Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Les Sœurs coptes orthodoxes d’Égypte

Christian Van Nispen, Edmond Farahian, s.j.

N°1995-4 Juillet 1995

| P. 235-248 |

Deux textes encore pour nous aider à élargir notre cœur et approfondir notre “souci de toutes les Églises”. Celui-ci pour nous faire connaître la vie religieuse féminine dans l’Église copte orthodoxe d’Égypte. Outre l’intérêt de connaissance mutuelle, ne serait-ce pas l’occasion d’échange de correspondance, d’expériences, voire, cela n’est pas impossible, de visites ?

La lecture en ligne de l’article est en accès libre.

Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.

On connaît peu les religieuses coptes orthodoxes et on en parle encore moins, pourtant elles existent et méritent de retenir l’attention non seulement de qui désire connaître l’Église copte orthodoxe d’Égypte [1], mais aussi de tous ceux qui s’intéressent à la vie religieuse en général et aux religieuses en particulier. En effet, ce monde “bouge” plus qu’on ne le pense et se renouvelle. Il vaut la peine d’essayer de cerner ici cette réalité.

Une information insuffisante

Depuis la relation publiée par le Père Giamberardini à la suite de ses visites à ces religieuses et qui date de 1955 [2], la documentation à ce sujet faisait pratiquement défaut. D’ailleurs, jusqu’il y a une trentaine d’années - début du renouveau [3] - les Coptes d’Égypte eux-mêmes [4] ignoraient pratiquement tout de ces sœurs vivant au milieu d’eux.

Une situation en mouvement

Cette situation est entièrement changée. La réalité s’est notablement modifiée et, par voie de conséquence, l’information est devenue plus abondante, ce qui ne veut pas dire aisée à recueillir [5].

En effet, connaître le milieu des religieuses coptes orthodoxes comporte bien des difficultés. Elles ne se laissent pas facilement observer. Elles se cachent aux regards très vite suspectés d’être indiscrets. Souvent la méfiance se joint chez elles à un légitime goût du secret et de la retraite. Pour dépasser ces obstacles, il faut donc cultiver les relations personnelles et procéder avec un esprit de finesse comme disait Pascal [6].

Première ébauche de description

Trois groupes apparaissent dès que l’on cherche à décrire les religieuses coptes orthodoxes comme elles se présentent aujourd’hui : les “moniales”, les “actives” et les “consacrées”. Cependant ces appellations ne doivent pas être durcies, car elles ne correspondent pas exactement à la vie religieuse comme elle est vécue et comprise dans la tradition de l’Église latine et dans le droit canon latin. En Orient, les choses sont à la fois plus souples et plus complexes. Aussi convient-il, au-delà de la terminologie et des querelles de mots, de procéder avant tout à une description des différents modes de vie de ces religieuses. Pour commencer cette présentation, le rappel de quelques données quantitatives sera utile [7].

Les trois groupes en général

Il y a, tout d’abord, les “moniales” ou les religieuses plutôt contemplatives. Ce sont ici les religieuses de type traditionnel qui vivent dans leurs couvents. À partir de différentes estimations, on tient aujourd’hui qu’elles sont environ cinq cents, réparties en six monastères, cinq au Caire, un en Basse-Égypte [8].

Ensuite, il faut relever l’existence d’une communauté de sœurs “actives” basée principalement à Beni-Suef, en Haute-Égypte [9]. Elle a été établie en 1965, et compte quatre-vingts personnes environ [10].

Enfin, il faut mentionner les “consacrées”, - qui elles aussi existent depuis 1960 environ - ; elles seraient dans les six cents, réparties dans tous les diocèses d’Égypte [11].

Dans cette dernière catégorie, signalons l’existence d’un groupe de vingt-huit diaconesses, dont nous nous occuperons plus loin de façon plus particulière [12].

Les moniales

Sans remonter au déluge, on ne peut pas ne pas évoquer quelque chose de la situation passée et de la décadence qu’elle comportait, ne serait-ce que pour mieux comprendre la réforme actuelle. Dit assez sèchement, il semble qu’à cette époque, les couvents ressemblaient plutôt à des rassemblements de vieilles filles où la vie communautaire était pratiquement absente.

Le changement débuta grâce à certaines personnalités remarquables comme la Mère Martha, l’abbesse du couvent Amir Tadros, situé au Caire, à Haret el-Rum [13]. Ensuite, c’est surtout à partir du couvent de Abu Seifein que se répandit le nouveau mode d’être.

Concrètement la réforme va porter essentiellement sur deux points : le recrutement et le style de vie. Premièrement, le recrutement et son mode changent. Les sœurs ne sont plus dans leur ensemble quasi analphabètes ou très peu instruites, comme elles l’étaient précédemment. Au contraire, il semble de manière générale qu’il faille, pour qu’une jeune fille soit admise dans un couvent, qu’elle ait terminé ses études universitaires et qu’elle ait de préférence exercé un métier et travaillé pendant environ deux ans. En effet, la candidate, à l’entrée, ne doit être ni trop jeune, ni trop âgée. On souhaite qu’elle ait entre vingt-cinq et trente ans. On préfère qu’elle ne soit pas veuve, mais qu’elle ait eu pourtant la possibilité de se marier. Du coup, vu ce nouveau climat, on est loin d’accepter automatiquement toutes les candidates qui se présentent.

Deuxièmement, en même temps que ce changement quant au recrutement, le style de vie des religieuses se transforme lui aussi. L’accent est désormais mis sur la vie communautaire. Selon leur vocabulaire propre, les sœurs se veulent pachômiennes, ce qui veut dire, qu’elles désirent vivre en communauté sous l’autorité d’une supérieure. Est donc abandonnée une sorte d’idiorythmie ou de semi-anachorétisme qui l’emportait auparavant.

Pourtant ce style de vie communautaire n’est pas clairement défini par une règle comme il en est dans les congrégations latines. Quand on demande à ces sœurs quel texte des règles pachômiennes elles suivent, on découvre qu’elles ne se réfèrent pas de manière précise à un texte clair. Elles utilisent le terme pachômien pour exprimer une redécouverte de la vie communautaire.

Par ailleurs, le contenu concret de leur vie religieuse dépend pratiquement des orientations données par la Mère Abbesse, qui a une autorité quasi absolue, après le Patriarche.

Relevons quelques-uns des traits les plus importants de ce style de vie. Tout d’abord, une grande place est consacrée à la prière communautaire. La religieuse se lève vers deux heures du matin, l’été, ou vers trois heures, l’hiver. Elle assure ses prières privées avant de rejoindre les autres religieuses à trois ou quatre heures, selon la saison, pour l’office dans l’église. Cet office est une prière faite surtout de louanges, avec à sa base les psaumes ou d’autres hymnes. La célébration de l’eucharistie occupe elle aussi une place importante. Elle a lieu environ trois fois par semaine. Ce rythme varie selon les monastères et dépend de la disponibilité des célébrants plus que de la volonté des religieuses elles-mêmes. Après la célébration eucharistique, la religieuse se retire dans sa cellule jusqu’à neuf heures environ. De neuf heures à quatorze heures, c’est le temps d’entreprendre des travaux divers. À quatorze heures, c’est le premier et principal repas. Ensuite, la religieuse se repose jusqu’à seize ou dix-sept heures. À ce moment, il y a de nouveau un office en commun, parfois suivi d’un temps d’étude de type biblique ou autre. Vers dix-huit ou vingt heures selon les couvents, la religieuse se retire dans sa cellule.

Quant au travail des religieuses, il peut comporter, en plus de ce qui est manuel ou de ce qui sert à l’entretien, des travaux dans la ferme du couvent, ou toutes sortes de travaux se rattachant à la personne du saint patron du monastère, tels l’édition de livres ou d’images pieuses à son sujet, ou encore la fabrication de croix et d’autres objets de piété.

Par ailleurs, une grande place est donnée à l’accueil des visiteurs, tâche qui occupe abondamment certaines religieuses.

Cependant si tels sont les traits généraux plutôt communautaires, il ne faut pas oublier que s’y ajoute toujours la dimension de la prière poursuivie individuellement. Chaque moniale passe un long temps dans sa cellule et le dédie à la lecture, à la méditation de la Bible et des Pères du désert, notamment à travers le livre Bustan al-Ruhban [14]. qui est un recueil d’apophtegmes. Elles y trouvent l’inspiration pour les vertus à pratiquer et les conseils et enseignements pour la lutte contre le Mauvais, lutte qui a une très grande importance dans leur vie.

Ce temps passé dans la cellule peut être consacré aussi à la prière continue : telle la prière de Jésus, redécouverte récemment chez les Coptes. Des pratiques corporelles s’y joignent. Certaines religieuses peuvent arriver jusqu’à faire facilement deux cents métanies ou prostrations par jour.

Cette prière est accompagnée de jeûnes et de mortifications [15]. Dans toutes ces pratiques, il faut relever que tout ce que la religieuse entreprend ne dépend pas de son initiative privée, mais de la direction spirituelle qu’elle reçoit et qui est exercée par la Mère Abbesse ou par le confesseur, direction qui revêt un caractère d’obligation très stricte. De plus, les religieuses n’ont pas la liberté de choisir leur confesseur.

Une autre caractéristique de ce style de vie est à relever : la vie des religieuses n’est pas centrée sur l’ici-bas, encore moins sur la pénitence, qui occupe pourtant tant de place dans leur emploi du temps quotidien. Au contraire, elles entretiennent un rapport tout particulier avec le ciel. Elles sont en rapport direct avec les saints, tout particulièrement avec le saint patron du couvent, ainsi qu’avec la Vierge Marie, qui occupe elle aussi une grande place dans ce cadre. Il en résulte que la vie quotidienne des sœurs est comme tout le temps soutenue par un appui venu d’en-haut [16]. Ce trait, au-delà de la naïveté du phénomène, est ressenti comme un signe d’espérance dans un milieu qui se sent fortement oppressé par le monde non chrétien environnant.

Que vise ce type de vie ? Le but est clairement énoncé. Il s’agit d’atteindre à une sagesse spirituelle, ou encore, de parvenir à une transparence ou à une union avec Dieu qui envahit tout l’être. Par là, le trait noté plus haut se prolonge et l’on peut constater comment les religieuses espèrent rejoindre les rangs des anges en louant et en glorifiant Dieu sans cesse. Ainsi, tout en luttant contre leurs passions humaines, les moniales cherchent à rétablir le paradis perdu tandis qu’elles sont encore en vie sur terre. Elles veulent que leurs prières soient comme celles de Moïse, lors de la bataille contre les Amalécites (Ex 17,8-16) pour aider les laïcs à mener leur bataille dans le monde. Tel est leur mode de concrétiser le grand commandement de l’amour de Dieu et du prochain.

Comment se caractérise concrètement la vie dans ces couvents ? Bien sûr, pour les moniales, les traits extérieurs sont plus clairs et mieux établis que pour les deux autres catégories dont on parlera plus loin, notamment quant au vêtement. Ainsi elles sont vêtues de robes noires (garb), symbole de leur mort au monde. Elles portent aussi un voile noir. La mère supérieure y ajoute un capuchon noir. On l’appelle Ummina raissa (notre mère supérieure). Les sœurs, elles, sont appelées simplement ummina, ou en copte : tamauf.

Parmi leurs différents rites, c’est la fin de la période d’initiation qui est la plus typique chez elles. Elle se clôt par une sorte de cérémonie de funérailles par laquelle la moniale meurt au monde. Du coup, il n’est plus question pour elle de retourner au monde, une fois cette cérémonie accomplie, pour quelque motif que ce soit, et rien n’est prévu pour une moniale qui quitterait le couvent, par exemple après un échec ou une mésentente insurmontable avec l’abbesse.

Les actives

À côté des moniales, il faut noter un deuxième type de religieuses, les religieuses “actives”. Ce type de vie fut établi en 1965 au Deir Banât Mariam, à Beni-Suef [17]. Ces religieuses sont vêtues de gris, avec un voile de la même couleur. On les appelle “ma sœur” ou en copte tasuni. Extérieurement, elles ressemblent beaucoup aux religieuses catholiques qui mènent la vie active. Elles sont d’ailleurs allées se renseigner dans plusieurs familles religieuses catholiques avant de mettre au point leur forme de vie. Elles sont nommées par l’évêque qui les a fondées râhibât, “religieuses”, bien qu’elles ne soient pas moniales. Une telle appellation est une nouveauté chez les Coptes [18].

Elles ont à peu près les mêmes rites d’initiation que les moniales. Elles s’engagent à sept vœux : ceux de chasteté, obéissance et pauvreté et, en plus, les vœux suivants : la tranquillité, le travail, le service et la vie communautaire. Si le contenu de la plupart de ces vœux s’explique de lui-même, celui du vœu de tranquillité vaut la peine d’être explicité. Il signifie que la sœur doit maintenir sa paix intérieure quel que soit le travail qu’elle entreprend ou la situation dans laquelle elle se trouve. Pour vivre ce vœu, la sœur est appelée à se concentrer sans cesse sur les commandements de Dieu, les psaumes et les prières.

L’originalité du style de vie de ces religieuses tient dans leur travail. De quel travail s’agit-il et de quelle manière convient-il de l’accomplir ? Les travaux dont il est ici question sont exécutés, soit sur le terrain même du monastère, soit dans ses environs immédiats. Habituellement, les religieuses s’occupent de dispensaires, de garderies ou de jardins d’enfants. Elles ont parfois des écoles professionnelles ou des institutions légères pour œuvrer auprès de handicapés mentaux ou auprès d’enfants de familles brisées. Elles animent aussi des centres de retraites et des clubs sociaux récréatifs. Elles poursuivent par ailleurs des activités pastorales délicates auprès de filles-mères ou de Coptes sur le point de se convertir à l’islam.

Leur régime de vie par rapport à celui des conventuelles est à peine plus léger. On ne leur permet pas de jeûner de façon aussi stricte que les moniales. Par exemple, il leur est refusé de ne rien manger du lever jusqu’à quatorze ou quinze heures de l’après-midi, si ce n’est durant le carême.

Leur journée s’organise à peu près comme suit. Elles se lèvent à cinq heures du matin, elles ont l’office en commun, puis une brève étude de la Bible jusqu’à sept heures. Après quoi, elles assurent une demi-heure de prière dans leur cellule. À sept heures trente, c’est le petit déjeuner. Ensuite elles travaillent de huit heures trente à treize heures trente. De treize heures trente à quatorze heures vient la prière de midi. À quatorze heures, c’est le repas suivi d’un temps de repos. De dix-sept heures à dix-neuf heures trente, elles poursuivent différentes activités : pour certaines c’est la continuation du travail du matin, pour d’autres ce sont des entretiens spirituels ou des études. À dix-neuf heures trente, elles ont la prière du soir en commun, suivie du souper, à vingt heures. Elles échangent durant les repas qui ne sont pas pris habituellement en silence. Par après, elles se retirent, en général, dans leurs cellules [19].

Deux points apparaissent comme spécifiques de leur vie religieuse. D’une part, tout en étant marquées par le même arrière-fond spirituel que les contemplatives - leur texte de référence est toujours le Bustan al Ruhban, mentionné plus haut-, elles considèrent le service apostolique et social comme une partie intégrante de leur consécration religieuse. D’autre part, si en ce qui concerne la direction spirituelle des moniales, tout était dicté par la mère supérieure, ou, dans certains cas, par le directeur spirituel, pour ces religieuses actives, l’évêque, qui est aussi leur directeur spirituel, tient à leur laisser un plus grand espace d’initiatives personnelles dans l’orientation de leur vie spirituelle. En tout cas, avant d’imposer quoi que ce soit, l’évêque leur demande leur opinion et les encourage à écouter elles-mêmes la voix du Seigneur dans leur vie.

Chez elles, à la différence des moniales, la supérieure générale n’est pas nommée à vie. La première supérieure, Tasuni Hannah, vu sa personnalité charismatique, a toujours été maintenue comme supérieure jusqu’à sa mort, survenue en 1991. Depuis, il ne semble pas qu’on ait nommé une remplaçante, mais seulement une vice-supérieure, Tasuni Aghapi.

Les consacrées

À côté des deux groupes précédents, un troisième émerge actuellement, celui des Mukarassat, les “consacrées” ou mieux les “personnes consacrées” [20]. Ces femmes ne séjournent pas dans un couvent, parfois, mais plus rarement, elles sont simplement dans leurs familles, en général, cependant, elles vivent dans des maisons, soit seules, soit en petites communautés.

Elles aussi se consacrent au Seigneur, en principe pour toute leur vie. Dans leur cas, cependant, il est beaucoup plus facile de quitter leur état, quand cela s’avère nécessaire, tandis que c’est quasi impossible pour les religieuses proprement dites.

Il n’est pas facile de discerner la structure de leur vie, qui reste assez floue. Cela tient au fait qu’elles ne sont pas vraiment un groupe, mais un ensemble d’individus, donc une série de cas individuels, et qu’elles sont loin de former une vraie congrégation. Par exemple, elles ne se connaissent même pas nécessairement entre elles. Pour la même raison, il est difficile de savoir comment elles se recrutent et quelle est leur formation. Tout diffère d’un cas à l’autre. Mais un certain nombre d’entre elles ont fait avant ou après leur consécration des études théologiques [21].

Elles travaillent et s’occupent notamment d’activités apostoliques, dans les paroisses ou ailleurs. Elles peuvent tout simplement servir comme secrétaires des évêques ou encore se charger de certains services sociaux, comme les soins aux handicapés ou aux personnes âgées. Elles sont très liées à l’évêque du lieu, ou à l’évêque responsable d’un “service” donné, comme celui qui est chargé de l’organisation des services sociaux.

Si beaucoup de ces “consacrées” passeront ainsi toute leur vie, exerçant l’un ou l’autre de ces services, cette consécration n’est pas toujours une fin en elle-même. Parfois elle n’est qu’une étape imposée par le directeur spirituel ou par l’évêque avant l’admission dans un monastère de contemplatives.

Les diaconesses

Si telle est bien la situation, on comprend mieux qu’à l’intérieur de ce dernier groupe, une tentative comme celle de l’expérience des diaconesses ait pu avoir lieu [22]. En effet, en 1981, durant la cérémonie du jour de la Pentecôte, Shenouda III, le pape d’Alexandrie, a consacré comme diaconesses (shammsât), vingt-huit femmes âgées [23]. À notre connaissance, cette expérience fut unique et ne fut pas répétée par la suite [24].

De quoi s’agit-il exactement ? En cette occasion, un nombre limité de femmes furent choisies parmi les “consacrées” et ordonnées pour exercer un ministère essentiellement orienté au service des seules femmes, spécialement pour l’administration du baptême aux femmes adultes [25].

Quant à la vie courante de ces diaconesses, toutes les informations convergent sur ce point : tout en accomplissant leurs services, elles ont continué à vivre dans leurs communautés précédentes sans nouvelle organisation de forme de vie.

L’expérience n’a pas eu de suite sans qu’aucune explication officielle ait été fournie à ce sujet. Elle semble avoir été interrompue, d’une part, parce que l’âge des diaconesses ne leur permettait pas d’exercer un service très performant dans la communauté, d’autre part, à cause des conflits d’autorité que cela a entraînés. Néanmoins, cette expérience a eu un grand mérite : elle a suscité chez les Coptes un embryon de réflexion sur les ministères confiés aux femmes consacrées.

Quant aux aspects proprement théologiques de la question, il apparaît clairement qu’en devenant diaconesses ces femmes ne devaient avoir aucune part au sacerdoce ministériel. Le pape d’Alexandrie Shenouda III a toujours insisté sur ce point. Pour bien en témoigner, ces diaconesses reçoivent la communion, durant la célébration eucharistique, comme le reste des fidèles, à l’endroit réservé aux femmes dans l’église. Si elles ont part à l’éducation chrétienne et à l’aide sociale, elles n’exercent pas les fonctions des diacres quant au service de l’autel et aux sacrements. Elles n’ont jamais porté la communion aux malades ou lu une épître pendant la liturgie.

Perspectives d’avenir

Quoi qu’il en soit de cette dernière expérience des diaconesses, qui n’a somme toute qu’une portée très limitée, les faits rapportés plus haut montrent clairement que la vie religieuse en Orient bouge et évolue, même en milieu copte orthodoxe. Les transformations que nous avons évoquées et le renouveau qu’elles ont entraîné donnent à réfléchir, d’autant qu’apparemment, il y a trente ou quarante ans, rien n’annonçait quelque chose de semblable. Le sérieux et la qualité que l’on a pu constater attirent l’attention et réconfortent l’espérance.

À un autre niveau, il serait intéressant de favoriser les échanges entre ces religieuses coptes et leurs consœurs latines vivant de par le monde. Une meilleure connaissance favoriserait certainement l’enrichissement mutuel.

Pontifica Uni. Gregorianna
Piazza della Pilotta, 4
I-00187 ROMA, Italie

[1L’Église copte orthodoxe fait partie, avec les Arméniens et les Syriens de langue syriaque, des Églises Orientales non chalcédoniennes. Il faut les distinguer d’une part, des Églises byzantines ou grecques, qui, elles, avec leurs nombreuses ramifications sont chalcédoniennes. Tout comme il faut les distinguer, d’autre part, des Églises assyriennes d’Iran ou d’Irak, qui proviennent du nestorianisme. Rappelons à ce sujet que les Églises Orientales ne sont pas seulement les Églises byzantines ou grecques.

[2Un franciscain italien, spécialiste des questions coptes qui écrivit : “Le Suore Copte Ortodosse”, dans La Voce del Nilo, 14 n°. 12 Cairo (1955). 3-23.

[3On situe le début de ce renouveau à l’époque du règne du Pape d’Alexandrie, Kyrillos VI, qui gouverna cette Église de 1959 à 1971. Le renouveau de l’Église Copte en général commence, lui, juste après la deuxième guerre mondiale.

[4Précisons que l’appellation “les coptes” signifie ici les coptes orthodoxes.

[5À ce propos, il faut justement noter, par exemple, une thèse récente - et de qualité - qui est consacrée à l’étude de cette question : P.A. Van Doornhalder, Where Heaven is y et open : A Study of Contemporary Coptic Nuns, thèse polycopiée, Faculté de théologie, Université libre d’Amsterdam, Amsterdam 1993, (citée par la suite “thèse” et la page). Elle sera publiée prochainement aux États-Unis. L’auteur est calviniste, mariée à un luthérien. Ce travail est ainsi une belle œuvre œcuménique. Cette étude, qui est loin d’être la seule, fournit une bonne base de renseignements.

[6L’une d’e ces difficultés tient en l’impossibilité de poser ouvertement certaines questions. Deux exemples concrets. Si l’on veut savoir le nombre de religieuses qui vivent dans un couvent déterminé, et que l’on pose la question directement, on ne reçoit que des réponses toutes faites du type : “Nous sommes quarante ou nous sommes quatre-vingts.” (La raison de cette indétermination semble être de type biblique : on ne compte pas le nombre des élus.) De même, si l’on veut se faire une idée de l’âge moyen des religieuses, il n’y a rien à faire. À la question : “Ma sœur, quel âge avez-vous ?”, la réponse oscille entre “j’étais déjà âgée quand je suis entrée au couvent” ou encore entre “je suis religieuse il y a longtemps déjà”. Dans l’un comme dans l’autre cas, il faut donc procéder de manière indirecte.

[7Rappelons que la population globale de l’Égypte est actuellement évaluée à soixante millions d’habitants, et, que le nombre des coptes, chiffre très discuté, est estimé autour des quatre millions de fidèles. Les maximalistes eux, parlent de dix millions.

[8Cf. Thèse, 41-43. L’auteur, parle de quatre cent quatre-vingt-cinq personnes environ. On peut y ajouter certains établissements de moniales en Haute-Égypte dans la région de Luxor, non encore reconnus officiellement par le Synode de l’Église Copte Orthodoxe.

[9Avec quelques ramifications au Caire.

[10Cf. Thèse, 44.

[11Cf. Thèse, 45-47.

[12Cf. Thèse, 45.

[13Exactement en un lieu pas très loin d’al-Azhar, la célèbre mosquée et le fameux centre d’études islamiques du Caire.

[14Le titre de cet ouvrage signifie littéralement “le jardin des moines”.

[15N’oublions pas que l’Église copte demande à tous ses fidèles de pratiquer environ deux cents jours d’abstinence par an.

[16L’auteur de la thèse citée plus haut a tellement été frappée par ce point qu’elle y a puisé le titre de son étude. En effet, la caractéristique la plus marquante de cette vie religieuse est le fait que dans ces couvents on vit un rapport quasi immédiat avec le ciel et les saints ; c’est comme si “le ciel y était toujours ouvert”.

[17À propos, il n’a pas d’équivalent de ce type de vie religieuse active chez les hommes. D’où son intérêt.

[18Il faut noter à ce propos que cette terminologie ne semble pas plaire au patriarche actuel, qui voudrait plutôt réserver ce terme pour les moniales conventuelles de style traditionnel.

[19Il ne nous a pas etc possible de savoir si ces horaires étaient respectés rigoureusement. Nous estimons qu’il ne s’agit pas d’une précision d’horloge suisse.

[20L’équivalent masculin a commencé quelque temps avant l’expérience féminine mais n’a eu qu’un essor extrêmement limité. On trouve ici ou là quelques individus isolés, parfois ordonnés diacres. Dans quelques cas, ils deviennent moines plus tard. Il existe aussi une petite communauté appelée bayt al-takris, “maison de la consécration”, qui dépend spirituellement du moine et auteur spirituel Matta-al-Maskin et dont certains membres également sont devenus moines.

[21À ce propos, notons qu’il existe actuellement une sorte d’institut pour la formation des “consacrées” au monastère de Qadisa-Demiana, à Belkas dans le Delta. Là certaines jeunes filles se préparent pendant deux ou trois ans à vivre leur consécration.

[22Il est intéressant de noter que l’article Deaconess de l’Archbishop Basilios dans The Coptic Encyclopedia, édit. A. S. Atiya, vol. 3, New York-Toronto 1991, 888-889, ne fait aucune référence à cette expérience.

[23La plupart de ces femmes avaient plus de cinquante ans au moment de leur ordination. Certaines sont déjà décédées aujourd’hui.

[24Il n’est pas facile de se documenter à ce sujet. Cf. C. Chaillot, “Comment vit la femme copte aujourd’hui au sein de l’Église”, dans Le Monde Copte 16 (1989), 66-73.

[25Le prêtre dans ce cas prononce les paroles du sacrement tandis qu’il est derrière un rideau et la diaconesse plonge le femme dans l’eau du baptistère.

Mots-clés

Dans le même numéro