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Les responsables diocésains des religieux et religieuses

Alfred de Bonhome, s.j.

N°1973-5 Septembre 1973

| P. 276-291 |

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L’occasion n’est-elle pas venue « de revoir l’utile institution des responsables diocésains des communautés ? », avons-nous écrit dans un précédent article [1]. Sans avoir la prétention de tout dire, nous voudrions fournir sur ce sujet des éléments d’information et de réflexion. Pour le dire d’emblée, la tâche de ces responsables déborde largement celle de la visite canonique.

I. Genèse et description de la situation actuelle

A. Le régime du Code de 1917

a. Sur les religieux, hommes et femmes, de son diocèse, il a une juridiction pluriforme [2]. Ainsi intervient-il, par exemple, dans une mesure diverse selon les instituts, pour : présider des élections ; consentir à certains actes, notamment dans le domaine financier ; permettre des entrées et sorties en matière de clôture ; régler des cas de séparation de l’institut. Il a en particulier sur la vie et les œuvres des religieux un droit de regard à exercer de différentes façons selon les cas : vigilance ; regard sur le comportement ; contrôle financier ; visite, enfin, réglée par le c. 512 pour les diverses catégories d’instituts [3].

Concernant ces interventions de l’Ordinaire diocésain, deux constatations peuvent être faites :

  • Elles sont davantage requises dans les instituts féminins, ceux de moniales en particulier.
  • Par ailleurs, dans les Congrégations (instituts à vœux simples seulement : c. 488, 2°) de droit pontifical, le droit de regard de l’Ordinaire du lieu varie notablement, mais selon qu’il s’agit de religieux prêtres ou laïques. Chez ces derniers, qu’ils soient Frères ou Sœurs, il peut et doit toujours examiner certaines choses, notamment l’état de la discipline religieuse (c. 618, § 2, 2° ; droit de visite correspondant : c. 512, § 2, 3°). Différence que l’on peut fonder sur la capacité des supérieurs religieux prêtres de participer au pouvoir de juridiction du Collège épiscopal (cf. c. 118), peut-être aussi sur le fait que les supérieurs prêtres bénéficient de la formation cléricale.

b. Quant à la visite à faire par l’Ordinaire diocésain, il ne faut pas la comprendre de façon trop étroite.

Dite « canonique » parce qu’elle est demandée par le droit canon, elle va en réalité bien au-delà du domaine juridique et doit généralement se faire amicalement, « en forme paternelle » (c. 345).

Selon la tradition canonique et des commentateurs autorisés, elle porte au premier chef sur la « discipline religieuse ». Ils entendent par là, non des comportements extérieurs « de règle », mais des points de vitale importance : conformité aux exigences majeures de la vie religieuse (chasteté, pauvreté, obéissance, vie communautaire) selon les constitutions et règles de l’institut. La visite porte aussi sur la fidélité à l’esprit de la vocation et à la mission d’Église voulue par le fondateur, sur le gouvernement et les finances [4]. Il faut d’ailleurs au visiteur, note-t-on, expérience et finesse psychologique, notamment dans ses rapports avec les religieuses [5].

Sans que le droit général le prévoie, les Évêques donnent en fait le soin des communautés religieuses à un ou plusieurs prêtres.

Pour autant que nous sachions, leur charge est de deux types : concentrée en un ou quelques prêtres seulement, ou répartie entre un plus grand nombre, chacun ayant alors à s’occuper de quelques communautés ou de celles d’un même institut.

Dans le premier cas, l’on voit une grande variété d’appellations : visiteur canonique diocésain, directeur diocésain, délégué diocésain ou épiscopal, supérieur diocésain ou ecclésiastique, vicaire épiscopal, etc. Les pouvoirs varient aussi, selon la détermination de l’Évêque, indépendamment du titre utilisé. Ainsi un « directeur » peut-il ou non avoir droit de visite. À l’inverse, il est des cas où un « visiteur » peut faire plus que visiter.

La seconde formule existe depuis longtemps en France, ailleurs aussi peut-être. Les prêtres ainsi chargés de communautés par l’Évêque sont dits leurs « supérieurs ecclésiastiques ». Ils ont notamment mission de les visiter [6], mais ils s’en sont en réalité le plus souvent abstenus [7], se bornant sans doute à être des agents de liaison avec l’autorité diocésaine ou à accomplir en son nom certains actes juridiques.

À propos de l’un et l’autre type, remarquons deux choses : Ces auxiliaires sont souvent explicitement chargés des seules religieuses, ou en tout cas souvent, si pas toujours, spontanément conçus comme tels. Pourtant, nous l’avons vu, les religieux hommes sont eux aussi, mais moins largement, soumis à l’Ordinaire du lieu.

Il faudrait ensuite éviter le titre de « directeur, supérieur diocésain », lorsqu’il s’agit des religieux. L’Évêque et ses collaborateurs n’ont pas, en effet, le « pouvoir dominatif » des responsables internes, supérieurs et chapitres (cf. c. 501, § 1), qui permet à ceux-ci en chaque institut de gouverner, selon son charisme propre, la profession publique des conseils évangéliques.

B. Évolution depuis la dernière guerre mondiale

Il semble que l’importance de la vie religieuse pour l’Église ait été plus vivement perçue à partir de 1950 environ. Un souci de vitalité, de progrès, d’adaptation naît et grandit alors dans Ordres et Congrégations.

Le rôle et la physionomie des responsables diocésains des communautés religieuses s’en est trouvé modifié. La « visite canonique » n’est d’ailleurs plus qu’un moment particulier d’un ensemble de relations plus ou moins denses et continues, facilitées par les multiples moyens de communication modernes [8]. Outre les fonctions prévues par le droit que nous avons dites, les responsables diocésains exercent un rôle croissant d’animation et de sollicitude pastorale à l’égard de la vie religieuse. Cela d’ailleurs en fait, sauf erreur, à l’égard des seules communautés féminines. Plutôt que de contrôler l’authenticité de la vie religieuse, ils préfèrent la promouvoir, en stimulant d’ailleurs créativité et progrès. Tâche considérée comme toute normale en certains écrits d’alors [9].

C’est sur le plan de la vie religieuse, de l’apostolat et des problèmes que tous deux suscitent que se marque cette sollicitude. Selon des voix autorisées, elle doit concerner notamment les choses suivantes : difficultés des instituts, vocations, formation, sorties, conformité à la spiritualité propre [10], adaptations opportunes à signaler [11].

L’on voit ainsi les responsables diocésains prendre de multiples initiatives, parallèlement avec les Unions de religieux : récollections, réunions, échanges, cours, sessions, congrès. Tout cela souvent pour des catégories déterminées selon les âges, les fonctions ou d’autres critères encore.

Pour ce qui regarde la sollicitude de l’Évêque à l’égard de l’apostolat des religieux, certaines interventions du Saint-Siège lui donnent un début de fondement juridique [12] et préparent les orientations de Vatican II en la matière, notamment quant au mode paternel et dialogal à adopter [13].

L’on prend conscience aussi de la nécessité de dépasser le plan diocésain. En 1957, le Saint-Siège donne un statut de droit pontifical aux Unions de Religieux et Religieuses [14] : Unions de Supérieurs Majeurs, masculins et féminins ; Unions spécialisées. Des services nationaux, exercés au moins en grande partie par des religieux, sont mis sur pied dans un but d’entraide ou d’apostolat.

Des responsabilités accrues reposaient donc désormais sur les auxiliaires de l’Évêque auprès des religieux, demandant une plus grande compétence [15]. Rien d’étonnant dès lors si on les voit se concentrer en beaucoup de diocèses où elles étaient jusque-là disséminées. Il en est ainsi en France, où se crée la fonction du « directeur des communautés » unique [16] en un nombre croissant de diocèses, encore toujours uniquement pour les religieuses [17] ! En ce même pays, malheureusement, les « supérieurs ecclésiastiques » des communautés n’ont pas été supprimés et ont dès lors coexisté avec le « directeur diocésain », sans coordination précise, un Directeur des Œuvres ayant souvent au surplus à organiser l’apostolat des religieuses et à superviser leurs Unions. Il en résulte encore aujourd’hui une incertitude et une confusion dommageables. L’on devine à quelles tentations les supérieures peuvent être ainsi exposées [18].

C. Depuis Vatican II

L’évolution que nous venons de décrire s’est accentuée et a pris de nouveaux traits depuis l’ouverture de ce Concile en 1962.

Nous ne saurions dire dans quelle mesure l’autorité diocésaine se serait encore occupée de communautés masculines, de Frères spécialement.

À l’égard des religieuses en tout cas, le comportement du visiteur diocésain s’est notablement modifié. La visite canonique est tombée en désuétude dans une mesure variable : elle s’accomplit, par exemple, dans les seules communautés qui le demandent ou bien où elle semble particulièrement opportune. Elle se fait plus informelle ou plus prolongée. Des visiteurs préparent et accompagnent des chapitres d’élection ou d’affaires et leur donnent une suite. Beaucoup parmi ces prêtres responsables diocésains des communautés se veulent attentifs à l’action de l’Esprit et aux signes des temps. Il semble au surplus que les Évêques aient toujours davantage nommé des religieux comme « visiteurs », jugeant sans doute qu’ils pouvaient bien comprendre beaucoup de choses [19].

L’on voit souvent un des services généraux du diocèse (un « Vicariat », par exemple) créé pour les religieuses et chargé, sous la direction du Vicaire Général ou Épiscopal compétent, de les aider de diverses façons.

Des religieuses sont d’ailleurs appelées par les Évêques à participer à ces responsabilités et services sur le plan diocésain, individuellement ou en des groupes de noms et types divers (bureaux, commissions, conseils, etc.).

Une institution devenue assez fréquente est celle des conseils diocésains de religieuses. Leur but est d’aider les Sœurs à remplir leur tâche d’évangélisation en collaboration organique avec l’ensemble de la communauté diocésaine et avec les responsables de sa pastorale, en contact étroit avec les milieux à évangéliser. Des Sœurs membres de ces conseils font souvent le tour des communautés. Tout en se cherchant souvent encore, ces conseils ont déjà produit de grands fruits : dialogue avec l’Évêque ; progrès du sens des réalités ; meilleur respect de l’esprit propre des Congrégations ; non plus « utilisation », mais « association » des religieuses au niveau de la réflexion et de la vie [20].

II. qu’envisager pour l’avenir ?

À la lumière de ce qui se vit déjà de la sorte et de quelques données fondamentales, nous voudrions soumettre nos réflexions (parfois aussi celles d’autres personnes) et indiquer certaines lignes de recherche.

A. Données fondamentales

1. Au Collège des Évêques incombe une sollicitude pastorale à l’égard de la vie religieuse, en vertu de sa mission de veiller à l’authenticité et au progrès de toute forme de vie ecclésiale [21].

2. Cette charge, les Évêques l’exercent, comme toute autre, chacun « en l’Église particulière qui lui est confiée, ou parfois (en) pourvoyant à plusieurs ensemble aux besoins communs de diverses Églises[ Décret Christus Dominus, n. 3, al. 2. – On y lit aussi : « En raison de leur rôle d’achèvement (Qua perfectores), les Évêques doivent s’employer à promouvoir la sainteté de leurs clercs, religieux et laïcs, selon la vocation particulière de chacun » (n. 15, al. 3).]] ». Tous les religieux d’ailleurs « appartiennent à la famille diocésaine à un titre particulier [22] » et doivent intensément travailler à son bien [23].

3. Si la vie religieuse est, comme telle, même chez les non-exempts, largement autonome à l’égard de l’Évêque, l’apostolat exercé par les religieux [24], même exempts, lui est soumis, comme celui de tous les autres membres du corps ecclésial [25], « en vertu de son autorité pastorale... et de l’unité et de la concorde nécessaires [26] ».

4. Même dans les domaines où les religieux sont soumis aux Pasteurs diocésains, il importe de toujours veiller et aider à ce que soit respecté ce qui est propre à chacun de leurs instituts : esprit, forme de vie, œuvres. Vatican II et les documents d’application y insistent à maintes reprises [27], soucieux que se maintiennent et croissent, pour le bien des Églises particulières et de l’Église universelle, des formes de vie et de service traduisant l’Évangile en ce qu’il a de plus radical.

B. Quel contenu donner à la responsabilité épiscopale ?

Sagement réglées par le droit général et particulier, les interventions de l’autorité diocésaine pourraient avoir un caractère pastoral (par exemple, animation, conseils) ou juridique. Sous ce second aspect, il paraît bon de maintenir parfois la nécessité de l’autorisation de l’Ordinaire diocésain, notamment en certaines matières financières où une prudence particulière s’imposerait.

C. Les auxiliaires de l’Évêque auprès des religieux

 [28]

1. Des hommes seulement ?

Pourquoi un plus grand nombre de religieuses ne pourraient-elles être désignées pour aider l’Évêque, même de près, dans sa charge à l’égard des Ordres et Congrégations [29] ? Pourquoi une religieuse ne pourrait-elle même être chargée de communautés masculines, les visiter, par exemple, puisque l’inverse s’est bien produit pendant des siècles [30] ? Il faudrait en cela tenir compte des légitimes désirs et préférences des communautés concernées.

Si c’est un pouvoir de juridiction qui est ainsi mis en œuvre par une femme, cela demanderait une modification du canon 118 réservant ce pouvoir aux ministres ordonnés. Norme qui n’a rien de dogmatique, car des abbesses ont joui autrefois d’une véritable juridiction [31].

2. Des responsabilités confiées à une équipe ?

Certains le préféreraient. Ce serait un groupe de religieux et religieuses, avec au moins un prêtre, choisis après consultation de ceux et celles dont ils auront la charge. Instance de dialogue avec l’Évêque, il serait aussi en liaison avec les Bureaux de Supérieurs et Supérieures Majeurs et le Bureau (ou autre service) diocésain des religieux et religieuses. Il serait disponible pour répondre aux appels des communautés désirant une animation ou une éducation spirituelle. Il pourrait aussi prendre certaines tâches jusqu’ici assumées par le « visiteur ». Ainsi : visite des communautés qui le demandent ; aide pour les cas de sortie de l’Institut ; maisons à fermer ou à ouvrir ; élections ; chapitres d’affaires.

Réfléchir et travailler en groupe est certes souvent bénéfique. Encore y faut-il de la mesure, pour ne pas nuire à l’efficience. Tous les diocèses pourront-ils « se payer » un tel groupe ? Des expériences pourraient cependant être tentées [32].

3. Netteté en tout cas

Il faut que de toute façon l’Évêque précise suffisamment la compétence de chacun des groupes et des personnes qui l’aident auprès des religieux. Il faut absolument éviter toute source d’incertitude ou d’anarchie.

D. Orientations à prendre

1. Pas de discrimination

Tout en tenant compte de la diversité des situations, le droit et son application doivent avoir un égal respect de toutes personnes, riches et pauvres, puissants et faibles [33], hommes et femmes. Que les responsables diocésains ne soient donc plus conçus comme chargés des seules religieuses, ce qui favorise la propension masculine à dominer la femme.

Quant à la distinction entre religieux prêtres et non-prêtres que le droit fait encore [34], ne devrait-elle pas être revue, rien n’empêchant d’attribuer aux supérieurs des instituts laïques d’hommes et de femmes une part de juridiction ?

2. Intervenir le moins possible. En quoi ?

a. Il convient que les auxiliaires de l’Évêque (personnes individuelles ou équipe) auprès des religieux soient d’abord une instance de dialogue entre lui et eux, dans l’esprit de Vatican II. Qu’ils leur laissent une marge de liberté permettant à l’Esprit Saint de se manifester. Qu’en tout ils aident religieux et religieuses à faire les choses au maximum par eux-mêmes.

b. C’est surtout le soin de la vie religieuse elle-même qui doit reposer premièrement sur ceux-là qui en font profession.

Pour ce qui regarde la visite en particulier, il semble que celle incombant aux supérieurs internes majeurs (cf. c. 511) suffise généralement aujourd’hui. Les instituts non exempts qui le désirent pourraient cependant demander la venue du « visiteur ».

Quant à l’ animation de la vie religieuse, les responsables diocésains peuvent avantageusement continuer à l’exercer [35]. Ils peuvent rendre des services divers selon les pays, les régions et les instituts. Mais ce sont là des choses à offrir, à titre supplétif ou peut-être même parallèle, dont l’on ne peut en tout cas point imposer l’usage.

Nous dirions volontiers que l’Évêque et ses collaborateurs ont en tout cas un double rôle :

  1. Aider les religieux en leurscommencements. Ce semble être l’esprit du droit. Une Congrégation qui en est à ses débuts est « de droit diocésain », davantage sous la responsabilité des Ordinaires locaux. Les collaborateurs de l’Évêque n’ont-ils pas dans cette ligne à aider les communautés à entrer et à avancer dans les voies dans lesquelles les pousse l’Esprit ? Mais que ces religieux soient aidés comme les autres à vivre et à marcher le plus possible par eux-mêmes.
  2. Aider les instituts à êtrefidèles à leur vocation ecclésiale, chacun selon son charisme propre.

Aussi paraît-il opportun que l’Ordinaire du lieu puisse prendre l’initiative de visites à cet effet chez les religieux non-exempts, sans attendre une demande de leur part [36].

De plus, selon une suggestion que nous avons entendue, les personnes et les groupes chargés des religieux sur le plan diocésain (ou supradiocésain) devraient s’informer et s’interpeller mutuellement au sujet des Congrégations en difficulté, pour qu’elles soient connues et aidées. Là où existerait une équipe diocésaine, serait choisie en elle la personne, homme ou femme, la plus qualifiée pour une « visite [37] ». Manière de faire qui aurait l’avantage de la souplesse et de l’adaptation, mais qui demande évidemment beaucoup de tact.

c. Quant à l’ apostolat exercé par les religieux, il est, nous l’avons dit, soumis à la juridiction de l’Évêque comme Pasteur et responsable de l’unité.

Mais en cela aussi, il a, selon Vatican II, à respecter et à promouvoir la liberté des personnes [38].

Ne faudrait-il pas que les religieux hommes, prêtres et non-prêtres, soient davantage intégrés à la pastorale et à l’apostolat des Églises diocésaines ? Les structures de celles-ci n’englobent-elles pas trop exclusivement des religieuses, que l’autorité masculine a tendance à dominer ?

3. Participation aussi large que possible des religieux

Il faudrait que les religieux eux-mêmes participent aux interventions des responsables diocésains auprès d’eux, et d’abord ceux-là mêmes qui sont concernés. Ainsi, pour l’organisation de l’animation de la vie religieuse, de ses diverses modalités, pour le choix des animateurs.

Il faudrait une consultation des religieux intéressés et un dialogue avec eux pour la mise en place des structures et organismes diocésains qui les concernent, pour leur fonctionnement et le choix des personnes. Cela par contact avec des organes et des personnes vraiment représentatifs. De même pour les mesures à prendre ; par exemple, pour l’ouverture et la fermeture des maisons.

Sur le plan de l’apostolat diocésain, un large concours des religieux est possible grâce aux Conseils pastoraux [39] et aux conseils diocésains de religieuses dont nous avons parlé [40]. Ne faudrait-il pas des conseils analogues pour les religieux hommes, d’autres encore de religieux et religieuses ?

4. Ne pas majorer le plan diocésain

De nos jours bien des problèmes se posent au niveau régional, national, international, continental et mondial. Et si l’Église catholique existe « dans les Églises particulières et par elles [41] », ce ne peut être aussi que par leur mutuelle communion. « Le Corps mystique est le Corps des Églises », proclame Vatican II [42].

Ce nécessaire dépassement, les Conférences Épiscopales et les Unions de Supérieurs Majeurs, masculins et féminins, permettent de le réaliser. Selon le Motu proprio Ecclesiae Sanctae, du 6 août 1966, « il importe au plus haut point que (les unes et les autres) coopèrent dans la confiance et le respect », et il est souhaitable que des commissions mixtes soient créées à cet effet [43]. Elles existent, mais ne faudrait-il pas examiner ou réviser leur fonctionnement ? Ces Conférences Épiscopales et Unions de religieux peuvent mettre sur pied divers services pour ces derniers [44]. Vatican II a explicitement invité Évêques et Supérieurs des instituts (ce qui inclut certes les Supérieures), et notamment leurs groupements respectifs, à procéder à des échanges de vues sur l’apostolat des religieux [45].

Tout ce qui déjà s’accomplit et se cherche au service de la vie religieuse sur le plan diocésain est le signe d’une action de l’Esprit suscitant dans l’Église respect, concorde et incessant échange de services, pour qu’elle soit le Corps du Christ [46].

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[2Bon exposé d’ensemble par Mgr Touvet, directeur général des communautés religieuses du diocèse de Paris : « Le supérieur ecclésiastique et le directeur diocésain des religieuses », dans le Directoire des prêtres chargés de religieuses (Coll. « Problèmes de la religieuse d’aujourd’hui », 8), Paris, Cerf, 1954, p. 244-267.

[3Sur ce droit de visite, cf. É. Jombart, s.j., « La visite canonique de l’Ordinaire du lieu », dans la Revue des communautés religieuses, 1931, p. 164-170, 184-189. – Tableau récapitulatif dans : G. Van Den Broeck, O. Praem., « La visite canonique dans les instituts religieux », ibid., 1955, p. 152-153.

[4Cf. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, O.C.D., « Le visiteur canonique », dans le Directoire des prêtres chargés de religieuses, Paris, Cerf, 1954, p. 217, 231-234 ; G. Van Den Broeck, art. cit., p. 119-121, 146-150.

[5Tout « étiqueter indistinctement » dans le groupe féminin religieux « sous l’appellation de formalisme étroit et de petitesse féminine, serait une injustice. Ce serait une erreur de juger ce groupe féminin en le comparant au groupe masculin que nous connaissons et dont nous faisons partie. Erreur surtout de lui présenter plus ou moins consciemment ce dernier comme idéal ou modèle » (Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, o.c., p. 221).

[6Cf. Mgr Touvet, o.c., p. 267.

[7Cf. Chan. G. Huyghe (maintenant Évêque d’Arras), « La visite canonique et le rôle du directeur diocésain dans les communautés religieuses », dans L’année canonique, VI (1958), p. 138.

[8Cf. ibid., p. 133-134.

[9Cf. Mgr Touvet, o.c., p. 266 et 270.

[10Cf. ibid., p. 266-267 ; G. Huyghe, art. cit., p. 144-147.

[11Cf. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, o.c., p. 217 ; Mgr Touvet, o.c., p. 266.

[12Elle n’en trouvait guère dans un droit ayant ses sources dans une époque (Concile de Trente, et même Boniface VIII, en 1298) « où il n’y avait pas d’autres religieuses que des moniales cloîtrées » (G. Huyghe, art. cit., p. 133).

[13Cf. le décret de la Congrégation des Religieux du 26 mars 1966, n. 4 (dans la Revue des communautés religieuses, 1956, p. 150). – Cf. G. Huyghe, art. cit., p. 139-140.

[14Cf. I., p. 138.

[15Cf. Mgr Touvet, o.c., p. 269-271.

[16Voir plus haut ce que nous avons dit des deux types de prêtres responsables diocésains des communautés religieuses (p. 278).

[17Cf. Mgr Touvet, o.c., p. 268. – L’on peut lire encore très utilement la note, doctrinalement bien fondée, de Mgr Mazerat, Évêque d’Angers, du 15 août 1963, sur l’« adjoint au Vicaire Général chargé des communautés féminines » (reproduite dans la Revue des communautés religieuses, 1963, p. 206-213).

[18Pour plus de détails, cf. G. Huyghe, art. cit., p. 143-144.

[19Ce n’est pas, loin de là, que des prêtres séculiers ne puissent être d’une grande aide à la vie religieuse. Il importe en tout cas que celle-ci soit bien comprise par les responsables diocésains. Vatican II a demandé que l’on apprenne avec soin aux futurs prêtres « à aider religieux et religieuses à persévérer dans la grâce de leur vocation propre et à progresser selon l’esprit des différents instituts » (décret Optatam totius, n. 19, al. 1).

[20Intéressants renseignements sur les conseils diocésains de religieuses dans : L’Union hebdo, 1971, n. 42, p. 6-7 (Bordeaux ; par A. Chottin) ; l’hebdomadaire italien Ancilla, 1971, n. 8, p. 1 et 8 (Turin, où il y a aussi un conseil de religieux ; par V. Zorzi) ; n. 11, p. 1 et 8 ; n. 13, p. 6 ; n. 16, p. 6 ; n. 18, p. 3 (diocèses de la région parisienne ; par Sr Sabine Villatte). – En France, les Évêques réunis à Lourdes en 1967 ont demandé une participation plus grande des religieuses à l’élaboration même de la pastorale diocésaine et aux échelons supérieurs (La Documentation catholique, 1967, p. 2054-2065).

[21La Constitution Lumen Gentium déclare : « La Hiérarchie ecclésiale ayant la charge de paître le Peuple de Dieu et de le conduire aux plus riches pâtures..., elle est présente avec autorité, pour veiller sur eux et les protéger, aux instituts créés un peu partout en vue de l’édification du Corps du Christ, pour qu’ils croissent et fleurissent selon l’esprit de leurs fondateurs » (n. 45, al. 1).

[22Ibid., n. 34, al. 2.

[23Ibid., n. 33, al. 1.

[24Comme l’a si heureusement proclamé le décret Perfectae caritatis, il « appartient à la nature même de la vie religieuse » (n. 8, al. 2).

[25Décret Christus Dominus, n. 35, 1, 3 et 4.

[26Constitution Lumen Gentium, n. 45, al. 2 ; cf. aussi décret Christus Dominus, n. 35, début.

[27Une citation seulement : « Que les Évêques eux-mêmes insistent sur l’obligation pour les religieux envoyés exercer un apostolat extérieur d’être imprégnés de l’esprit de leur propre institut » (décret Christus Dominus, n. 35, 2). – Cf. J. M. R. Tillard, O.P., « Relations entre hiérarchie et supérieurs majeurs d’après les directives du Concile Vatican II », dans la Nouvelle Revue théologique, 1967, p. 567-569.

[28Mieux vaudrait ne plus leur donner le nom de « visiteurs », car ils n’auront pas seulement à visiter et ce mot évoque encore un certain style de visite d’autrefois.

[29Une religieuse a été récemment nommée par l’Archevêque de Rio de Janeiro « vicaire épiscopal » pour les religieuses de son diocèse (cf. La Croix, 3 juin 1972, p. 7).

[30Il y a bien eu autrefois des monastères doubles, c’est-à-dire comprenant moines et moniales (presque toujours en des bâtiments distincts), vivant sous l’autorité d’une abbesse (cf. R. Hostie, Vie et mort des Ordres religieux, Desclée De Brouwer, 1972, p. 20-22). Au XVIIIe siècle, à propos des fameuses Dames Anglaises, Benoît XIV disait que la visite de leur apostolat éducatif « serait sans doute mieux faite par des femmes de bon discernement (per discretas mulieres) que par des hommes ». L’Évêque, ajoutait-il, pourra connaître « beaucoup de choses utiles au gouvernement de son diocèse grâce au rapport qui devra lui être fait ensuite (par la Supérieure générale) » (Constitution Quamvis iusto, du 30 avril 1749, § 19).

[31Cf. notre article « Religieuses et autorité masculine », dans Vie consacrée, 1972, p. 267. – Cette question de la participation de femmes, de religieuses en particulier, au gouvernement de l’Église, mériterait une étude spéciale.

[32Il est peut-être bon en tout cas que ce ne soit pas toujours la même personne qui intervienne auprès des communautés (par exemple, pour une « visite ») et que son choix puisse être fait en fonction des besoins de chacune d’elles.

[33Des responsables diocésains ont dominé des religieuses, mais il est aussi des Sœurs puissamment gouvernées ou organisées qui ont inspiré à des Évêques une crainte paralysante.

[34Cf. supra, p. 277.

[35Cf. supra, p. 280. – Pour ce qui regarde les chapitres, la présence d’un prêtre président (encore prescrite par le droit pour beaucoup d’élections de supérieures ; c. 606, § 2 et 4) ou conseiller n’est pas de soi indispensable.

[36Selon le c. 618, § 2, 2°, l’Ordinaire du lieu peut et même doit pourvoir par lui-même à de graves abus dommageables à la « discipline religieuse » qui se seraient produits dans les Congrégations laïques de droit pontifical, si les supérieurs avertis par lui ne le font pas.

[37À notre avis, ce choix pourrait être confié, par le droit général ou particulier, à l’autorité diocésaine compétente ou à l’équipe elle-même. Il devrait se faire après dialogue avec la Congrégation en difficulté.

[38L’union à promouvoir entre les forces apostoliques du diocèse « dépend principalement d’un comportement surnaturel des cœurs et des esprits, enraciné dans la charité et fondé sur elle » (décret Christus Dominus, n. 35, 5, al. 1). L’Évêque doit coordonner l’activité missionnaire, mais en promouvant la spontanéité de tous ceux qui y ont part (décret Ad Gentes, n. 30, al. 2).

[39Si l’Évêque en institue un, il doit comprendre des religieux (parmi lesquels il peut assurément y avoir des Sœurs) (décret Christus Dominus, n. 27, al. 5 ; Motu proprio Ecclesiae Sanctae, I, n. 16, § 3).

[40Cf. plus haut, p. 282.

[41Constitution Lumen Gentium, n. 23, al. 1 ; cf. aussi décret Christus Dominus, n. 11, al. 1.

[42Constitution Lumen Gentium, n. 23, al. 2. – Du point de vue missionnaire, cf. décret Ad Gentes, n. 38, al. 1.

[43IIe partie, n. 43.

[44Ainsi y a-t-il en notre pays, la Belgique, le « Bureau pour prêtres, religieux et religieuses en difficulté » (BPR) et la « Commission Apostolique Ouvrière des Religieuses » (CAOR). – L’équipe dont nous avons évoqué plus haut la possibilité (p. 286) pourrait exister sur un plan national ou régional, selon ce qui paraîtrait opportun.

[45Cf. décrets Christus Dominus, n. 35, 5, al. 2 ; et 6 ; Perfectae caritatis, n. 23.

[46Nous serions heureux de recevoir des informations au sujet des responsabilités exercées à l’égard des religieux à l’échelon diocésain. D’avance, notre vif merci.

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