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Les ordres, congrégations et autres communautés de vie spirituelle

Vies Consacrées

N°1973-5 Septembre 1973

| P. 257-275 |

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Rapport préparé par la VIIe Commission pour l’Assemblée Générale du Synode des Évêques de la République Fédérale Allemande (janvier 1973).

Introduction

Les communautés de vie spirituelle [1] constituèrent souvent un appel de Dieu à leur temps. Elles ont montré ce que devait être l’Église du Christ et déclenché dans l’histoire des mouvements durables. Aujourd’hui tout spécialement, le renouveau de l’Église a besoin de pareils stimulants. Cependant, de nos jours, Ordres, Congrégations et communautés de vie spirituelle sont tous atteints par une profonde crise. Le Synode des Évêques de la République Fédérale Allemande ne peut pas y rester indifférent.

Dans nos paroisses, la conscience de la signification et de l’efficacité de ces communautés est en baisse, surtout en ce qui concerne les Ordres et Congrégations. Dans la mutation actuelle de l’Église, c’est à peine si l’on compte sur elles. En général, les vocations à une vie spirituelle diminuent : elles ne semblent pas s’accorder à la trame de la vie moderne. Pour beaucoup de gens, et même pour des chrétiens convaincus, couvents et religieux appartiennent à un monde à part. Certes, partout encore on apprécie le dévouement désintéressé des Instituts (et spécialement celui des religieuses) au service des œuvres caritatives ; mais on trouve de moins en moins de compréhension pour ce qui constitue le cœur de leur vocation, l’imitation du Seigneur dans le célibat, la pauvreté et l’obéissance.

Ce qui pèse plus lourd encore, c’est l’insécurité croissante au sein même des communautés. Même si nombreux restent ceux que la réussite ou l’échec de leur vocation ne préoccupe pas outre mesure, un découragement et une perplexité considérables gagnent du terrain. Citons quelques faits : la pénurie et, dans certains cas, l’absence totale de relève, un grand nombre de sorties, un vieillissement croissant, un surcroît de travail pour l’ensemble des gens d’âge moyen. Un bon nombre se sentent incompris et trompés sur le sens de leur vie. Ils ne savent plus comment se comprendre eux-mêmes ni quels lendemains les attendent. Ici le retour à l’Évangile et à l’esprit des origines est nécessaire, voire même décisif. En plus assurément, il faut aussi se tourner vers les changements actuels des situations. Sinon le renouveau des communautés comme institutions, dans leurs structures et leurs tâches, ne peut réussir.

Dans cette crise alarmante pour toute l’Église, le Synode estime nécessaire d’attirer avec insistance l’attention sur la signification des communautés de vie spirituelle. Sous ce terme sont visés en premier lieu les Ordres et Congrégations et les Instituts Séculiers ; mais cet intérêt se porte aussi sur d’autres groupes ecclésiaux qui se sont engagés à un genre de vie déterminé par l’Évangile. Eux tous doivent de nouveau prendre plus intensément place dans la conscience de l’Église de notre pays.

En cela, le Synode est conscient de ses limites. Spécialement dans le cas des Ordres et Congrégations, qui ont leur autonomie et dont les difficultés se situent souvent de façons bien différentes, ce serait lui demander trop que d’attendre de lui des dispositions obligatoires ou de souhaiter qu’il fournisse solutions et recettes pour tous les problèmes. Comme Synode d’un seul pays, il ne peut que prendre position sur quelques questions concrètes qui se posent actuellement ici. Ce qui ne veut pas dire qu’il réfléchisse de façon purement pragmatique. Il veut et doit parler aussi théologiquement. Sans répéter ici les déclarations de Vatican II sur l’état des conseils, on les présuppose sans cesse.

Tout d’abord, le Synode doit exprimer clairement en quoi il voit la mission essentielle et inaliénable des communautés de vie spirituelle (A I). Ensuite, il se propose de donner des suggestions pour leur service pastoral dans la situation présente (A II). Finalement, il veut rappeler aux diocèses et aux paroisses qu’ils ont besoin des communautés de vie spirituelle et en portent la responsabilité (B).

A. Le service rendu par les communautés de vie spirituelle

1. La mission fondamentale

a) Nature de celle-ci

1. Les nombreux Ordres, Congrégations et communautés de vie spirituelle qui existent dans l’Église connaissent de multiples finalités et une grande variété d’expressions de leur disponibilité envers Dieu et les hommes. Mais leur mission fondamentale est unique. Elle dépasse toutes les finalités terrestres et consiste en ceci : en donnant à leur vie une configuration qui serait a priori un non-sens sans le Dieu de la Promesse, ils témoignent du salut inauguré en Jésus-Christ et le rendent visible.

2. Cela se produit par une manière spéciale de suivre le Christ. Celui qui se décide pour pareille imitation est sans cesse conduit hors de l’usuel et de l’ordinaire et assumé dans le don que le Seigneur a fait de sa vie. A partir d’une telle expérience les communautés de vie spirituelle se comprennent comme communautés de disciples du Christ.

3. Cette imitation est la plus manifeste dans les conseils, devenus classiques, de célibat, pauvreté et obéissance. Comme voie de renoncement, ils sont une participation au destin de mort auquel Jésus s’est librement décidé ; par là précisément, en se libérant d’eux-mêmes, ils s’ouvrent pour Dieu et pour le prochain. Sans une courageuse profession des conseils et un engagement qui entraîne obligation envers eux, aucune rénovation de la vie religieuse n’est pensable. Ceci vaut nommément pour le célibat. Que quelqu’un, à partir de l’emprise sur lui de l’appel divin et du don de soi par lequel il y répond dans le Christ, renonce à son épanouissement dans le mariage, pour être largement au service d’autrui, n’est plus compris dans de larges cercles de la population. Cependant, aujourd’hui surtout, l’Église ne peut pas renoncer à un tel témoignage donné à l’Évangile.

4. Les éléments fondamentaux de la mission essentielle, une et identique pour toutes les communautés de vie spirituelle, sont la prière, l’activité pour le salut du prochain et la vie en communauté. Ces éléments peuvent certes être accentués de diverses façons selon les finalités, mais ils ne sont pas dissociables les uns des autres. Ils doivent avoir leur place en toute communauté qui se définit à partir de l’Évangile.

5. Où l’existence chrétienne, sous cette forme radicale et caractéristique, est vécue et annoncée de la sorte, se produit un témoignage capable de montrer avec évidence à tous les chrétiens ce à quoi eux, chacun à leur place, sont appelés.

b) Conséquences

1. Des communautés de vie spirituelle dignes de ce nom remplissent d’abord leur mission là où leur don de soi à Dieu et aux hommes s’exprime de façon convaincante. Pour cela, une pure exécution professionnellement parfaite serait insuffisante. Ce que les hommes attendent d’eux à bon droit et en premier lieu, c’est un secours spirituel : encouragement à croire, lumière sur le sens de la vie, réconfort dans l’épreuve, témoignage de la présence et de l’amour de Dieu par leur confiance et leur désintéressement.

2. Sans aucun doute, dans les communautés de vie spirituelle, spécialement dans les grandes communautés et les grands groupements, une direction et une administration capables ont aussi leur place. Cela est certainement important maintenant pour assurer leur organisation interne et la rationalisation de leurs œuvres et travaux. Et il reste beaucoup à faire en ce domaine. Mais en cela, peut facilement se perdre dans la communauté cet aspect de gratuité qui caractérise tout au fond sa mission fondamentale et, en conséquence, le courage d’entreprendre ce qui, aux yeux du monde, est non-rentable, voire insensé. Les communautés glissent alors vers de pures associations à but déterminé, qui veulent à tout prix montrer leur bien-fondé par leur capacité concurrentielle. Ce n’est que là où reste garantie la place de la liberté par rapport aux objectifs terrestres que les communautés de vie spirituelle exercent une fonction critique envers une société qui juge les hommes et les insère dans ses plans, de façon toujours plus unilatérale, d’après leur rendement et leurs besoins empiriques.

3. Par là, il n’est pas question d’un divorce entre la mission fondamentale et les tâches de ce temps et de ce monde. Cette mission doit être perceptible dans ces tâches elles-mêmes. Cela présuppose que prière, méditation, contemplation, liturgie, qui doivent conserver une place décisive dans la vie de toutes les communautés de vie spirituelle, aient une référence étroite aux tâches de ce monde. Une pareille coordination interdit la fuite dans une intériorité intemporelle, qui ne tiendrait pas compte des appels divins au milieu des événements et des tâches d’aujourd’hui. Dans l’engagement commun au service de Jésus, l’unité du « spirituel » et du « temporel » doit sans cesse être cherchée : ce n’est qu’à ce prix que la mission fondamentale peut rester claire et devenir concrète. C’est le cas dans un service de prière qui, au-delà du groupe, fonde une communauté ; dans un « partage » qui englobe aussi ceux du dehors, les amis, les collaborateurs, les hôtes, les miséreux et ceux qui cherchent ; dans une disponibilité envers celui qui a besoin d’une parole ou d’un geste d’amour ; dans un genre de vie qui s’écarte consciemment de la recherche du bien-être ; dans un travail qui n’est pas à la remorque du profit et du prestige. Ainsi la vie selon les conseils gagne en proximité et devient plus digne de foi.

4. Le degré de vitalité de l’esprit évangélique dans les communautés se manifeste aussi en ceci : dans toute ouverture sur de nouvelles possibilités pastorales, elles se sentent une obligation permanente envers ceux dont le Seigneur lui-même s’est occupé avec prédilection : les pauvres, les malades, les délaissés, les handicapés, les laissés pour compte, les ratés. La sollicitude à leur égard doit occuper la première place dans tous les services concrets. Par là les communautés de vie spirituelle font non seulement face à ce que notre époque a d’inhumain, mais elles mettent aussi en lumière de façon indiscutable la mission de l’Église. Elles actualisent de la sorte l’acte salvifique unique du Christ, qui assuma jusqu’à la mort la destinée humaine, afin d’ouvrir ainsi la route vers la résurrection et la liberté.

5. La mission fondamentale des communautés ne se manifeste activement que là où celles-ci ont leur place au milieu du Peuple de Dieu. Elles ne peuvent ni s’isoler ni être isolées. Sans qu’elles renient, en le nivelant, leur caractère propre, ni qu’elles abandonnent l’autonomie que le droit leur reconnaît et dont elles ont besoin pour assurer leur disponibilité et leur efficacité, elles doivent néanmoins pratiquer et promouvoir le travail concerté de tous les groupes et services d’Église demandé par Vatican II. Sinon, elles ne pourraient pas apporter leur contribution au témoignage commun en faveur d’une foi et d’un amour qui dépassent ce que ce monde peut réaliser.

2. Tâches concrètes

Ce qui sera dit ci-dessous des possibilités concrètes de service pastoral ne vaut pas toujours à plein pour toutes les communautés. Compte tenu de leur diversité, sont données des suggestions qui doivent aider les groupes particuliers à rendre aujourd’hui leur vocation féconde pour l’Église et pour le monde.

a) Révision des objectifs, des services et des œuvres

1. Les communautés qui, par tradition, s’adonnent à des œuvres propres à leur Institut (par exemple homes d’enfants, hôpitaux, écoles) doivent se demander si elles peuvent encore les continuer seules et sous leur forme actuelle. Par suite du manque croissant de personnel propre à l’Institut et des exigences accrues concernant sa qualification professionnelle, le surcroît de travail produit, toujours plus fatalement, ses effets avec toutes leurs conséquences néfastes au plan humain et spirituel. C’est surtout le cas là où une certaine mentalité de ghetto rend plus difficile la collaboration avec du personnel étranger. Temps de travail prolongé, manque de ressources, faibles espoirs de continuation : on ne peut vouloir surmonter ces difficultés rien qu’avec des arguments religieux. En outre, on peut se demander si, dans bien des cas, l’objectif d’une communauté ne serait pas mieux atteint si l’institution comme ensemble n’était pas supportée par la Congrégation, mais si ses membres, individuellement ou en groupe, y étaient insérés sans que la direction repose dans leurs mains.

2. Beaucoup de travaux accomplis jusqu’ici surtout par des religieux prêtres, tels que missions populaires, récollections et retraites pour prêtres, sont en gros recul. Le religieux prêtre « apte à toutes sortes de services » n’a plus d’avenir. En plus de toute la disponibilité qui devra assurément le caractériser, il lui faudra aussi se spécialiser dans un domaine déterminé. Ce qui est requis, c’est la qualification dans des domaines qui sont conformes à la vocation religieuse aujourd’hui. Est indispensable pour cela un accord sur la priorité des divers services pastoraux dans le plan d’ensemble non seulement de la communauté en question, mais aussi des régions pastorales (diocèses, etc.). En plus de leurs activités à but précis, les religieux prêtres devraient, à partir de leur vie de communauté, manifester une aptitude spéciale pour le travail en équipe (maisons de retraite et de formation, académies ambulantes, foyers, pastorale régionale, tourisme, pastorale des endroits de cure). Une tâche urgente reste pour eux, comme auparavant, le service fraternel rendu aux prêtres de paroisse, qui ont besoin aujourd’hui d’une formation spirituelle, pastorale, psychologique et sociologique intensive.

3. Des Ordres monastiques et strictement contemplatifs qui, par leur vie, leur prière et leurs travaux en commun, doivent rendre témoignage aux exigences de Dieu et à sa seigneurie définitive en Jésus-Christ, on attend qu’ils présentent ce témoignage dans l’Église d’une façon plus compréhensible et plus efficace. Cela suppose qu’ils ne se laissent pas repousser dans un isolement stérile en s’accrochant à des formes de vie et à des coutumes devenues incompréhensibles. Toutefois, ils doivent rester fidèles à leur charisme spécifique. Aujourd’hui comme hier, la célébration liturgique en commun doit rester le centre de leur vie. Leur liturgie devrait être rendue si parlante que même ceux qui cherchent, les jeunes tout spécialement, puissent y prendre une part vivante et y expérimenter la communion dans la foi. Les monastères devraient porter un intérêt agissant au renouveau du langage de la prière et d’un symbolisme adapté à notre temps. – En beaucoup de cas, s’impose de plus de façon urgente une révision de la réglementation sur la clôture. Malgré toute sa signification pour la vie propre de la communauté et le recueillement dont elle a besoin, la clôture ne peut pas devenir un obstacle à un contact réel avec les besoins et les désirs du prochain ni avec les événements essentiels du monde. Ceci vaut avant tout pour la clôture rigoureuse imposée aux monastères contemplatifs féminins.

4. Une nouvelle forme d’activité pastorale est devenue possible grâce aux Instituts Séculiers, dont les membres se sont engagés à une vie selon les conseils, mais qui, comme tous les laïcs chrétiens, doivent, dans leurs milieux de vie et leurs professions respectives, donner une collaboration valable au renouveau de la société humaine. Afin de faire droit à cette mission, il leur faut prendre une meilleure conscience de ce qui les caractérise, compte tenu du rapport au monde essentiel à toute vocation chrétienne aussi bien que des frontières devenues flottantes entre Communautés religieuses et Instituts Séculiers. Sans une claire vue de leur vocation spéciale, ils ne pourront assurément ni maintenir ni rendre féconde la cohésion nécessaire pas plus que la spécificité de leur mission. Pour cela une formation mieux orientée de leurs membres est indispensable.

5. Dans leur auto-révision, toutes les communautés de vie spirituelle doivent se demander si elles sont capables de donner à des chrétiens d’aujourd’hui une aide suffisante et adaptée pour la prière. Ceci implique en premier lieu une nouvelle présentation des raisons de prier, étant donné que beaucoup en ont perdu l’accès. Mais introduire à la prière ne peut être fait de façon vraiment digne de foi que par celui qui a expérimenté en lui-même le besoin et la joie de prier et a redécouvert la prière dans sa propre vie. Tout aussi demandée est l’introduction à la méditation chrétienne, dont on risque aujourd’hui de ne plus percevoir la nature propre, face à tant d’autres méthodes qui se proposent.

6. Les Exercices comme moyen de découvrir et de réaliser une vie chrétienne ne peuvent pas être abandonnés. À vrai dire, la demande de sessions en groupes fermés s’est accrue, ce qui offre des possibilités de renouveau pour les « Exercices Spirituels ». En même temps, par contre, il est apparu qu’on manque d’hommes et de femmes qualifiés, qui puissent donner ces Exercices. Les former est demandé de façon pressante aux communautés de vie spirituelle.

b) Nouvelles possibilités d’activités pastorales

1. Comme l’a montré l’enquête du Synode, c’est le problème de la foi qui occupe la première place chez les chrétiens d’aujourd’hui. Ici est apparue depuis quelques années une nouvelle et urgente tâche apostolique : entretiens et séminaires sur la foi, formation théologique pour adultes, catéchèse paroissiale. Le Synode estime nécessaire que soient préparés pour cette tâche, au plan de la théologie et de la pédagogie religieuse, un plus grand nombre de religieux prêtres, de religieuses, de frères, de membres d’instituts Séculiers et d’autres communautés de vie spirituelle. Ils doivent être familiarisés avec la situation de foi de l’homme moderne aussi bien qu’avec la conduite du dialogue.

2. Aux nouveaux services laïcs qui naissent dans les paroisses (assistants paroissiaux, experts, travailleurs sociaux, etc., de l’un et l’autre sexe), devraient aussi prendre part les communautés de Frères et de Sœurs. Entre autres, il serait important que, dans les centres régionaux de pastorale qui s’édifient, collaborent des religieuses formées aux diverses tâches pastorales. La même chose vaut pour les organismes ecclésiastiques de consultation (« La Porte Ouverte [2] », apostolat par téléphone, services de consultation pour vocations spirituelles). Ainsi, dans l’échange avec chacune des équipes, les communautés de vie spirituelle pourraient faire apport de leur propre spiritualité et recevoir en retour un stimulant.

3. Les communautés de Frères pourraient, le cas échéant, préparer ceux de leurs membres qui y sont aptes pour les services sacerdotaux et diaconaux dont elles ont besoin. La faculté de le faire leur a été donnée par Vatican II (décret Perfectae caritatis, 10).

4. Dans la fébrilité actuelle et l’isolement engendré par la société moderne, des maisons de silence et de rencontre sont d’une grande nécessité. A ce besoin, ce seraient surtout les monastères qui devraient s’ouvrir. Ce qui a déjà été commencé dans divers couvents d’hommes et de femmes (récollection dans le couvent, possibilités de contact, consultations, aide aux prêtres et aux laïcs pour la méditation et pour l’approfondissement de la foi, entretiens et célébrations œcuméniques, etc.) doit être poursuivi sur une plus large échelle. Avant tout, conformément aux désirs de Vatican II, pourraient naître des centres de renouveau spirituel. Assurément, il y faut, en bien des cas, plus d’imagination et une planification plus orientée, sans que les couvents en soient transformés en maisons d’éducation.

5. A l’extérieur des couvents, les membres des communautés de vie spirituelle, en particulier ceux des Instituts Séculiers et des groupes similaires, devraient édifier de petites cellules dans lesquelles des gens animés des mêmes sentiments se retrouvent pour le dialogue et la méditation. D’après des expériences faites jusqu’ici, de tels groupes de dialogue répondent à une large attente chez beaucoup de chrétiens, même par-delà les frontières confessionnelles. Dans l’anonymat de la grande ville, ces groupes peuvent fournir une aide substantielle à la vie de foi et aussi rayonner sur les paroisses.

6. Vatican II a encouragé les communautés de vie spirituelle à rendre digne de foi, par de nouvelles formes de pauvreté, le message évangélique, qui est de façon spéciale un message pour les pauvres et les petits. Ici, le Synode attire l’attention sur certains aspects actuels : sobriété dans la tenue et le style de vie, engagement social de la propriété, partage avec autrui, solidarité avec les pauvres par le renoncement aux privilèges et l’acceptation des inconvénients qui en découlent. Cette invitation n’est pas adressée seulement aux individus, mais, au-delà d’eux, elle concerne les groupes et les communautés comme tels. Décisions prises en commun et communication des comptes jouent ici un rôle important. Avoir la disposition de plus grands biens conduit trop souvent aujourd’hui les communautés de vie spirituelle à une adaptation indue à la société de bien-être et, par là, à l’embourgeoisement. Ce danger doit être regardé en face. Mais toutes les déterminations juridiques ne seront d’aucune utilité s’il manque la volonté personnelle de pauvreté évangélique. – En ce qui concerne la tendance, spécialement des Ordres et des Congrégations, à se réinsérer dans les structures sociales (contrats de travail individuels, assurance-maladie, pensions de vieillesse, etc.), tendance qui mérite considération, il ne faut cependant pas oublier qu’aujourd’hui l’esprit de pauvreté demande aussi le courage de l’insécurité. Où les communautés réussissent le témoignage d’une pauvreté pour notre temps, elles sont un appel adressé à tous de se préoccuper pour leur part de l’acuité des problèmes et de ne pas se décharger de ce souci sur une minorité.

c) Au service de l’unité

1. À une époque où la cohabitation entre hommes, même dans l’Église, est devenue si ardue, les communautés de vie spirituelle ont, de par leur vocation, une mission spéciale, celle d’être signes de l’unité dans l’unique Seigneur. Cette tâche n’est plus accomplie par de grosses communautés à direction nettement autoritaire. On doit bien plutôt chercher à développer des types de communautés où les rapports interpersonnels sont reconnus, les tensions et les divergences d’opinion ont leur place admise, mais où triomphe sans cesse l’accord et l’unité. Pour cela, il faut des groupes à taille humaine. Mais ce changement des structures ne porte des fruits que si le groupe garde son lien avec l’ensemble plus vaste dont il fait partie (Ordre ou Institut dans son ensemble, Église, paroisses) et lorsque l’un et l’autre sont en communication vivante. En cela, l’exemple fourni par les groupements qui existent dans la société actuelle pourrait aider à la recherche de modalités de vie en commun, telle qu’elle s’épanouit en de nombreuses fraternités et communautés de base dans le monde entier.

2. Pour la fécondité pastorale, la collaboration de tous les services et groupements ecclésiastiques prend sans cesse plus d’importance. Au processus ainsi en voie de développement, les Ordres et Congrégations, eux surtout, devraient prendre une plus large part. Cela concerne aussi bien les initiatives que la collaboration à des entreprises communes au service de la formation et du recyclage des membres (noviciat commun, écoles pour novices, séminaires religieux, universités tenues par des religieux). Cette collaboration devient urgente surtout là où une communauté ne peut plus maintenir seule une œuvre importante (hôpital, école, etc.) et où une prise en charge élargie (évêchés, municipalités, pouvoirs publics, associations de citoyens ou de parents) doit être envisagée. Ajoutons qu’à l’avenir la nécessité se fera sans cesse davantage sentir que des religieux (seuls ou en équipe) travaillent dans des œuvres qui ne seront pas propres à leur Institut et qu’en conséquence le lieu de travail soit distinct de celui de la vie en communauté. Toutefois, plus diversifiée sera la coopération des Ordres et Congrégations entre eux et avec d’autres groupes ou institutions, d’autant plus nécessaire devra être le maintien et le développement d’une légitime vie propre, sans laquelle une communauté ne peut exister.

3. Le service de l’unité, qui appartient à l’essence du sacerdoce, peut être exercé de diverses façons. Le caractère spécifique du sacerdoce des religieux réside dans son rapport à l’Église universelle. Cela apparaît le plus clairement dans les œuvres et travaux supra-paroissiaux et supra-régionaux. Ici, les prêtres religieux ne doivent pas rester captifs de l’horizon de leurs propres communautés. Leur mission est de promouvoir un esprit ecclésial d’ensemble, de contrebalancer les intérêts particuliers, d’aider à vaincre les égoïsmes de groupe, mais aussi de stimuler les nécessaires développements et de promouvoir les réformes. Il est important qu’ils gardent le contact avec les paroisses et les Églises diocésaines. Les églises des couvents et des abbayes peuvent échapper au danger de repliement sur elles-mêmes là où, grâce à leurs possibilités variées, elles deviennent des centres d’unité dans l’Église et acquièrent une signification œcuménique.

d) Réalisation des conditions préalables

1. Si les communautés de vie spirituelle doivent être à la hauteur des services et tâches mentionnés ci-dessus, en vue d’une pastorale renouvelée, une série de conditions préalables doivent être réalisées. Si l’on n’a qu’une bonne formation professionnelle, on n’est encore nulle part, même lorsque, précisément dans un domaine hautement spécialisé, des efforts particuliers sont requis pour ne pas perdre le contact avec le progrès des différents secteurs professionnels. Ce qui est plus décisif, c’est d’assurer une formation et une maturation humaines. Pour y parvenir, il faut une formation adéquate des éducateurs et éducatrices (maîtres et maîtresses des novices) ; il faut aussi que soit préservé l’espace intérieur où chacun peut prendre de l’assurance et s’épanouir. Dans beaucoup de communautés, ceci exige un changement fondamental des mentalités et des structures, pour aider à surmonter des types de comportement périmés et des prescriptions désuètes. Ce n’est que sur le terrain d’une humanité adulte que peut prospérer une piété saine, non exaltée, qui puisse devenir féconde au service des hommes.

2. Pour beaucoup de services pastoraux, l’aptitude indispensable à la communication, au dialogue et aux relations humaines demande une formation professionnelle : introduction aux sciences de l’homme, apprentissage de la conduite des gens, formation au dialogue, sessions de dynamique de groupe, etc. La formation religieuse n’y suffit pas à elle seule. Cependant, le premier lieu de pareille formation est la communauté elle-même, bien entendu là seulement où dans la communauté (ou le groupe) on arrive à des échanges plus profonds, où l’on parle et agit les uns avec les autres, où l’on s’engage les uns par rapport aux autres et où l’on se rencontre vraiment.

3. Le service missionnaire suppose plus que jamais une information étendue. Elle ne doit pas porter seulement sur la marche et les développements du domaine ecclésiastique (situation de la foi, questions de morale, questions sociales, problèmes des structures ecclésiastiques, etc.), mais informer aussi sur les motivations et les requêtes de l’homme moderne en général. Les communautés de vie religieuse doivent coopérer à la dispensation de pareille information. Ici, le dialogue en communauté est indispensable.

4. Les nécessaires changements de structures ne concernent pas seulement l’organisation et la vie des communautés. Le nœud du problème se trouve dans une modification du style de gouvernement. Un comportement dirigiste, tel qu’il a déterminé le visage de beaucoup d’Ordres et Congrégations jusque tout récemment, doit faire place à une plus large participation au gouvernement ; cette participation ne doit pas être conçue comme une opposition à l’autorité, au contraire, elle peut la renforcer et alléger sa tâche. Tous doivent porter ensemble la communauté et, à des degrés divers, avoir part aux décisions qui concernent le tout. Le résultat de ceci, ce n’est pas seulement une plus grande autonomie des membres, mais aussi la promotion chez eux d’un engagement plus profond. Leur interaction réciproque ne peut d’une part point être maintenue sans une disponibilité (obéissance) au Seigneur et à autrui, mais elle demande d’autre part une mise en place des compétences aux divers niveaux de la communauté (mise en place décidée par les instances de direction qui en ont la responsabilité selon les statuts respectifs, et sans cesse à revoir). Autrement un gouvernement fondé sur l’idée de fraternité ne pourrait pas durer.

B. Sollicitude des diocèses et des paroisses pour les communautés de vie spirituelle

1. Si les communautés de vie spirituelle sont invitées à mieux accorder leurs travaux et leurs projets avec la planification pastorale au niveau diocésain et suprarégional, cela entraîne en retour que leurs partenaires (diocèses, associations, paroisses) leur accordent voix au chapitre dans toutes les commissions correspondantes. Ceci vaut aussi pour les communautés laïques, masculines et aussi bien féminines. Elles ne peuvent pas avoir l’impression d’être employées selon des plans préconçus. Ici également le partage fraternel et collégial dans l’Église doit faire ses preuves.

2. Pour des œuvres qui sont entreprises par des communautés religieuses sur l’ordre ou avec l’approbation des instances et associations ecclésiastiques, un soutien financier plus important devrait être fourni en certaines circonstances. Ceci est une exigence de justice. Toute apparence d’exploitation doit être évitée. Cela implique aussi que la rétribution (y compris les allocations de la sécurité sociale) accordée aux religieux employés dans des services d’Église ou en d’autres services, soit fixée de façon équitable.

3. Là où le maintien d’œuvres propres à un Institut, dans la mesure où elles doivent être gardées, demande une prise en charge élargie, à cause du manque de personnel ou pour des motifs financiers, tous ceux qui portent la responsabilité de ces œuvres ou en tirent des avantages sont obligés de venir à leur secours. Ajoutons qu’il sera de plus en plus souvent nécessaire de décharger complètement une communauté religieuse de la direction d’une œuvre afin qu’elle puisse mieux consacrer ses forces comme communauté de vie spirituelle au service de la maison en question.

4. Lorsque des communautés veulent renoncer à des maisons et à des œuvres parce que, par manque de personnel ou pour des raisons financières, elles ne sont plus en état de poursuivre leur effort, ou encore parce que d’autres tâches se révèlent à elles comme plus importantes, cela ne peut leur être rendu plus difficile de la part des autorités ecclésiastiques. Mais les communautés doivent, en collaboration avec les diocèses et les associations professionnelles ecclésiastiques, dresser un plan satisfaisant aussi bien pour leur propre avenir que pour une continuation éventuelle de l’œuvre. Autrement, l’abandon ou la liquidation peuvent entraîner de graves inconvénients.

5. Il est inadmissible que, dans beaucoup de communautés, surtout chez les religieux laïcs, manquent une formation et une information spirituelles adaptées à notre temps. On manque, en tout premier lieu, de « maîtres » spirituels. Aussi, tous ceux, prêtres, religieux, laïcs, qui sont capables de rendre ce service spirituel et s’y sentent appelés, doivent-ils avoir pour objectif de se mettre dans ce but à la disposition de ces communautés. Il revient aux instances ecclésiastiques, au niveau régional et diocésain, de peser avec les représentants des communautés les offres qui peuvent être faites. On ne peut pas abandonner ces charges à des prêtres qui ont atteint l’âge de la retraite ou qui n’ont pas assez de contact avec la mentalité et la situation de la génération actuelle. D’autre part, il faut insister pour que les instituts laïcs, y compris les communautés féminines, forment, dans une proportion toujours plus forte, du personnel propre pour la formation et le recyclage de leurs membres.

6. La formation, le perfectionnement, éventuellement le recyclage des membres sont d’une signification décisive pour le maintien et l’activité apostolique de beaucoup de communautés. Mais, souvent, les communautés ne sont pas de taille à s’en charger seules. En pareil cas, il est requis de la part des instances ecclésiastiques qu’elles soutiennent et encouragent les offres de formation et d’éducation. Il s’agit alors d’arriver, grâce à un accord mutuel, à une planification qui réponde aux légitimes besoins et exigences des communautés.

7. Prêtres et laïcs, jeunes gens et adultes devraient chercher le contact avec les communautés de vie spirituelle au niveau des entretiens, des réunions et des activités communes, et, en retour, s’ouvrir à des offres correspondantes. De la sorte, les divers groupements ecclésiastiques apprennent à mieux se connaître, les préjugés tombent et l’unité du Peuple de Dieu progresse.

8. Dans nos paroisses et dans nos familles, c’est à peine si l’on parle encore des vocations spirituelles et de leur signification pour la mission de l’Église. Il y a même des prêtres et des catéchistes qui, souvent, n’approuvent plus avec une pleine conviction l’idéal d’une vie selon les conseils évangéliques. On manque de conseillers spirituels qui soient capables d’aider ceux qui cherchent. Ceci agit de façon défavorable sur la relève, en particulier dans les Ordres, Congrégations et Instituts Séculiers. Ce qui manque avant tout, c’est une atmosphère de foi, dans laquelle pareilles vocations puissent germer et, en particulier, puisse mûrir la décision du célibat. A cause de cela, le riche matériel d’information qu’on a rassemblé tombe dans le vide. Il n’est pas aisé d’amener un changement de mentalité sur ce point. En toute hypothèse, le souci des vocations spirituelles ne peut être abandonné aux seuls Pasteurs ; les paroisses, tous les croyants, nommément les parents et les éducateurs aussi bien que les chefs des mouvements de jeunesse doivent y collaborer activement ; ils le feront en marquant leur intérêt, en se tenant au courant, en éclairant et aidant ceux qui songent à pareille décision, en provoquant des réunions de contact entre jeunes chrétiens et personnes vivant une vocation religieuse ; ils le feront surtout par la prière. Le meilleur moyen de recrutement, ce sont des expériences positives avec les communautés elles-mêmes et le contact avec des religieux capables de rayonner leur idéal.

Conclusion

L’Église d’Allemagne doit beaucoup aux communautés de vie spirituelle, surtout aux Ordres et Congrégations. Pour l’avenir aussi, elle dépend de leur témoignage et de leur service. C’est pourquoi le Synode leur adresse cette demande : faire face à la situation et y reconnaître l’appel de Dieu, pour que le renouveau puisse se développer en eux et par eux. Changements et charges nouvelles auxquels les communautés sont soumises ne doivent pas les amener à laisser tomber les bras ; ils font partie de la crise qui secoue le monde entier et aussi l’Église. Si les communautés de vie spirituelle doivent aujourd’hui s’engager dans des voies nouvelles, cela ne signifie pas que, dans le passé, tout était erroné, mais qu’elles ont à mettre leur foi à l’épreuve. Ceci implique notamment qu’on soit sans cesse prêt à abandonner ses habitudes et à s’avancer dans l’inconnu. Pour suivre cette route, il faut non seulement une bonne connaissance de la situation et du discernement ; il faut par-dessus tout le courage de sa propre vocation. Mais les communautés de vie spirituelle ont besoin aussi de la compréhension et de la solidarité de tous les croyants. De même que leur existence a un sens pour toute l’Église, de même aussi doivent-elles être soutenues par toute l’Église. Lorsque, dans les communautés, on est prêt pour un nouveau départ, alors c’est aux paroisses de faire place au don de grâce que Dieu veut accorder et à le promouvoir.

[1Nous traduisons « Orden » par « Ordres et Congrégations » (ou, parfois, par « Instituts »), et « geistliche Gemeinschaften » par « communautés de vie spirituelle » (lesquelles, dans la pensée des auteurs, englobent non seulement les Ordres, les Congrégations et les Instituts Séculiers, mais encore « d’autres groupes ecclésiaux qui se sont engagés à un genre de vie déterminé par l’Évangile » ; cf. le quatrième alinéa de l’Introduction) (N.D.T.).

[2« La Porte Ouverte » commença à Berlin en 1968 (P. von Stillfried, S.J.) et se répandit rapidement en de nombreuses autres villes d’Allemagne. Ses centres d’accueil s’ouvrent librement à tout qui a des problèmes et souhaite être aidé à les résoudre, sans distinction de confession religieuse ou d’opinions politiques (N.D.T.).

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