Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Consécration séculière

Henri L’Heureux

N°1976-3 Mai 1976

| P. 175-176 |

Sous une présentation d’apparence négative, ces lignes nous introduisent à ce qui caractérise la consécration des Instituts Séculiers : elle se réalise par les « moyens du monde » et implique une certaine façon de comprendre l’Incarnation.
Ces lignes sont extraites de l’intervention faite par Mgr L’Heureux aux Journées de réflexion inter-instituts Séculiers de Toulouse, en novembre 1975. Nous remercions l’Évêque de Perpignan de nous avoir aimablement autorisés à les reproduire.

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Les Instituts Séculiers n’ont pas à chercher d’autres sources que les documents fondateurs, Provida Mater (2 février 1947) et Primo feliciter (12 mars 1948), qui continuent de régir leur vie et sont plus audacieux et plus clairs que bien des études qui ont paru depuis lors.

L’essentiel, c’est une vie laïque tout entière consacrée et tout entière apostolique, dans le monde et par les moyens du monde.

C’est justement cette similitude avec la vie de tout le monde, cette consécration qui ne s’exprime pas en termes « d’œuvre religieuse » qui rendent assez difficile de saisir la spécificité de l’existence séculière consacrée. Il y faut la foi, certes, mais aussi une certaine façon de concevoir l’incarnation, la présence au monde. Il y faut une certaine connivence.

Certes, le célibat distingue, mais moins qu’on ne le pense parfois. Il y a beaucoup de célibataires. Et si toutes ne l’ont pas choisi pour le Royaume, toutes sont appelées à y vivre leur féminité. Là aussi, il s’agit des « moyens du monde ».

Serait-ce l’engagement qui distinguerait ? Certes pas. La militante est beaucoup plus répandue, y compris parmi les non-chrétiens, marxistes ou autres. Certes, la militance, à partir du travail et de la transformation du monde, a fort marqué le point de départ ou de renouveau d’instituts Séculiers. On a pu parler, non sans ambiguïté, d’une Action catholique consacrée. Mais la perspective est trop partielle. L’homme n’est pas fait pour le travail seulement. Il est fait pour la relation gratuite, la contemplation. Le Père Chenu, qui a tant médité pour nous donner une théologie du travail, se lance maintenant sur une théologie du non-travail.

Car le chrétien, par sa vie, s’il reçoit une tradition avec la charge de réinventer constamment et de transformer le monde, est d’abord fait pour aimer. Tout se rejoint et se relie dans la contemplation.

Peut-être sommes-nous tombés dans le danger, en Action catholique notamment, d’une simple conversion de l’action. Or l’action, même convertie par l’Évangile, peut terriblement ressembler à n’importe quelle action militante généreuse. Le risque est grand alors de ne plus savoir ce qu’est l’identité chrétienne. Celle-ci n’est pas d’abord un « faire », mais un « être » pour Quelqu’un. Peut-être sommes-nous tombés un peu dans le panneau de la production-consommation. Avoir plus ne veut pas automatiquement dire être plus. Au fond, quel type de croissance avons-nous derrière la tête ?

De même, nous risquons de confondre la spiritualité chrétienne avec une certaine spiritualité religieuse, basée sur la disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sur le dévouement jusqu’à l’épuisement. (C’est ce qui fait que beaucoup de métiers féminins, issus souvent de l’activité des religieuses dans les domaines sanitaires, sociaux, éducatifs ont eu tant de peine à devenir de vraies professions).

Là aussi, la consécration séculière doit trouver son équilibre « par les moyens du monde » : protection professionnelle, horaires normaux de travail, temps pour le loisir et l’amitié. Il s’agit d’une vie d’adulte capable de se prendre en charge, d’avoir des relations normales, y compris avec la famille, laquelle identifie trop souvent la célibataire comme la corvéable inconditionnelle. Cela rejoint d’ailleurs les problèmes de la femme en général. Ici encore, nous nous retrouvons devant les « moyens du monde ».

La consécration baptismale est la matière de la consécration à Dieu : le membre d’institut Séculier la vit dans le radicalisme des moyens (les conseils, qui permettent d’exprimer le don total, de donner à Dieu ce que lui-même nous a donné), grâce à l’aide que lui apporte le groupe (son Institut) et dans un attachement profond à l’Église.

8, rue de l’Académie
F-66027 PERPIGNAN CEDEX, France

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