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La vie religieuse apostolique selon Ignace de Loyola et d’après Vatican II

Noëlle Hausman, s.c.m.

N°1985-4 Juillet 1985

| P. 249-257 |

Une thèse importante sur la vie religieuse vient d’être défendue à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve. La démarche de l’auteur procède de la perception d’une correspondance entre l’enseignement de Vatican II et l’intuition missionnaire d’Ignace de Loyola. Elle montre comment le Concile a donné à la vie religieuse apostolique son enracinement doctrinal : la vie de l’Église et sa mission sont la référence fondamentale de la vie et de l’apostolat religieux. Et cette orientation ecclésiale et missionnaire a conduit Noëlle Hausman à la rencontre d’Ignace de Loyola. Celui-ci avait en effet déjà mis en œuvre, dès le XVIe siècle, cette manière de concevoir l’apostolat en inaugurant, avec la Compagnie de Jésus, tout un courant de vie religieuse. L’auteur fait aussi une relecture des documents du magistère postconciliaire, qui n’a cessé de développer les conséquences, pour la vie religieuse apostolique, de cette position doctrinale et pastorale. Un des intérêts majeurs de cette thèse est également de manifester comment l’étude de la vie d’un saint peut être source féconde pour la théologie. – Les pages qui suivent présentent de larges extraits de l’introduction de cette thèse.

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La vie religieuse apostolique se trouve de nos jours devant la nécessité de réfléchir à ses fondements théologiques, parce que sa situation pastorale et son identité doctrinale diffèrent sensiblement : les hésitations que l’on peut reconnaître au plan des faits, sociaux et personnels, contrastent singulièrement avec la fermeté magistérielle du Concile Vatican II au sujet de cette forme de vie chrétienne et religieuse. Décrire sa situation pastorale, indiquer son questionnement doctrinal nous aidera à définir l’objet de notre dissertation. Nous pensons que l’enseignement du Concile reconnaît dans la vie religieuse apostolique une pratique théophanique et ecclésiologique déjà inaugurée chez Ignace de Loyola, mais nous estimons également que cette manière de voir l’apostolat, si proche de l’inspiration johannique, n’a pas été suffisamment pensée par les théologiens postconciliaires, alors que le magistère, des Papes notamment, n’a cessé d’y revenir.

Nous nous limiterons dans cette étude à présenter les vues ignatiennes comme préludes à la doctrine conciliaire, elle-même confirmée par le magistère postérieur. Fasse la vérité que cette œuvre lui rende grâce.

Situation pastorale

Les instituts « voués aux œuvres apostoliques » regroupent environ les quatre cinquièmes des religieux ; neuf sur dix y sont des femmes ; un tiers des prêtres du monde sont des religieux. Dans leur approximation même, ces chiffres peuvent nous donner une première idée de l’ampleur et de la complexité de notre sujet. Si en effet le plus grand nombre des religieux sont de vie « active » et si, parmi eux, la majorité sont des femmes, tandis qu’une importante proportion des religieux sont prêtres, la vie religieuse apostolique ne peut éviter la question de son rapport au sacerdoce ministériel, et plus avant, la question du rôle spécifique de la vie « contemplative » et de la vie « active », de la vie religieuse et de la vie laïque, de l’homme et de la femme, dans l’œuvre d’évangélisation de l’Église.

D’autre part, la « rénovation adaptée » demandée par le Concile a produit dans la vie religieuse apostolique des modifications profondes de tous les signes de visibilité : l’œuvre, l’être ensemble, l’habitat, le vêtement, pour ne citer que ces repères, ont dû changer ou disparaître, et quelquefois ont disparu à force de changement. Cette évolution a pu orienter la vie religieuse apostolique vers le style de vie des instituts séculiers, ces derniers-nés de la vie consacrée, ou, au contraire, l’a remise devant la séduction de la vie monastique et contemplative, dont elle venait à peine d’être mise en mesure de se défaire positivement. Double tentation que l’œuvre du Concile n’avait guère induite, puisqu’elle a consisté précisément à donner à la vie religieuse apostolique sa véritable identité, en particulier dans les termes du Décret Perfectae caritatis qui affirment : « Dans ces Instituts (voués aux œuvres de l’apostolat), à la nature même de la vie religieuse appartient l’action apostolique et bienfaisante, comme un saint ministère et une œuvre spécifique de la charité, à eux confiés par l’Église pour être exercés en son nom » (n° 8).

Nous reviendrons, évidemment, sur cette transparence mutuelle de la vie religieuse et de l’action apostolique, sur cette union de la sainteté et de la charité, si caractéristique de la mission reçue de l’Église en ces instituts. Pour l’heure, nous devons encore faire remarquer, en plus de l’importance statistique et des évolutions typologiques, le sens de certains mouvements qui traversent les familles religieuses de vie apostolique elles-mêmes. Encore que peu de réflexions, moins encore d’analyses, paraissent sur le sujet, la question de l’accueil des vocations se pose dans la vie religieuse apostolique d’une manière particulière. Au déclin général du nombre des entrées succède, depuis dix ans, une remontée lente mais fragile, qui touche surtout certaines congrégations et tend à s’étendre, en Belgique et en France du moins. Malgré une préparation qu’on suppose plus longue, et une décision qui doit être plus ferme qu’en des temps dits meilleurs, deux phénomènes distincts s’observent fréquemment : la sortie de jeunes candidats, novices ou profès d’une part, le passage de jeunes religieux d’une congrégation à une autre d’autre part (ceci étant d’ailleurs encore facilité par le nouveau Code). Sous réserve d’autres investigations, il nous paraît que ce défaut d’incorporation manifeste au moins la faiblesse des processus d’identification en présence, le jeune ne pouvant quelquefois se reconnaître dans le « corps » qu’il s’est pourtant choisi, la famille religieuse renonçant souvent à s’adjoindre le membre qu’elle a pourtant tout d’abord accueilli.

Un dernier trait suffira à brosser ce tableau sommaire. La situation pastorale de la vie religieuse apostolique n’est pas seulement caractérisée par sa force numérique, par ses attirances externes ou par ses répulsions internes, elle s’indique surtout dans l’objet même de son « action apostolique ». Mais il n’est pas de question plus disputée, ni d’ailleurs d’enjeu plus brûlant pour l’Église, que de savoir si l’on prêche la foi en faisant la justice, ou si l’évangélisation dispense l’homme de sa capacité créatrice, bref, s’il est possible aux hommes d’agir de par Dieu en invitant les hommes à se tourner vers Dieu. Dans une société qui, comme la nôtre, accapare et règle la bienfaisance sociale, le système éducatif et l’institution hospitalière, au point d’avoir perdu la mémoire de ceux qui les ont engendrés, il n’est pas aisé, pour la vie religieuse apostolique, de manifester la pure gratuité de ses œuvres, ni de montrer la source et le terme de sa vitalité.

C’est pourquoi il nous semble que la vie religieuse apostolique est comme traversée par les courants qui portent l’Occident à sa dérive : la puissance ne manque pas, mais le sens échappe souvent, et la vie n’est plus accueillie, parce que Dieu n’est plus reconnu comme Créateur et Sauveur de l’humanité. Si notre description est pertinente par quelque côté, c’est peut-être d’indiquer comment la vie religieuse apostolique est profondément liée au monde concret qu’elle a charge d’évangéliser. Les fragilités que nous venons de souligner représentent encore, pour qui sait voir et entendre, des lieux de grâce et donc de pardon pour la vie religieuse apostolique elle-même. Nous dirons assez souvent au long de ces pages comment nous sommes ici devant une forme de vie destinée à manifester institutionnellement la miséricorde de Dieu. Il est donc juste d’affirmer aussi, pour commencer, que la vie religieuse apostolique elle-même vit de la bonté prévenante de Dieu, ce qui est plus sensible encore en ces lieux où vacille notre fidélité. Mais il est temps maintenant de nous placer à un point de vue plus doctrinal.

Question doctrinale

De quelque côté qu’elle se tourne, la vie religieuse apostolique a vu, depuis la seconde guerre mondiale au moins, se réduire progressivement le champ de ses raisons d’être. La mise en question de l’utilité sociale, dont nous venons de parler, s’est en effet accompagnée d’un profond remaniement de la pensée et du discours qui avaient soutenu cet engagement : la critique exégétique des fondements scripturaires de la vie religieuse et le quasi-abandon de la terminologie des « états de perfection » ont constitué, dans l’immédiat après-Concile surtout, un temps d’interrogation particulièrement sensible chez les religieux de vie apostolique : quelle était donc leur place dans l’Église, en regard des autres vocations chrétiennes et parmi les autres formes de vie consacrée, quelle serait leur place dans le monde qu’ils devaient, comme l’Église, rencontrer autrement, bref, comment pouvaient-ils attester leur part du mystère de Dieu ?

Car les faits sociaux et les discours théoriques ne peuvent définir la vie religieuse apostolique, même s’ils la touchent au cœur, comme nous y réfléchirons. La raison d’être de cette vie religieuse ne lui vient ni de sa pratique, ni de ses théories, elle procède de ses fondements doctrinaux et spirituels, et c’est tout différent. La question doctrinale que porte la vie religieuse apostolique est finalement de savoir si le Père continue d’envoyer le Fils au monde pour rassembler les hommes dans l’unité de l’Église (Jésus n’est-il pas l’apostolos et le pontifex de notre profession de foi, He 3,1 ; cf. Jn 9,7 ?), ou, en d’autres termes, si Dieu ne cesse de s’adjoindre l’homme pour sauver l’humanité, et si dans l’Église, ce mouvement divin n’est pas signifié visiblement, c’est-à-dire socialement et institutionnellement, par la puissance du Saint-Esprit.

Ainsi, la générosité paternelle de Dieu, l’incarnation du Verbe et l’efficace de l’Esprit paraissent le seul et unique principe de l’envoi, de la mission et de la communion des religieux de vie apostolique dans l’Église du Seigneur. On objectera peut-être que le sacerdoce ministériel représente déjà, au sens fort du terme, cet acte de Dieu qui consiste à être lui-même en opérant le salut du monde, et l’Eucharistie, source et sommet de tous les sacrements, montre assez qu’il en va bien ainsi. Mais ce que le prêtre fait, au nom du Christ Tête en personne, l’Église peut encore en montrer tous les fruits, en particulier lorsqu’elle reconnaît dans la vie religieuse le visage de son propre don au Christ, et dans la vie religieuse apostolique, l’élan de son unique charité.

Souvent par le passé, la réflexion théologique s’est exercée à discerner les religieux parmi les autres chrétiens, et c’est l’apport considérable du Concile, en particulier dans Lumen gentium, d’avoir pensé la réciprocité des vocations dans l’Église en fonction de la lumière donnée à toutes nations. Pour la vie religieuse apostolique, cela signifie donc qu’il est moins question de se différencier des autres que de se reconnaître, dans la communion à tous, comme un lieu distinct, particulier, mais non exclusif, où Dieu poursuit son œuvre par les œuvres de l’homme, et où il est en tout cas requis que cette action se voie.

Notre insistance sur le caractère ecclésial et visible de la vie religieuse apostolique tient au fait même de son « apostolicité ». S’il est vrai que Dieu montre ce qu’il est en agissant pour nous, si l’envoi du Fils atteste l’être du Père dans la sainteté de l’Esprit, si l’Église est chargée de montrer cette gloire, alors il doit être possible de rendre l’agir humain transparent de l’action divine, et donc de trouver Dieu non seulement en étant pour lui, comme dans la vie contemplative, mais en faisant avec lui ce qu’il fait, et ce qu’il fait par nous.

Si les mots ont un sens, nous sommes en train d’évoquer la vie religieuse « active ». D’un certain point de vue, on peut la différencier de la vie religieuse apostolique, lorsque les « œuvres de la miséricorde corporelle et spirituelle » ne manifestent que les gestes du Seigneur, sans énoncer en même temps la parole qu’ils symbolisent. Mais nous prendrons comme départ, en ces pages, que la vie apostolique comprend à la fois les gestes et les mots qui font vivre, ainsi que l’évangile nous l’indique du ministère de Jésus. La vie « apostolique », au sens le plus large, consiste à partager la vie de l’Envoyé, et de ceux qu’il envoie. Nous ne pourrons nous étendre ici sur cette perspective johannique, où l’apostolat désigne d’abord la vie même des disciples, avant d’être le fait des témoins de la passion (Actes, Pierre) choisis par le Ressuscité (Paul). Mais nous dirons comment, pour Ignace de Loyola, l’adjectif apostolique renvoie particulièrement au siège et à la mission du Pontife romain, Vicaire du Christ.

Contentons-nous de réfléchir, pour terminer ce point, à l’enracinement spirituel de notre question doctrinale. Les observations sociologiques et les considérations théologiques n’épuisent pas, disions-nous, l’essentiel de la vie religieuse apostolique, lequel consiste à montrer l’élan qui porte Dieu à Dieu. Nous sommes bien là devant un fondement doctrinal, puisque l’on touche ainsi au lien des mystères entre eux : la Trinité et la Rédemption, l’Incarnation et la Création, l’effusion de l’Esprit et la destinée de l’Église ont été tour à tour évoquées. Il reste qu’une logique aussi dogmatique ne saurait vivifier notre recherche si ses principes ne se trouvaient, plus concrètement, dans la lecture de l’Écriture, l’écoute des saints et la réception du magistère de l’Église ; voilà ce que nous appelons un fondement spirituel.

Que l’Écriture et le magistère soient des sources en théologie, c’est une vérité bien souvent mise en œuvre dans les études de notre temps. Mais la vie, l’œuvre et la pensée des saints nous paraissent trop souvent absentes des recherches érudites, et c’est pourquoi nous avons voulu montrer, à l’aide d’un cas qui est, plus qu’un exemple, un prototype, la fécondité d’une démarche qui prend en compte, avec l’enseignement de l’Église, l’originalité théologique de l’un des siens.

Objet de la dissertation

Ceci dit, nous pouvons maintenant préciser la visée de notre dissertation : vu la difficulté pastorale et l’importance doctrinale de la vie religieuse, quels fondements théologiques pouvons-nous lui indiquer, en sorte qu’il soit possible de rendre raison de cet état de vie ecclésial ? Et voici notre thèse : Vatican II a donné à la vie religieuse apostolique son enracinement doctrinal, dans le texte de Perfectae caritatis 8 déjà cité ; cette manière de comprendre l’apostolat, Ignace de Loyola l’a mise en œuvre, dès le XVIe siècle, en inaugurant, avec la Compagnie de Jésus, tout un courant de vie religieuse ; depuis le Concile, le magistère n’a cessé de développer les conséquences, pour la vie religieuse apostolique, de cette position pastorale et doctrinale.

Notre point de départ repose donc sur cette intuition que l’enseignement de Vatican II au sujet de la vie religieuse apostolique correspond à la pratique ignatienne, considérée pour lors comme typique de la vie religieuse apostolique moderne.

Le Concile Vatican II est en effet le premier, parmi les Conciles œcuméniques, à traiter de la vie religieuse sur un mode qui n’est pas celui de la discipline, comme à Latran IV, ou de l’apologétique, comme à Trente. Et cette réflexion doctrinale, Vatican II l’a menée en situant la vie religieuse dans le mystère de l’Église (Lumen gentium), mais aussi en montrant aux religieux leur place dans l’œuvre de l’évangélisation (Ad gentes). Par là, la vie religieuse se trouvait doublement décentrée d’elle-même, puisque la vie de l’Église et sa mission deviennent la référence authentique de l’être religieux. Le décret Perfectae caritatis, tout entier consacré aux religieux, développe les conséquences de Lumen gentium, tandis que Christus Dominus, qui affirme l’appartenance des religieux à l’église locale, prépare les voies du décret Ad gentes. La perspective ecclésiale et la destinée missionnaire constituent ainsi, nous paraît-il, l’essentiel de l’enseignement conciliaire sur la vie religieuse, ce que la constitution Sacrosanctum Concilium avait déjà laissé entrevoir. Ces documents conciliaires seront examinés dans l’ordre de leur publication, mais leur convergence et leur complémentarité devaient être tout d’abord soulignées. Nous avons voulu aussi, à titre de contre-épreuve, considérer les principaux documents magistériels postérieurs au Concile : leur direction est la même, encore que nous nous interrogerons sur les variations qu’ils contiennent forcément.

Jusqu’ici, même si notre intérêt se marque davantage pour la vie apostolique, rien que de très général pour toute vie religieuse. Mais en réfléchissant aux racines du lien hiérarchique supposé par l’orientation ecclésiale et missionnaire donnée à la vie religieuse par le Concile, nous ne pouvons éviter la rencontre d’Ignace de Loyola. Quel fondateur en effet fut plus que lui tourné vers la Vigne du Christ par le moyen d’un rapport particulier à la hiérarchie de l’Église, en la personne du Souverain Pontife, de qui procèdent les missions confiées aux siens ? Ce que les Constitutions de la Compagnie offrent dans le quatrième vœu, c’est bien cette unité de l’obéissance religieuse et sacerdotale tout ensemble, dont le Récit du Pèlerin nous décrit la genèse, et le Journal spirituel, la confirmation intime, les Exercices spirituels se présentant dès lors comme la voie d’accès à l’expérience fondatrice. Malgré l’exclusion de la Correspondance, l’étude du corpus ignatien peut supporter cette interprétation qu’Ignace est au principe d’une forme de vie religieuse et sacerdotale, donc apostolique en son lien au Vicaire du Christ. Nous tenons ici un autre fondement, que l’histoire religieuse et spirituelle d’avant et d’après Ignace pourrait d’ailleurs singulièrement souligner.

Nous avons renoncé à présenter dans ces pages une étude correspondante de l’évangile selon saint Jean, dont nous pouvons cependant souligner l’importance. Depuis quelques années, en effet, certains exégètes de saint Jean se sont intéressés au caractère johannique du Christ des Exercices (C. Martini) ou aux correspondances johanniques de l’expérience spirituelle d’Ignace (D. Mollat), en particulier au sujet du discernement des esprits (E. Malatesta). Ces indications, somme toute aussi extérieures que les « révélations » de sainte Marie-Madeleine de Pazzi (« L’esprit de Jean et celui d’Ignace sont identiques ; ils sont tout entiers aimer et conduire à aimer ») ne nous seraient d’aucun secours si un examen du quatrième évangile à partir de la notion, capitale chez lui, de l’envoi et de l’œuvre de Dieu ne pouvait nous conduire à de semblables conclusions. Ce n’est pas que saint Ignace se soit jamais présenté en commentateur de saint Jean. Simplement, il existe entre la conception johannique de l’envoi du Fils pour le salut du monde et la pratique ignatienne de l’« aide des âmes », une similitude telle que l’on peut bien proposer l’évangile spirituel comme nécessaire à la compréhension du mouvement qui donne à des hommes de se porter vers leurs frères comme vers Dieu, et c’est là que nous verrions une autre référence encore pour la vie religieuse apostolique.

Néanmoins, si le Concile a proposé une doctrine qui met en lumière la pratique apostolique issue de saint Ignace, il devient pertinent de s’interroger sur l’interprétation que le magistère a donnée à cet événement. L’enseignement de Paul VI, l’Ordo professionis religiosae, les textes émanant de la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers, enfin les documents promulgués sous Jean-Paul II, exhortent les religieux, au-delà même de la parution du Code, à partager la mission de l’Église, en montrant comment le Seigneur ne cesse d’advenir en notre temps. Dans le même moment, les théologiens nous paraîtraient par contre plus soucieux de typer les familles religieuses ou d’assurer certains fondements thématiques, mais nous ne pourrons développer ce point. Qu’il suffise de suggérer que la vie religieuse apostolique se trouverait honorée, dans sa spécificité même, par une pensée qui témoigne de la paternité miséricordieuse de Dieu. Mais tout ceci demeure à montrer.

Dans notre conclusion, nous évaluerons le chemin parcouru, et surtout, nous élargirons notre recherche aux dimensions de l’histoire spirituelle de l’Église. Après avoir écouté les textes et les documents choisis, nous parlerons, en toute liberté, de ce qui nous est devenu, au fil de ces travaux, de plus en plus précieux : la vie religieuse apostolique comme lieu où le mystère de Dieu et la beauté de l’Église n’ont pas fini de se manifester.

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