Appel de Charles de Foucauld pour le Maroc
Bernard Jacqueline
N°1993-6 • Novembre 1993
| P. 374-389 |
Avec la compétence du postulateur de la cause, l’A., historien et spirituel, nous donne un dossier fort intéressant à propos de l’attitude de frère Charles vis-à-vis du Maroc. Sa haute vision et son courage missionnaires - loin des compromissions politiques qu’on lui a injustement attribuées - apparaissent ici dans la radicalité de ses projets et tout autant révèlent leur inspiration profonde : le Cœur du Christ follement aimé et servi jusqu’au martyre.
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Après avoir été moine trappiste pendant sept ans (1890-1897), avoir vécu trois ans en Palestine dans la solitude et la prière (1897-1900), Charles de Foucauld fut ordonné prêtre pour le diocèse de Viviers (9 juin 1901).
Il passa la première partie de son existence sacerdotale (29 octobre 1901-12 janvier 1904) à Béni-Abbès, qui venait d’être occupé par la France en mars 1901 ; puis, après deux tournées d’apprivoisement chez les Touaregs (13 janvier 1904-13 août 1904), il s’établit à Tamanrasset et y vécut en ermite jusqu’à sa mort (1er décembre 1916), s’y consacrant à l’étude de la langue touarègue, réalisant un vrai travail de bénédictin.
Ministère pastoral et missionnaire à Béni-Abbès
L’optique de son implantation à Béni-Abbès était nettement missionnaire : il se proposait d’évangéliser le Maroc [1], qu’il avait exploré (20 juin 1883 - 23 mai 1884). Dans une lettre à son ami Henry de Castries (23 juin 1901), il lui avait demandé « le point le mieux placé pour faire coin, brèche, et pénétrer, plus tard, de proche en proche, le côté par lequel le Maroc est le plus abordable à l’évangélisation » [2]. Il vise surtout à « faire le plus de bien qu’on puisse faire aux populations musulmanes, si nombreuses et si délaissées, en apportant au milieu d’elles Jésus dans le Très Saint Sacrement » ; il se propose, en outre, d’empêcher que nos soldats ne meurent sans sacrements, « en des lieux où la fièvre tue un grand nombre et où il n’y a aucun prêtre » [3] ; l’accent sacramentel est donc nettement mis sur son apostolat pastoral et missionnaire.
Il sera, en fait, très pris par son ministère pastoral : visites des militaires, explication de l’évangile aux soldats, construction et ornementation de la chapelle. Il se voit « avec étonnement passer de la vie contemplative à la vie du saint Ministère » : « j’y suis conduit malgré moi par le besoin des âmes », écrit-il à Madame de Bondy [4]. Lors de la bataille d’El Moungar (2 septembre 1903), il saute à cheval pour aller à Taghit porter secours aux blessés et puis va bénir les tombes des légionnaires décédés.
Son Préfet Apostolique, Mgr. Guérin, signale à la Propaganda Fide (28 août 1903) les heureux effets de cette activité pastorale : « J’ai été non moins heureux de constater l’influence profonde que le véritable saint a exercée depuis deux ans et continue d’exercer chaque jour, sur tous ceux qui le connaissent. Tous les Européens, officiers ou soldats, qui ont passé à Béni-Abbès - quelles que soient leurs opinions personnelles ou leur conduite privée - sont unanimes à dire la très respectueuse et toute religieuse vénération qu’ils ont vouée à ce saint prêtre, qui, malgré eux, a gagné leur cœur par sa bonté quand ils sont venus le saluer lors de leur passage à Béni-Abbès » [5].
Mais, si efficace qu’ait été le ministère pastoral de Charles de Foucauld près des chrétiens, il continue d’avoir pour but l’évangélisation des musulmans, en particulier des Marocains, et son implantation à Béni-Abbès est bien choisie pour cela ; cette localité se trouve dans la vallée de la Saoura : cet oued, né de la rencontre du Guir et de la Zousfana, fertilise cette vallée ainsi que le Touat [6]. Le Protocole du 20 juillet 1901 et les accords des 20 avril et 7 mai 1902 jetèrent les bases d’une collaboration franco-marocaine ; le colonel Lyautey est nommé commandant du territoire d’Aïn Sefra et fait ainsi son entrée sur la scène marocaine [7] ; mais ce n’est qu’à la fin de janvier 1905 qu’il rencontrera Charles de Foucauld pour la première fois [8]. Celui-ci, cependant, poursuit son activité missionnaire près des musulmans et non sans succès, comme l’indique Mgr Guérin, Préfet Apostolique de Ghardaia, dans sa lettre du 28 août 1903 au Cardinal Préfet de la S.C. de Propaganda Fide, auquel il écrit : « Sur les musulmans, l’influence du P. Charles de Jésus n’est pas moins féconde en résultats précieux. À plusieurs centaines de kilomètres à la ronde, les indigènes connaissent le »marabout chrétien« de Béni-Abbès, qui vit lui-même si misérablement et cependant est si charitable pour tous, surtout pour les petits et les faibles, les pauvres et les esclaves qu’il reçoit, hospitalise, soigne et nourrit avec un dévouement qui n’est pas de cette terre » [9].
C’est à cette époque, en 1903, que Charles de Foucauld rédige une série d’entretiens catéchétiques qui ont été publiés après sa mort sous le titre : L’évangile présenté aux pauvres nègres du Sahara [10]. Le 12 juillet 1902, il baptise un petit nègre de trois ans et demi, auquel il donne le nom de Marie, Joseph, Jean, Olivier abd Jésus Caritas [11].
Mais c’est surtout le Maroc qui attire son zèle missionnaire. On le perçoit en particulier dans sa correspondance : « Je pense tant au Maroc depuis quelque temps, à ce Maroc où dix millions d’habitants n’ont ni un prêtre, ni un autel, où la nuit de Noël se passera sans messe et sans prières ; priez pour lui ! » (Lettre à Mme de Bondy, 13 décembre 1902) ; « Le jour de Noël, j’ai eu des visites inespérées de Marocains qui laissent espérer des rapports plus étroits » (id 31 décembre 1902). « Espérons qu’un jour la frontière tombera totalement et que le Maghreb sera à la France et surtout à Jésus » (Lettre à Henry de Castries, 16 décembre 1902) ; « Priez pour le Maroc ; nuit et jour je pense à ces dix millions d’âmes qui ne connaissent pas Jésus et je fais ce que je peux pour elles » (Lettre à Mme de Bondy, 29 janvier 1903). Le 30 mars 1903, il écrit encore à Mme de Bondy [12] ; « Pour en revenir au Maroc, vous sentez que si je suis venu ici à Béni-Abbès sur sa frontière, c’est dans l’arrière-pensée de faire mon possible pour y faire pénétrer l’Évangile, non en cessant d’être moine silencieux et contemplatif, ce qui est ma vocation ; non en allant prêcher comme les premiers et saints disciples de saint François, ce qui n’est pas ma vocation et ne me paraît pas le moyen de faire connaître et aimer Jésus, mais en m’efforçant, après avoir fondé une colonie monastique de pauvres religieux adorateurs du Très Saint Sacrement à Béni-Abbès, d’en fonder d’autres de proche en proche au Maroc ; préparant de loin cela par les relations entretenues ici avec les Marocains, les disposant à m’accepter chez eux en leur donnant fraternellement l’hospitalité. Cor Jesu Sacratissimum adveniat regnum tuum » [13]. « Priez pour le Maroc... Que de bien il y a à faire ! Que je voudrais voir fait ! » (Lettre à PL de Castries, 15 juillet 1904). « Priez beaucoup pour cet immense troupeau du Sahara et du Maroc dont Jésus veut que je m’occupe » (Lettre à Mme de Bondy, 16 décembre 1905).
Charles de Foucauld et la dévotion au Sacré-Cœur
Mme de Bondy avait eu pour directeur spirituel le Cardinal Perraud, évêque d’Autun, qu’on appellera l’Evêque du Sacré-Cœur, car il organisera beaucoup de pèlerinages à Paray-le Monial. C’est Mme de Bondy qui apprit à son cousin Charles de Foucauld la dévotion au Sacré-Cœur [14] : « Vous m’avez fait connaître », écrit-il, « par son image sur votre table, le Cœur de Notre Seigneur » (20 septembre 1889) ; « la dévotion au Sacré-Cœur, c’est bien à vous que je la dois par la grâce de Dieu » (5 avril 1905).
Le directeur spirituel de Charles de Foucauld, l’abbé Huvelin, avait aussi une grande dévotion envers le Sacré-Cœur [15].
Le 6 juin 1889, le Vicomte Charles de Foucauld s’agrège à l’Archiconfrérie du Sacré-Cœur de Montmartre [16]. Le 16 mai 1900, il demande au Cardinal Richard de pouvoir porter l’habit d’Ermite du Sacré-Cœur [17]. Le 8 mai 1902, il fait enregistrer à Montmartre le réglement de la Confrérie du Sacré-Cœur de Béni-Abbès, qu’il fait agréger à l’Archiconfrérie du Vœu National [18]. Le 21 août 1902, le Bulletin de Montmartre publie une lettre d’un »ardent missionnaire d’Afrique" au sujet des Prêtres-Apôtres du Sacré-Cœur [19].
Le Congrès des Prêtres-Apôtres
Sacré-Cœur de Montmartre, 14 janvier 1903.
Vers 1901, une « Association de Prêtres Apôtres du Sacré-Cœur » avait en effet été lancée par le Père Alfred Yenveux ; celui-ci était entré dans la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée. Aumônier d’un pensionnat (1874-1875), il assista à la pose de la première pierre de la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre (1875), au service de laquelle il entra (1876) ; contraint de la quitter pour raison de santé (1878), il y revint en 1884 et, après le départ des Oblats, il resta discrètement présent jusqu’à sa mort (1er octobre 1903) près des prêtres diocésains qui avaient remplacé les religieux (avril 1903).
Outre le ministère à la Basilique, la tenue des archives, la rédaction du bulletin et de la feuille mensuelle « Union de prière », il se consacra à des recherches historiques sur le « Vœu National » et à l’étude des œuvres de la Bienheureuse Marguerite-Marie. On lui doit plusieurs ouvrages de piété : Le Trésor spirituel (1902), Catéchisme de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, Les vertus demandées par le Cœur de Jésus à ses serviteurs, Prières anciennes, Le Cœur de Jésus, ses demandes et ses promesses ; on lui attribue aussi : Allons au ciel (1879) et Magnificat de l’âme réparatrice (1879).
Son ouvrage le plus important est Le règne du Cœur de Jésus ou La doctrine complète de la Bienheureuse Marguerite-Marie sur la dévotion au Sacré-Cœur (cinq tomes, 3000 pages, 1899-1900). Il s’y inspire surtout de la doctrine de Paray-le-Monial, mais aussi de celle de saint Alphonse de Liguori, chère à Mgr de Mazenod, fondateur des Oblats de Marie Immaculée, ainsi que de la spiritualité de l’École française.
Chargé de l’accueil des enfants, il fonda la « Croisade Angélique » qui, vers 1900, fut appelée : « Les enfants de France au Sacré-Cœur » [20].
Charles de Foucauld est en correspondance suivie avec le Père Yenveux [21] qui, le 29 décembre 1902, lui écrivait : « Nous organisons un Congrès de prêtres-apôtres pour le 14 janvier... écrivez-moi une lettre spéciale pour conjurer les prêtres de vous venir en aide par la prière d’abord, par les secours pécuniaires, mais aussi par des renforts de missionnaires ». Et, le 9 janvier 1903, l’agenda du Père de Foucauld mentionne la réception de cette lettre ; il note, parlant du Père Yenveux : « Il se propose de parler en faveur du Maroc... Commencement des relations avec Montmartre au sujet de Marguerite (Maroc). Je mets, autant que cela m’est possible, l’Évangélisation du Maroc et le Maroc lui-même sous la protection de la bienheureuse Marguerite-Marie, la donnant, dans la mesure que je peux, au Maroc, comme patronne ».
Les Archives de la Postulation de la béatification du Père de Foucauld ont conservé le brouillon du télégramme suivant, daté du 9 janvier 1903 : « Reçois lettre. Réponse suit - Supplie humblement établir commission siégeant Montmartre pour travailler à cette conversion. Jésus rayonnera de Montmartre ». Un autre brouillon de ce télégramme, d’un libellé à peu près semblable, est signé Charles de Jésus".
Quant à l’original de la réponse, adressée au Père Yenveux, il n’a pas été retrouvé ; mais le brouillon en est heureusement conservé dans les archives de la Postulation ; les éditions qui en ont été données jusqu’à présent sont toutes incomplètes [22]. C’est pourquoi il paraît utile de donner, ci-dessous, l’édition intégrale [23] du brouillon de ce projet de mission au Maroc.
Voici mon humble réponse :
Pour faire l’Œuvre il faut être ses bras, ses mains, sa langue, ses membres, vivre de sa vie, de manière à ce qu’il vive en nous... C’est-à-dire qu’il faut nous conformer parfaitement à lui, l’imiter parfaitement en tout... Cela est indispensable à tout apôtre... JÉSUS l’indique : en appelant ses apôtres il leur dit un seul mot - Suivez-moi - c’est-à-dire imitez-moi.
Imiter JÉSUS en tout, conformer entièrement notre vie à la sienne, à l’intérieur et à l’extérieur, c’est nécessaire et suffisant : c’est “l’unique nécessaire".
C’est donc des âmes résolues à tous les sacrifices et il n’y a qu’une soif : glorifier parfaitement JÉSUS en l’imitant et lui obéissant parfaitement - ce sont de telles âmes qui feront l’œuvre du CŒUR de JÉSUS, qui convertiront le Maroc, et de cette victoire iront à d’autres victoires.
Si des prêtres apôtres brûlant de cette soif, prêts à mourir avec et pour Jésus, à manquer de tout avec et pour Jésus, veulent s’unir au misérable qui vous écrit pour tâcher d’imiter et glorifier Jésus, qu’ils viennent ici, où j’ai les moyens nécessaires pour former une petite avant-garde et la jeter sur le Maroc au premier jour.
Je demande humblement que les prêtres apôtres prennent l’initiative de la conversion du Maroc et nomment immédiatement une commission choisie parmi eux pour travailler à cette conversion. Je demande humblement que cette commission ait son siège à Mtre (Montmartre) s’y réunisse au moins une fois par mois (le premier vendredi si possible).
I. Œuvre de la Commission
Que cette commission s’occupe des questions suivantes :
- Consacrer solennellement les travaux de la commission pour l’évangélisation du Maroc et, autant que possible, cette évangélisation au Sacré-Cœur. Je conseille aussi de la mettre dans la mesure possible sous le patronage de la Bse M.-M. (Marguerite-Marie Alacoque, 1647-1690)
- Demander pour elle, ses travaux, le Maroc, la bénédiction de notre saint Père le Pape.
- Organiser une croisade de prières et surtout de S. Sacrifice (sic) pour la conversion du Maroc.
- S’informer exactement de quelle autorité épiscopale dépend le Maroc.
- S’efforcer d’obtenir que le Maroc dont en ce momentnul ne s’occupe (bien que peut-être les franciscains en restent officiellement chargés) ne soient pas confiés (sic) à tel ordre ou telle congrégation en particulier, mais que le Saint Siège établisse à Tanger un délégué ayant dans sa juridiction toute la contrée nominalement soumise au Sultan du Maroc, dont les limites sont au N. la Méditerranée et en quelques points les petits territoires occupés par l’Espagne, à l’Quest l’Océan Atlantique, à l’Est l’Algérie française, au Sud les établissements portugais et la préfecture apostolique du Sahara français - délégué qui s’efforcera d’ouvrir la porte du Maroc aux missionnaires, religieux et religieuses et d’y attirer une armée de saints apôtres.
- S’efforcer d’attirer au Maroc de nombreux établissements de prêtres, religieux et religieuses ; d’abord les P. du T.S. Sacrement, desSœurs de charité, des Trappistes, des Chartreux, des Pères blancs et des Sœurs blanches. Il y a lieu, dans les débuts [pour peu de temps mais pour commencer] d’y porter plutôt les ordres purement voués à l’adoration du S. Sacrement [comme les Pères du T. St Sacrement], à la bienfaisance, [comme les Sœurs de Saint Vincent de Paul] et à la contemplation, l’hospitalité et les travaux rustiques [comme les trappistes, chartreux] que les ordres enseignants et prêchants. L’adoration de la Divine Hostie préparera tout ; la bienfaisance, l’hospitalité, l’exemple des vertus évangéliques, surtout les prières et la sainteté des serviteurs et servantes et plus encore le grand nombre des Messes et des tabernacles, commenceront l’œuvre de la conversion... Cette période écoulée - elle s’écoulera d’autant plus vite que les prêtres et religieux établis au Maroc seront plus nombreux, - jeter dans le sillon tous les Ordres enseignants et prédicants, Salésiens, Jésuites, [Lazaristes], dominicains, carmes, [frères et Sœurs enseignantes, etc, etc].
- Recueillir des secours pécuniaires destinés aux communautés religieuses qui s’établiront au Maroc ; aux divers prix qu’il faudrait pour achat, c’est-à-dire l’affranchissement d’un grand nombre d’esclaves, car ces esclaves violentés par le Mahométisme ouvriront facilement leurs cœurs à l’Évangile, et parmi eux se formeront probablement les 1ers noyaux de fidèles.
II. Mon humble travail
Pour moi personnellement, devant JÉSUS, devant le S. Sacrement, (ce que je crois pouvoir faire de meilleur pour la conversion du Maroc c’est d’organiser une petite légion de religieux) [et si c’est possible aussi une de religieuses] voués à la fois à la contemplation et à la bienfaisance, vivant très pauvres du travail manuel, dont la règle très simple se résumerait en trois mots : adoration perpétuelle du T.S. Sacrement exposé ; imitation de la vie cachée de JÉSUS à Nazareth ; vie dans les pays de missions. Cette petite légion serait une troupe d’avant-garde propre à se lancer sur-le-champ dans le Maroc et à y creuser aux pieds de la Sainte Hostie et au nom du Sacré-Cœur, le premier sillon dans lequel se jetteront ensuite, au plus tôt les missionnaires prêchants... Dans cette intention, j’ai, il y a un an et demi avec l’encouragement de mon saint et bien aimé évêque Mgr Bonnet, évêque de Viviers, demandé et obtenu [de Mgr le] préfet apostolique du Sahara français l’autorisation de me fixer [en] un point de sa préfecture voisin de la frontière marocaine, [d’y établir un oratoire public avec la Sainte réserve, et d’y réunir des prêtres et des laïcs vivant selon un règlement que je lui ai soumis ; il a daigné m’y autoriser et m’encourager et me donner de précieux pouvoirs entre autres celui d’exposer le T.S. Sacrement à condition qu’il y ait devant lui 2 adorateurs et que l’adoration dure au moins 8 heures consécutives (il y a une durée minima mais point de durée maxima ; l’adoration peut durer perpétuellement, nuit et jour...]. Béni-Abbès, petite oasis du Sahara, [située] à la frontière même du Maroc, [vers le 30° degré de latitude], est le lieu qui a paru le plus propice pour aborder le Maroc, les populations [marocaines] voisines semblant moins mal disposées que les autres... (Arrivé ici il y a 14 mois, Jésus m’y a donné par des mains pieuses, un terrain suffisant pour que 25 religieux y vivent facilement de leur travail, d’un travail léger et sans sortir de leur clôture, de la culture des dattiers ; par des mains pieuses, Il m’y a élevé une petite chapelle et quelques cellules. Je puis donc dès maintenant recevoir des compagnons et j’attends que JÉSUS m’en envoie... Dans les semaines précédant ce Noël je me suis senti si poussé de faire un pas en avant, que j’ai cru obéir au Sacré-Cœur en appelant à la prière les âmes de qui je puis espérer le concours pour ouvrir, par une croisade de prières, la guerre contre Satan. J’ai, dans la mesure du possible, humblement et intérieurement offert, (consacré) le Maroc au Sacré-Cœur. J’ai prié la bienheureuse Marguerite-Marie de m’obtenir la grâce d’y célébrer sous peu le S. Sacrifice.
Dès mon arrivée, j’ai noué des relations avec les indigènes et surtout avec les Marocains. Quotidiennement beaucoup d’indigènes viennent à la fraternité du Sacré-Cœur et dans le nombre il y a des Marocains. J’espère pouvoir dans un avenir prochain, aller avec quelques Marocains dans leur pays, [pour une ou deux semaines]. Je voudrais y aller d’abord pour quelques jours, puis pour quelques semaines, puis pour quelques mois et y acheter une petite propriété où se formerait une nouvelle fraternité du Sacré-Cœur. On irait ainsi de proche en proche. L’aumône, l’hospitalité, le rachat et la libération d’esclaves et bien plus encore l’offrande de la divine victime [et la présence de la divine hostie] concilieront les cœurs et ouvriront la voie à la prédication ouverte.
L’heure de la prédication ouverte sonnera d’autant plus vite que cette avant-garde silencieuse sera plus fervente et plus nombreuse.
III. Détails divers
Pendant que je vais tenter de creuser un sillon dans l’extrême sud du Maroc, que la commission s’efforce dès aujourd’hui de faire aborder le Maroc par d’autres ouvriers, (Pères du T.S. Sacrement, Sœurs de charité, Trappistes, Chartreux, Pères blancs, Sœurs blanches, etc) sur le plus grand nombre possible de points... Il semble que les 1ères attaques de ces ouvriers doivent se porter sur trois grandes villes du Maroc et à Mequenes et aux principaux ports à commencer par Tanger, Mazagran et Mogador.
Le Maroc est en ce moment en pleine guerre civile et révolution. Cela ne doit pas retarder une minute l’action des ouvriers du Sacré-Cœur pas plus que les révolutions de l’empire romain n’arrêtèrent les apôtres... Toutes ces tempêtes humaines sont néant devant Dieu et pour ses enfants.
Si l’on désire quelques renseignements particuliers touchant le Maroc, je donnerai par lettre tous ceux qu’il me sera possible, j’ai autrefois voyagé dans l’intérieur de ce pays.
Les maisons religieuses s’établissant dans les grandes villes et les ports ou à leurs environs, ne pourront guère le faire, je crois, sans l’appui d’un des gouvernements européens ; tous, je crois, seraient prêts à donner le leur, car chacun d’eux cherche à avoir au Maroc le plus de protégés possible... Mais à aucun il ne serait prudent de parler de notre entreprise de conversion ; ce serait se les rendre tous hostiles - mieux vaut que les prêtres, religieux, religieuses disent tous qu’ils viennent au Maroc pour le civiliser.
Peut-on m’aider en quelque chose ? - Oui, beaucoup ; si des âmes sont appelées de Dieu à travailler avec le misérable pécheur qui vous écrit, me les envoyer... Je puis recevoir les prêtres, les laïcs... Les petits frères du SACRÉ-CŒUR de JÉSUS, c’est le nom de cette troupe d’avant-garde, doivent se composer de prêtres et de laïcs... Je suis seul, et cela m’embarrasse pour la petite pointe que j’espère faire au Maroc dans quelques semaines, car il serait bien utile d’avoir un compagnon d’élite pour assister à ma messe, afin d’éviter toute inconvenance ou profanation... cela devrait tenter bien des âmes, car c’est presque la gloire qui leur est offerte, les dangers étant grands... Malgré mon désir d’avoir des compagnons, j’aime mieux rester seul que d’en avoir qui ne soient vraiment appelés de JÉSUS et vrais disciples de son CŒUR... Je demande 3 choses à ceux qui veulent venir : - être prêts à donner leur sang sans résistance, - être prêts à mourir de faim, - m’obéir malgré mon indignité jusqu’au jour où, étant quelques-uns éprouvés par un peu de vie commune, on puisse élire un supérieur qui j’espère ne sera pas moi.
Si vous le désirez, je vous enverrai tous renseignements sur les petits frères du (CŒUR) de JÉSUS, et copie du règlement soumis à Mgr le Préfet Apostolique... Vous pouvez avoir sur le pauvre pécheur qui vous écrit les plus complets renseignements à Paris même, car nul ne me connaît mieux que M. l’Abbé Huvelin (6, rue de Laborde) le bien-aimé père de mon âme, qui me dirige depuis 17 ans, mon Saint Évêque, Mgr Bonnet (Viviers) peut aussi vous donner tous renseignements... Les âmes appelées par le (CŒUR) de JÉSUS à travailler avec moi n’ont qu’à se rendre à la Trappe de Staoueli près Alger et y demander le R. P. Henry, [24] prieur c’est-à-dire second supérieur, qui donnerait indications itinéraire.
Il semble désirable que dans une œuvre si évidemment voulue du Sacré-CŒUR la commission des prêtres apôtres chargés du Maroc agisse très activement - d’une part, rien ne presse plus que de confier et de consacrer cette œuvre au Sacré-CŒUR, de la faire bénir par le représentant de JÉSUS ici-bas, d’obtenir un très grand nombre de prières et de Sts Sacrifices. D’autre part il serait très utile de réunir des ressources pécuniaires le plus tôt possible, car en un temps où tant de congrégations cherchent à avoir des asiles à l’étranger, un faible secours matériel des prêtres apôtres déciderait peut-être plus d’une à fonder une maison au Maroc.
Avec nos gouvernements d’Europe, ennemis de Dieu ou mondains, c’est un devoir impérieux de prudence de garder le secret sur nos desseins d‘Évangélisation. Dans nos relations avec ces infortunés nous dirons toujours que nous voulons civiliser le Maroc...Dans mes lettres ou télégrammes, je désignerai quelquefois le Maroc non sous son nom, mais sous celui de « Marguerite » ; du plus profond de mon cœur, je le mets sous la protection de la Bse Marguerite-Marie.
Prédication « ouverte » de l’Évangile et réserve vis-à-vis des gouvernements européens
Ce texte ne dénote aucun quiétisme missionnaire ; il apparaît même plutôt combatif, car il emprunte des termes au vocabulaire militaire : « de cette victoire, iront à d’autres victoires », « une petite avant-garde et la jeter sur le Maroc », « croisade », « armée de saints apôtres », « légion de religieux », « troupe d’avant-garde », « guerre contre Satan ».
Charles de Foucauld tient à ce que la mission du Maroc non seulement soit bénie par le Pape (I, 2), mais il préconise même l’établissement d’un Délégué Apostolique à Tanger (I, 5) : il s’imagine en effet que nul ne s’occupe du Maroc, « bien que les franciscains en restent officiellement chargés » : il paraît ignorer que le Révérendissime Père Joseph Lerchundi, o.f.m. (+ 1896) a rendu vie à la mission du Maroc, où il était arrivé en 1862 ; honoré de l’amitié du Sultan Hassan, il participa à l’ambassade marocaine qui se rendit à Rome en 1888 pour féliciter Léon XIII lors de son jubilé sacerdotal ; la première pierre de l’église de Tanger avait été posée dès 1880 et les fidèles étaient alors deux mille ; dès 1908, la Préfecture Apostolique du Maroc comptera douze mille chrétiens, vingt-deux prêtres et dix-sept écoles [25].
Au début du siècle, la pratique de la S.C. pour la Propagation de la foi était de ne confier une mission qu’à un seul institut ; Charles de Foucauld préconise, au contraire, de faire appel, pour le Maroc, non seulement à plusieurs congrégations religieuses vouées à la contemplation : Pères du Saint Sacrement, Trappistes, Chartreux, mais il prévoit aussi l’arrivée de religieux (Pères Blancs, Salésiens, Jésuites, Lazaristes, Dominicains, Carmes) et de religieuses (Sœurs de Charité de saint Vincent de Paul) de vie active, en particulier des frères et soeurs enseignants (I, 6). Il ne revendique donc aucun monopole pour la Fraternité du Sacré-Cœur, qu’il veut fonder et vouer à la prière, à l’aumône, à l’hospitalité et au rachat des captifs (II).
Il est notable aussi qu’il ne conseille pas de limiter l’action de l’Église à une présence silencieuse ; il préconise au contraire l’arrivée immédiate (« dès aujourd’hui » III) des « Ordres enseignants et prédicants » (II, 7), souhaitant que les missionnaires s’établissent, non pas dans des ermitages à l’intérieur des terres, mais dans les « grandes villes » et les « principaux ports à commencer par Tanger, Mazagran (aujourd’hui El Jadida) et Mogador (aujourd’hui Essaouira) » (III).
En élaborant ce programme, Charles de Foucauld parle en connaissance de cause : il connaît fort bien le Maroc pour l’avoir parcouru pendant des mois du nord au sud [26] et il n’ignore pas qu’au moment où il écrit la situation politique du pays est difficile : « Le Maroc est en ce moment en pleine guerre civile et révolution » (III). En effet, après la mort de Chambellan Ba Ahmed en 1900, le gouvernement du Sultan Moulay Abdelaziz (1894-1908) connut une période de difficultés financières et politiques qui provoquèrent des mouvements de révolte : Ahmed Raisouni dans le nord-ouest et Bou Hmara dans la région de Fès. Ces révoltes se répandirent surtout dans les campagnes, mais les villes ne furent pas épargnées par les troubles. Bien que « les dangers soient grands » (III), rien n’arrêta le zèle missionnaire de Charles de Foucauld : « Cela - écrit-il - ne doit pas retarder une minute l’action des ouvriers du Sacré-Cœur, pas plus que les révolutions de l’Empire romain n’arrêtèrent les apôtres... Toutes ces tempêtes humaines sont néant devant Dieu et pour ses enfants » (III).
On ne peut donc pas reprocher à Charles de Foucauld un silence excessif dans l’annonce de l’Évangile [27]. Certes il choisit, pour lui-même (« pour moi personnellement »), « l’imitation de la vie cachée de Nazareth » ; mais il n’érige pas cette option personnelle en règle générale d’apostolat missionnaire [28] ; sa spiritualité n’a rien à voir avec le noyautage clandestin de type marxiste ; il ne théorise pas, comme certains [29], l’effacement de l’Église devant sa mission, il n’invite pas à promouvoir un certain enfouissement de l’Église [30] ; d’ailleurs opposer « enfouissement » et « visibilité » de l’Église est plus un frein qu’une aide à la réflexion sur la place de l’Église dans la société [31].
Dans ce projet de mission au Maroc, Charles de Foucauld milite pour l’évangélisation de ce pays qu’il connaissait bien et qu’il aimait : on ne saurait le taxer de quiétisme missionnaire, ni d’avoir tu l’Évangile ; il vise à hâter « l’heure de la prédication ouverte » (II).
Un autre passage de l’appel de Charles de Foucauld a été aussi omis par les précédents éditeurs de cet appel pour l’évangélisation du Maroc : c’est celui où il est question de relations avec les gouvernements. « Les maisons religieuses, écrit-il, s’établissant dans les grandes villes et les ports ou à leurs environs, ne pourront guère le faire, je crois, sans l’appui d’un des gouvernements européens ; tous, je crois, seraient prêts à donner le leur, car chacun d’eux cherche à avoir au Maroc le plus de protégés possible... » (III).
En ce début du XIXe siècle en effet, le Maroc est l’enjeu des rivalités internationales, notamment entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne : elles aboutiront, en 1904, à une convention par laquelle l’Angleterre laisse les mains libres à la France, celle-ci s’engageant, de son côté, à ne pas entraver l’action de l’Angleterre en Égypte.
Soucieux de se tenir à l’écart de ces rivalités politiques et de ces ambitions coloniales, Charles de Foucauld ajoute : « Mais à aucun (de ces gouvernements) il ne serait prudent de parler de notre entreprise de conversion ; ce serait les rendre tous hostiles ». Conscient sans doute des luttes anticléricales et même antireligieuses et des attitudes laïcistes qui troublent la France d’alors, Charles de Foucauld conclut Avec nos gouvernements d’Europe, ennemis de Dieu ou mondains, c’est un devoir impérieux de prudence de garder le secret sur nos desseins d’évangélisation. Dans nos relations avec ces infortunés, nous dirons toujours que nous voulons civiliser le Maroc... Dans mes lettres et télégrammes, je désignerai le Maroc non sous son nom, mais sous celui de « Marguerite » ; « du plus profond de mon cœur, je le mets sous la protection de la bienheureuse Marguerite-Marie » [32] (III).
On a parfois taxé Ch. de Foucauld de colonialisme ; certains sont même allés jusqu’à s’imaginer qu’il avait rempli un rôle d’agent de renseignements à la solde du Gouvernement français. Nous le voyons ici, tout au contraire, recommander fermement une attitude de réserve, de discrétion et même de secret vis-à-vis des gouvernements.
Loin d’avoir été à la solde des gouvernements européens et de leurs ambitions coloniales, il manifeste envers eux une extrême méfiance et il estime qu’à leur égard, « il ne serait pas prudent de parler de notre entreprise de conversion » et qu’avec eux, « c’est un devoir impérieux de prudence de garder le secret » (III).
L’exemple de ce texte ici publié montre donc à quel point l’édition intégrale des écrits de Charles de Foucauld est nécessaire pour connaître sa pensée de façon exacte. Faute de quoi, on risque de lui attribuer des options qui ne sont pas les siennes et qui ont été prônées ou pratiquées, plus tard, par d’autres que lui.
Nonciature apostolique
B. P. 1303 R. P.
RABAT, Maroc.
[1] G. Gorrée. Au service du Maroc, Charles de Foucauld. Paris, 1939.
[2] Ch. de Foucauld. Lettres à Henry de Castries. Paris, 1938, 85.
[3] G. Gorrée. Lettre à Mme de Bondy (9 septembre 1901) op. cit. 149.
[4] G. Gorrée. Sur les traces du Père de Foucauld. Paris, 1953, 128.
[5] Ch. de Foucauld. Archives de la S.C. de Propaganda Fide, 1903, N° 56.862. Lettres à un ami de Lycée, Correspondance inédite avec Gabriel Tourdes, 197-203.
[6] S. Sayagh. La France et les frontières Maroco-Algériennes, 1873-1902. Paris, 1986. Document pour servir à l’étude du Nord Ouest africain, réunis et rédigés, par ordre de M. Juan Cambon, par MM. P. de la Martinière et N. Lacroix, Gouvernement Général de l’Algérie, 4 t., 1894-1897.
[7] J. Martin. L’Empire triomphant 1871/1936, 2. Maghreb, Indochine, Madagascar, Iles et Comptoirs. Paris, 1990 ; M. Maazouzi. L’Algérie et les étapes successives de l’amputation du territoire marocain. Casablanca, 1976.
[8] M. de Suremain. « Charles de Foucauld et le Général Lyautey », Bulletin trimestriel des Amitiés Charles de Foucauld, 107, Juillet 1992, 9-14.
[9] Cf. op. cit., note 5, 200-201.
[10] Bulletin de l’Association Charles de Foucauld, 1926-1927 et Charles de Foucauld. L’évangile présenté aux pauvres nègres du Sahara, Coll. Foucauld l’Africain. Grenoble-Paris. 1947.
[11] Archives de la Postulation. Diaire de Béni-Abbés, 179. Le 18 octobre 1904, à Adrar, il baptisera un enfant noir d’environ quatre ans, né de parents inconnus, auquel il donnera le nom de Théodore-Victor Mousty ; en mai, il avait déjà baptisé in articulo mortis une vieille catéchumène à laquelle il avait donné le nom de Marie.
[12] G. Gorrée. op. cit. 169-170.
[13] Cœur très sacré de Jésus que votre règne arrive.
[14] P. Sourisseau. « Quand Charles de Foucauld montait à Montmartre », Jésus Caritas. (La liturgie) n° 247, 3 trim. 1992, 19-26 ; J.-F. Six, Itinéraire spirituel de Charles de Foucauld. Paris, 1958, 90-92.
[15] J.-F.Six, op. cit. 91, note 1.
[16] A. Derumaux. « Le Père de Foucauld”. Montmartre, n° 164-165, nov.-déc. 1948, 12-16. P. Sourisseau. »Les derniers mois dans le monde du Vicomte Charles de Foucauld« (de février à juillet 1899), Bulletin Trimestriel des Amitiés Charles de Foucauld, n° 95, juillet 1989, 4-12.
[17] Montmartre-Orientations, n° 13, Noël 1974, 12-13.
[18] »Jésus-Caritas - Confrérie du Sacré-Cœur de Jésus pour la liberté du Pape et le salut de toute la Société érigée dans le poste de Béni-Abbès (Oued Saoura ; préfecture apostolique de Ghardaia, Afrique du Nord) agrégée à l’Archiconfrérie du Sacré-Cœur de Montmartre le 8 mai 1902« .
[19] Montmartre-Orientations, n° 13, Noël 1974, 12-13.
[20] P. Thiriet. Le Père Yenveux, 1904 et Bulletin des prêtres apôtres, 1904, 4-6.
[21] J. Benoist. Le Sacré-Cœur de Montmartre, Spiritualité, art et politique (1870-1923) Contestation. Thèse d’Histoire des Religions, Université de Paris IV Sorbonne, 1991 ; 16 avril 1902 (Bulletin V.N. 16 oct. 1902), 445-447 ; 18 décembre 1902 (ibid. 19 fév. 1903, 76-77 et 1903, 197-198).
[22] Écrits spirituels de Charles de Foucauld, ermite au Sahara, apôtre des Touaregs, Préface de René Bazin. Paris, 1929. Projet de Mission au Maroc. « C’est donc des âmes résolues... 3° M’obéir malgré mon indignité », éd. 1957, 247-251.- G. Gorrée. Sur les traces du Père de Foucauld. Paris, 1936, 1939, 1953. « Ce sont des âmes résolues... M’obéir malgré mon indignité » (ibid 1953, 140-141).- G. Gorrée. Au service du Maroc. Paris 1939. « Ce sont, M’obéir malgré mon indignité », 159-164. ] Ce texte ne figure pas dans Frère Charles de Jésus (Charles de Foucauld) Œuvres spirituelles, Anthologie, publiées par l’Association Charles de Jésus, Père de Foucauld, Préface de S.E. Mgr. de Provenchères, textes réunis par Denise Barrat. Paris, 1958.
[23] Les parties omises dans l’édition de René Bazin sont mises entre [ ]. Le texte original du brouillon en question, difficile à déchiffrer, a servi pour l’établissement du texte dactylographié authentifié par l’officialité de la Préfecture Apostolique de Ghardhaia en décembre 1940.
[24] Charles de Foucauld, « Cette chère dernière...place », Correspondance présentée par A. Robert et P. Sourisseau. Paris, 1991, 204, 213, 219, 239, 246, 249, 253, 254, 256, 259, 263, 271, 276, 286, 296, 307, 403 et 409.
[25] Sur l’histoire de la mission franciscaine au Maroc à l’époque moderne voir : P. Manuel R. Pazos, Cien Anos de Action : 1860-1959 ; Escritores Misioneros Franciscanos Españoles de Marruecos 1859-1957 et surtout Documenti sul Maghreb dal XVII al XIX secolo. Archivio storico della Congregazione « De Propaganda Fide » ; Scritture Riferite nei Congressi, Barbaria, a cura di Federico Cresti, Coll. « Fond e Studi italiani per la Storia dell’Africa », 2, Perugia, 1988.Les locaux de l’ancienne église de l’Assomption (1883), dans la médina de Tanger, sont maintenant occupés par un orphelinat des « Missionaries of Charity » de Mère Teresa.
[26] Vicomte Charles de Foucauld. Reconnaissance au Maroc. Paris, 1888, (rééd. 1934, 1939,1985).
[27] R. P. Raphaël Perez, o.s.a. Ghardaien in Sahara Beatificationis servi Dei Caroli de Foucauld, sacerdotis saecularis (15. IX. 1858 - 1. XII. 1916) Votum promotoris fidei super dubio an ejus causa introducenda sit. Romae, 11 maii 1974, n° 22, 21-22.
[28] Durant la Révolution française, le clergé réfractaire dut bien souvent pratiquer la « vie cachée ».
[29] « Certains théorisaient l’effacement de l’Église devant sa mission, l’Église ne pouvant réaliser sa mission qu’au prix de sa propre disparition. La mort de l’Église devenait le symbole de la rédemption qu’elle devait annoncer. La mort de l’identité chrétienne avant que des théologiens américains ne théorisent »la mort de Dieu « et la »cité séculière« (vers les années 60...). Pour beaucoup le seul fait d’annoncer l’Évangile, le message du Christ, pouvait être une atteinte à la liberté d’autrui... Des théories spirituelles et théologiques du témoignage obligatoirement silencieux avaient été élaborées. L’Évangile vécu par le chrétien devait devenir lisible non par sa parole, mais par l’humble différence de son comportement... : des hommes et des femmes s’enfouissaient dans l’anonymat de la grande ville, comme d’autres s’enfouissaient dans la solitude du désert,... ces positions... à partir du moment où elles se constituent en théorie générale de l’apostolat de l’Église... deviennent inquiétantes. Elles aboutissaient parfois au non-sens”, (J.-M. Lustiger. Le choix de Dieu. Paris, 1987, 241-242).
[30] »Nous avons connu (de 1940 à 1960), joyeusement accepté et contribué à promouvoir un certain « enfouissement » de l’Église. Nous sommes passés et avons voulu passer de l’insistance sur l’Église visible à une insistance sur l’Église cachée... C’est paradoxalement dans les mouvements les plus attachés à l’enfouissement, aux paraboles de la présence cachée, à l’exemple de Jésus de Nazareth, à la spiritualité du Père de Foucauld ou du Père Peyriguère que j’ai vu ressurgir avec force et parfois avec éclat le mot et la théorie de la “visibilité« . Certains ont même insisté sur l’expression publique de l’Église, sur sa visibilité. » (Card. Albert Decourtray, Conférence à la cathédrale de Saint-Flour, 28 mai 1988, citée dans « Sur l’enfouissement » dans Bulletin trimestriel des amitiés Charles de Foucauld, n° 92, octobre 1988. On remarque aussi que « les Églises du silence » des pays de l’Est se sont souvent montrées plus attachées à la visibilité de l’Église que celles de l’Occident sécularisé.
[31] J.-P. Rosa. « Enfouissement ou visibilité » ? Un débat dans l’Église. Etudes, t. 376, n° 2, fév. 1992, 239-248 ; « La visibilité nécessaire à la mission de l’Église s’enracine bien dans le Mystère de Nazareth » (P. Pouplin, « Charles de Foucauld : Silence et parole. La visibilité nécessaire à la mission de l’Église et le mystère de Nazareth ». La Croix, 13 janvier 1990.
[32] Sainte Marguerite-Marie sera canonisée le 13 mai 1920.