Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Le Père Joseph Wresinski

Sacerdoce et amour des pauvres

Alwine de Vos van Steenwijck

N°1995-4 Juillet 1995

| P. 255-264 |

C’est un genre littéraire un peu inhabituel que présente cet article. Mais la qualité du livre de Thierry Monfils et l’autorité du commentaire qui en est fait nous invitaient à inaugurer une forme nouvelle d’article. Plus qu’une note de lecture, c’est, en soi, une très belle introduction à la connaissance d’un témoin important de notre temps et d’une figure rayonnante de l’Église. Puisse notre amour des pauvres en être éclairé et vivifié.
Conférence de presse organisée à Paris, le 27 septembre 1994, par les éditions Culture et Vérité, pour la présentation du livre Le Père Joseph Wresinski, Sacerdoce et amour des pauvres, de Thierry Monfils, s.j. Intervention d’Alwine de Vos van Steenwijk.

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Si la parution de tout bon livre touchant à la foi, touchant à l’Église, est un événement à saluer, celle de l’ouvrage de Thierry Monfils est un peu plus que cela. Elle représente en quelque sorte une première, et cela à un double titre. Puisqu’il s’agit du premier ouvrage théologique sur un prêtre dont on peut penser qu’il fut lui-même une première dans l’histoire de son Église, dans celle des pauvres, dans la nôtre. Le Père Joseph Wresinski, un prêtre venu de ce que lui-même appelait “cet au-delà de la pauvreté” ou encore “ce sous-la-mer de l’humanité que représente la misère”.

L’Église a connu beaucoup de grandes figures qui, à partir d’un certain niveau social, si modeste fût-il, se sont dépouillées pour se mettre en route vers le bas, vers les pauvres. Saint François, saint Vincent de Paul, saint Ignace, l’humble saint Benoît Labre, ou encore dans notre temps Mgr Cardijn, Mère Térésa..., toute une lignée d’hommes et de femmes quittant leurs sécurités, se faisant pauvres, avec toute la peine que cela signifie de descendre ainsi dans une humanité qui semble ne pas avoir de fond, et où “cet au-delà de la pauvreté que représente la misère” est si difficile à atteindre, un univers où il est plus difficile encore de séjourner.

Ce que l’histoire n’avait pas encore vu, c’était un homme né au fin fond de cette population maudite, parce qu’apparemment trop abîmée par une trop longue misère, un homme venant du plus bas du monde vers le haut, et qui nous amène - surprise ! - tout ce peuple en haillons.

D’autres ont pu s’en sortir, certes. Mais l’histoire ne les connaît pas, parce qu’un homme venu d’une population aussi méprisée se garderait d’en informer son nouvel entourage. Le Père Joseph est à notre connaissance le premier qui soit venu de ce “sous-la-mer de l’humanité”, non pas seul et en cachant son origine, mais en la proclamant, en entraînant les siens.

Le Père Joseph a eu cette incroyable audace de nous présenter et d’introduire dans notre histoire tout ce peuple défiguré, ce Lumpenproletariat du siècle dernier, cette population des Hôtels-Dieu, des cours des miracles, des mendiants, des enfants trouvés des siècles antérieurs. Tout ce peuple dont seul un historien, comme Bronislav Geremek, à un certain moment, a vraiment tenté de retracer les cheminements cachés. Il fait soudain surface, un court instant, à la veille de la Révolution française, au moment où Dufourny Devilliers, cahiers de doléances en main, tente de faire représenter aux États Généraux de 1789 ce Quart-État, ce quatrième ordre, “l’Ordre sacré des mendiants, des miséreux”. Voilà ce Quart-État, très vite redisparu dans l’oubli, mais dont le Père Joseph tirera le nom de Quart-Monde, que portent aujourd’hui avec fierté les plus pauvres à travers tous les continents.

Un homme, un prêtre vient ainsi vers nous du plus bas de l’humanité, en affirmant : “Ces familles disloquées, rejetées depuis toujours de toutes vos communautés, elles sont un peuple, elles sont mon peuple.” Et pour la première fois peut-être, ce peuple a désormais un modèle, un guide, un homme à suivre dans la montée difficile.

Nous-mêmes savons d’expérience combien nous avons besoin de ces guides qui s’appellent François, Vincent, sur le chemin qui descend vers le bas du monde. Mais avons-nous assez songé combien pouvait être ardu le chemin qui monte de la misère vers nous ? Mesurons-nous ce que peut signifier d’avoir à mobiliser le courage usé, toujours battu en brèche, qui vous reste, pour prendre la route sous le regard condescendant des nantis, même de ceux qui ne sont pas beaucoup plus riches que vous ? D’avoir à monter vers ce monde qui ne vous attend pas, qui vous identifie si mal et ne croit pas que vous puissiez être porteur d’un savoir, d’un message d’un quelconque intérêt ?

Autre chose est de suivre un saint François qui a entendu ces paroles adressées au jeune homme riche : va et vends tes biens, donne l’argent aux pauvres et suis-moi. Autre chose est pour les très pauvres, qui n’ont rien à vendre, rien à donner, de s’entendre dire : soulève la chape qui pèse sur toi, sors de l’asphyxie, secoue la torpeur dont t’enveloppe la misère et va acquérir les moyens de montrer au monde ta dignité et celle de ton peuple. Autre chose est, pour ceux qui se cachent derrière les abattoirs, sous les ponts et les viaducs, dans les tombeaux d’un cimetière ou dans les zones de squattage sauvage en périphérie d’une ville, de s’entendre dire : comportez-vous en bienheureux, soyez comme cette ville bâtie sur la colline et vers laquelle se tournent tous les regards. Avons-nous songé que sur ce chemin plein d’embûches, les plus pauvres n’avaient jusqu’ici pas de guide ?

Thierry Monfils, à sa manière, leur offre ce guide, le Père Joseph, un des leurs, une première dans leur histoire, dans l’histoire de l’Église et dans la nôtre, et qui a su nous faire vivre, à tous, que ces trois histoires n’en sont qu’une seule : celle de l’interdépendance, de l’indivisibilité de l’humanité. Le Père Joseph, du nouveau dans l’histoire et dont nous pouvons nous demander au moyen de quelles références nous allons pouvoir comprendre le message.

On pourrait en effet se demander comment a fait Thierry Monfils, lui qui n’a pas eu le privilège, comme certains d’entre nous, de vivre, de marcher des vingt, des trente ans avec ce Père Joseph venu d’un autre univers, pour apprendre à le connaître au jour le jour, en le suivant dans sa vie, son action, sa pensée, ses joies et ses peines, sa fougue, ses silences. Comment a fait Thierry pour pénétrer l’esprit de cet homme ?

On pourrait se le demander d’autant plus que même pour planter le décor autour de celui dont il veut nous faire partager la spiritualité, il était au départ relativement démuni. Les simples faits de la vie du Père Joseph, de ses jeunes années, la façon dont il a pu commencer à sortir de la misère et prendre le chemin du sacerdoce sans jamais abandonner les siens, tout ce qu’il a entrepris concrètement à partir du moment où, ordonné prêtre, il put mettre en œuvre toute sa créativité, ce que devinrent ensuite pour lui ce mouvement, ce volontariat, qu’il voulait interconfessionnels, ce que signifiaient dans son esprit un projet de civilisation et un projet de société, ce qu’il entendait par une poursuite des Droits de l’homme qui soit une quête d’amour autant que de justice..., tout cela caractérise la personne et représente une toile de fond que Thierry ressent le besoin d’esquisser. Cependant, ce sont là autant de thèmes de recherche en soi, pour lesquels les sources existent à profusion mais ne sont pas encore correctement analysées ni même toujours ordonnées. Il reste à en tirer des ouvrages de référence. Thierry a eu accès aux textes du Père Joseph qui sont déjà publiés et qui ne répondent pas à toutes ses questions.

Si l’écriture de ses premiers chapitres n’en a pas été facilitée, ceux-ci tracent pourtant le chemin vers le corps du livre. Le lecteur saura qu’il lui faudra un jour revenir en arrière pour découvrir tout le paysage. Cela peut attendre. Pour l’instant, il avance vers ce que Thierry veut lui faire percevoir d’essentiel et qu’il va effectivement lui faire découvrir d’une manière lumineuse, à savoir le caractère universel du sacerdoce que le Père Joseph attribue d’une part au prêtre, d’autre part à tout être humain parce qu’il est enfant de Dieu.

Le chapitre IV, “La place d’une pratique chrétienne”, est comme une fenêtre qui s’ouvre toute grande. Qui semble s’ouvrir sur un dialogue entre deux prêtres de Jésus Christ, entre l’auteur et son sujet qui, à partir de là est aussi son maître, “en direct” si l’on ose dire. Au chapitre IV, la volontaire de trente-quatre ans de volontariat que je suis retrouve, sous un jour qu’elle ne connaissait pas, le Père Joseph qu’elle a suivi pas à pas pendant vingt-huit ans. Cela est bien fait pour nous rassurer, car Thierry Monfils prouve qu’on n’a pas besoin d’avoir vécu proche du Père Joseph des années durant pour le connaître intimement, pour l’aimer, pour faire de lui son maître et le faire connaître et aimer par d’autres. C’est une chose à redire souvent, aux familles du Quart-Monde, aux jeunes volontaires qui déplorent ne pas l’avoir rencontré : nul besoin d’avoir touché à cet homme pour le connaître, même mieux que ceux qui ont vécu près de lui. Thierry en apporte une preuve lumineuse.

À partir du chapitre IV commence comme un vrai dialogue en direct. Certes, il reste encore du chemin à faire pour arriver à marcher du même pas, il reste des coins aveugles. Mais la suite des chapitres se déroule désormais comme une histoire qui se bâtit entre deux prêtres qui s’expliquent ce à quoi ils croient. Et qui, à partir de la seconde partie du livre, marchent du même pas. Tellement en unisson qu’à notre immense surprise, à partir du chapitre V de cette deuxième partie, Thierry, peut-être sans s’en rendre compte, se fait la plume du Père Joseph, lui permet de ramasser, d’achever son propos.

Le Père Joseph, avant l’opération qui devait le reconduire auprès du Seigneur, nous avait redit son souhait de se retirer avec quelques-uns d’entre nous dans notre maison à Baillet-en-France - aujourd’hui la Maison Joseph Wresinski - pour écrire, méditer, prier, former les jeunes. Peut-être eût-il alors pris le soin de clarifier encore ce que, par sa personne et sa vie, par ses écrits, souvents arrachés avec peine à une vie tissée de harassements, il nous avait déjà donné en héritage ? Aujourd’hui, nous comprenons que de ne pas l’avoir fait était encore une manière de nous rendre service, de nous aider à nous affermir, nous qui sommes ses premiers héritiers, en nous invitant à faire ce travail nous-mêmes, à nous rendre capables de recueillir et de continuer sa pensée sans la trahir.

Thierry l’a fait. En abordant l’évangélisation ou encore la pastorale, sans s’en rendre compte, me semble-t-il, il ne prend pas la plume du Père Joseph à sa place, il se fait sa plume. Le titre de la partie où cela lui arrive dit pourquoi cela pouvait arriver : “Tous prêtres par Jésus Christ”. Pourrions-nous dire que Thierry Monfils a rejoint le Père Joseph par le seul maître qu’ils avaient vraiment en commun ?

Les maîtres du Père Joseph, je vous le disais, ne pouvaient pas être ceux que nous imaginerions et dont j’ai nommé quelques-uns. Non pas qu’il ne les ait pas lus, bien au contraire ! Toute sa vie, il a témoigné d’une soif peu commune, la soif chez l’homme de la misère, de lire et de s’instruire constamment. Les grandes figures d’Église qui à travers les siècles ont tenté d’aller vers les plus pauvres - son peuple - avaient dans sa bibliothèque la place des amis. De ces amis qu’étaient aussi Mgr Cardijn, le P. de Lubac, ou encore Mounier, Péguy, les grands écrivains russes (sans parler de saint Augustin, des Pères de l’Église, constamment sous ses yeux). Il enjoignait sans cesse aux religieux et religieuses qui l’avaient rejoint de retourner à leurs sources, au fondateur, à la fondatrice de leur Ordre. Mais ceux-là, pour les raisons que nous venons de voir, ne pouvaient pas être ses maîtres de la même manière qu’ils peuvent être les nôtres. Son maître de tous les instants, qui d’autre pouvait-il être que Jésus Christ ? “Jésus Christ misérable, mort et ressuscité”, comme il le répétait souvent. C’est évidemment auprès de ce maître unique que tous les prêtres, quelles que soient leurs origines et leurs sensibilités particulières, se retrouvent. Le Père Joseph le disait en ces mots :

Nul n’est prêtre sans une sorte d’attachement viscéral à Jésus Christ. À lui, non pas comme un symbole, mais comme réalité vivante de ce que le monde vit et que les plus pauvres autour de nous expriment et espèrent. Le prêtre est obligé, d’une façon ou d’une autre, de vouloir mouler sa vie dans celle de Jésus Christ. Autrement, il ne reste pas prêtre.

C’est auprès de Jésus Christ, tel que les plus pauvres l’espèrent, que Thierry Monfils trouve le Père Joseph prêtre et chemine avec lui dans une joie qu’il va faire partager au lecteur. Je voudrais faire à ce sujet deux remarques.

Tout d’abord, le Père Joseph a été prêtre de Jésus Christ, et je dirai : il a été cela seulement. Ceux qui ont partagé sa vie en sont témoins. Mais il nous a montré que le prêtre qui place les plus pauvres et Jésus Christ misérable et ressuscité au centre de son sacerdoce et de sa pastorale, pose tôt ou tard des gestes de tous ordres : gestes de citoyen, gestes politiques aussi. Cela est inéluctable. Le Père Joseph ne semblait guère se soucier de classer ses initiatives : me voici citoyen, me voilà conseiller au Conseil Économique et Social... Il était prêtre, et tout ce qu’il entreprenait ne relevait que de son sacerdoce, de l’Église.

Tout prêtre n’a pas nécessairement l’expérience de cette globalité que les plus pauvres et Jésus Christ souffrant avec eux peuvent donner au sacerdoce. Aussi, tout prêtre ne sait-il peut-être pas dire d’expérience l’étendue et la profondeur de ce sacerdoce qui envahit tout l’être, tous les gestes, toutes les relations. Le Père Joseph prêtre, citoyen, conseiller au Conseil Économique et Social, réalisant ce rapport Wresinski devenu un classique dans la politique française et européenne, ce Père Joseph “complet”, une seule plume, fût-elle la plume d’un prêtre, ne peut sans doute nous le raconter. Mais Thierry nous raconte beaucoup et même on pourrait dire qu’il effleure toutes les facettes, ouvrant grande la porte à de nouveaux approfondissements. Ce Père Joseph, qui trace l’étonnant chemin d’un homme politique, qui refuse tout pouvoir, qui nous enseigne d’une manière saisissante les Droits de Dieu et les Droits de l’Homme, qui dit que “la spiritualité, c’est vivre avec quelqu’un”, qui nous apprend un Dieu en une Église livrés à toutes les humiliations et tous les rejets, qui ose vivre avec ses contemporains riches et pauvres un projet de civilisation qui n’est pas à confondre avec un projet de société..., ce Père Joseph demeure très en avance sur nous. Il y en a pour un très long temps d’approfondissement, et Thierry Monfils nous le fait comprendre. C’est d’un de ces approfondissements, peut-être le plus essentiel, que je voudrais dire un dernier mot. Il s’agit de ce Jésus Christ misérable, mort et ressuscité, que le Père Joseph a tant aimé. À ces mots sur l’attachement viscéral du prêtre à Jésus Christ, le Père Joseph ajoute ceci :

Et la vie du Seigneur dans le monde, c’est l’enfant né dans un lieu où ne pouvaient naître que les enfants de ces marginaux qu’étaient les bergers. Sa vie est celle de la famille sans argent, sans logement, expulsée, celle de l’homme sans travail, celle de l’homme ridiculisé même dans sa souffrance et dont on dit que sa douleur est bien de sa faute.

Le Père Joseph a voulu que personne ne puisse jamais se tromper au sujet de la population où pour sa part il cherchait Jésus Christ misérable et qui exigeait priorité en toutes choses, parce que c’était sur elle qu’était fondée l’Église.

Thierry Monfils prend grand soin de le rappeler par les mots mêmes du Père Joseph. À qui Jésus annonce-t-il qu’ils sont bienheureux ? “C’est bien des pauvres économiques qu’il s’agit, de ceux qui sont sans travail ni ressources régulières, sans vêtements convenables et dont la seule haleine manifeste que le corps est mal nourri.” Ce n’est même pas celui que d’autres méprisent, ce sont “ceux qui n’ont personne pour les mépriser, qui sont totalement abandonnés, ignorés”, “la maman fouillant dans les ordures,” cet homme que la misère et les maladies se sont alliées pour “rendre repoussant,” “cette partie cachée de l’Église, sa partie la plus douloureuse, ce ‘sous-lamer que le monde ne voit pas’ ”, “ceux qui hier comme aujourd’hui sont tenus pour des marginaux”. Pourquoi cette insistance ? Parce que le Père Joseph sait d’expérience qu’introduire ceux-là comme les bienheureux du Seigneur, comme ceux qui vont devant vers le royaume, premiers agents des Droits de l’Homme sur terre, un peuple portant un message essentiel, fait scandale. Cela a fait scandale depuis que Jésus marchait en Galilée, entraînant ceux qui n’avaient même pas la sage prévoyance d’emmener un casse-croûte.

Tout homme est habité d’esprit et appelé à agir pour le bien de tous, ne cessait de nous rappeler le Père Joseph à la suite de saint Paul. Parce qu’il savait que le monde et même les chrétiens voulaient bien accepter cette vision pour tout le monde, mais tout de même pas pour “ces gens-là” ! L’option préférentielle pour les pauvres, bien sûr, mais tout de même pas pour “ces gens-là” ! Ceux par qui le scandale ne cesse d’arriver, les premiers servis, ceux qui ont saisi ce qui demeurait caché aux savants ! Le Père Joseph savait que le monde et, d’une certaine manière, l’Église, dans la mesure où elle est malgré tout de ce monde, auraient toujours du mal à l’accepter.

C’est en cela que le Père Joseph a été totalement fidèle à Jésus Christ, pleinement héritier du message que porte l’Église. “Nous sommes des héritiers...” En même temps qu’il fut aussi ce que lui-même n’eût jamais songé prétendre, à savoir rupture d’avec un ordre séculaire. Thierry Monfils nous présente d’une manière parfaitement convaincante le Père Joseph héritier. Ce Père Joseph, toute sa vie, a eu pour souci premier de rendre les plus pauvres à l’Église. Thierry, par son livre, épouse ce souci, en rendant à l’Église cet homme, lui-même venu de la misère pour devenir prêtre de Jésus Christ. Il lui rend le Père Joseph héritier. Ne devrions-nous pas, maintenant, essayer de comprendre comment d’avoir été parfaitement fidèle à l’héritage a fait de la vie de ce prêtre, un tournant après lequel rien ne pourra plus être tout à fait comme avant ? Comment, quand les plus pauvres, qui n’ont jamais ou pas encore eu ainsi la parole, se mettent enfin à parler de Dieu, cela ne nous entamerait-il pas dans ce que nous pensions ou faisions jusqu’ici ?

Une manière de le comprendre sera de lire ce livre avec les familles dans les zones de misère. Je ne sais pas si l’auteur y a songé, mais je voulais le dire pour terminer. Thierry Monfils a réussi à nous offrir un ouvrage théologique qui peut et doit être lu par un grand public. Non seulement il est accessible, mais il intéresse un public bien au-delà des théologiens, bien au-delà de ceux qui se préoccupent de la pauvreté, au-delà des seuls croyants aussi. C’est un livre qui, comme le Père Joseph lui-même, interpelle et peut aussi rassurer beaucoup de ceux qui se posent des questions sur la paix, la justice, l’amour, quelle que soit leur appartenance spirituelle.

Mais le plus important n’est-ce pas que ce livre peut et devrait être lu avec les plus pauvres à travers le monde ? L’idée m’a poursuivie, tout au long de ma lecture : voilà un texte qui a fait exactement ce que le Père Joseph attendait de l’évangélisation. Les plus pauvres ont le droit de le découvrir, chapitre par chapitre, de marcher avec Thierry et de s’entendre dire, comme le leur disait le Père Joseph à la suite de son Seigneur, qu’ils sont bienheureux et qu’ils peuvent et doivent se montrer tels.

N’est-ce pas un mérite rare, d’avoir su écrire une étude théologique qui puisse apporter du bonheur au cœur des habitants des zones de misère du monde ?

Maison Joseph Wresisnski
2, rue de la Gare
F. 95560-BAILLET-EN-FRANCE

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