Onzième Assemblée des Supérieures Majeures du Zaïre
Angèle Mutonkole, s.c.j.m.
N°1997-3 • Mai 1997
| P. 188-197 |
En publiant ici ce bref compte rendu de l’Assemblée des Supérieures Majeures du Zaïre, nous voulons nous associer à la peine et à la prière qui traversent si dramatiquement le peuple et l’Église du Zaïre. C’est peu, mais c’est indispensable. Il y va de l’avenir chrétien d’un continent où la vie consacrée - aux côtés de tant d’autres vies innocentes – ensemence pour des moissons futures. Nous avons tant à recevoir d’elle et de sa jeunesse évangélique.
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Partage et réflexion
Introduction
On observe au Zaïre un changement de mentalités dans différents domaines ; ce travail s’opère dans la douleur. Il y a une prise de conscience de l’existence de mécanismes de conscientisation ou de déstabilisation politique d’un pays. On apprend par l’expérience qu’il existe un jeu de manipulation politique à l’intérieur et à l’extérieur des États.
Lorsqu’il s’agit de l’Afrique, on dirait que les médias se plaisent à mettre en exergue seulement le côté tragique de son histoire. Ils laissent dans l’ombre l’autre face d’une Afrique qui se cherche, lutte, espère. La onzième assemblée générale des religieuses du Zaïre est une illustration de cette volonté de survie du peuple zaïrois au cœur de situations particulièrement difficiles et douloureuses.
Dans un contexte de guerre
C’était en novembre dernier. Il y avait à peine un mois que la guerre venait d’éclater à l’est du Zaïre. De tristes événements se sont produits dans la région des Grands Lacs ; ils ont dès le début été qualifiés de manipulation venant de l’intérieur et de l’extérieur du pays. Quant au fond du problème, il se situe dans une lutte pour conquérir ou conserver le pouvoir.
Tout a commencé avec les attaques des Banyamulenge, Zaïrois d’origine rwandaise. Ils semblent vouloir arracher une partie du territoire zaïrois qu’ils occupent depuis leur immigration massive en 1924 et 1959.
À cette guerre s’ajoute une rébellion armée, avec à sa tête un opposant zaïrois, qui cherche à renverser le régime dictatorial par la force. Ces insurrections trouvent le moral de nos militaires au plus bas. Ils sont désarmés, mal payés. Pour vivre, ils se livrent au pillage, rançonnent les villageois et sèment la panique parmi de paisibles citoyens. Leur refus et leur fuite des combats sont une source de désarroi pour tout le pays.
Au Rwanda, on peut dire que cette guerre à l’est du Zaïre a permis au régime en place de poursuivre les génocidaires sur leur nouvelle terre d’exil et d’empêcher que des soldats hutus, réfugiés dans cette région, ne se réorganisent et ne viennent reconquérir le pouvoir. La présence supposée des génocidaires dans des camps de réfugiés rwandais au Zaïre rend la situation de ces derniers fort complexe. Au plan national et international, le mariage entre le cœur et la raison s’avère difficile pour discerner les coupables et en même temps appliquer sans traîner des solutions humanitaires durables. Entre-temps, beaucoup d’innocents, surtout des femmes et des enfants, sont jusqu’à ce jour victimes du système, tant du côté rwandais que du côté zaïrois.
En outre, ce n’est un secret pour personne qu’Américains et Français se disputent l’hégémonie en Afrique. Aussi l’aide humanitaire est-elle parfois ambiguë. D’un côté, le gouvernement central est dépassé par les événements des derniers temps. Sept mois ont passé sans trouver de solution durable à la crise du Zaïre ; tandis que les rebelles contrôlent à ce jour près de la moitié du pays. Les grandes puissances viennent de déployer leurs troupes sur le sol africain du Congo-Brazza. Des soldats américains, anglais, français et des paras belges sont là, en nombre disproportionné par rapport aux civils à évacuer en cas de nécessité. On observe également la mise en place d’un dispositif militaire puissant, les soldats en attente d’un signal pour faire face à.... De l’autre côté du fleuve, la population kinnoise désarmée, en quête de libertés démocratiques, de justice et de paix. La présence des armées étrangères nous force à nous interroger sur les raisons profondes de cette stratégie dans le chef des gouvernements étrangers et zaïrois. Est-ce une intimidation ? Un support au régime dictatorial ou à celui de la répression armée ? Ou une protection des intérêts économiques de chaque pays ? On peut espérer que l’histoire fera un jour la lumière et que les droits des populations locales et leur vie ne seront pas sacrifiés.
Bref, c’est donc dans l’échauffement socio-politique et psychologique du début de la guerre au Zaïre que s’est tenue à Kinshasa, du 5 au 14 novembre 1996, la onzième assemblée plénière statutaire des Supérieures Majeures du Zaïre. On ne peut qu’apprécier l’audace et la ténacité de ces femmes consacrées à qui la vie dure a appris à affronter des situations d’une telle gravité. Les participantes, une centaine de religieuses, sont venues de toutes les provinces ecclésiastiques du pays, à l’exception du Kivu. L’ouverture, comme la clôture, de cette importante réunion fut présidée par le Nonce apostolique et par le président de la conférence épiscopale du Zaïre. Comme modératrice à ces assises, nous avons pu nous rendre compte de la qualité et du sérieux du travail accompli.
Approfondir les Synodes...
L’objectif de cette assemblée fut de prolonger la réflexion des Pères synodaux sur les deux derniers synodes : celui sur l’Afrique et celui sur la Vie consacrée. Cette réflexion se voulait accrochée à la vie sans contourner la réalité présente. C’est ainsi que cette assemblée, désireuse de poser des gestes qui fassent tache d’huile dans la société, a formulé quelques messages dénonçant le mal et invitant à la conversion, à la réconciliation, à la justice et à la paix. Aux autorités politiques et militaires du pays, l’Usuma a demandé qu’elles arrêtent d’urgence le bain de sang à l’est du pays. Elle a suggéré que soit considérée avec bienveillance la question du salaire impayé des agents de l’État, dont les militaires et les enseignants.
Aux pasteurs de l’Église, l’Usuma offre davantage sa collaboration dans la mission universelle de l’évangélisation. Longtemps, la femme a été oubliée ou n’a pas été considérée à sa juste place. La société africaine accorde à la femme une place de choix comme protectrice et éducatrice de la vie ; aujourd’hui la femme consacrée a pris conscience de son rôle dans la société et dans l’Église. Aussi les « mamans religieuses » veulent-elles avoir leur mot à dire dans les structures de dialogue et de décision. Elles sont reconnaissantes pour les occasions offertes et désirent contribuer davantage à l’humanisation de l’Afrique. L’Afrique a besoin de raison mais aussi de cœur, peut-être même davantage de cœur pour la solution des problèmes humains propres à ce continent. Et à ce niveau, la femme peut beaucoup sans faire nécessairement de discours.
Voilà pourquoi un dernier message de l’Usuma est adressé aux religieuses du Zaïre, zaïroises par naissance, zaïroises par vocation, afin de relever ensemble le défi de la crédibilité de la vie consacrée dans l’Église et dans la société. L’Usuma demande aux consacrées de se livrer d’abord à leur propre évangélisation, de bannir de leur vie toute espèce de paganisme et de suivre résolument le chemin de Jésus, Fils du Père et libérateur des hommes.
Aux supérieures, il est spécialement demandé qu’elles ne soient pas seulement des mères mais aussi des femmes de Dieu qui favorisent l’unité, des femmes de prière, capables de fumer leur pipe, symbole d’écoute et de réflexion, avant de prendre une décision importante. En effet, dans nos villages, vers le soir, il n’est pas rare de rencontrer des hommes d’âge mûr couchés dans leur chaise longue tout en fumant la pipe. Ils ont l’air rêveur mais en réalité ils se livrent à une profonde réflexion. L’homme sage récapitule dans sa mémoire les faits, les gestes et les paroles de la journée. Il fait des rapprochements, cherche le sens, essaie de capter le message. Fumer la pipe est une attitude essentielle dans la vie de chacun de nous.
Aux jeunes religieuses, il est demandé de ne pas se modeler sur ce monde qui passe mais sur la vie du Christ dans une fidélité dynamique et créative.
Aux sœurs responsables des œuvres, l’Usuma recommande plus de transparence dans la gestion et la prise de conscience d’être des envoyées de la congrégation dans la mission qu’elles accomplissent.
À toutes, l’Usuma recommande l’ardeur de notre engagement au service de Dieu et au service de nos frères, d’unifier les efforts pour combattre les antivaleurs qui avilissent l’être humain et falsifient l’image de Dieu en nous et autour de nous, de lutter contre l’injustice sous toutes ses formes en adoptant ensemble des attitudes qui fassent tache d’huile dans notre société et de cultiver au cœur de celle-ci l’amour et l’esprit d’écoute, le dialogue franc et la communion fraternelle, l’accueil réciproque et la tolérance.
C’est de façon existentielle que les participantes de la onzième assemblée plénière de l’Usuma voient l’avenir de la vie consacrée, incrustée dans le thème central du synode pour l’Afrique et imprégnée de ses cinq sous-thèmes : l’annonce de l’Évangile par le témoignage silencieux et par la parole, l’inculturation, le dialogue, les moyens de communication sociale, la Justice et la Paix.
Église, Famille de Dieu est l’image biblique privilégiée par les Pères synodaux au synode spécial pour l’Afrique et que le Pape Jean-Paul II reprend dans son exhortation Ecclesia in Africa (63). Cette conception Église et Famille cadre très bien avec la culture de la société en Afrique noire. Elle devient l’idée-force d’une évangélisation inculturée du continent au seuil du troisième millénaire. Il ne s’agit pas de retourner servilement à la structure de nos familles africaines mais de se référer à une famille humaine libérée de ses tares. Être membre de la famille de Dieu revient à dire qu’on ne se réfère de manière absolue qu’à Dieu seul considéré comme l’« Ancêtre » absolu de tous. Saint Paul abonde dans ce sens quand il dit : « fléchir le genou devant Dieu, le Père de qui toute paternité tire son nom au ciel et sur la terre ». D’ailleurs les ancêtres africains le savaient bien, eux qui ont donné à l’Être Suprême plusieurs noms de ses attributs, dont celui de Syakapanga. Le mot « sya » en kiluba signifie père. On dira par exemple Syandia x, le père de x et Syandi son père. Le second mot kapanga vient du verbe kupanga c’est-à-dire créer, donner vie.
La liaison des deux mots sya-kapanga se traduit en « le Père Créateur ». Pour l’Africain, Dieu n’est pas seulement l’Ancêtre de la race humaine mais bien l’Ancêtre de toute la création. De plus le Père crée par Jésus, son Fils unique. Il l’associe à son œuvre. Par Lui tout fut créé, et sans Lui, rien ne fut. Il est la vie et la lumière du monde, tout subsiste en lui. Comme le dit saint Jean dans son prologue, Jésus Christ est donc le premier né ou le fils aîné de la famille universelle.
L’Église, Famille de Dieu, devient le rassemblement des hommes toucouleur sans barrières d’aucune sorte. En Afrique, cette conception vient faire éclater des limites claniques et tribales, ethniques et raciales. Et la dynamite utilisée c’est l’Amour, l’amour agapè. L’Église-Famille est appelée à se caractériser par l’attention à l’autre, la solidarité et la chaleur des relations, l’accueil, le dialogue et la confiance.
Au niveau pastoral pour l’Afrique, être Église-communion, c’est travailler à la réconciliation dans et par les familles d’abord, car elles sont une école naturelle de vie fraternelle ; ensuite dans et par les communautés ecclésiales vivantes (CEV), dont la prise en charge fraternelle est aujourd’hui un exemple édifiant. Les questions ci-après restent un défi à relever par les consacrées dans un pays en proie à la division comme le Zaïre.
Nos communautés religieuses intertribales, interethniques, interraciales ne sont-elles pas des CEV par excellence ? N’y est-on pas appelé à vivre le dialogue entre membres des différents âges, éducations, cultures, origines ? À s’évangéliser mutuellement par l’écoute et le partage de la Parole de Dieu ? À vivre des relations de justice entre les membres d’une communauté, sans minorité ni opprimé, et connaître ainsi la paix du cœur ? À tendre sans cesse à ce que la Parole de Dieu ou les valeurs évangéliques interpellent nos habitudes, nos principes ou nos convictions, nos expressions culturelles ? Enfin à favoriser, dans une fidélité dynamique, des expressions et symboles nouveaux plus adaptés pour communiquer le message évangélique à nos frères et sœurs vivant à l’autre bout du monde ?
Les communautés religieuses sont appelées à forger un style de vie personnel et communautaire, qui soient une alternative aux modèles qu’offrent nos sociétés aujourd’hui et soit ainsi une référence fiable.
Repenser ensemble des questions brûlantes
On a également beaucoup réfléchi comme à la priorité des priorités aux problèmes de l’éducation au Zaïre. L’éducation aux valeurs est un des points importants du nouveau système éducatif au Zaïre, pour le troisième millénaire. Les consacrées ont à y jouer un rôle irremplaçable. Église, parents et État sont des partenaires dans cette œuvre immense du redressement de la nation. Si un membre capitule, les autres ne sont pas pour autant privés d’assumer leur responsabilité envers la jeunesse, l’avenir du pays.
Deux autres secteurs et non des moindres dans le contexte actuel que connaît la vie consacrée au Zaïre sont le gouvernement des congrégations et la prise en charge matérielle des consacrées par elles-mêmes. Dans un climat politique de course au pouvoir, quel est le message prophétique que la société attend des consacrées ? N’est-ce pas d’exercer leur pouvoir dans une attitude d’humilité, de service et d’amour à la manière de Jésus, le fondateur du christianisme ? Quant à la prise en charge matérielle, elle requiert compétence et transparence dans la gestion.
Le contrôle des comptes est une exigence scientifique d’efficacité et de progrès dans les entreprises. Pour une consacrée, l’acceptation et la soumission au contrôle financier est une manière de vivre son vœu de pauvreté. Le pauvre est celui qui n’a rien à cacher parce qu’il ne possède rien en propre. Les économes gèrent les biens des enfants de Dieu. Beaucoup n’aiment pas cette charge, parce qu’elle est difficile et n’offre pas beaucoup de satisfaction mais est exposée à beaucoup de dangers et de critiques. Elle est belle, lorsqu’on la reçoit de Dieu et qu’on l’accomplit sous son regard et avec sa sagesse, comme saint Joseph dans la sainte famille de Nazareth.
Le souci de l’inculturation a été présent à travers des paraliturgies construites autour d’un thème imagé ou visualisé par un croquis approprié. L’audition des rapports d’activités des Usuma régionales fut suivie d’une réaction de l’assemblée sous forme de paroles d’encouragement mais aussi d’une critique ou d’une interpellation donnée sous forme de conseil fraternel. Chaque région est très active sur le terrain, et ce fut une joie partagée de découvrir ainsi la richesse et les difficultés les unes des autres, la diversité des contextes locaux et des réponses prophétiques apportées dans chaque cas.
Selon la dynamique de la palabre africaine
Toute la rencontre fut portée par un climat de prière continue et animée par une dynamique africaine aux sources de la palabre. La palabre africaine est une structure de dialogue courante dans les familles africaines. Elle fait appel à la participation active de tous les membres dans le processus de solution d’un problème, lorsque la vie ou la cohésion du groupe sont menacées. Au sein du clan, la mort est un mal qu’il faut combattre comme on extirpe une épine du pied.
Une palabre est un chemin exigeant et douloureux mais, bien gérée, elle est génératrice de vie et de vitalité. Elle portera du fruit là où les personnes en présence se découvrent un point commun d’appartenance. La palabre est structurée de façon à consacrer beaucoup de temps à l’analyse du problème. Grands et petits, sages et simples d’esprit, hommes et femmes, tous les membres sont encouragés à prendre la parole en public pour compléter l’information. Chaque parcelle de vérité est nécessaire pour pouvoir reconstituer les faits et avoir une vision globale du problème aussi totale que possible.
Pendant la palabre on recommande une attitude d’écoute, une écoute attentive, profonde et positive. Il s’agit d’écouter avec le cœur, étant donné que le sujet traité est une question de vie ou de mort pour tous. Si, au terme de la palabre, le problème n’est pas résolu, il y aura un risque de désagrégation du corps, voire sa dissolution lente et la mort sociologique.
Si importante qu’elle soit, l’information appelle encore une phase de délibération. Ce sont les sages ou personnes habilitées à prononcer un jugement ensemble avec le chef qui se retirent pour fumer leur pipe. Ils vont s’offrir un temps de silence et de réflexion afin de reconstruire les faits selon un ordre logique. Ils en délibèrent ensuite à huis clos pour comprendre et chercher une solution capable de transcender les différends, de resserrer les liens d’appartenance commune et de remotiver les membres. Pendant ce temps, les autres membres délibèrent aussi de façon informelle dans l’attente du dernier mot.
Puis vient la communication de la décision à toute l’assemblée. L’accueil de la décision est d’autant plus facile que tout le monde a participé à son élaboration. Cette décision sera sucrée pour les uns et salée pour les autres mais bienfaisante pour le corps tout entier. La parole prononcée guérit les plaies du cœur blessé. La réparation imposée donne au coupable de se racheter. Il sera accompagné de volontaires dans l’accomplissement de sa réparation. Ici aussi la solidarité est de rigueur. La palabre permet une nouvelle circulation de vie.
La palabre a révélé aux participantes ses atouts pour mener à bon port une réunion de famille d’une telle envergure. La vie consacrée à inculturer a été abordée par l’Usuma comme une question de vie ou de mort, aujourd’hui et maintenant.
Pour terminer...
Toutes les participantes sont conscientes d’avoir vécu un temps fort, riche en expériences, d’avoir renforcé des liens de fraternité et de solidarité intercongrégationnelles, d’avoir pris conscience qu’ensemble les “mamans religieuses” ont un rôle spécifique à jouer au sein de l’Église, Famille de Dieu.
Chacune est repartie rayonnante, vivifiée par l’amitié reçue et l’expérience emmagasinée. Rendez-vous est pris pour dans trois ans pour évaluer les trois objectifs : veiller à notre identité et à notre mission, viser à une meilleure prise en charge matérielle de nos congrégations.
rue Saint-Bernard, 25
B-1060 BRUXELLES, Belgique
Message de l’Usuma à toutes les Sœurs
Le Juste est le palmier aux lignes magnifiques (Ps 91)
Chères Sœurs, à l’issue de cette rencontre combien enrichissante et interpellante, nous avons la joie de vous en faire part afin qu’à votre tour vous vous sentiez réconfortées et interpellées avec nous.
En tant que femmes consacrées, nous sommes mères. Notre rôle s’enracine au cœur de l’Église-famille, épouse du Christ, mère de tous les hommes et Corps du Christ. Pour demeurer enracinées en lui et identifiées à lui, il est nécessaire d’être nous-mêmes évangélisées et converties au Christ, ayant sans cesse à l’esprit ces questions qui nous ramènent à l’essentiel : Sommes-nous ce que nous devrions être ? Sommes-nous là où nous devrions être et faisons-nous ce que nous devrions faire ? Vivons-nous ce que nous devrions vivre ? Pour cela, il est nécessaire de garder une fidélité dynamique et créative, qui s’adapte aux situations nouvelles en docilité aux inspirations divines et au discernement ecclésial.
Ainsi, comme Jésus, soyons « signe » d’espérance, d’amour et de la présence de Dieu au cœur du peuple en écoutant, en aidant les gens à se mettre debout et en étant présentes au cœur de leurs souffrances.
Pour réaliser ce programme de vie, il est bon d’unifier nos efforts en tant que femmes consacrées pour combattre les antivaleurs qui avilissent l’être humain et falsifient l’image de Dieu en nous et autour de nous. Pour lutter contre l’injustice sous toutes ses formes, nous devons adopter ensemble des attitudes qui fassent tache d’huile dans notre société, pour cultiver au cœur de celle-ci l’amour, l’esprit d’écoute, le dialogue franc, la communion fraternelle, l’accueil réciproque et la tolérance.
Aux supérieures, nous demandons d’être non seulement des mères mais aussi des femmes de Dieu, favorisant l’unité, cultivant l’esprit de silence et d’écoute, armes puissantes, capables d’aider à résoudre les multiples problèmes et ainsi vivre les fruits qu’il produit, à savoir la bonté, le bon sens, la miséricorde, la paix et la joie. Comme Jésus, qui se retirait dans le désert pour y rencontrer son Père, nous recommandons d’être des femmes plus intérieures, capables d’une longue et mûre réflexion avant de prendre des décisions importantes, capables de « fumer notre pipe » (symbole de la réflexion, du silence et de l’écoute).
À toutes les Sœurs, nous demandons de renouveler sans cesse l’ardeur de l’engagement au service du Seigneur et au service de nos frères les hommes, tel que nous l’avons promis, par notre vie de prière et de sacrifice, par notre vie de travail et par notre vie de communion fraternelle vraie, faisant de nous les mères modèles dont le monde a besoin.
Mères, nous le sommes, mères spirituelles. Que nos relations avec les prêtres et les frères soient empreintes d’estime et de respect de la vocation les uns des autres. Il ne s’agit pas de nous plaindre du mauvais comportement de certains consacrés, mais veillons, en tant que femmes consacrées, à ne pas nous laisser aller à des manifestations de tendresse qui sont déplacées. Prenons donc garde et évitons des attitudes provocantes.
Aux plus jeunes, nous disons avec saint Paul de ne pas prendre pour modèle le monde présent, mais plutôt de modeler votre vie sur celle du Christ, votre unique et souverain bien. Assumez consciemment votre rôle de femmes consacrées et de mères de tout homme et de toute femme, en donnant aux autres la vie, la joie et la nourriture, grâce au travail de vos mains et à la créativité de votre esprit, car l’amour est inventif. Que votre langage, votre conduite, votre habillement et votre travail reflètent votre dignité de personnes consacrées et suscitent l’estime et la crédibilité de ceux qui vous côtoient.
Sœurs, vous, à qui sont confiées les œuvres, prenez davantage conscience de votre mission au cœur de l’Église et de la Congrégation qui vous a confié cette œuvre. En son nom, vous êtes envoyées dans le but d’y servir Dieu pour sa plus grande gloire et non pour la vôtre, pour le salut de l’homme et pour le bien de tous. La Congrégation attend de vous, en tant qu’envoyées, une gestion saine et transparente.
Pour terminer, nous affirmons que nous avons vécu un temps fort, riche en expériences. Nous avons renforcé nos liens de fraternité, de solidarité. Nous avons pris conscience ensemble qu’en tant que Mères, nous avons un rôle spécifique au sein de l’Église, Corps du Christ. Chaque jour, toutes, nous communions au Corps et au Sang du Christ ; puissions-nous devenir réellement ce que nous recevons, le Corps du Christ : pain rompu pour la vie de notre société.
Fait à Kinshasa, le 14 novembre 1996
Au nom de l’Usuma nationale-Zaïre
Sr Tshibangu, Élisabeth, présidente
Sr Bunga-Tsola, Astrid, vice-présidente
Sr Chibelushi, Pétronille, Usuma Shaba
Sr Tshika, Hortense, Usuma Kasaï
Sr Bobwa, Jeanne, Équateur
Sr Umbaha, Baudouine, Haut-Zaïre
Sr Claes, Mia, Kinshasa.