?

Le monde de la culture n’est-il pas à jamais loin de nous, et nous-mêmes, irréductiblement séparés de lui ? L’exhortation suggère qu’il s’agit là d’un milieu propice à la collaboration active avec les laïcs ; comment y œuvrer ? Croyons-nous vraiment que l’engagement prolongé dans l’étude manifeste notre vocation de chercheurs de Dieu ?

Comment comprendre notre responsabilité ascétique et apostolique dans le monde des communications sociales ? Y consacrons-nous, comme le demande le document, des forces, des moyens, des personnes ? Comment l’Église peut-elle « baptiser » un tel pouvoir, et comment pouvons-nous y contribuer spécifiquement ?

L’unité des chrétiens, le dialogue œcuménique, le dialogue interreligieux, la recherche du sacré ont-ils une place dans notre prière et notre formation ? Avons-nous l’expérience ou le désir d’un « dialogue des œuvres » ? Qu’en est-il du partage de nos richesses spirituelles à ceux qui ont la nostalgie de Dieu ?

Pour finir cette troisième partie, répétons à quel point son horizon missionnaire n’est pas surajouté aux pages attribuées à la consécration et à la communion. On devrait même, pour suivre la logique du texte, tenir la thèse selon laquelle la consécration est missionnaire, en raison de la communion. Ces trois notions capitales sont intérieures l’une à l’autre, et ne peuvent jamais s’opposer ou se trouver séparées, sous peine de voir s’altérer l’essentiel.

Conclusion (104-112)

Le parfum de Béthanie

Adresse aux jeunes, aux familles, aux hommes de bonne volonté, à tous les consacrés.

Prière à la Trinité, invocation de la Vierge Marie.

De la Transfiguration à l’onction de Béthanie, de la parabole des Vierges au Lavement des pieds puis à la Visitation, Vita consecrata n’en finit pas de nous ramener à l’Évangile, c’est-à-dire à la révélation du Père, du Fils et de l’Esprit. À cet égard, l’exhortation apporte à la vie consacrée un très grand souffle, qui lui manquait certainement dans les dernières années, un peu obscurcies par les difficultés de la pratique et la nébulosité des travaux théologiques.

On comprendra sans doute que le propos est plus christologique que pneumatologique, plus ecclésial que marial. Il me semble intéressant de rappeler, pour finir, à quel point l’exhortation voit l’origine de la vie consacrée dans le Père, premier des formateurs, source de la consécration et de la mission, parce qu’il est le principe sans principe de la communion. Peut-être notre temps de confusion tirera-t-il profit d’une vision où chaque personne divine s’ordonne diversement aux autres, et d’une vie consacrée qui peut en conséquence s’identifier, dans ses formes variées, comme une bienheureuse gratuité.

rue Gaston Bary, 65
B-1310 LA HULPE, Belgique

[1Cf. « L’exhortation postsynodale Vita consecrata : un document exceptionnel », in NRT 119 (1997).

[2Cf. « L’exhortation apostolique Vita consecrata : avancées et questions pour la vie religieuse, notamment apostolique », in Bulletin de la REPSA 356 (1996), 358-363.

[4Pastores dabo vobis (25 mars 1992), exhortation consécutive au Synode de 1990 sur la formation des prêtres dans les circonstances actuelles.

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