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Consultations canoniques

Robert Soullard, o.p.

N°1985-3 Mai 1985

| P. 186-190 |

L’auteur répond à quatre questions qui ont été posées à la revue : quel est actuellement, pour les aliénations et les emprunts, le « plafond » au-dessus duquel il faut demander une autorisation ? Que faire lorsque la profession définitive est prévue pour quelque jours après l’échéance des vœux temporaires ? Le supérieur a-t-il le droit de voter dans son conseil et d’y dirimer la parité des voix ? Comment se fait le passage d’un profès temporaire à un autre institut ?

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Cette nouvelle rubrique renoue avec une tradition qui date des débuts de la revue. Celle-ci avait été fondée en 1925 pour aider les religieuses dans l’application du Code de Droit Canon promulgué en 1917. La parution du nouveau Code posera sans doute moins de problèmes. Vie consacrée est néanmoins à la disposition de ses lectrices et lecteurs pour les aider à résoudre ceux qui se rencontreront.

Aliénations et emprunts

Pourriez-vous dire quelle est actuellement la somme fixée par le Saint-Siège comme plafond au-delà duquel il faut demander son autorisation pour les aliénations et endettements dans les différents pays ?
La SCRIS a publié la dernière réglementation le 16 mai 1984. Cela n’a jamais été repris dans d’autres revues à notre connaissance et c’est important pour les instituts établis dans de multiples régions.

Le Can. 534 du Code de 1917 indiquait une somme fixe au delà de laquelle l’autorisation du Saint-Siège était nécessaire pour aliéner des biens de l’institut religieux. Le Rescrit pontifical Cum admotae du 6 novembre 1964, n. 9 et le Décret de la S. Congrégation des Religieux Religionum laicalium du 31 mais 1966, n. 2 ont introduit la référence au montant fixé par la Conférence des Évêques de chaque pays (cf. le Motu proprio Pastorale munus du 30 novembre 1963, I, n. 32). Au can. 642, § 3, le nouveau Code réserve au Saint-Siège le soin de fixer cette somme. Jusqu’à présent la SCRIS continue à se référer aux déterminations des Conférences des Évêques de chaque pays. Elle pourrait elle-même indiquer un montant en utilisant d’autres critères d’appréciation que les Évêques. En fait, elle n’a pas encore publié de document en ce sens et peut-être ne le fera-t-elle pas : c’est le Saint-Siège qui a choisi la pratique actuelle et son maintien ou sa modification sont à sa discrétion. Notre correspondante a sans doute reçu une fausse information ou a confondu avec un autre document.

On peut se procurer à la « cassa » de la SCRIS la liste des sommes fixées par les Conférences des différents pays. Malheureusement cette liste date de 1983 et n’est pas exacte. C’est ainsi que, pour la France, on mentionne toujours 2.500.000 FF, alors que la dernière Assemblée de Lourdes (octobre 1984) a fixé la somme à 5.000.000 FF. Pour la Belgique, il s’agit toujours de 2.500.000 FB, ce qui, évidemment, n’a pas de signification. Pour ce pays, la Conférence des Évêques aura à se prononcer, en application du can. 1292, § 1. En attendant, pour les instituts de droit pontifical, il semble sage de se baser sur un minimum de 10.000.000 FB. Quant aux instituts de droit diocésain, comme de toute façon l’autorisation écrite de l’Ordinaire du lieu est en outre requise (can. 638, § 4), il revient à celui-ci de prendre ses responsabilités à l’égard du Saint-Siège lorsque lui est envoyée la demande de la permission nécessaire.

On le voit, nous sommes actuellement devant un certain flou. Dans les cas où l’on n’est pas sûr, il vaut mieux se renseigner auprès du Saint-Siège.

Prolongation des vœux temporaires

Le canon 657 parle des prolongations de vœux temporaires. Mais faut-il faire renouveler ses vœux à une professe temporaire dont, pour un motif pratique, la profession perpétuelle a lieu deux ou trois jours après l’échéance de ses premiers vœux, comme cela devait se faire sous l’ancien droit ?

Reprenant une clause des Normae de 1901, le Code de 1917, au can. 577, § 1, demandait qu’il n’y ait aucun intervalle entre l’échéance des vœux et leur renouvellement. Le nouveau Code ne reprend plus cette exigence et il n’est plus demandé de mettre dans les Constitutions la formule : « aucun retard ne sera apporté au renouvellement des vœux ». Le can. 657, § 1 du nouveau Code s’exprime ainsi : « Une fois achevé le temps pour lequel la profession a été émise, le religieux qui en fait spontanément la demande et est jugé capable, sera admis au renouvellement de la profession ou à la profession perpétuelle ; sinon il s’en ira ».

Si le droit propre ne mentionne rien, trois possibilités sont laissées au jugement du supérieur compétent :

  1. Comme dans l’ancien droit, faire renouveler pour quelques jours.
  2. Utiliser, pour en fixer la date, la faculté accordée au can. 657, § 3 d’anticiper la profession perpétuelle jusqu’à trois mois.
  3. Ne pas faire renouveler la profession pour les quelques jours d’intervalle. Il arrive que certaines mentalités soient heurtées par des renouvellements de quelques jours et y voient un trop grand juridisme. On peut les respecter, et puisque l’admission à la profession aura été déjà décidée, le religieux, aux termes du can. 657, § 1, sera toujours membre de l’Institut.

Vote du supérieur dans son conseil

Le supérieur a-t-il le droit de voter dans son conseil et d’y dirimer la parité des votes ? Nous avons lu que cela ne peut être admis et que, même quand la chose a été expressément stipulée dans les Constitutions approuvées, une telle clause doit être considérée comme non avenue et être attribuée à une inadvertance des consulteurs de la SCRIS. Que faut-il penser ?

Il n’y a pas eu inadvertance des consulteurs. La SCRIS, en effet, respecte jusqu’à présent les conceptions différentes que les instituts religieux peuvent avoir des conseils : contrepoids au pouvoir du supérieur ou groupe très en cohésion avec lui, sans toutefois aller jusqu’à un gouvernement à proprement parler collégial, ce qui est contraire au droit. Nulle part le Code n’exclut explicitement le vote du supérieur. Si cette exclusion s’y trouvait, ce serait une nouveauté, allant contre une longue tradition qui, dans certains instituts, s’allie avec certains aspects du charisme.

À vrai dire, les commentateurs du nouveau Code sont divisés sur ce point et beaucoup voient cette exclusion contenue, au moins implicitement, dans le droit actuel. Ils s’appuient sur le can. 127, § 1, dont la formulation est en partie nouvelle par rapport à l’ancien droit. L’analyse de ce texte, à vrai dire, leur donne peut-être raison ; mais si on le place dans un contexte plus large, on comprend que la SCRIS accorde plus de liberté aux choix des instituts.

Selon le can. 127, § 1, le supérieur doit convoquer son conseil, lui demander son avis ou son consentement et décider ensuite. Au conseil il revient de s’exprimer par vote et de fournir le consentement ou l’avis dont le supérieur a besoin pour agir. C’est affirmer au moins implicitement que le supérieur se situe face au conseil et non à l’intérieur de celui-ci. On notera également que la clause : « à moins que le droit particulier ou propre n’en ait décidé autrement » s’applique uniquement au cas de la consultation et non à l’ensemble du texte. Et parmi les canons qui pourraient être parallèles et appliqués analogiquement, il n’est fait référence, en cet endroit du Code, qu’au can. 116 relatif à la convocation à faire. Mais n’est pas mentionné là le can. 167, § 1 sur la possibilité du vote par correspondance ; ni le can. 119, 1° sur la possibilité de compter la majorité autrement qu’à partir de la majorité des présents ; ni le 2° de ce même canon sur la faculté pour le président de dirimer la parité des suffrages. On peut donc dire, selon le can. 127, § 1 : le supérieur ne participe pas au vote de son conseil ; il ne peut dirimer la parité ; la majorité s’établit uniquement à partir des conseillers présents, sans défalquer les bulletins nuls et les abstentions.

Si l’on place ce canon dans un contexte plus large, bien des questions se posent. La Commission d’interprétation du Code aura certainement à se prononcer à ce sujet, peut-être à la demande de la SCRIS elle-même. Nous ferons simplement remarquer que la portée du can. 127, § 1 est générale et qu’il n’a pas été rédigé uniquement pour les conseils des instituts religieux. Or les situations des supérieurs et de leurs conseillers sont très diverses. Un évêque n’est pas, devant son conseil, dans la même position qu’un supérieur religieux devant le sien. Et, au sein de la vie religieuse, que de différences, depuis le conseil de trois ou quatre membres jusqu’aux chapitres des grandes abbayes, qui, en dehors des élections, ont généralement à s’exprimer comme des conseils à qui on demande un avis ou un consentement. Le fait que le supérieur vote ne change pas la nature du conseil : le supérieur est toujours lié par un vote négatif lorsque le consentement est requis ; mais il demeure libre de sa décision si le vote est positif. Par contre, lorsque le vote est dit collégial, comme au can. 699, relatif au décret de renvoi de l’institut, le supérieur y vote nécessairement – qu’il le fasse ou non dans les conseils ordinaires – et il est lié même par un vote positif.

La liberté laissée par la SCRIS au choix des instituts de se conformer au can. 127, § 1 interprété strictement ou de conserver la pratique traditionnelle n’est pas sans appuis. On peut penser que celle-ci est bien consciente de la difficulté d’ordre juridique. Témoin ce texte récemment approuvé, au sujet de la faculté de dirimer la parité : « En cas d’égalité des suffrages, la Supérieure générale pourra dirimer la parité, spécialement s’il s’agit d’un vote collégial (can. 119, 2°) ». C’est dire que les actes accomplis avec l’intervention du conseil ne seront pas tous collégiaux et que la supérieure générale n’en pourra pas moins dirimer la parité.

Pour conclure, nous dirons : aussi longtemps que la Commission d’interprétation du Code ne se sera pas prononcée, il est prudent de n’être pas trop catégorique dans l’interprétation du can. 127, § 1 et de ne pas faire comme si la pratique de la SCRIS – à notre sens équitable – n’existait pas.

Passage d’un profès temporaire à un autre institut

Nous avons lu que le can. 684 ne vaut que pour les profès perpétuels et non pour les temporaires. Est-ce exact ? Comment se fait alors le passage d’un profès temporaire à un autre institut ? Et spécialement dans le cas prévu au can. 684, § 3 ?

La lecture qu’on a faite du can. 684 est exacte. Comme le cas est différent au § 1 et au § 3, nous distinguons :

a) Le transfert d’un institut centralisé à un autre, ou le transfert entre monastères sui juris n’ayant aucun lien juridique entre eux

L’application du can. 684 aux profès temporaires est exclue ici par la précision « un membre de vœux perpétuels », précision introduite à dessein par les rédacteurs du texte [1]. On doit donc comprendre qu’un profès temporaire qui souhaite passer à un autre institut doit d’abord quitter celui où il s’est engagé, soit par l’expiration de ses vœux, soit en vertu d’un induit de sortie, dont la demande pourrait être motivée par ce souhait (can. 688, § 2). Il devra passer par toutes les étapes de la probation selon le droit propre du nouvel institut (postulat éventuel, noviciat, profession temporaire d’au moins trois ans) ; si ce même droit propre prévoit des dispenses (du postulat ou de la seconde année de noviciat, par exemple), elles pourront lui être accordées par le supérieur compétent si celui-ci le juge opportun.

b) Le transfert entre monastères sui juris appartenant au même institut, fédération ou confédération

Le can. 684, § 3 s’applique aux profès temporaires, puisque, contrairement au § 1 qui précise « un membre de vœux perpétuels », le § 3 utilise le terme « religieux », lequel peut désigner un profès temporaire (cf. par exemple, le can. 689, § 3).

Rue Murillo, 6
B-1040 BRUXELLES, Belgique

[1Le motif avancé par un des consulteurs est le suivant : « Qu’on évite de donner l’assurance que, si la nouvelle expérience ne se déroule pas bien, le profès pourra rentrer de plein droit dans son institut. Ce critère devrait surtout s’appliquer aux profès des vœux temporaires ». C’est, semble-t-il, le motif pour lequel l’alinéa les concernant a été écarté et la mention des « vœux perpétuels » a été ajoutée au § 1. Cf. Communicationes, 1981, 325-328.

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